Jurisprudence : CA Versailles, 30-03-2023, n° 21/03214, Confirmation


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 50A


3e chambre


ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 30 MARS 2023


N° RG 21/03214


N° Portalis DBV3-V-B7F-UQLR


AFFAIRE :


[X] [K]

...


C/


[C] [Aa]

...


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2021 par le Tribunal judiciaire de PONTOISE

N° Chambre : 2


N° RG : 19/03777


Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :


Me Martine DUPUIS


Me Leila VOLLE


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :


1/ Monsieur [X] [K]

né le … … … à … … … (…)

[Adresse 3]

[Localité 4]


2/ Madame [Abc] [I]

née le … … … à … (…)

[Adresse 3]

[Localité 4]


Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2166115

Représentant : Me Jonathan RUBIO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS



APPELANTS


****************


1/ Monsieur [Aa] [H]

né le … … … à … (…)

… … …

[Adresse 1]

[Localité 5]


2/ Madame [Y] [M]

née le … … … à … (…)

… … …

[Adresse 1]

[Localité 5]


Représentant : Me Leila VOLLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 718

Représentant : Me Alexandra MANCHES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS


INTIMES


****************



Composition de la cour :


En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Madame Florence PERRET, Président,,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,


Greffier, lors des débats : Madame Ad A,


------



FAITS ET PROCEDURE :


A la suite d'un compromis de vente signé le 21 juin 2015, M. [C] [Aa] et Mme [Y] [M] ont, par acte notarié du 15 septembre 2015, acquis une maison à usage d'habitation située [Adresse 1], composée d'un rez-de-chaussée, d'un étage et d'un sous-sol total aménagé, figurant au plan cadastral sous le numéro 1208, section AX, auprès de M. [Ae] [K] et Mme [R] [I], moyennant la somme de 390 000 euros.


Par le même acte, ils devenaient également propriétaires indivis d'un tiers d'une parcelle de terre, cadastrée numéro [Cadastre 2], section AX, correspondant au chemin de terre desservant leur maison et celles de certains de leurs voisins.


A l'occasion d'un dégât des eaux survenu en juin 2018, M. [Aa] et Mme [M] se sont aperçus que leur bien était construit sur des nappes phréatiques, tel que cela ressortait du rapport écrit par l'expert mandaté par l'assurance, et ont appris qu'une pompe de relevage avait été installée par les précédents propriétaires afin d'éviter des remontées d'eau.


Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 2018 restée sans réponse, M. [Aa] et Mme [M] ont mis en demeure M. [K] et Mme [I] de revenir vers eux pour trouver une solution compte tenu de la découverte de la pompe de relevage et de l'inondation subie en 2018 et assuré qu'à défaut, ils enclencheraient un processus judiciaire aux fins de résolution de l'acte de vente.


Par acte du 27 mai 2019, M. [Aa] et Mme [M] ont fait assigner M. [K] et Mme [Ac] devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de voir annuler la vente conclue.


Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :


- prononcé l'annulation de la vente du 15 septembre 2015 conclue entre M. [Aa] et Mme [M], d'une part, et M. [K] et Mme [Ac], d'autre part,

- ordonné la publication du jugement par la partie la plus diligente, aux frais exclusifs de M. [K] et Mme [I],

- remis les parties en l'état où elles étaient avant de conclure la vente,


- condamné M. [K] et Mme [Ac] à restituer à M. [Aa] et Mme [M] la somme de 390000 euros correspondant au prix de vente et la somme de 23 036 euros correspondant aux frais notariés,

- « débouté M. [K] et Mme [I] » (sic) de leur demande en remboursement des intérêts versés,

- condamné M. [K] et Mme [Ac] à verser à M. [Aa] et Mme [M] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [K] et Mme [Ac] à verser à M. [Aa] et Mme [M] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- condamné M. [K] et Mme [Ac] aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.


