5ème Chambre
ARRÊT N°-106
N° RG 21/02617 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RSSY
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
A. 2Y2P
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Aa B, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 Janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Emilie BUTTIER de la SELARL RACINE, Postulant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Agathe ROBLES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S.U. 2Y2P prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe LE GOFF de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
La société 2Y2P Pace exploite un bar restaurant situé centre commercial [Adresse 5], sous l'enseigne Coq N'Pat C Ab.
La société 2Y2P Pace est couverte pour son activité auprès de la société Axa France Iard en exécution d'une police d'assurance (n°4830050604) conclu le 21 août 2014.
Cette couverture comprend une garantie des pertes d'exploitation.
Lors de la pandémie de Covid-19, à compter du l5 mars 2020, la société 2Y2P Pace a été contrainte de fermer son établissement suite à la publication au journal officiel de l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du
l4 mars 2020.
Cette mesure de fermeture administrative, confirmée par le décret n°2020-293 du 23 mars 2020🏛 et initialement imposée jusqu'au l5 avril 2020, a été prolongée d'abord par décret du Premier ministre n°2020-423 du l4 avril 2020, puis par décret du Premier ministre du n°2020- 548 du l1 mai 2020.
La société 2Y2P Pace a dû cesser toute activité.
La société 2Y2P Pace a été autorisée à rouvrir son bar restaurant suite à la publication du décret du Premier ministre n°2020-663 du 31 mai 2020, imposant toutefois le respect de mesures sanitaires qui ont réduit la capacité d'accueil de son établissement.
Ces mesures administratives ont fortement impacté l'activité de la société 2Y2P Pace, qui n'a pas réalisé de chiffre d'affaires sur la période du 16 mars au 30 juin 2020.
Les mesures administratives imposées lors de la seconde vague à compter du 24 octobre 2020, ont conduit la société 2Y2P Pace fermer son établissement entre 21 heures et 6 heures suite à la publication du décret du Premier ministre n°2020-1262 du 16 octobre 2020.
Dans un second temps, à compter du 30 octobre 2020, la société 2Y2P Pace a été contrainte de fermer une nouvelle fois son restaurant sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter.
La société 2Y2P Pace s'est rapprochée de la société Axa France Iard pour obtenir l'indemnisation de sa perte d'exploitation.
Devant le refus opposé par la société Axa France Iard de faire droit à ses demandes, la société 2Y2P Pace a saisi le tribunal de commerce de Rennes dans le cadre d'une procédure à bref délai.
Par jugement du 13 avril 2021, la juridiction consulaire de Rennes a :
- dit que la clause d'exclusion de garantie relative aux pertes d'exploitation, inscrite dans les conditions particulières du contrat, est réputée non écrite, et donc est nulle et de nul effet et en tout état de cause non opposable à la société 2Y2P Pace,
- constaté que les conditions relatives à la 'garantie pertes d'exploitation' consécutives à la fermeture administrative du restaurant Coq N'Pat C Ab, appartenant à la société 2Y2P Pace lui sont acquises,
- condamné la société Axa France Iard à garantir, dans la limite contractuelle, les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative du restaurant Coq N'Pat C Ab, exploité par la société 2Y2P Pace, dans les conditions prévues au contrat,
- ordonné le versement, par la société Axa France Iard à la société 2Y2P Pace, à titre de provision, de la somme de 50 000 euros sous astreinte provisoire de 500 euros par jour passé le 15ème jour suivant la signification du jugement et ce, pour une période de 60 jours, après quoi il devra à nouveau y être fait droit,
- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte conformément aux dispositions de l'
article 491 du code de procédure civile🏛,
- fait droit à la demande d'expertise judiciaire formulée par la société demanderesse, aux frais avancés exclusivement par elle,
- désigné Mme [O] [V], Espace Performance, à [Localité 6], avec pour mission de :
* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, (notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert-comptable) accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation 2019-2020,
* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,
* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance,
* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées,
* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture,
* rédiger un pré-rapport et le soumettre aux parties,
* répondre aux dires des parties,
* rédiger un rapport définitif,
- dit qu'avant d'accepter sa mission, l'expert désigné pourra consulter au greffe du tribunal les documents qui lui sont nécessaires par application de l'
article 268 du code de procédure civile🏛,
- dit qu'en cas de refus de la mission, il sera procédé à la désignation d'un autre expert par le juge en charge du suivi du présent dossier,
- dit qu'en cas de carence des parties à fournir tous moyens à l'expert d'accomplir sa mission, ce dernier informera le Juge chargé du suivi du dossier conformément aux dispositions de l'
article 275 du code de procédure civile🏛,
- dit que I'expert pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées et pourra s'adjoindre tout technicien de son choix dans une spécialité distincte de la sienne par application de l'
article 278 du code de procédure civile🏛,
- fixé la provision sur honoraires de l'expert à la somme de 3 000 euros que la demanderesse devra consigner au greffe de ce tribunal, dans le délai d'un mois à compter de la date de la présente ordonnance,
- dit que I'expert devra commencer ses opérations à compter du jour où il aura reçu notification par le greffe de la consignation de la provision fixée ci-dessus, et ce, conformément à l'
article 267 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, le Juge chargé du suivi du dossier constatera la caducité de la mesure sauf par l'une des parties à agir conformément à l'
article 271 du code de procédure civile🏛.
