SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 mars 2023
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 286 F-D
Pourvoi n° D 22-10.556
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 MARS 2023
Mme [Aa] [Ab], domiciliée [Adresse 4], (Portugal) a formé le pourvoi n° D 22-10.556 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association [Adresse 5], dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à l'association Apei Rueil Nanterre, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Ab], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Apei Rueil Nanterre, après débats en l'audience publique du 1er février 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2021), Mme [Ab] a été engagée par l'association Apei Rueil Nanterre (l'association), selon contrat à durée indéterminée du 12 novembre 2007, au statut cadre, en qualité de directrice du Foyer et du CITL [1], deux établissements gérés par l'association et accueillant des personnes handicapées mentales.
2. Convoquée le 5 février 2009 à un entretien préalable en vue d'un licenciement, la salariée a été licenciée, le 25 février 2009, pour insuffisance professionnelle.
3. Le 17 septembre 2009, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et réclamer le paiement de diverses sommes. En instance d'appel, elle a ajouté à ses demandes sa réintégration sous astreinte dans son poste de travail et a assigné en intervention forcée l'association [Adresse 5], à qui les activités des établissements gérés par l'association ont été transférées par convention du 13 février 2015.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de nullité du licenciement fondé sur la discrimination en raison de son état de santé, de sa demande de réintégration dans son poste de travail sous astreinte et de sa demande de rappel de salaire subséquente, alors :
«1°/ que en retenant que Mme [Ab] ne présentait pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait commencé à alerter son employeur dès le 26 octobre 2008 sur son état de surcharge de travail et de surmenage, que le 7 janvier 2009, elle avait encore fait part à son supérieur de son épuisement professionnel et de ses inquiétudes depuis la fin octobre 2008, que le 12 janvier 2009, elle avait déposé une main courante en raison du harcèlement moral qu'elle subissait et qu'elle avait encore adressé deux fax à M. [Ac] le 5 février 2019, accompagnés de pièces médicales, démontrant son état de souffrance et l'altération de son état de santé et l'informant de l'exercice de son droit de retrait afin de préserver sa santé mentale et physique juste avant que ne lui soit adressé le courrier de convocation à l'entretien préalable reçu le 6 février 2009, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les
articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail🏛🏛 ;
2°/ qu'en affirmant, pour dire que Mme [Ab] ne présentait pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé qu'elle ne produisait que ses propres écrits au soutien de ses allégations et que certains écrits étaient concomitants avec la lettre de convocation à l'entretien préalable, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
3°/ qu'en affirmant que les pièces d'ordre médical sont insuffisantes à établir un lien entre son état de santé et ses conditions de travail en l'absence de toute constatation médicale sur les conditions de travail de la salariée, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant, a de nouveau violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
4°/ qu'en affirmant que les pièces d'ordre médical sont insuffisantes à établir un lien entre son état de santé et ses conditions de travail en l'absence de toute constatation médicale sur les conditions de travail de la salariée, cependant qu'il résultait du certificat du médecin traitant généraliste en date du 16 octobre 2019 qu'en janvier 2009, la salariée souffrait d'un ‘'surmenage professionnel avec stress sur le lieu de travail, intense, ayant entraîné une psychasthénie, une altération de son sommeil, des crises d'angoisses et surtout, une hypertension artérielle=16/9 constaté le 13/01/2009 alors que sa tension artérielle prise le 20/09/2007 était = 12/8, stable depuis novembre 2006. Le 5 février 2009, le contexte professionnel est inchangé, la TA est toujours à 16/9'‘ et du certificat du médecin spécialiste de pathologie professionnelle de santé au travail en date du 23 décembre 2009 ‘'je peux confirmer qu'il y a très certainement corrélation entre l'existence de facteurs stressants externes et les épisodes d'augmentation tensionnelle comme ceci est décrit dans le certificat de son médecin généraliste'‘, ce dont il résultait que les pièces d'ordre médical versées par la salariée aux débats établissaient clairement un lien entre les conditions de travail et la dégradation de l'état de santé de la salariée, la cour d'appel, qui a dénaturé ces pièces déterminantes du litige, a violé l'
article 4 du code de procédure civile🏛, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit. »
Réponse de la Cour
6. Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte antérieure au sein de l'entreprise pour discrimination.
7. Ayant constaté que le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle était fondé par une cause réelle et sérieuse, que la salariée ne produisait que ses propres écrits au soutien de son allégation de discrimination en lien avec son état de santé, qu'un certain nombre de ces écrits sont concomitants avec la lettre de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement et que les pièces d'ordre médical, en l'absence de toute constatation médicale sur les conditions de travail de la salariée, étaient insuffisantes à établir un lien entre son état de santé et ses conditions de travail, la cour d'appel a estimé, sans dénaturation et sans inverser la charge de la preuve, qu'il n'y avait pas de lien entre la dénonciation par la salariée d'agissements, selon elle discriminatoires, et son licenciement.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Ab] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.