Sur la demande en annulation du contrat de vente, le tribunal a retenu que les vendeurs avaient caché aux acquéreurs une information déterminante en dissimulant le fait que le bien avait subi une importante inondation en 2016, déclarée catastrophe naturelle, dès lors, d'abord, que l'acte de vente ne mentionnait cette inondation que sous la forme d'une information très générale comme un des risques naturels présents dans la commune, ce qui ne permettait pas aux acquéreurs de prendre conscience de l'ampleur de l'inondation ayant fortement endommagé une pièce de vie, ensuite, que l'acte indiquait que l'immeuble n'avait pas subi de sinistre ayant donné lieu au versement d'une indemnité d'assurance en application des articles L.125-2 ou 128-2 du code des assurances🏛, alors que les vendeurs avaient certainement touché une indemnisation au titre de l'inondation de 2016, enfin, que les vendeurs ne démontraient pas avoir montré aux acquéreurs la pompe de relevage installée après l'inondation de 2016, alors que ladite pompe n'était pas visible lors des visites.


Le tribunal a par ailleurs jugé que l'aménagement du sous-sol en véritable pièce à vivre faisant partie du champ contractuel des parties, le fait qu'une inondation soit intervenue, environ un an avant la signature du compromis concernant un tiers de la surface du bien, ne pouvait être qu'une information déterminante pour les éventuels acquéreurs, le risque qu'une telle inondation survienne à nouveau et endommage une partie non négligeable du bien et des meubles s'y trouvant étant certain. Le tribunal en a déduit que les vendeurs s'étaient rendus responsables d'une réticence dolosive ayant vicié le consentement des acquéreurs.


Le tribunal a, en conséquence, prononcé l'annulation de la vente et condamné les vendeurs à payer aux acquéreurs le prix de vente, les frais notariés afférents à l'acte ainsi que des dommages-intérêts au titre du préjudice moral de ces derniers. Il a en revanche écarté la demande tenant aux frais relatifs au prêt bancaire et intérêts y afférents dès lors que, compte tenu de la disparition du contrat de prêt du fait de l'anéantissement du contrat de vente dont il était indivisible, il n'était pas démontré que les intérêts du prêt seraient à la charge des demandeurs, qui étaient libres de leur mode de financement ce dont ne pouvaient être tenus les défendeurs.



Par acte du 18 mai 2021, M. [K] et Mme [Ac] ont interjeté appel et prient la cour, par dernières écritures du 16 février 2022, de :


- déclarer recevable et fondé leur appel et y faire droit,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :


prononcé l'annulation de la vente,

ordonné la publication du jugement prononçant la nullité,

remis les parties en l'état où elles étaient avant de conclure la vente,

les a condamnés à restituer à M. [Aa] et Mme [M] la somme de 390 000 euros, correspondant au prix de vente et la somme de 23 036 euros correspondant aux frais notariés,

les a déboutés de leur demande en remboursement des intérêts versés,

les a condamnés à verser à M. [Aa] et Mme [M] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

les a condamnés aux entiers dépens,


Et statuant à nouveau,

À titre principal,

- déclarer qu'ils n'ont commis aucune réticence dolosive,

- prononcer l'absence de vice caché,

En conséquence,

- confirmer la validité de l'acte authentique de vente,

- débouter M. [Aa] et Mme [M] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,


A titre subsidiaire,

- condamner M. [Aa] et Mme [M] à leur payer une indemnité d'occupation de 1 300 euros par mois depuis le 15 septembre 2017 et ce jusqu'à leur départ du bien, soit un minimum de 62400 euros, le montant restant à parfaire jusqu'à la remise des clés par M. [Aa] et Mme [M] à M. [K] et Mme [I],

- réduire à de justes proportions les demandes financières formées par M. [Aa] et Mme [M],


En tout état de cause,

- débouter M. [Aa] et Mme [M] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- les condamner solidairement à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et la même somme à Mme [I],

- condamner solidairement M. [Aa] et Mme [M] aux entiers dépens de l'instance.


