CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 39069
Centre hospitalier de Tarbes c/ Epoux METGE
Lecture du 27 Février 1985
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu, 1°) la requête sommaire, enregistrée sous le n° 39 069, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 28 décembre 1981, et le mémoire complémentaire, enregistré le 28 avril 1982, présentés pour le centre hospitalier de Tarbes, dont le siège est à Tarbes (Hautes-Pyrénées), représenté par ses dirigeants en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 27 octobre 1981 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a déclaré responsable des conséquences dommageables dont peut se prévaloir Mme Metge à la suite d'un accident dont elle a été victime le 23 septembre 1979 et a ordonné une expertise en vue de déterminer le préjudice subi ;
- rejette la demande présentée par Mme Metge devant le tribunal administratif de Pau ;
2°) la requête sommaire, enregistrée sous le n° 48 793, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 21 février 1983, et le mémoire complémentaire, enregistré le 11 mai 1983, présentés pour le centre hospitalier de Tarbes, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule un jugement en date du 21 décembre 1982 par lequel le tribunal administratif de Pau l'a condamné à verser à Mme Maryse Metge la somme de 417 000 F et à la caisse d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées la somme de 436 363 F en réparation des conséquences dommageables de l'accident survenu le 23 septembre 1979, dont a été victime Mme Metge ;
- rejette la demande d'indemnité formée par Mme Metge devant le tribunal administratif de Pau ;
- subsidiairement, réduise l'indemnité allouée à Mme Metge ;
Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Vu le code de la securité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1345 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu le rapport de M. Wiltzer, Maître des Requêtes, les observations de Me Delvolvé, avocat du centre hospitalier de Tarbes et de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat de M. et Mme Metge, et les conclusions de M. Stirn, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes du centre hospitalier de Tarbes sont relatives à la réparation des conséquences du même accident ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, dans son ménoire en défense présenté devant le tribunal administratif de Pau, le centre hospitalier de Tarbes s'est borné à contester sa responsabilité à raison des conséquences de l'accident survenu à Mme Metge ; qu'ainsi le contentieux s'est trouvé lié devant les premiers juges, et que le centre hospitalier n'est pas fondé à opposer à la demande de Mne Metge la fin de non-recevoir invoquée et tirée de l'absence de décision administrative préalable ;
Considérant que le 23 septembre 1979 vers 22 h 30, Mme Metge, qui était entrée volontairement vers 19 h 30 au service de médecine à orientation neurologique du centre hospitalier de Tarbes, a tenté de se suicider en se jetant dans une cage d'escalier et s'est grièvement blessée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les tendances suicidaires de Mme Metge, traitée depuis plusieurs années dans l'établissement, étaient connues du personnel soignant, et que Mme Metge avait fait une première tentative de suicide quelques minutes après son arrivée dans ce service ; que, dans ces circonstances et bien qu'elle ait subi, une heure environ avant l'accident, de fortes injections de calmant, le fait qu'elle ait été laissée sans surveillance dans une chambre dépourvue de tout système de fermeture et qu'elle ait pu se jeter dans la cage d'escalier par une porte de service qui devait normalement rester ouverte pour des raisons de sécurité, revèle un défaut d'organisation du service de nature à engager la responsabilité de l'établissement ;
Considérant que de ce qui précède, il résulte que le centre hospitalier de Tarbes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, en date du 27 octobre 1981, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Pau l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu à Mme Metge ;
Sur le préjudice
Considérant qu'à la suite de l'accident dont Mme Metge a été victime, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées a exposé des frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport ainsi que des frais de fourniture de chaussures orthopédiques, dont le montant non contesté s'est élevé à 338 916 F ; qu'à cette somme il y a lieu d'ajouter celle de 97 477 F correspondant au capital représentatif des frais de renouvellement des chaussures orthopédiques ;
Considérant qu'en fixant à 372 000 F le montant du préjudice afférent aux troubles de toute nature dans les conditions d'existence que subit Mme Metge à raison de l'incapacité permanente partielle évaluée par l'expert à 62 % dont elle reste atteinte, le tribunal administratif a fait, sans qu'il ait pour autant statué au-delà des conclusions dont il était saisi, une estimation exagérée de ce chef de dommage, et qu'il y a lieu de ranener cette estimation à la somme de 250 000 F ; qu'à l'inverse, le tribunal administratif a fait une appréciation insuffisante du préjudice afférent aux souffrances endurées, eu égard notamment au nombre des interventions chirurgicales subies, en l'évaluant à 25 000 F, et qu'il y a lieu de porter cette somme à 30 000 F ; que le tribunal administratif a fait une exacte appréciation du préjudice esthétique en l'évaluant à 20 000 F;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par Mme Metge doit être fixé à 736 363,56 F ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées est en droit de prétendre au remboursement, sur cette somme, de celle de 436 363,56 F allouée par les premiers juges ; que l'indemnité à laquelle peut prétendre Mme Metge doit être ramenée de 417 000 F à 300 000 F ;
Considérant que Mme Metge a droit aux intérêts de ladite somme de 300 000 F à compter du 28 juillet 1980, date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de sa demande introductive d'instance ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 26 octobre 1984 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à ladite demande ;
D E C I D E
Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Tarbes a été condamnée à allouer à Mme Metge par le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 21 décembre 1982 est ramenée de 417 000 F à 300 000 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 21 décembre 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : La somme ci-dessus mentionnée de 300 000 F portera intérêt à compter du 28 juillet 1980. Les intérêts échus le 26 octobre 1984 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 4 : La requête n° 39069 du centre hospitalier de Tarbes, le surplus des conclusions de la requête n° 48 793 dudit centre hospitalier et le surplus des conclusions du recours incident des époux Metge sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée aux époux Metge, à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées, au centre hospitalier de Tarbes et au secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé de la santé.