- dit que l'expert fera connaître à la Société demanderesse le montant de ses frais et honoraires dans le mois suivant la première réunion,
- dit que l'expert devra déposer son rapport définitif en deux exemplaires au greffe du tribunal de commerce de Rennes dans un délai de 4 mois à compter du jour de la consignation de la provision au greffe du Tribunal,
- dit que dans le cas ou les parties viendraient à se concilier, elles en informeront l'expert, lequel devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport au juge chargé du suivi du dossier après que les parties aient convenu du mode de règlement de ses honoraires et débours,
- dit que M. Eyraud, président de chambre de ce tribunal, aura en charge le suivi du présent dossier,
- autorisé les greffiers à remettre leurs dossiers aux parties ou à leurs conseils,
- sursis à statuer sur la liquidation définitive de l'indemnisation pour pertes d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert,
- condamné la société Axa France Iard, qui succombe, à payer à la société demanderesse la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- débouté la société demanderesse du surplus de ses demandes,
- condamné la compagnie Axa France Iard aux entiers dépens,
- liquidé les frais de greffe à la somme de 60,22 euros tels que prévu aux
articles 695 et 701 du code de procédure civile🏛🏛.
Le 29 avril 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 12 janvier 2023, elle demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien-fondé son appel et, y faisant droit :
A titre principal,
- infirmer le jugement du 13 avril 2021 du tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il :
* a dit que la clause d'exclusion de garantie relative aux pertes d'exploitation, inscrite dans les conditions particulières du contrat, est réputée non écrite, et donc est nulle et de nul effet et en tout état de cause non opposable à la société 2Y2P Pace,
* a constaté que les conditions relatives à la 'garantie pertes d'exploitation' consécutives à la fermeture administrative du restaurant Coq N'Pat C Ab, appartenant à la société 2Y2P Pace lui sont acquises,
* l'a condamnée à garantir, dans la limite contractuelle, les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative du restaurant Coq N'Pat C Ab, exploité par la société 2Y2P Pace, dans les conditions prévues au contrat,
* a ordonné le versement, par la société Axa France Iard à la société 2Y2P Pace, à titre de provision, de la somme de 50 000 euros sous astreinte provisoire de 500 euros par jour passé le 15ème jour suivant la signification du jugement et ce, pour une période de 60 jours,
* a ordonné une mesure d'instruction,
* a commis pour y procéder Mme [O] [V], Espace Performance, à [Localité 6], laquelle aura pour mission parties présentes ou dûment convoquées de :
° se faire communiquer tous les éléments contractuels et comptables utiles,
° entendre tout sachant,
° examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance,
° donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffres d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées,
° donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture,
* débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
* l'a condamnée à régler à la société 2Y2P Pace la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a condamnée à supporter les entiers dépens de l'instance,
- infirmer le jugement du 13 avril 2021 du tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion,
- infirmer le jugement du 13 avril 2021 du tribunal de commerce de Rennes en ce que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui ne serait pas inscrite en des termes très apparents, de sorte que sa rédaction ne serait pas conforme aux règles de formalisme prescrites par l'
article L. 112-4 du code des assurances🏛,
Statuant à nouveau,
- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce,
- juger que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'
article L. 113-1 du code des assurances🏛,
- juger que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de sa substance au sens de l'
article 1170 du code civil🏛,
En conséquence :
- juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie,
- débouter l'assurée de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 13 avril 2021,
- annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Rennes,
A titre subsidiaire,
- ordonner la fixation de la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Rennes comme suit :
* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,
* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,
* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable,
* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées,
* donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée,
* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020,
En tout état de cause,
- débouter l'assurée de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;
- condamner l'assurée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2022, la société 2Y2P Pace demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 13 avril 2021 dans toutes ses dispositions,
Par conséquent,
- débouter la société Axa France Iard de toutes ses demandes,
Y ajoutant,
- condamner la société Axa France Iard à lui verser la somme de 45 556 euros à titre de provision complémentaire à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices,
- condamner la société Axa France Iard à lui verser la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner la société Axa France Iard aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au soutien de son appel, la société Axa France Iard indique que le tribunal de commerce de Rennes a, en calquant la motivation de sa décision sur celles rendues en faveur d'autres dossiers, statué ultra petita.
La société Axa France Iard entend se prévaloir de la clause d'exclusion concernant l'extension de garantie des pertes d'exploitation en présence d'une fermeture administrative contenue dans les conditions particulières du contrat d'assurance.
Elle fait état des divergences jurisprudentielles et de 4 arrêts de la Cour de cassation rendus le 1er décembre 2022 qui ont reconnu le caractère formel et limité de la clause d'exclusion du contrat d'assurance.
Invoquant les dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances, elle explique que le caractère formel d'une clause d'exclusion s'apprécie par rapport à la clarté des termes et des critères d'application qu'elle comprend et non pas par rapport aux clauses définissant l'objet de la garantie ou des conditions de garantie.
Elle considère que le sens de l'exclusion est clair et ne prête à aucun contre-sens.
Pour l'assureur, il n'est pas besoin d'être un spécialiste pour comprendre le cas où la garantie est due (à savoir seul l'établissement de l'assuré subit une fermeture administrative) et le cas où la garantie est exclue (d'autres établissements dans le même département sont fermés pour la même cause).
Pour la société Axa France Iard, le débat sur la notion d''épidémie' est sans pertinence pour apprécier le caractère formel de la clause d'exclusion.
La société Axa France Iard explique qu'un restaurateur contracte en qualité de professionnel et non pas de consommateur et qu'il sait que le risque garanti est celui de l'épidémie d'origine alimentaire (provoquée notamment par les salmonelloses par exemple). Elle rappelle qu'à la date du souscription du contrat, une épidémie de type Covid-19 n'avait jamais existé.
Elle soutient que les trois critères de la clause d'exclusion, soit le critère du nombre, le critère territorial et le critère causal, ne souffrent d'aucune imprécision et sont compréhensibles pour chacun.
Elle précise que le critère de 'la cause identique' se suffit à lui-même.
La société Axa France Iard répète que les critères d'application de la clause d'exclusion sont indépendants des événements visés au titre des conditions de garantie, dont fait partie l'épidémie.
Elle considère que la clause d'exclusion est limitée et que ce caractère doit s'apprécier non pas en considération de ce qu'elle exclut mais en considération de ce qu'elle garantit après sa mise en oeuvre. Elle affirme que la clause d'exclusion litigieuse ne vide pas la garantie de sa substance.
Selon l'assureur, le caractère limité de la clause d'exclusion s'apprécie au regard des 5 événements susceptibles d'entraîner une fermeture administrative à savoir la maladie contagieuse, le meurtre, le suicide, l'intoxication ou l'épidémie.
La société Axa France Iard prétend qu'une épidémie peut être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement au niveau du département. Elle retient une définition non restrictive de l'épidémie et indique qu'une 'épidémie' correspond à une multiplicité de cas et ne se mesure pas nécessairement à l'échelle d'un pays, d'une région, d'un département ou d'une localité. Pour l'appelante, l''épidémie' peut toucher un nombre restreint de personnes (comme une famille, un EHPAD par exemple) et ne renvoie pas nécessairement aux notions de contagion et de propagation de la maladie de manière extensive.
Elle déclare que, contrairement aux affirmations de l'intimée, l'extension de garantie a vocation à être mobilisée lorsque l'épidémie, à l'origine de la fermeture administrative, se trouve à l'extérieur de l'établissement assuré.
La société Axa France Iard fait référence à la commune intention des parties au jour de la souscription du contrat qui est celle de couvrir les risques inhérents à l'exploitation d'un restaurant.
Elle signale qu'elle n'a jamais entendu couvrir les conséquences d'un risque systémique et que les pertes alléguées constituent un préjudice anormal et spécial qui ne relève pas d'une garantie individuelle de droit privé.
La société Axa France Iard précise que l'objet des débats devant les premiers juges ne concernait pas la régularité de la clause d'exclusion au regard de l'article L. 112-4 du code des assurances et que le tribunal s'est saisi de ce moyen soulevé dans d'autres dossiers. Elle considère que la rédaction de la clause d'exclusion répond au formalisme de l'article L. 112-4 du code des assurances puisqu'elle apparaît en lettres majuscules contrairement aux autres dispositions contractuelles.