Principalement, M. [K] et Mme [I] contestent toute réticence dolosive et soutiennent, d'abord, que les acquéreurs ont reçu une information suffisante et loyale sur l'importance du risque d'inondation du bien et tout particulièrement sur celle survenue en 2016, puisque qu'étaient annexés à l'acte de vente l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle du 15 juin 2016, l'arrêté du 19 décembre 2013 indiquant que la commune d'[Localité 5] est exposée au risque d'inondations et fait l'objet d'un plan de prévention des risques inondations, un état des risques naturels, miniers et technologique (en page 59), une fiche communale d'informations sur les risques naturels, miniers et technologiques (en page 63), un document intitulé « arrêté préfectoral ' déclaration de sinistre - cartographie des risques » ainsi qu'une note d'urbanisme contenant des informations sur les risques majeurs d'inondations sur la commune et des informations sur le bien, ces annexes faisant partie intégrante de l'acte de vente et portant les paraphes et signatures des acquéreurs.


Ils précisent que si la commune est exposée aux risques d'inondations, la localisation de l'immeuble est située en dehors de la zone concernée et qu'en onze ans d'occupation du bien, une seule inondation du sous-sol est intervenue.


Ils confirment que, comme stipulé à l'acte de vente, aucune indemnité d'assurance en application des articles L.125-2 ou L.128-2 du code des assurances ne leur a été versée, aucun des sinistres figurant dans l'« attestation de relevé de sinistralité » produite par les intimés ne concernant une inondation.


Ils indiquent que l'omission, dans le document intitulé « Déclaration de sinistres indemnisés - L.125-5 du code de l'environnement🏛 - Adresse de l'immeuble : [Adresse 1] », leur permettant de cocher la case relative à une éventuelle indemnisation versée, est un simple oubli de leur part en l'absence d'indication par leur notaire sur la nécessité de remplir cette rubrique et doit être appréciée à la lumière des autres mentions figurant dans l'acte.


Ils ajoutent que les acquéreurs ont nécessairement eu connaissance de l'existence d'une pompe de relevage, qui constitue à leurs yeux une amélioration par rapport au système initial, dès lors qu'ils ont visité l'intégralité du bien avant leur acquisition en présence d'un agent immobilier.


Par ailleurs, ils excipent de leur bonne foi et, partant, de l'absence d'élément intentionnel, nécessaire à la caractérisation de la réticence dolosive.


Enfin, ils soutiennent n'avoir jamais eu connaissance de la volonté des acquéreurs de faire du sous-sol une réelle pièce à vivre, le permis de construire faisant état d'une pièce sans ouverture et sans fenêtre et les intimés ne démontrant pas dans quelle mesure l'existence ou non de fenêtres en sous-sol aurait été déterminante de leur consentement à l'acquisition.


Subsidiairement, sur l'absence de vices cachés, M. [K] et Mme [I] s'opposent à toute garantie des vices cachés.


Ils reprennent en grande partie les arguments précédents , ajoutant que la prétendue existence de nappes phréatiques, qui n'est nullement justifiée par les intimés, n'a jamais été portée à leur connaissance.


Ils contestent, ensuite, le caractère caché du défaut allégué et le fait qu'il rendrait la chose impropre à l'usage auquel elle est destinée, compte tenu de la fréquence des inondations, seuls deux sinistres de cette nature s'étant produits en quatorze années. Ils affirment que les acquéreurs ont dû être indemnisés par leur assureur.


Enfin, ils se prévalent de la clause d'exonération de garantie des vices cachés stipulée à l'acte.


A titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la vente, ils sollicitent la réduction du montant des demandes indemnitaires formées par les intimés. Ils soutiennent que les acquéreurs ne justifient d'aucun préjudice moral, dans la mesure où ils ont été indemnisés par leur assureur et qu'ils n'ont supporté aucun coût au titre de l'installation de la pompe de relevage, leur préjudice étant intégralement réparé par la restitution du prix de vente et des frais notariés. Ils s'estiment par ailleurs bien fondés à solliciter une indemnité d'occupation, appréciée au regard de la valeur locative du bien depuis le 15 septembre 2017, l'annulation de la vente les ayant replacés rétroactivement en qualité de propriétaires du bien, pourtant occupé sans dédommagement par M. [Aa] et Mme [M] depuis la date d'acquisition.


Par dernières écritures du 23 novembre 2022, M. [Aa] et Mme [M] prient la cour de :


In limine litis,

- déclarer irrecevable la demande de M. [K] et de Mme [Ac] de voir condamner M. [Aa] et Mme [M] au paiement d'une indemnité d'occupation à hauteur de 62 400 euros (à parfaire) présentée pour la première fois en appel,


Au fond,

- les déclarer recevables et bien fondés dans leurs demandes et prétentions dans le cadre de la présente procédure d'appel,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :


prononcé l'annulation de la vente,

ordonné la publication du jugement prononçant la nullité de la vente,

remis les parties en l'état où elles étaient avant de conclure la vente,

condamné M. [K] et Mme [Ac] à leur restituer la somme de 390 000 euros correspondant au prix de vente et la somme de 23 036 euros correspondant aux frais notariés, sauf en ce qui concerne le quantum des sommes allouées à ce titre, M. [Aa] et Mme [M] formulant appel incident sur ce point

débouté M. [K] et Mme [Ac] de leur demande en remboursement des intérêts versés,

condamné M. [K] et Mme [Ac] à leur verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, sauf en ce qui concerne le quantum des sommes allouées à ce titre, M. [Aa] et Mme [M] formulant appel incident sur ce point

condamné M. [K] et Mme [Ac] à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [K] et Mme [Ac] aux entiers dépens,


Et dans le cadre de l'appel incident,

- infirmer d'une part, le jugement attaqué sur le quantum des frais afférents à la vente accordés, en ce qu'il n'a pas inclus les frais bancaires afférents à la vente immobilière, à hauteur de 20749,21 euros (à parfaire),

- condamner en conséquence M. [K] et Mme [I] à régler les frais bancaires afférents à la vente immobilière qui s'élèvent à la somme de 33 449,14 euros,

- infirmer d'autre part, le jugement attaqué sur le quantum des dommages-intérêts qui leur ont été accordés,

- 'condamner en conséquence M. [K] et Mme [I] à verser, en sus des sommes dues au titre du préjudice moral, la somme de 70 000 euros (à parfaire) correspondant au préjudice financier subi par les intimés, en ayant confirmé le jugement attaqué en accordant en sus, la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [Aa] et Mme [M] et accordé à juste titre par le tribunal de Pontoise' (sic),


En conséquence,

- débouter M. [K] et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes et prétentions présentées en cause d'appel,


En tout état de cause,

- condamner M. [K] et Mme [Ac] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] et Mme [Ac] aux entiers dépens de la présente procédure en application 699 du code de procédure civile.


In limine litis, M. [Aa] et Mme [M] invoquent l'irrecevabilité de la demande des appelants relative au paiement d'une indemnité d'occupation, en tant que prétention nouvelle en cause d'appel au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile🏛.


Principalement, M. [Aa] et Mme [M] font valoir la nullité de la vente pour réticence dolosive, dès lors que plusieurs informations déterminantes leur ont été sciemment cachées par les vendeurs, à savoir la survenue d'une inondation en 2016, plus généralement le risque d'inondations et l'existence d'une pompe de relevage. Ils exposent avoir subi, en juin 2018, une inondation de leur sous-sol, vendu comme une surface habitable dans lequel ils avaient aménagé leur chambre parentale, ce qui a causé d'importants dégâts matériels.


