CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 46798
Mme KONSTANTYNER
Lecture du 21 Octobre 1987
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête et le mémoire enregistrés le 17 novembre 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Esther KONSTANTYNER, demeurant 10 boulevard de Bonne Nouvelle à Paris (75010), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : °1) annule le jugement du 7 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1978 ; °2) lui accorde la décharge demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. d' Harcourt, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur le droit à déduction :
Considérant qu'aux termes de l'article 272 du code général des impôts : "2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies à l'article 283-4 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu " ; que, selon l'article 283 : "4. Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée " ; qu'aux termes de l'article 223 de l'annexe II audit code, pris sur le fondement des dispositions de l'article 273 : "1. La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est, selon les cas : - Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures ..." ;
Considérant que Mme KONSTANTYNER, qui exploite une entreprise de confection de vêtements féminins à l'enseigne "Maison MADY", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1978 ; qu'à la suite de cette vérification l'administration n'a pas admis la déduction, pour un montant de 32 170,71 F, de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures établies par cinq entreprises de confection au titre de travaux à façon exécutés pour le compte de Mme KONSTANTYNER, par le motif que ces travaux étaient en réalité exécutés par un réseau d'ateliers de confection clandestins, en infraction avec les législations sociales et économiques ; Considérant, toutefois, que les entreprises dont s'agit, inscrites au registre du commerce, se présentaient comme assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il n'était pas manifeste qu'elles n'auraient pas rempli les obligations les autorisant à faire figurer la taxe sur leurs factures ; que l'administration n'établit ni que les travax à façon commandés par l'entreprise de la requérante n'auraient pas été réellement exécutés ni que les entreprises auraient délivré des factures de complaisance ni même que la taxe sur la valeur ajoutée aurait été en tout ou partie éludée par ces entreprises ; que, dans ces conditions, Mme KONSTANTYNER était fondée, par application des dispositions susrappelées, à pratiquer la déduction des sommes portées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures en sa possession ;
Sur la reconstitution des recettes pour l'année 1976 :
Considérant que Mme KONSTANTYNER, qui a fait l'objet d'une procédure de redressement contradictoire, n'a pas accepté un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 117 724 F, résultant de la reconstitution par l'administration de son chiffre d'affaires de l'année 1976 ; qu'il appartient, dès lors, à l'administration de justifier des bases d'imposition qu'elle a retenues ;
Considérant que l'administration, qui ne conteste pas que la comptabilité de Mme KONSTANTYNER est tenue de manière régulière, sous réserve de certaines insuffisances mineures, se borne à faire valoir que cette comptabilité n'est cependant pas probante du fait que le coefficient de bénéfice brut sur achats de l'année 1976, évalué à 2,06, serait anormalement faible par rapport à celui des exercices précédents, qui aurait été en moyenne de 2,13 ; que ni cette circonstance, ni le fait, dont se prévaut également l'administration, qu'une reconstitution des recettes par l'application d'un "taux de productivité des ouvrières" ferait apparaître une insuffisance de recettes, ne permettent, en l'espèce, de regarder comme établi que les recettes imposables ne sont pas celles qui ressortent de la comptabilité de l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme KONSTANTYNER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 7 juillet 1982, est annulé.
Article 2 : Il est accordé à Mme KONSTANTYNER décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés autitre de la période du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1978.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme KONSTANTYNER et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie,des finances et de la privatisation, chargé du budget.