Jurisprudence : Cass. civ. 1, 29-03-2023, n° 22-10.001, FS-B, Cassation

Cass. civ. 1, 29-03-2023, n° 22-10.001, FS-B, Cassation

A39219LS

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C100211

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047395829

Référence

Cass. civ. 1, 29-03-2023, n° 22-10.001, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/94546495-cass-civ-1-29032023-n-2210001-fsb-cassation
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Abstract

Il résulte de l'article 1998 du code civil que, même lorsque le mandataire détourne ses pouvoirs au détriment du mandant, les engagements pris par le mandataire à l'égard d'un tiers obligent le mandant, sauf si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l'ignorer


CIV. 1

SG


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 mars 2023


Cassation


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 211 FS-B

Pourvoi n° A 22-10.001


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 MARS 2023


M. [P] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 22-10.001 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Aa] [M], domicilié [… …],

2°/ à la société Carclassic, dont le siège est [Adresse 4]), prise en la personne du préposé de l'officie des faillites des Frances-Montages, domicilié [… …],

défendeurs à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.


Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. [K], de la SCP Duhamel Rameix Gury Maitre, avocat de M. [M], et l'avis oral et écrit de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Ab, Mornet et Chevalier, Mmes Kerner-Menay et Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes A Ac, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2021) et les pièces de la procédure, le 28 janvier 2013, M. [M] a donné mandat à la société Carclassic, représentée par M. [Ad], de vendre son véhicule de marque Ae, au prix de 160 000 euros.

2. La société Carclassic a fait l'objet d'une procédure de « faillite », ouverte le 18 août 2014 en Suisse.

3. M. [Ad] a été mis en examen des chefs d'abus de confiance aggravés et d'escroquerie commis au préjudice notamment de M. [M] et de M. [K], qui prétendait avoir acquis le véhicule le 2 juin 2013 par l'intermédiaire de la société Carclassic. Le véhicule a été placé sous mains de justice et, par décision du 6 janvier 2016, le juge d'instruction a rejeté la demande de restitution formée par M. [M], en raison du conflit l'opposant à M. [K] qui revendiquait la propriété du véhicule.

4. Le 16 novembre 2016, M. [M] a assigné M. [K] et la société Carclassic, prise en la personne du préposé de l'office des faillites des Frances-Montages, afin que la prétendue vente du 2 juin 2013 soit jugée inexistante.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. M. [K] fait grief à l'arrêt de dire que le véhicule ne lui a pas été vendu, alors :

« 1°/ que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ; que la cour d'appel a déclaré que le mandat de vente du véhicule Ae litigieux pour la somme de 160 000 euros net, donné par M. [M], propriétaire du véhicule, le 28 janvier 2013 à la société Carclassic, qui était expiré depuis plusieurs mois au moment où M. [K] déclarait avoir acquis le véhicule, avait selon ce dernier été tacitement prorogé, mais qu'à supposer même que la société Carclassic ait conservé la faculté de vendre le véhicule pour le compte de M. [M] en juin 2013, il demeurait que M. [K] ne rapportait pas la preuve que la société Carclassic avait la volonté de lui vendre le véhicule Ae, M. [K] ne produisant pas de certificat de cession et la société Carclassic ayant conservé la possession effective du véhicule, et la déclaration de M. [Ad], dirigeant de la société Carclassic, selon laquelle il avait vendu la voiture à M. [K] ne pouvant s'analyser comme l'acceptation de livrer la chose au sens de l'article 1582 du code civil🏛 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, tirés de la volonté du mandataire de vendre le véhicule et de le livrer, insusceptibles d'exclure la rencontre de la volonté du vendeur et de l'acquéreur sur la chose et le prix, la cour d'appel, qui a par ailleurs constaté que M. [K] justifiait du paiement du prix par deux virements de 25 000 euros et de 150 000 euros respectivement effectués les 15 juin et 17 juin 2013 entre les mains de la société Carclassic, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1582, 1583 et 1998 du code civil🏛🏛 ;