Ils indiquent d'abord que l'inondation de mai 2016 n'est mentionnée, dans le descriptif des risques naturels, que sous la forme d'une ligne dans l'énumération du nombre d'arrêtés de catastrophe naturelle, ce qui ne leur permettait pas d'avoir connaissance du fait que le bien avait subi de fortes inondations ayant endommagé une des pièces de vie, ni de savoir si les précédents propriétaires avaient été indemnisés pour de tels dégâts ou si ces derniers avaient fait réaliser des travaux préventifs. Ils soulignent que figure dans les annexes, un document intitulé « déclaration de sinistres indemnisés », signé par l'acquéreur et le vendeur, qui n'est nullement renseigné dont ni la case « oui » ni la case « non » n'est cochée pour chacune des éventuelles indemnisations versées. Ils relèvent que contrairement aux stipulations de l'acte de vente, le document relatif aux sinistres déclarés à leur assureur fait état d'un sinistre déclaré à la période à laquelle est survenue l'inondation en mai 2016, intitulé « matériel ».


Ils soutiennent, par ailleurs, ne pas avoir été informés de façon générale du risque d'inondation pouvant toucher le bien, objet de la vente, dès lors que si les documents annexés à l'acte mentionnent que la commune est soumise à un plan de prévention risque inondation, l'immeuble n'est pas situé dans le périmètre dudit plan.


Ils font enfin grief aux vendeurs de ne pas les avoir informés de l'existence d'une pompe de relevage, qu'ils ne pouvaient découvrir par eux-mêmes lors de la visite du bien.


Subsidiairement, M. [Aa] et Mme [M] estiment que le sous-sol du bien est affecté d'un défaut tenant à la présence de nappes phréatiques susceptibles de déborder en cas de pluies fréquentes et abondantes sur une courte période, phénomène qui doit être qualifié de vice caché au sens de l'article 1641 du code civil🏛.


Ils considèrent que ce vice présente un caractère rédhibitoire, en ce qu'il rend impropre à sa destination le bien acquis ou, à tout le moins, le sous-sol vendu comme habitable, aucuns travaux ne pouvant remédier à la présence de ces nappes phréatiques et la pompe de relevage n'ayant pas permis d'empêcher le dégât des eaux.


Ils soutiennent que le vice est également antérieur à la vente, ce qui se déduit de l'installation d'une pompe de relevage par les vendeurs en 2016, étant précisé que le seul fait qu'il s'agisse d'un vice du sol suffit à prouver son antériorité.


Ils font en outre valoir le caractère caché du vice, dont ils ne pouvaient se convaincre par eux-mêmes en tant que profanes en matière immobilière et dont ils n'ont pu avoir connaissance ni lors des visites du bien, la pompe de relevage étant enterrée et accessible uniquement par une trappe dans le local technique situé dans le sous-sol qui était encombré par les affaires stockées par les vendeurs, d'une part, ni par les documents remis au moment de la vente, d'autre part.


Ils ajoutent enfin qu'eu égard à leur parfaite connaissance du vice, les vendeurs ne sauraient se prévaloir de la clause limitative de garantie stipulée à l'acte de vente.


Ils sollicitent, en conséquence, la confirmation du jugement dans ses dispositions relatives à la restitution du prix de vente et des frais engagés ainsi que l'indemnisation de leur préjudice moral pour avoir dû renoncer à se projeter dans la maison choisie pour la vie de leur famille, devant désormais déménager et trouver une nouvelle habitation.


Ils font en outre valoir un préjudice financier dans la mesure où ils doivent acquérir un nouveau bien dans le secteur, alors que le contexte économique et le marché immobilier sont beaucoup plus tendus, de sorte que les prix sont bien plus élevés qu'à la date à laquelle ils ont acquis le bien, objet de la vente, les vendeurs pouvant quant à eux bénéficier de ce contexte en revendant leur bien au prix du marché actuel.