En réponse, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée 2Y2P Pace mentionne les différentes mesures gouvernementales liées à la pandémie de Covid-19 imposant la fermeture totale ou partielle des restaurants ou le respect de règles sanitaires réduisant leur capacité d'accueil du 15 mars 2020 au 30 juin 2021. Elle indique que l'expert a déposé son rapport définitif le 28 décembre 2021, et qu'il fixe sa perte d'exploitation à la somme de 95 556 euros.
Elle signale que la société Axa France Iard a modifié la rédaction de la garantie confirmant, selon elle, qu'un besoin de clarification était nécessaire.
Concernant les quatre arrêts de la Cour de cassation, elle indique qu'ils vont à l'encontre d'un grand nombre de décisions de 1ère instance et d'appel et qu'ils ne répondent pas à l'ensemble des problématiques juridiques posées par la clause d'exclusion.
Elle soutient qu'aucune précision n'est donnée quant à la nature de la 'fermeture administrative' mais elle ne la conteste pas.
Elle indique que les décisions de fermeture ont été prises en raison de la propagation du Covid-19, qui représente 'une maladie contagieuse' ou une 'épidémie' telles que prévues dans les conditions de mise en jeu de la garantie.
Elle affirme que la clause d'exclusion de garantie n'est pas valable car elle ne répond pas au formalisme de l'article L. 112-4 du code des assurances en étant simplement intégrée au corps du texte de la garantie sans aucune particularité.
La société 2Y2P Pace considère que, au visa de l'article L 113-1 du code des assurances, la clause d'exclusion n'est pas claire car elle doit être interprétée.
Elle soutient que la notion d'établissement' est imprécise à défaut de définition contractuelle, et que l'expression 'au moins un autre établissement quel que soit sa nature et son activité' est également imprécise.
Pour la société intimée, la formulation de fermeture pour 'cause identique' finit de caractériser l'ambiguïté de la clause d'exclusion.
La société 2Y2P Pace considère que la clause d'exclusion vide la garantie de sa substance.
Elle propose une définition du terme 'épidémie' et estime que son acceptation qualifie la propagation de grande ampleur d'une maladie. Elle expose qu'une 'épidémie' suppose un développement et une propagation rapide d'une maladie contagieuse, laissant entendre que d'autres établissements seraient nécessairement touchés.
Pour l'intimée, la communication d'une documentation scientifique par la société Axa France Iard suffit à justifier l'ambiguïté du terme 'épidémie' et donc son interprétation.
En préliminaire, la cour rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'juger que' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'
article 4 du code de procédure civile🏛, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.
- Sur le contrat.
Au visa de l'
article 1134 du code civil🏛, dans sa version applicable au litige, devenu l'
article 1103 du code civil🏛, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Les conditions contractuelles sont composées des conditions générales et des conditions particulières souscrites par la société 2Y2P Pace.
Seules les conditions particulières prévoient une extension de garantie des pertes d'exploitation dans l'hypothèse d'une fermeture administrative rédigée comme suit :
PERTE D'EXPLOITATION SUITE A FERMETURE ADMINISTRATIVE:
La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1- la décision de fermeture a été prise par une autorité compétente, et extérieure à vous-même,
2- la décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication (....)
SONT EXCLUES
- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE.
* Sur le formalisme de la clause.
Au visa de l'article L 112-4 du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.
Aucune typographie n'est exigée par la loi. La clause d'exclusion doit, par sa grande lisibilité, ne pas échapper à l'assuré. Le caractère apparent doit s'apprécier par rapport aux autres clauses qui l'entourent.
Cette clause d'exclusion est située dans les conditions particulières et il importe peu de constater que la typographie des conditions générales (et des clauses d'exclusion y figurant) est différente.
Dans le cas présent, la clause d'exclusion apparaît en lettres majuscules et en grand format dans un paragraphe et une page essentiellement rédigés en lettres minuscules. Cette clause est précédée de la mention 'SONT EXCLUES' mettant la clause d'exclusion en évidence.
Une lecture même rapide permet de voir et lire la clause d'exclusion critiquée même s'il n'y a ni caractère gras ni encadré de couleur et de comprendre qu'il s'agit d'une clause d'exclusion.
Le jugement est infirmé à ce titre.
* Sur la clause d'exclusion.
Au visa de l'article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et dommages occasionnés par cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
C'est à l'assureur invoquant une exclusion de garantie qu'il incombe de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion et c'est à l'assuré, qui prétend à l'invalidité de la clause d'exclusion, de supporter la charge de la preuve.
Selon une jurisprudence constante, dès lors qu'elle est sujette à interprétation, une clause d'exclusion de garantie ne peut être considérée comme formelle et limitée.
