CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 46361
Léon POUPARDIN
Lecture du 07 Mars 1990
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 octobre 1982 et 21 février 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Léon POUPARDIN, demeurant 11 rue de la Beaume, à Antibes (06600), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 17 août 1982 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa réclamation au directeur des services fiscaux transmise par celui-ci au tribunal et tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1971 à 1974, pour sa part dans les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par la société en nom collectif "POUPARDIN et Cie" dont il était l'un des associés ; 2°) lui accorde la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Turquet de Beauregard, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Ryziger, avocat de M. Léon POUPARDIN, - les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, que l'article 170 du code général des impôts stipule qu'en matière d'impôt sur le revenu les avertissements doivent comporter le décompte détaillé du revenu imposable faisant apparaître notamment le montant des revenus catégoriels, celui des déductions pratiquées ou des charges retranchées du revenu global ; qu'il ressort des pièces du dossier que les avis d'imposition qui ont été adressés à M. Léon POUPARDIN, pour le recouvrement des compléments d'impôt sur le revenu dont il était redevable à la suite de l'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux de la société en nom collectif "POUPARDIN et Cie" dont il était l'un des associés, ne comportaient pas, contrairement à la règle ainsi posée, le détail des revenus catégoriels, déductions pratiquées ou charges retranchées du revenu global ; que, toutefois, cette erreur, qui ne concerne qu'un document destiné à l'information du contribuable, postérieurement à l'établissement de l'impôt, est sans incidence sur la régularité des impositions contestées ; Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 1649 septies E du code général des impôts que la vérification de comptabilité d'une entreprise commerciale portant sur plusieurs exercices peut durer plus de trois mois dès lors que le chiffre d'affaires d'un seul d'entre eux excède un million de francs ; que la société en nom collectif "Poupardin et compagnie", qui exploitait le bar-discothèque-restaurant "La Brocherie", a déclaré un chiffre d'affaires excédant un million de rancs pour deux des exercices vérifiés ; que dès lors le moyen tiré de la violation des dispositions précitées ne saurait être accueilli ;
Sur le bien-fondé des droits :
Considérant qu'il est constant que le requérant n'a pas souscrit ses déclarations de revenus pour les années 1971 à 1974 dans le délai légal ; que se trouvant par suite en situation de taxation d'office, il lui appartient d'apporter la preuve de l'exagération des bénéfices de la société "POUPARDIN et Cie" à raison desquels ont été établies les impositions qu'il conteste ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société en nom collectif "POUPARDIN et Cie" n'a tenu de 1971 à 1973 ni livre d'inventaire, ni livre-journal, mais des livres de trésorerie et des agendas de recettes journalières ; que sa comptabilité de 1974 a été reconstituée en 1975 ; qu'elle n'a pas produit de justifications de nature à établir le détail de ses recettes ; qu'en particulier aucun double des notes remises aux clients n'a été conservé ; que certains achats n'ont pas été comptabilisés ; que le vérificateur a de ce fait considéré à juste titre que la comptabilité de la société était dépourvue de caractère probant, et procédé à la reconstitution de son bénéfice imposable à partir des achats de boissons et d'aliments revendus ; qu'en se bornant, pour critiquer cette méthode, à soutenir que le vérificateur a considéré à tort que l'essentiel des recettes était réalisé le samedi, soirée au cours de laquelle la première consommation était plus coûteuse, le requérant n'apporte aucun élément précis susceptible d'infirmer le pourcentage retenu de 55 % d'entrées le samedi ; que, par ailleurs, il n'est pas fondé à demander la déduction d'amortissements qui n'ont pas été comptabilisés ; qu'ainsi, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération de l'évaluation par l'administration des bénéfices industriels et commerciaux de la société en nom collectif "POUPARDIN et Cie" et qu'en l'absence de tout commencement de preuve, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise ;
Sur le bien-fondé de la compensation opposée à la demande de déduction en cascade du complément de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que l'administration fait valoir et qu'il résulte de l'instruction que les bénéfices imposables de la société en nom collectif "POUPARDIN et Cie" ayant servi de base aux rappels d'impôt sur le revenu en litige ont été reconstitués à partir de recettes hors taxe, alors que ces recettes auraient dû être reconstituées "toutes taxes comprises" ; qu'il existe, dès lors, une insuffisance d'évaluation des bénéfices de la société en nom collectif "POUPARDIN", imposables dans les mains de ses associés, égale au montant de la déduction en cascade prévue à l'article 1649 septies du code ; que, dès lors, l'administration est, en vertu de l'article 1955 du code général des impôts repris à l'article L.203 du livre des procédures fiscales, fondée à se prévaloir de cette compensation pour faire échec à la déduction en cascade ;
Sur les pénalités :
Considérant que, par une décision du 4 juin 1984, postérieure à l'introduction du pourvoi, l'administration fiscale a substitué aux pénalités de 100 % pour manoeuvres frauduleuses auxquelles avait été initialement assujetti M. Léon POUPARDIN les pénalités de 50 % pour absence de bonne foi ; que la requête est devenue sans objet dans la limite des dégrèvements correspondants ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1728, 1729 et 1733 du code général des impôts que seuls sont passibles de la majoration au taux de 50 % prévu à l'article 1729 les redevables qui ont sciemment déclaré ou fait apparaître une base ou des éléments d'imposition inexacts, incomplets ou insuffisants ; que ceux qui se sont seulement abstenus de souscrire une déclaration n'encourent que les intérêts de retard prévus à l'article 1733 ;
Considérant qu'il est constant que M. Léon POUPARDIN n'a souscrit aucune déclaration au titre des années 1971 et 1972 ; qu'il est dès lors fondé à demander la décharge des majorations mises à sa charge au titre de ces années d'imposition sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ; qu'il y a lieu de substituer à ces majorations les intérêts de retard dans la limite des pénalités en litige ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à concurrence des dégrèvements accordés en cours d'instance en ce quiconcerne les pénalités.
Article 2 : Les intérêts de retard sont substitués aux pénalitéspour absence de bonne foi mises à la charge de M. POUPARDIN au titre des années 1971 et 1972.
Article 3 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. POUPARDIN est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Léon POUPARDIN et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.