Ils s'opposent à la demande des appelants au titre de l'indemnité d'occupation qu'ils estiment infondée, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation et du comportement dolosif des vendeurs à leur égard.


La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛 pour un exposé complet de leur argumentation.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.



SUR QUOI :


Sur la demande d'annulation de la vente immobilière fondée sur le dol :


Aux termes de l'article 1137 du code civil🏛 dans sa rédaction modifiée par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛, le dol est le fait pour un cocontractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges ou la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.


C'est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; le dol ne se présume pas, il doit être prouvé.


Il est de principe que le dol peut être constitué par le silence d'une partie.


Aux termes de l'article 1112-1 du code civil🏛, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.


Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1 130 et suivants.


Le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.


Le dol est sanctionné de deux manières qui reflètent son double aspect :


par l'annulation du contrat, s'agissant d'un vice du consentement,

par la réparation du préjudice, s'agissant d'un délit civil.


Il est de principe que la réparation peut être demandée en plus de l'annulation si celle-ci laisse subsister un préjudice.


Il n'est pas contesté que les intimés ont déclaré à leur assureur un dégât des eaux très important en juin 2018 lors de pluies très soutenues sur la zone d'[Localité 5] qui ont inondé le sous-sol semi-enterré avec ouvertures aménagé par les anciens propriétaires, les nouveaux y ayant installé la chambre parentale.


Le fait que M. [Aa] et Mme [M] aient été indemnisés par leur assureur des dégâts causés au parquet 'type planchettes de bois', aux peintures des murs, aux meubles et aux diverses affaires pour un peu plus de 7 000 euros, est parfaitement indifférent à la résolution du litige, outre qu'il laisse subsister un préjudice moral important.


L'expert envoyé par la Maif a déclaré savoir qu'il existait des sources et des nappes phréatiques passant sous la maison comme mentionné dans son rapport du 13 juin 2018 .


Ayant appris parallèlement par des voisins que les vendeurs avaient subi une sévère inondation en 2016 et qu'après cet épisode, ils avaient fait installer une pompe de relevage afin de parer au renouvellement du phénomène, les intimés ont pu valablement redouter que celui-ci se reproduise.


M. [E] [V] habitant au [Adresse 1] a témoigné de façon formelle sur la survenue de cette inondation en mai 2016 ayant affecté les maisons 105 A, 105 B (la sienne) et 105 C (celle des vendeurs) ce qui avait entraîné par voie de conséquence l'installation de la pompe précitée dans la cave du bien immobilier des appelants.


Mme [F] [Z] épouse [D] a témoigné dans le même sens, précisant que les trois maisons étaient mitoyennes et avaient subi 'des dégâts similaires.'


Si la situation particulière de la maison des acquéreurs ne se situe effectivement pas dans le périmètre du plan de prévention des risques naturels (PPRI) de la commune d'[Localité 5], cela ne la prémunit d'évidence pas du risque d'inondation ce dont les appelants ne peuvent avoir eu alors connaissance que pour l'avoir subi personnellement. Il était justement d'autant plus important de les informer de ce risque du fait de cette exclusion du périmètre du plan qui pouvait être trompeuse.


Les vendeurs ne rapportent nullement la preuve de ce qu'ils ont averti les acheteurs tant de l'inondation passée de mai 2016 autrement que par l'annexion à l'acte de vente d'un arrêté de catastrophe naturelle affectant d'une façon générale la commune d'[Localité 5] sans référence aucune à leur bien particulier, du risque attaché à cet événement en raison de la situation particulière de la maison (en contrebas et construite sur des sources et des nappes phréatiques) ou de l'installation d'une pompe de relevage dans leur cave dont ils n'ont fourni ni la facture, ni la notice. Or, un tel matériel qui est destinée en l'espèce aux eaux pluviales et non aux eaux usées, ce que ne contestent pas M. [K] et Mme [Ac], s'entretient régulièrement et éventuellement se répare ; l'omission n'est donc pas anodine.