Dans un premier temps, il y a lieu de rappeler que la compréhension de la clause critiquée doit s'apprécier à la date de souscription du contrat. À cette date les parties n'ont pu envisager l'existence d'une pandémie au niveau national et international qui n'avait jamais existé. La commune intention des parties était de couvrir les aléas inhérents à l'exploitation normale d'un restaurant exposé à des risques biologiques notamment.
Il convient, dans un second temps, de souligner que la clause d'exclusion précitée ne contient aucun terme technique.
L'absence de définition du terme 'épidémie' est inopérante dès lors qu'il ne se trouve pas dans la clause litigieuse.
Ce qui est important, ce n'est pas la nature, l'origine ou l'étendue de l'épidémie mais sa conséquence.
Ainsi, le risque couvert est celui des pertes d'exploitation subséquentes à une fermeture administrative et non le risque de survenance à une épidémie.
La circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'est pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement fait l'objet d'une mesure de fermeture pour une cause identique à celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme 'épidémie' est sans incidence sur la compréhension par l'assuré des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 1er décembre 2022).
La notion d'établissement ne peut se limiter à une définition juridique et peut être traduite, pour une non-juriste telle que l'intimée, à toute catégorie de restaurant, ferme, cantine, commerce de bouche susceptible de faire l'objet d'une fermeture administrative.
Le périmètre départemental ne peut constituer une difficulté au demeurant non soulevée.
La 'cause identique' figurant dans la clause d'exclusion renvoie nécessairement aux mêmes événements que ceux figurant dans la clause de garantie à savoir 'une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication'. Ce terme 'cause identique' se suffit à lui-même et est donc parfaitement compréhensible sauf à vouloir, comme le fait l'intimée, compliquer à l'extrême toute situation de manière subjective.
Selon une jurisprudence constante, toute exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée et ne saurait aboutir, sans retirer son objet au contrat d'assurance, à annuler pratiquement toutes les garanties prévues sauf pour une catégorie de dommage très étroite.
Il a été dit que la garantie couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives non pas en raison d'une épidémie, mais d'une fermeture de l'établissement à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.
Contrairement aux écritures de l'intimée, la clause et son exclusion ne peuvent être appréciées par rapport à la seule pandémie de Covid-19 mais doivent s'apprécier au regard des 5 événements susceptibles d'entraîner une fermeture que sont la maladie contagieuse, le meurtre, le suicide, l'intoxication ou l'épidémie.
La société Axa France Iard fait remarquer utilement que l'extension de garantie a vocation à être mobilisée également lorsque le foyer de l'épidémie se situe à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement concerné, le critère d'application de l'exclusion est seulement la nature isolée de la fermeture administrative.
L'assureur démontre à l'appui d'une documentation circonstanciée, que la fermeture d'un seul établissement dans un même département fondée sur des cas de listériose, grippe aviaire, légionellose ou fièvre typhoïde, donnant lieu à des épidémies, est avérée. Il est d'ailleurs établi qu'un fonds de commerce de restauration supporte un risque non négligeable quant à la propagation de toxi-infections alimentaires collectives (au nombre desquelles figure la salmonellose), dont il peut être le foyer (en 2019, 41 % des TIAC sont survenues en restauration commerciale) alors que son activité est encadrée par diverses obligations en matière d'hygiène alimentaire et de sécurité sanitaires, susceptibles d'entraîner une fermeture administrative.
Ainsi, la clause d'exclusion ne vide pas la garantie de sa substance.
La proposition d'un avenant à l'assuré par la société Axa France Iard, qui exclut de la garantie toutes les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie ou une maladie contagieuse est indifférente quant à l'analyse du contrat litigieux, si ce n'est qu'elle atteste que ce dernier n'avait pas été envisagé par les parties au regard d'une épidémie telle que celle de la Covid-19.
En conséquence, il convient de juger que la clause d'exclusion est formelle et limitée et donc opposable à la société 2Y2P Pace.
La société Axa France Iard est fondée à refuser la garantie 'pertes d'exploitation'.
La société 2Y2P Pace doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes, en ce comprise la demande relative à l'expertise.
Le jugement critiqué est infirmé en toutes ses dispositions.
- Sur les autres demandes.
Concernant la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré, il convient de rappeler qu' un arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution d'un jugement infirmé et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une telle demande.
Pour des motifs d'équité, il n'est pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Axa France Iard qui sera, tout comme la société 2Y2P Pace, déboutée de sa demande formée de ce chef.
Succombant en toutes ses demandes, la société 2Y2P Pace doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déboute la société 2Y2P Pace de l'ensemble de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré à la cour ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société 2Y2P Pace aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente,