Jurisprudence : CA Grenoble, 28-03-2023, n° 21/01298, Infirmation partielle

CA Grenoble, 28-03-2023, n° 21/01298, Infirmation partielle

A17589M3

Référence

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N° RG 21/01298 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KZHH

C3

N° Minute :


Copie exécutoire délivrée


le :

à :


la SELARL AEGIS


la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE GRENOBLE


1ERE CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU MARDI 28 MARS 2023


Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/01859)

rendu par le Tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 17 décembre 2020

suivant déclaration d'appel du 16 Mars 2021



APPELANTS :


M. [K] [K]

né le … … … à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]


S.C.I. LA YAUTE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]


représentés par Me Sandrine CUVIER de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de VALENCE


INTIMÉE :


S.A.R.L. NEXUS PATRIMOINE exerçant sous l'enseigne NP GESTION PRIVEE - FLORENT PAQUEZ FINANCE

[Adresse 3]

[Localité 2]


représentée et plaidant par Me Franck BENHAMOU de la SCP VBA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE



COMPOSITION DE LA COUR: LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ


Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,


Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier


DÉBATS :


A l'audience publique du 20 février 2023, madame [P] a été entendue en son rapport.


Les avocats ont été entendus en leurs observations.


Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.


*****



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


Courant février 2018, M. [M] [K], expert-comptable, a été présenté à la société Nexus Patrimoine exerçant sous le nom commercial NP Gestion Pivée-Florent Paquez Finance ayant pour activité le conseil en patrimoine et la recherche d'offres de financement (ci-après désignée «'la Société'»), à l'effet d'étudier le financement de deux projets immobiliers, l'un à titre personnel qui n'est pas concerné par le présent litige, et l'autre concernant une SCI familiale en cours de constitution en mars 2018, la SCI La Yaute, qui était représentée par M. [K], l'objectif de celle-ci étant de signer un compromis de vente pour l'achat d'un chalet à usage locatif et à usage personnel à [Localité 5].


La Société a adressé à M. [K] une lettre de mission le 7 mars 2018 reprenant les trois objectifs, à savoir, l'étude d'un investissement à vocation de résidence secondaire et de location, l'étude de la faisabilité du financement et recherche d'un financement, l'étude d'un placement financier en endossement, et fixant les honoraires à 2,8'% HT du montant financé.'; il y était joint deux recueils d'informations (un pour M. [K] et l'autre pour ses beaux-parents) à lui retourner signés par mail.


Le 15 juin 2018, M. [K] a retourné à la Société la lettre de mission signée avec notamment le compromis de vente a été signé le 22 mars 2018 pour le chalet de [Localité 5] , le recueil d'informations concernant ses beaux-parents'; sur relance de la Société, il a transmis son recueil personnel d'informations par mail du 1er août 2018.


Les dates prévues initialement au compromis pour l'obtention du prêt et la réitération de la vente étant dépassées, un avenant au compromis de vente a été régularisé prévoyant le report de la date limite d'obtention du prêt au 7 septembre 2018. Celui-ci a été adressé par M'.[K] à la Société le 29 août 2018.


La Société a mandaté la société Crédipro, spécialisée en crédit professionnel, pour prendre en charge le dossier de recherche de financement de M. [K] pour le compte de la SCI La Yaute'; le 26 septembre 2018, le CIC a donné un accord de financement à hauteur de 620.000€.


Le 27 novembre 2018, la Société a émis une facture de 15.500€ HT, soit 18.600€ TTC, au titre de ses honoraires.


Malgré une première relance par mail le 7 février 2019, suivie d'une seconde par courrier recommandé le 13 février 2019 puis d'une mise en demeure par courrier recommandé avec AR du 22 mars 2019 (reçue le 23 mars suivant), M. [K] et la SCI La Yaute ont refusé de régler cette facture en soutenant que la Société n'avait pas réalisé la mission définie dans la lettre du 7 mars 2018, le prêt obtenu n'étant pas un prêt in fine.


Suivant actes extrajudiciaires des 28 juin et 1er juillet 2019, la Société a assigné en paiement M. [K] et la SCI La Yaute devant le tribunal de grande instance de Valence.



Par jugement contradictoire du 17 décembre 2020, le tribunal précité devenu tribunal judiciaire, a':


révoqué l'ordonnance de clôture du 11 septembre 2020 fixant la clôture au 22 octobre 2020 et fixé la nouvelle clôture au 4 novembre 2020,

déclaré recevables et partiellement fondées les demandes de la Société,

condamné solidairement M. [K] et la SCI La Yaute à verser à la Société la somme de 12.600€ à titre d'honoraires, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 février 2019,

débouté la Société de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire de recouvrement de 40€,

débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts et d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties et recouvrés au profit de Me Benhamou conformément à l'article 699 du code de procédure civile🏛,

rejeté toute prétention plus ample ou contraire des parties,

ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions.



M. [K] et la SCI La Yaute ont relevé appel par deux déclarations déposées respectivement le 16 mars 2021 (RG 21/01298) et le 17 mars 2021(RG 21/01309).


Ces deux instances d'appel ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 avril 2021, l'instance se poursuivant sous la référence RG 21/01298.


Dans leurs dernières conclusions déposées le 2 février 2023 sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile🏛, 1103, 1104, 1131, 1137, 1217, 1220 et 1224 du code civil, M. [K] et la SCI La Yaute demandent que la cour, les déclarant recevables et bien fondés dans leur appel, infirme le jugement déféré , et statuant à nouveau':


à titre principal, sur l'irrecevabilité des demandes de la Société,

juge que dans la lettre de mission en date du 7 mars 2018 signée le 14 juin 2018 une procédure de médiation obligatoire et préalable à la saisine du juge est stipulée

juge que la Société n'a pas respecté cette clause de médiation obligatoire avant la saisine de la juridiction,


en conséquence,


déclare irrecevable les demandes de la Société à leur encontre eu égard à la clause de médiation,

déboute la Société de l'ensemble de ses demandes à leur encontre,


à titre subsidiaire, sur la nullité de la lettre de mission pour dol,

juge que pour eux l'obtention d'un financement in fine avec adossement sur un placement financier était une condition essentielle et déterminante de leur consentement,

juge que la Société a omis de leur indiquer que l'obtention d'un financement in fine avec adossement sur un placement financier n'était pas faisable lors de la souscription de la lettre de mission,


en conséquence,


déclare nulle la lettre de mission du 7 mars 2018 signée le 14 juin 2018 de la Société en vertu de leur vice du consentement,

déboute la Société de l'ensemble de ses demandes à leur encontre,

condamne la Société à leur payer la somme de 20.000€ à titre de dommages intérêts


à titre infiniment subsidiaire, sur le non-respect des obligations contractuelles de la Société et l'exception d'inexécution,

juge que la Société n'a pas respecté ses obligations contractuelles d'obtention de prêt in fine,


en conséquence,


prononce la résolution de la lettre de mission de la Société de l'ensemble de ses demandes à leur encontre,

condamne la Société à leur payer la somme de 20.000€ à titre de dommages intérêts,


dans tous les cas,

déboute la Société de l'intégralité de ses demandes et notamment celles relatives au paiement de :

40€ au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement

5.000€ à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et injustifié

5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour cause d'appel

4.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause de première instance

condamne la Société à leur payer la somme de 3.000€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Me Sandrine Cuvier.


Dans ses dernières écritures d'appel déposées le 10 septembre 2021 sur le fondement des articles 1134 et suivants du code civil🏛, L.441-6 du code de commerce🏛, la Société demande à la cour de':


confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables ses demandes,

juger ses demandes fondées dans leur intégralité,


en conséquence,


débouter M. [K] et la SCI La Yaute de l'ensemble de leurs demandes,


réformer le jugement déféré en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes, en conséquence de la réformation,

condamner M. [K] et la SCI La Yaute, solidairement, à payer,

la somme de 18.600€ outre les intérêts de retard calculés au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du 27 novembre 2018,

la somme de 40€ au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

la somme de 2.500€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifée pour la cause de première instance,

la somme de 4.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause de première instance,

condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance,


y ajoutant,


condamner solidairement M. [K] et la SCI La Yaute à payer la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et injustifié, et celle de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la cause d'appel,

condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens d'appel,

juger que conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile , Me Franck Benhamou pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.


L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2023.



MOTIFS


Sur la fin de non-recevoir


Les appelants défendent l'irrecevabilité des demandes formées à leur encontre par la Société en soutenant qu'elle aurait du saisir le médiateur avant d'agir en justice, la lettre de mission instituant une procédure de conciliation avec saisine du médiateur de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) préalablement à toute action en justice'; ils critiquent également les premiers juges ayant rejeté cette fin de non-recevoir au motif que le litige portant sur l'exécution d'une mission de conseil en investissements financiers, la clause prévoyant la saisine préalable du médiateur de l'AMF ne saurait trouver à s'appliquer, en affirmant au contraire la parfaite compétence de ce dernier à l'égard des investissements financiers.


