Jurisprudence : CE Contentieux, 24-06-1987, n° 33739

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 33739

Droit

Lecture du 24 Juin 1987

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu, 1°, sous le n° 33 739, la requête enregistrée le 27 avril 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacques DROIT, demeurant 15 chemin de Pymont à Lons-le-Saulnier (Jura), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1° annule le jugement du 11 février 1981 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée assortie de pénalités auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1971 au 31 décembre 1973 par avis de mise en recouvrement du 12 août 1975 ; 2° lui accorde la décharge des impositions contestées, Vu, 2°, sous le n° 36 122, la requête enregistrée le 28 juillet 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacques DROIT, demeurant 15 chemin de Pymont à Lons-le-Saulnier (Jura), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1° annule le jugement du 8 juillet 1981 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier 1971 au 31 décembre 1973 par avis de mise en recouvrement du 12 août 1975 ; 2° lui accorde la décharge des impositions contestées, Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Ligen, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Le Roy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées émanent du même requérant et concernent les mêmes impositions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur la requête n° 33 739 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1939 du code général des impôts alors en vigueur :"1. En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être attaquées devant le tribunal administratif dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis portant notification de la décision" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision en date du 5 avril 1976 par laquelle le directeur des services fiscaux du Jura a rejeté la première réclamation de M. Jacques DROIT concernant les impositions litigieuses relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires dues au titre de la période du 1er janvier 1971 au 31 décembre 1973 a été notifiée à son domicile par lettre recommandée avec accusé de réception ; que M. DROIT a été avisé par deux avis laissés à son domicile, les 9 et 21 avri 1976, que cette lettre était à sa disposition au bureau de poste où elle est restée jusqu'au 24 avril 1976, date à laquelle elle a été renvoyée au service expéditeur ; que si le requérant allègue qu'il se serait trouvé à cette époque en détention préventive et qu'il n'aurait pu de ce fait recevoir de correspondance, il ressort des mentions de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Besançon le 25 octobre 1977 qu'il n'a été placé sous mandat de dépôt que le 28 avril 1976 ; qu'ainsi le moyen invoqué manque en fait ; que, dès lors, la décision du directeur des services fiscaux mentionnée ci-dessus doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée, à la date du 9 avril 1976 ; que, par suite, la demande de M. DROIT, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 1978, était tardive en tant qu'elle était dirigée contre cette décision ;
Considérant que M. DROIT a déposé une nouvelle réclamation le 6 décembre 1977 et invoque, pour en justifier la recevabilité, les dispositions de l'article 1932 du code général des impôts alors en vigueur, selon lesquelles : "... 5. Dans le cas où le contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'imposition à laquelle M. DROIT a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1971, par voie de taxation d'office, a été établie après qu'un premier forfait assigné au contribuable pour la période biennale 1970-1971 eut été regardé comme caduc par l'administration, sur le fondement du 10 de l'article 302 ter du code général des impôts et que l'imposition relative à la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1973 a été établie également par voie de taxation d'office, alors que M. DROIT avait refusé la proposition de forfait qui lui avait été faite ; que M. DROIT doit être regardé, dans ces conditions, comme ayant fait l'objet d'une "procédure de reprise ou de redressement" au sens des dispositions précitées de l'article 1932 du code ; qu'il disposait, par suite, en application de ces dispositions, d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ;
