CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 32528
Banque de l'Union Européenne
Lecture du 06 Janvier 1984
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 9ème Sous-Section
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 20 mars 1981, et le mémoire complémentaire, enregistré le 20 juillet 1981, présentés pour la Banque de l'Union Européenne, société anonyme ayant son siège à Paris (2ème) 4, rue Gaillon, agissant par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1° - annule le jugement du 5 janvier 1981, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur les salaires et de taxe d'apprentissage auxquels elle a été assujettie, au titre de l'année 1974, ainsi que des pénalités y afférentes,
2° - lui accorde la décharge des impositions contestées;
Vu le code du travail;
Vu le code général des impôts;
Vu le code des tribunaux administratifs;
Vu l'ordonnance n° 45-708 du 31 juillet 1945 et le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977.
Considérant qu'aux termes de l'article 1945 du code général des impôts, "les affaires portées devant le tribunal administratif sont jugées conformément aux dispositions législatives et réglementaires du code des tribunaux administratifs. Toutefois, les réclamations relatives aux impôts sur les revenus et taxes accessoires ainsi qu'aux amendes fiscales se rapportant à ces impôts et taxes sont jugées en séance non publique";
Considérant que le litige relatif à la taxe sur les salaires et à la taxe d'apprentissage, qui a fait l'objet du jugement attaqué, n'est pas au nombre de ceux qui, en vertu des dispositions précitées de l'article 1945 du code, doivent être jugés en séance non publique; que ce jugement mentionne qu'il a été rendu en séance non publique; qu'il doit, dès lors, être annulé;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société anonyme "Banque de l'Union Européenne" devant le tribunal administratif de Paris;
Considérant qu'à la suite d'une réorganisation des services de la "Banque de l'Union Européenne" M. Moschetto, directeur des affaires internationales de cette banque, a engagé une procédure devant le conseil des prud'hommes de Paris en vue de faire constater la résiliation de son contrat de travail aux torts de la banque et d'obtenir l'allocation à son profit d'une indemnité de préavis et d'une inde de licenciement; que, suivant les stipulations d'un procès-verbal de concilliation, en date du 18 septembre 1974, mettant fin au litige et donnant acte de la résiliation du contrat de travail, M. Moschetto a reçu de la "Banque de l'Union Européenne", d'une part, une indemnité compensatrice de préavis, de 40 770 F et, d'autre part, une indemnité de licenciement d'un montant total de 500 000 F que l'administration a regardée, à concurrence de 263 000 F, comme représentative de salaires, et imposable comme telle, alors que la "Banque de l'Union Européenne" a estimé que l'indemnité de 500 000 F avait en totalité le caractère de dommages-intérêts qui ne devaient pas être inclus dans le calcul des prélèvements assis sur les salaires;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68 043 du 29 novembre 1968 "... la taxe sur les salaires continue d'être due, dans les conditions fixées par la législation en vigueur avant la promulgation de la présente loi..."; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la banque raquérante, et sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 1960 bis du code général des impôts relatives à la procédure d'instruction et de jugement des réclamations concernant cette taxe, la taxe sur les salaires, dont les règles d'assiette n'ont pas été modifiées, n'a pas été transformée en un impôt indirect;
Considérant, en second lieu, que la circonstance que l'article L.122-14-4 du code du travail prévoit, dans certains cas, l'octroi au salarié licencié, par le tribunal saisi, d'une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au minimum fixé par cet article est, par elle-même, sans influence sur la détermination de la nature de l'indemnité versée à M. Moschetto, en application de l'arrangement amiable susmentionné du 18 septembre 1974;
Considérant, en troisième lieu, qu'en admettant même, eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, que la somme litigieuse représente, en tout ou en partie, une fraction d'une indemnité de licenciement, une telle indemnité ne peut être regardée comme ayant le caractère de dommages-intérêts non imposables que si elle a pour objet de compenser un préjudice autre que celui résultant de la perte de salaires; que l'existence d'un tel préjudice n'est pas, en l'espèce, établie; qu'en particulier, si la résiliation du contrat de M. Moschetto en exécution du protocole de conciliation est la conséquence du différend qui existait entre la banque et son employé, cette circonstance ne saurait, à elle seule, conférer à l'arrangement amiable intervenu le 18 septembre 1974 le caractère d'un licenciement abusif justifiant l'attribution de dommages-intérêts au titre d'un préjudice autre que la perte de revenus;
Considérant, enfin, que la moyen tiré par la société requérante de l'existence d'une double imposition résultant, selon elle, de la taxation de l'indemnité, concurremment à celle des rémunérations versées à M. Moschetto par son nouvel employeur, manque en fait, s'agissant de l'assujettissement de deux employeurs successifs à des taxes ayant une assiette distincte;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme "Banque de l'Union Européenne" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a assigné des compléments de taxe sur les salaires et de taxe d'apprentissage au titre de l'année 1974.
DECIDE
Article 1er - Le jugement, en date du 5 janvier 1981, du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 - La demande présentée par la société anonyme "Banque de l'Union Européenne" devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.