La Société réplique que le médiateur de l'AMF est exclusivement compétent pour connaître des litiges opposant un épargnant ou un investisseur en matière financière , et que la clause figurant dans la lettre de mission instituant une conciliation préalable avec recours à ce médiateur, n'a vocation à être mobilisée, sans caractère contraignant ,que lorsqu'elle intervient en tant que conseil en gestion financière, le médiateur de l'AMF n'étant pas compétent en matière bancaire et donc en matière de courtage en crédit.

Elle ajoute que cette clause rédigée en termes conditionnels et non impératifs ne constitue pas un préalable obligatoire avant la saisine de la juridiction, étant à vocation générale.


La lettre de mission qui fixe le cadre contractuel des relations entre les parties, contient un son article 7 «'litige'» ainsi rédigé':

«'En cas de litige ou de réclamation du client, les parties contractantes s'engagent à rechercher en premier lieu un arrangement amiable.Le client pourra présenter sa réclamation à l'adresse du cabinet ou gestionnaire habituel qui disposera de 10 jours pour accuser réception de la réclamation pour y répondre.

A défaut d'arrangement amiable, les parties pourront en second lieu informer le médiateur de l'AMF (suivent le nom du médiateur et l'adresse).

En cas d'échec, le litige pourra être porté devant les tribunaux judiciaires'».


Ainsi, en l'absence de l' arrangement amiable qu'il incombe aux parties de trouver, cette clause instituant une procédure de médiation préalable à la saisine du juge s'impose aux parties.

Le libellé de cette clause n'est aucunement conditionnel, les termes « le client pourra'» ou encore «'les parties pourront'» devant s'entendre comme l'autorisation, le pouvoir donné aux parties d'initier un arrangement amiable et à défaut une médiation, avant d'envisager l'éventualité de saisir les tribunaux, cette saisine étant cette fois-ci simplement envisagée (en cas d'échec, le litige pourrait être porté'»).


Ensuite, le médiateur de l'AMF peut être saisi par tout épargnant ou investisseur , consommateur, personne physique ou personne morale ayant un différend individuel avec un intermédiaire financier ou un émetteur'; toutefois, il n'a pas compétence en matière fiscale, d'assurance ou d'opérations bancaires.

Or en l'espèce, sa compétence ne peut être discutée, dès lors que la Société est intervenue en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine indépendant pour étudier le projet d'investissement de M. [K] et à la SCI La Yaute sur un chalet à vocation de résidence secondaire et de location et en qualité de conseiller en gestion financière, ayant reçu pour mission d'étudier un placement financier en adossement du prêt.


Sans plus ample discussion, le jugement est infirmé, les demandes de la Société y compris celle en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive étant irrecevables comme se heurtant à la fin de non-recevoir tirée de la procédure de médiation contractuellement prévue dans la lettre de mission, procédure qu'elle n'a pas respecté préalablement à la délivrance de son assignation en justice.


Sur les dommages et intérêts


La société est également déboutée de sa réclamation indemnitaire pour appel abusif dès lors qu'elle succombe en appel dans ses prétentions.


Sur les mesures accessoires


Succombant dans ses prétentions, la Société est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement, et doit assumer la charge de ses frais irrépétibles'; elle est condamnée à verser aux appelants une indemnité de procédure pour toute l'instance.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,


Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la révocation de l'ordonnance de clôture qui ne sont pas susceptibles de recours,


Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,


Dit irrecevables les demandes présentées par la société Nexus Patrimoine exerçant sous le nom commercial NP Gestion Pivée-Florent Paquez Finance eu égard à la clause de médiation,


Déboute la société Nexus Patrimoine exerçant sous le nom commercial NP Gestion Pivée-Florent Paquez Finance de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,


Condamne la société Nexus Patrimoine exerçant sous le nom commercial NP Gestion Pivée-Florent Paquez Finance à verser à M. [M] [K] et à la SCI La Yaute, unis d'intérêt, une indemnité de procédure de 3.000€ pour l'ensemble de l'instance,


Déboute la société Nexus Patrimoine exerçant sous le nom commercial NP Gestion Pivée-Florent Paquez Finance de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, y compris en appel,


Condamne la société Nexus Patrimoine exerçant sous le nom commercial NP Gestion Pivée-Florent Paquez Finance aux dépens de première instance et d'appel , avec recouvrement pour ceux d'appel par Me Sandrine Cuvier, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.


Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛,


Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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