Considérant qu'en vertu du 1 de l'article 1966 du code général des impôts alors en vigueur, les omissions constatées dans l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la quatrième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due ; qu'en application de ce texte, l'administration pouvait réparer les omissions constatées dans l'assiette des impositions de M. DROIT à la taxe sur la valeur ajoutée dans des délais qui, faute d'avoir été interrompus dans les conditions prévues à l'article 1975 du même code, notamment par une notification de redressements, expiraient le 31 décembre des années 1975, 1976 et 1977 pour les impositions dues respectivement au titre des années 1971, 1972 et 1973 ; que M. DROIT était recevable à présenter jusqu'aux mêmes dates ses réclamations relatives à ces impositions ; que, dès lors, sa réclamation présentée le 6 décembre 1977, si elle était tardive en ce qui concerne la période antérieure au 1er janvier 1973, était recevable en ce qui concerne la période correspondant à l'année 1973 ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il rejette comme irrecevables, faute d'avoir fait l'objet d'une réclamation préalable dans le délai légal, les conclusions de M. DROIT tendant à la décharge des impositions auxquelles il a été assujetti au titre de cette dernière période ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions de la demande de M. DROIT ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'en vertu des dispositions du 1 de l'article 302 ter du code général des impôts applicables en 1973, le chiffre d'affaires imposable des entreprises dont le commerce principal était de vendre des marchandises était fixé forfaitairement s'il n'excédait pas annuellement la somme de 500 000 F ;
Considérant que l'administration établit, compte tenu notamment des constatations auxquelles a procédé le juge pénal, que le chiffre d'affaires de M. DROIT a dépassé au cours de chacune des années 1972 et 1973 la limite de 500 000 F ; que M. DROIT, qui durant l'année 1973 n'avait pas produit de déclarations de son chiffre d'affaires réel dans les conditions prévues à l'article 287 dudit code, était, en vertu des dispositions alors en vigueur des articles 288 et 179 du code, en situation d'être taxé d'office ; que, par suite, en admettant que les opérations de contrôle effectuées par l'administration fiscale aient eu, comme le soutient le requérant, le caractère d'une vérification de comptabilité, les irrégularités dont serait entachée cette vérification sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant qu'avant l'intervention de l'article 3 (II) de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, aucune disposition n'exigeait que les bases ou les éléments servant de base au calcul des impositions d'office soient portées à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement de ces impositions ; que, dès lors, M. DROIT n'est pas fondé à soutenir que les impositions contestées auxquelles il a été assujetti par voie de taxation d'office et qui ont été mises en recouvrement avant l'entrée en vigueur de la loi susrappelée auraient dû faire l'objet d'un notification précisant les modalités de leur détermination ;
Sur le montant des bases d'imposition :
Considérant que M. DROIT, régulièrement taxé d'office, a la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ; qu'il se borne à se prévaloir des conclusions du rapport de l'expert désigné dans l'instance pénale ouverte à son encontre pour fraude fiscale ; que la mission confiée à cet expert n'avait pas pour objet de déterminer l'assiette de la taxe dont M. DROIT était redevable, mais seulement de fournir au juge pénal les indications sur l'existence et l'importance de la fraude commise par l'intéressé ; que l'expert a lui-même indiqué que son évaluation présentait un caractère très approximatif ; que, dans ces conditions, la seule référence au rapport d'expertise établi à l'occasion de l'instance pénale ne saurait constituer la preuve de l'exagération de l'évaluation faite par l'administration des bases de l'imposition contestée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. DROIT n'est pas fondé à demander la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il a été assujetti au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1973 ;
Sur la requête n° 36 122 :
Considérant que M. DROIT a adressé le 20 décembre 1980 une troisième réclamation au directeur des services fiscaux du Jura concernant les mêmes impositions que celles qui ont fait l'objet de ses deux réclamations précédentes ; que le directeur des services fiscaux a rejeté cette troisième réclamation par une décision du 14 février 1981 ; que cette réclamation présentée postérieurement à l'expiration des délais ci-dessus indiqués résultant des dispositions combinées des articles 1932 et 1966 précités, était tardive pour les trois années en litige et, par suite, irrecevable ; qu'il suit de là que M. DROIT n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 8 juillet 1981, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du directeur des services fiscaux du Jura en date du 14 janvier 1981 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 11 février 1981 est annulé en tant qu'il a rejetécomme irrecevables les conclusions présentées par M. DROIT au titre de la période postérieure au 1er janvier 1973.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Besançon le 18 avril 1978 et concernant la période postérieure au 1er janvier 1973, le surplus des conclusions de la requête n° 33 739 et la requête n° 36 122 sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. DROIT et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et dela privatisation, chargé du budget.

Agir sur cette sélection :