CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 35236
MM. COUDERT et autres
Lecture du 07 Janvier 1983
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 4ème Sous-Section
Vu la requête, enregistrée le 27 juin 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par MM. Coudert, Delpla et Roux, conseillers au tribunal administratif de Lyon, et tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'intérieur sur leur demande tendant à ce que ce dernier provoque les mesures susceptibles d'assurer leur protection contre les menaces et attaques dont les membres du tribunal précité ont été l'objet à l'occasion du jugement, du déféré dirigé par le préfet du Rhône contre les opérations de révision de la liste électorale de Vaulx-en-Velin (Rhône);
Vu l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires: "Les fonctionnaires ont droit, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, à une protection contre les menaces, outrages, injures ou diffamations dont ils peuvent faire l'objet: L'Etat ou la collectivité publique intéressée est tenu de protéger les fonctionnaires contre les menaces, attaques, de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté"; que ces dispositions législatives établissement à la charge de l'Etat ou de la collectivité publique intéressée et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils sont victimes d'attaques relatives au comportement qu'ils ont eu, ou sont susceptibles d'avoir, dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général;
Considérant que, au cours des heures précédant la séance lors de laquelle il a statué sur le déféré dirigé par le préfet du Rhône contre les opérations de révision de la liste électorale de la commune de Vaulx-en-Velin, au mois de janvier 1981, le tribunal administratif de Lyon a reçu divers télégrammes mettant en cause l'impartialité de ses membres et proférant des menaces à leur égard; que les requérants, qui appartenaient à la formation appelés à examiner le déféré dont s'agit, ont été ainsi menacés et outragés dans l'exercice de leurs fonctions; que, dans les circonstances de l'affaire, et alors que n'est invoqué aucun motif d'intérêt général de nature à en dispenser le ministre de l'intérieur, il appartenait à celui-ci en vertu des dispositions législatives susrappelées, de provoquer les mesures susceptibles d'assurer la protection des requérants; que son refus implicite d'assurer cette protection, qui lui était demandée, est, dès lors, entaché d'excès de pouvoir et doit, pour ce motif, être annulé.
DECIDE
Article 1er - La décision implicite résultant du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur la demande de MM. Coudert, Delpla et Roux, est annulée.