Les appelants prétendent avoir montré eux-mêmes l'installation de pompage en présence de l'agent immobilier mais ne versent aux débats aucune attestation de ce dernier confirmant cet épisode.


Bien au contraire, figure au dossier des intimés une attestation de Mme [A] [G] du cabinet Nestenn en date du 2 décembre 2021 situé à [Localité 5] établissant qu'au cours des deux visites faites en sa présence par ses clients, M. [Aa] et Mme [M], 'la maison était toujours encombrée et le sous-sol en travaux [...] les propriétaires n'ont jamais évoqué ni la pompe de relevage ni les problèmes d'inondations qu'ils ont rencontrés avant la vente.'


Il est également significatif que dans l'acte de vente à la page 19 dans le paragraphe 'Dispositifs particuliers' soit évoquée l'absence de plusieurs équipements et concernant le dispositif touchant aux eaux de pluie, ne soit pas mentionnée l'existence d'une pompe enterrée dans la cave, surtout si elle est considérée par les vendeurs comme une amélioration de l'équipement de la maison.


Une autre preuve du silence dolosif des appelants consiste à prétendre qu'ils n'ont fait aucune déclaration de sinistre pour cette inondation de mai 2016 et donc, ne pas avoir reçu d'indemnisation alors qu'il est prouvé qu'ils ont déclaré à leur assureur (sous la référence 16 IM87309B) un sinistre dit 'matériel' le 31 mai 2016 au sujet duquel ils ne donnent à la cour strictement aucune information concrète, sur sa nature, son importance et sa localisation.


En outre, figure dans les annexes de vente un document établi le 09 juin 2017 intitulé "Déclaration de sinistres indemnisés - L. 125-5 du code de l'environnement - Adresse de l'immeuble.105 boulevard des Ambassadeurs", non renseigné pour chacune des éventuelles indemnisations versées. Ainsi, s'il existe bien une ligne intitulée "inondations et coulées de boues - arrêté en date du 15 juin 2016", il n'est pas renseigné si une indemnité à ce titre a été ou non, versée ce qui aurait pu constituer une indication précieuse pour les acquéreurs.


Ils n'apportent aucune explication autre qu'un simple oubli quant aux mentions ci-dessus citées. Cette inondation de mai 2016 ayant été reconnue comme catastrophe naturelle aux termes d'un arrêté rendu au mois de juin 2016, il peut en être déduit que les indemnisations versées l'ont été au titre de l'article L.125-2 du code des assurances. Ce texte fait référence à l'assurance des risques de catastrophe naturelle et c'est bien cette même garantie qui a été visée par le rapport de l'expert de la Maif après l'inondation de 2018 reconnue comme catastrophe naturelle au bénéfice des acquéreurs.


Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que M. [X] [K] et Mme [R] [I] ont caché une information à leurs acquéreurs.


Afin de déterminer si ce manquement à l'obligation d'information peut constituer une réticence dolosive, il appartient à la cour de déterminer si cette information était déterminante dans la volonté des parties de conclure la vente.


L'acte de vente mentionne en page 4 que le bien vendu est une maison à usage d'habitation "élevée sur sous-total divisé en local technique, buanderie, bureau, deux pièces, salle d'eau, water closet, d'un rez- de chaussée...". Cette mention permet ainsi de déduire que l'aménagement du sous-sol en véritable pièce à vivre faisait partie du champ contractuel des parties.


Dès lors, cacher la survenue d'une inondation intervenue environ un an avant la signature du compromis et concernant presque un tiers de la surface du bien, puisque le sous-sol est considéré comme pièce à vivre, ne peut être qu'une information déterminante pour les éventuels acquéreurs quant au risque pris qu'une telle inondation survienne de nouveau et immobilise et endommage une partie non négligeable du bien qu'ils occupent et du matériel qui y est entreposé.


La cour adopte ces considérations développées par le tribunal au soutien du caractère déterminant de la dissimulation opérée, celui de son caractère intentionnel étant suffisamment démontré par la convergence des éléments de fait précités.


La décision déférée sera confirmée sur l'annulation de la vente pour dol des vendeurs.


La demande subsidiaire relative à l'existence d'un vice caché n'a plus d'objet.


S'agissant de l'indemnisation :


L'article L 312-55 du code de la consommation🏛 prévoit que le contrat de crédit est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.


La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a ordonné que le prix principal de 390 000 euros soit restitué par les vendeurs aux acquéreurs.


En revanche, les restitutions consécutives à l'annulation de la vente qui doivent remettre les parties dans leur position respective antérieure à l'acte principal annulé, sont circonscrites à la sphère contractuelle, soit aux seuls rapports entre les vendeurs et les acquéreurs.


Si c'est bien le cas des frais de notaire liés à l'acte authentique passé entre les parties pour la somme de 23 036 euros, en revanche, le caractère indissociable de l'opération d'achat et de crédit entraîne pour la banque l'obligation de restituer les intérêts et frais perçus à l'occasion de l'emprunt. Néanmoins, n'ayant pas été mise en cause en l'espèce, elle ne peut se voir condamnée à le faire dans la présente instance.


La décision déférée sera en conséquence confirmée s'agissant de la condamnation des vendeurs à payer aux acquéreurs la somme de 23 036 euros en remboursement des frais d'acte notarié de même que le rejet de la demande des acquéreurs au titre des frais et intérêts bancaires (attribuée par erreur aux vendeurs par le tribunal dans son dispositif).


La somme de 5 000 euros attribuée à titre de réparation du préjudice moral des intimés sera confirmée, préjudice qui découle du comportement des vendeurs à leur égard et du souci généré par la présente procédure.


Les intimés ont également formé appel incident pour obtenir la somme de 70 000 euros pour compenser la hausse du marché immobilier alors qu'ils vont être obligés de racheter une maison plusieurs années après l'acquisition de celle du bld des Ambassadeurs à [Localité 5]. Ils produisent à cet égard une carte issue de la chambre départementale des notaires qui démontrerait que les prix des maisons anciennes ont augmenté de 21,5% permettant ainsi à M. [K] et Mme [Ac] de percevoir 83 850 euros de plus en cas de revente.


S'il ne peut être nié que le marché immobilier a enchéri pendant presque 7 ans, ce qui leur cause un préjudice en lien de causalité direct avec l'annulation de la vente, le préjudice, n'étant pas démontré dans les proportions alléguées, sera justement réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros.


Sur les demandes des appelants :


La demande des appelants tenant au paiement d'une indemnité d'occupation de 1 300 euros par mois par les intimés n'a pas le caractère d'une demande nouvelle, n'étant que l'accessoire des prétentions soumises aux premiers juges.


En revanche, sur le fond, l'occupation de l'immeuble pendant le laps de temps qui s'est écoulé depuis la vente étant la conséquence de leur propre faute, elle sera rejetée.


Sur les frais irrépétibles et les dépens :


Les dispositions du jugement déféré de ces deux chefs sont confirmées.


Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [Aa] et Mme [M] les frais engendrés par la présente procédure d'appel. Les appelants seront condamnés à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



PAR CES MOTIFS :


La cour,


Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,


Y ajoutant,


Condamne M. [K] et Mme [Ac] à payer à M. [Aa] et Mme [M] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts tenant à l'enchérissement du marché immobilier,


Déboute M. [K] et Mme [Ac] de leur demande relative au paiement d'une indemnité d'occupation par M. [Aa] et Mme [M],


Condamne M. [Aa] et Mme [M] aux entiers dépens d'appel.


- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


- signé par Madame PERRET, Président, et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le Greffier, Le Président,

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