CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 mars 2023
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 231 F-B
Pourvoi n° J 21-10.465
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2023
1°/ M. [AaAb [J],
2°/ Mme [Y] [B], épousAb [J],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° J 21-10.465 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Sud Méditerranée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Ac et Rebeyrol, avocat de M. et Mme [Ab], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Méditerranée, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 novembre 2020) et les productions, par acte notarié du 16 décembre 2004, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Méditerranée (la CRCAM) a consenti plusieurs prêts à la société Nemrod (la société).
2. M. et Mme [Ab] se sont portés cautions solidaires de ses engagements et ont consenti une hypothèque sur certains de leurs biens.
3. Le 5 février 2008, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Nemrod, procédure étendue à M. et Mme [Ab] pour confusion de patrimoine le 2 décembre 2008.
4. Le 18 février 2008, la CRCAM a effectué une première déclaration de créances au passif de la société et, le 22 décembre 2008, une autre au passif de M. et Mme [Ab], ces deux déclarations comportant les prêts susmentionnés et d'autres créances.
5. Par ordonnance du 24 septembre 2009, confirmée par l'arrêt d'une cour d'appel du 21 juin 2011, le juge-commissaire a, sur contestation de la société, admis au passif de cette dernière des créances relatives à un plafond de trésorerie et un crédit en compte courant, mais dit qu'il n'avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur la contestation relative aux créances nées d'effets de commerce. Les créances afférentes aux prêts du 16 décembre 2004 ne sont pas visées par cette décision.
6. La Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt en ce que le juge-commissaire avait le pouvoir de statuer sur la créance relative aux effets de commerce (
Com., 26 mars 2013, pourvoi n° 11-24.148⚖️), et renvoyé l'affaire devant une cour d'appel.
7. Le 6 octobre 2009, un tribunal de grande instance a validé un plan de continuation sur quinze ans.
8. Le 20 mars 2014, à la demande du commissaire à l'exécution du plan, ce tribunal a prononcé la résolution du plan pour non respect des engagements des débiteurs et la liquidation judiciaire de la société et de M. et Mme [Ab], la SCP Raymond étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
9. Le 1er juillet 2014, une cour d'appel a confirmé la résolution du plan mais infirmé le jugement sur la liquidation judiciaire et, statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire. Par arrêt du 18 mai 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre cet arrêt (Com., 18 mai 2016, pourvoi n° 14-24.313, 14-23.859).
10. La cour d'appel de renvoi, qui, saisie de la contestation des créances au passif de la société, avait sursis à statuer dans l'attente de l'issue du pourvoi sur la résolution du plan par arrêt du 28 janvier 2016, a, par arrêt distinct du 22 novembre 2018, constaté la péremption d'instance.
11. Le 23 avril 2018, la CRCAM a fait délivrer à M. et Mme [Ab], sur le fondement de l'acte notarié du 16 décembre 2004, un commandement aux fins de saisie-vente que ceux-ci ont contesté devant un juge de l'exécution.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, et sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
12. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
13. M. et Mme [Ab] font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit bon et valable le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 23 avril 2018 et, réformant le jugement et statuant à nouveau, validé le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 23 avril 2018 à hauteur de la somme de 228 000 euros, outre les frais à hauteur de la somme de 736,40 euros, soit 228 736,40 euros, alors :
« 1°/ que les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ne sont pas nouvelles, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions devant le premier juge, les époux [Ab] sollicitaient la nullité, pour irrégularité, du commandement de saisie-vente dont ils avaient été les destinataires ; qu'en appel, ils ajoutaient que ce commandement était encore irrégulier, pour reposer sur une déclaration de créance elle-même frappée de nullité ; que la fin recherchée était identique, puisqu'elle tendait à la nullité du commandement, de sorte qu'en jugeant que la demande de nullité de la déclaration de créance était irrecevable comme étant évoquée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a violé par refus d'application l'
article 565 du code de procédure civile🏛 ;
2°/ que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en l'espèce, il appartenait donc au juge de l'exécution de se prononcer sur la régularité des déclarations des créances effectuées par la CRCAM le 22 décembre 2008 dans le cadre de l'extension de la procédure collective aux époux [Ab], puisque les créances litigieuses fondaient les poursuites dirigées contre eux ; qu'en jugeant que la demande de la nullité de la déclaration de créance élevée dans le cadre de la contestation devant le juge de l'exécution était irrecevable, quand elle avait pourtant été élevée à l'occasion de l'exécution forcée, la cour d'appel a violé l'
article L. 231-6 du code de l'organisation judiciaire🏛. »
Réponse de la Cour
14. En application de l'
article L. 624-2 du code de commerce🏛, le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance effectuée à l'occasion d'une procédure collective, laquelle ressortit à la compétence exclusive du juge-commissaire.