2°/ que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ; que la cour d'appel a déclaré que le mandat de la société Carclassic qui était expiré depuis plusieurs mois au moment où M. [K] déclarait avoir acquis le véhicule, avait selon ce dernier été tacitement prorogé, mais qu'à supposer même que la société Carclassic ait conservé la faculté de vendre le véhicule pour le compte de M. [M] en juin 2013, il demeurait que M. [K] ne rapportait pas la preuve que la société Carclassic avait la volonté de lui vendre le véhicule Ae, M. [K] ne produisant pas de certificat de cession et la société Carclassic ayant conservé la possession effective du véhicule, et les diverses déclarations de M. [Ad], dirigeant de la société Carclassic, selon lesquelles il avait vendu la voiture à M. [K], ne pouvant s'analyser comme l'acceptation de livrer la chose au sens de l'article 1582 du code civil ; qu'en statuant ainsi cependant que la vente requérait exclusivement l'accord du vendeur et de l'acquéreur sur la chose et le prix, peu important que M. [K] ne se soit pas vu délivrer le certificat de cession, que la société Carclassic ait conservé la possession du véhicule et que les déclarations de M. [Ad] n'aient pas témoigné de son acceptation de livrer la chose, la cour d'appel, qui constatait que M. [K] avait payé le prix de 175 000 euros à la société Carclassic, mandatée par M. [M] pour vendre le véhicule litigieux, a violé les articles 1582 et 1583 du code civil ;

3°/ que la cour d'appel a déclaré que M. [K] ne rapportait pas la preuve que la société Carclassic avait la volonté de lui vendre le véhicule Ae, M. [K] ne produisant pas de certificat de cession et la société Carclassic ayant conservé la possession effective du véhicule, « outre, [...] qu'il résult[ait] des pièces de l'enquête pénale produit par M. [K], [que] si M. [Ad] affirm[ait] lui avoir vendu la voiture, ses déclarations s'inscriv[ai]ent dans un ensemble d'opérations frauduleuses au préjudice de multiples propriétaires, consistant en de prétendues ventes : le prix de vente était perçu et conservé, et les véhicules n'étaient jamais livrés ni rendus aux propriétaires, faisant parfois l'objet d'une seconde vente ou devenant introuvables (pièce 22 [K], ORTC du 30 octobre 2020 » ; qu'en déduisant de ces constatations que M. [K] n'établissait pas la vente du véhicule litigieux par l'intermédiaire de la société Carclassic dont M. [Ad] était le gérant, cependant qu'il en résultait au contraire que, quelles qu'aient ses intentions frauduleuses, M. [Ad] avait, pour les servir, et ainsi qu'il le déclarait lui-même, bien procédé à la vente du véhicule litigieux à M. [K] pour le compte de son mandant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1582 et 1583 du code civil. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 1583 et 1998 du code civil :

6. Selon le premier de ces textes, la vente est parfaite entre les parties dès lors qu'elles sont convenues de la chose et du prix.

7. Il résulte du second que, même lorsque le mandataire détourne ses pouvoirs au détriment du mandant, les engagements pris par le mandataire à l'égard d'un tiers obligent le mandant, sauf si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l'ignorer.

8. Pour juger que le véhicule de M. [M] n'a pas été vendu à M. [K], après avoir constaté qu'à la suite du mandat de vendre le véhicule confié par M. [M] à la société Carclassic, M. [K] justifiait avoir versé à cette société la somme de 175 000 euros pour l'achat du véhicule que M. [Ad] affirmait lui avoir vendu, l'arrêt retient que M. [K] ne rapporte pas la preuve que la société Carclassic avait la volonté de lui vendre le véhicule et que les déclarations de M. [Ad], qui s'inscrivent dans un ensemble d'opérations frauduleuses au préjudice de multiples propriétaires, consistant en de prétendues ventes, les prix de vente étant perçus et conservés et les véhicules jamais livrés ni rendus aux propriétaires et faisant parfois l'objet d'une seconde vente ou devenant introuvables, ne peuvent s'analyser comme l'acceptation de livrer la chose au sens de l'article 1582 du code civil.

9. En statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le mandataire s'était engagé à vendre le véhicule à M. [K] selon le prix fixé, peu important ses intentions réelles quant à la livraison, la cour d'appel a violé les textes susvisés.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.

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