15. C'est, dès lors, à bon droit que l'arrêt retient que la contestation de la déclaration de créance relevait exclusivement de la compétence du juge-commissaire et n'était pas recevable devant la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution.
16. Dès lors, le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il attaque des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [Ab] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. et Mme [Ab] et les condamne in solidum à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Méditerranée la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé en l'audience publique du deux mars deux mille vingt-trois par Mme Martinel, conseiller doyen, et signé par elle, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des
articles 452 et 456 du code de procédure civile🏛🏛. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Ac et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. et Abme [J].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les époux [Ab] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit bon et valable le commandement aux fins de saisie vente délivré le 23 avril 2018 et, réformant le jugement et statuant à nouveau, D'AVOIR validé le commandement aux fins de saisie vente délivré le 23 avril 2018 à hauteur de la somme de 228 000 €, outre les frais à hauteur de la somme de 736,40 €, soit 228 736,40 €.
1°/ ALORS QUE les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ne sont pas nouvelles, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions devant le premier juge, les époux [Ab] sollicitaient la nullité, pour irrégularité, du commandement de saisie-vente dont ils avaient été les destinataires ; qu'en appel, ils ajoutaient que ce commandement était encore irrégulier, pour reposer sur une déclaration de créance elle-même frappée de nullité ; que la fin recherchée était identique, puisqu'elle tendait à la nullité du commandement, de sorte qu'en jugeant que la demande de nullité de la déclaration de créance était irrecevable comme étant évoquée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a violé par refus d'application l'
article 565 du code de procédure civile🏛.
2°/ ALORS QUE le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en l'espèce, il appartenait donc au juge de l'exécution de se prononcer sur la régularité des déclarations des créances effectuées par la CRCAM le 22 décembre 2008 dans le cadre de l'extension de la procédure collective aux époux [Ab], puisque les créances litigieuses fondaient les poursuites dirigées contre eux ; qu'en jugeant que la demande de la nullité de la déclaration de créance élevée dans le cadre de la contestation devant le juge de l'exécution était irrecevable, quand elle avait pourtant été élevée à l'occasion de l'exécution forcée, la cour d'appel a violé l'
article L. 231-6 du code de l'organisation judiciaire🏛.
3°/ ALORS QUE l'autorité de la chose juge n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement entre les mêmes parties et a le même objet ; qu'en l'espèce, les époux [Ab] contestaient notamment la régularité des déclarations des créances effectuées par la CRCAM le 22 décembre 2008 à leur procédure collective ; qu'en jugeant qu'une telle contestation était irrecevable, l'ordonnance du 24 septembre 2009 portant admission des créances ayant acquis force de chose jugée, quand cette décision se rapportait aux créances déclarées le 18 février 2008 dans le cadre de la procédure collective ouverte contre la SCEA Nemrod, et non aux créances déclarées le 22 décembre 2008 à la procédure collective des époux [Ab], la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu l'
article 1355, du code civil🏛.
4°/ ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que les époux [Ab] contestaient encore la validité du commandement en soulignant qu'il avait été délivré à une date à laquelle la créance de la banque, qui fondait leur engagement de caution, était encore discutée devant le juge commissaire ; que la cour d'appel a constaté que cette discussion n'avait pris fin que le 22 novembre 2018, par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence constatant la péremption de l'instance ; qu'en jugeant parallèlement qu'aucun juge commissaire n'était plus saisi le 23 avril 2018, à la date de délivrance du commandement, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
5°/ ALORS QUE, à tout le moins, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge et suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'il détermine ; qu'en l'espèce, le commandement de saisie vente signifié le 23 avril 2018 se fondait sur des créances qui faisaient toutes l'objet de contestation devant le juge commissaire, lequel avait rendu une ordonnance prononçant un sursis à statuer le 23 novembre 2016, le dispositif de l'ordonnance précisant « qu'une instance devant statuer sur le sort de la créance de la CRCAM SM, est en cours, et qu'il ne peut être statué sur cette créance », instance qui ne s'est achevée qu'au 22 novembre 2018 lorsque la cour d'appel d'Aix-en-Provence a constaté la péremption de l'instance, en sorte que le juge-commissaire était bien saisi d'une contestation au 23 avril 2018 ; qu'en jugeant que, contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, plus aucun juge commissaire n'était saisi à la date du commandement litigieux, le 23 avril 2018, dès lors que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 1er juillet 2014 avait confirmé le jugement du 20 mars 2014 ayant prononcé la résolution du plan de redressement de la A Ad et des époux [Ab], la cour d'appel a violé les
articles 378 et 379 du code de procédure civile🏛🏛.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
Les époux [Ab] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit bon et valable le commandement aux fins de saisie vente délivré le 23 avril 2018 et, réformant le jugement et statuant à nouveau, D'AVOIR validé le commandement aux fins de saisie vente délivré le 23 avril 2018 à hauteur de la somme de 228 000 €, outre les frais à hauteur de la somme de 736,40 €, soit 228 736,40 €,
1°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir que la déclaration de créance doit indiquer la juridiction saisie lorsque la créance fait l'objet d'un litige en cours (concl. d'appel, p. 27), sous peine de perdre son effet interruptif de prescription, exigence que n'avait pas remplie la CRCAM dont la créance était ainsi prescrite ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
2°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir (concl. d'appel, p. 27-28) que la prescription relative au créance dont la CRCAM sollicitait l'exécution avait été interrompue avant toute chose par la procédure de saisie immobilière engagée par cette dernière le 11 septembre 2007 (prod. 19), qui avait abouti à un jugement du 16 juin 2017 prononçant la caducité de la procédure (prod. 20), lequel avait ainsi eu pour effet d'anéantir l'interruption de la prescription intervenue en 2007, en sorte que l'action de la CRCAM était nécessairement prescrite (concl. d'appel, p. 27-28) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé de plus fort l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Les époux [Ab] font encore grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit bon et valable le commandement aux fins de saisie vente délivré le 23 avril 2018 et, réformant le jugement et statuant à nouveau, D'AVOIR validé le commandement aux fins de saisie vente délivré le 23 avril 2018 à hauteur de la somme de 228 000 €, outre les frais à hauteur de la somme de 736,40 €, soit 228 736,40 €,
1°/ ALORS QUE le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ; qu'en l'espèce, les exposants invoquaient la compensation judiciaire entre la créance de la CRCAM SM et celle dont ils étaient titulaires à l'encontre de cette dernière, en raison des fautes qu'elle avait commise à leur égard ; qu'en jugeant toutefois que la demande de la caution ne visait « pas seulement à obtenir une compensation, mais à obtenir un titre exécutoire » en sorte qu'elle excédait la compétence du juge de l'exécution, la cour d'appel a violé l'
article 4 du code de procédure civile🏛 et l'
article L. 231-6 du code de l'organisation judiciaire🏛.
2°/ ALORS QUE le juge ne peut pas statuer par des motifs inopérants ; qu'en relevant que les faits dont se prévalaient les exposants, pour caractériser une faute de la banque, étaient sans lien avec les prêts fondant la mesure d'exécution forcée objet du débat, motif impropre à exclure la compensation invoquée, la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛.