Jurisprudence : CA Paris, 6, 3, 22-02-2023, n° 19/11168, Infirmation partielle


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3


ARRET DU 22 FEVRIER 2023


(n° , 7 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11168 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA5MM


Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/02778



APPELANTE


Madame [Aa] [W]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Sébastien LHEUREUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G0264


INTIMEE


ASSOCIATION AIDE MEDICO SOCIAL VIEILLARD 18EME ARR ONDISSEMENT (AMSAV)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente


Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation sur poste


ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛,

- signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation sur poste, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSE DU LITIGE


Madame [W] a été embauchée le 28 septembre 2002 par l'ASSOCIATION AIDE MEDICO SOCIAL VIEILLARD 18 ÈME ARRONDISSEMENT l'AMSAV en qualité d'agent à domicile ' Niveau 14 à temps partiel (136,5 heures par mois).


Elle percevait un salaire d'un montant de 1.370,26 euros.


L'A.M.S.A.V. fait application de la Convention Collective Nationale de la branche, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.


L'association compte plus de 10 salariés.


Le 9 mars 2015, Madame [W] a été victime d'un accident du travail pris en charge par la Caisse d'assurance maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels.


À l'issue de la visite médicale de reprise du 30 mai 2017, le médecin du travail concluait à son inaptitude à l'issue d'un seul examen.



Par lettre du 12 juin 2017, Madame [Aa] [W] était licenciée pour inaptitude physique d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.


Par jugement en date du 1 er octobre 2019 , le Conseil de Prud'hommes de Paris déboutait

Madame [W] de l'ensemble de ses demandes et l'AMSAV de ses demandes reconventionnelles.


Madame [W] en a interjeté appel.


Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [W] demande à la cour de

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté l'A.M.S.A.V. de ses demandes

reconventionnelles,

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Madame [Aa] [W] de l'ensemble de ses demandes.

Statuant de nouveau sur les chefs du jugement critiqués, condamner l'A.M.S.A.V. à payer à Madame [Aa] [W] les sommes suivantes :

À titre principal,

20.000 euros dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1226-15 du Code du travail🏛 en violation des dispositions de l'article L.1226-10 à L.1226-12

À titre subsidiaire,

20.000 euros indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

147,56 euros complément d'indemnité spéciale de licenciement

- 6.000 euros dommages et intérêts pour inégalité de traitement et exécution fautive du contrat de travail :

-6.000 euros dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de maintien de l'employabilité :

1.800 euros - article 700 du Code de procédure civile🏛

En cause d'appel,

Condamner l'A.M.S.A.V. au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700-2° du Code de procédure civile,

Condamner l'A.M.S.A.V. aux intérêts légaux et anatocisme et aux dépens.


Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, AMSAVdemande à la cour de


- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en toutes ses dispositions et en conséquence, débouter Madame [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en ce qu'il a rejeté la

demande reconventionnelle formée par l'AMSAV et en conséquence, condamner Madame [W] au remboursement de la somme de 3.155,66 euros ;

- Condamner Madame [W] à verser à l'AMSAV la somme de 1.000 euros au

titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛 ;

- Subsidiairement, compenser la somme de 3.155,66 euros avec les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de l'AMSA.


La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.



MOTIFS


Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement de Madame [W]


L'article L.1226-15 du Code du travail🏛 dispose que :

Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14.

Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement.


Aux termes de sa requête, Madame [W] estime qu'à défaut de consultation des délégués du personnel sur les possibilités de son reclassement, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse et que ce défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné par une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaires, somme prévue à l'article L.1226-15 du Code du travail🏛 dans sa version applicable au litige.


L'article L.1226-2-1 du Code du travail🏛 prévoit que :

« Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre. »


Au visa de ces dispositions, l'AMSAV considère qu'est posé le principe selon lequel lorsqu'il est médicalement établi que le salarié ne peut être maintenu dans un emploi sans risque grave pour sa santé, le reclassement est inutile.


Le médecin du travail indiquait dans son avis en date du 30 mai 2017

' Inaptitude définitive au poste d'aide à domicile et à tous postes dans l'entreprise.

L'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.


Il résulte de ces nouvelles dispositions que l' absence de recherche de reclassement en raison de l'état de santé du salarié rend sans incidence l'absence de consultation des représentants du personnel , ceux-ci ayant uniquement vocation a donner un avis sur les possibilités de reclassement .


Dés lors le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.


La salariée sera déboutée de sa demande en paiement à ce titre de la somme de 20 000€.


Sur l'indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis, l'inégalité de traitement et l'exécution fautive du contrat de travail.


Madame [W] expose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et qu'en application de l'article L1226-14 du code du travail🏛 , la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L1226-12 ouvre droit à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité spéciale de licenciement qui est au moins égale au double de l'indemnité prévue à l'article L1234-9 du code du travail🏛.


Elle critique le jugement en ce qu'il a constaté que l'employeur n'avait satisfait à cette obligation qu'en cours d'instance. Elle soutient être victime d'une inégalité de traitement , cette indemnité ayant un caractère alimentaire . Elle soutient également avoir rencontré des difficultés avec la prévoyance de l'entreprise.

Elle sollicite par conséquent l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il l'a déboutée de sa demande et, statuant de nouveau sur ce chef, la condamnation de l'AMSAV au paiement des sommes suivantes de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement et exécution fautive du contrat de travail.


Comme l'a mentionné le jugement l'employeur a régularisé en cours d'instance prud'homale l'indemnité de préavis, elle ne démontre pas le préjudice subi du fait de ce retard, elle sera déboutée de cette demande .


Aucun élément n'est apporté à l'appui de son grief tendant à une inégalité de traitement.


Madame [W] indique avoir été radiée par sa mutuelle car l'AMSAV n'avait pas accompli les démarches qui lui incombaient postérieurement au licenciement, cependant il résulte des échanges de courrier entre la mutuelle Klesia que c'était à elle de justifier de sa prise en charge par pôle emploi .

Dés lors ce grief n'est pas établi.

La salariée sera déboutée de cette demande et le jugement confirmé sur ce point.


Sur le solde de l'indemnité spéciale


L'AMSAV reste devoir à Madame [Aa] [W] la somme de 147,56 euros.

La salariée a eu l'occasion de préciser sa méthode de calcul à son employeur dans un courrier du 27 juin 2017.


A la date de son licenciement, Madame [W] a perçu la somme de 9.632,42 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement . Madame [W] sollicite la condamnation de l'AMSAV à lui verser un complément d'indemnité spéciale de licenciement à hauteur de 147,56 euros au motif que son ancienneté telle que retenue par l'AMSAV à l'appui du calcul de cette indemnité serait inférieure (14 ans et 6mois) à celle qui aurait dû être retenue selon la salariée au titre de son ancienneté (14 ans et 8 mois).

Madame [W] sollicite donc la somme de 147,56 euros correspondant, selon elle, au complément de son indemnité spéciale de licenciement.


L'AMSAV soutient que l'ancienneté de Madame [W] pour le calcul du montant de son indemnité de licenciement est de 11 ans après déduction des périodes d'absences non assimilées à du travail effectif.


La convention collective applicable prévoit à l'article 17.2 relatif à l'incidence des absences sur l'ancienneté prévoit que les absences ne sont pas prises en compte dans le calcul de l'ancienneté à l'exception des 30 premiers jours consécutifs ou non de maladie non professionnelle par année d'ancienneté dans l'entreprise.


Il ressort des absences éditées par le logiciel de gestion de l'AMSAV que les absences déductibles de Madame [W] sont les suivantes :

- arrêt maladie d'origine non professionnelle durant 1061 jours entre 2003 et 2015, soit 844 jours (soit 2,31 ans) à déduire en application des dispositions légales et conventionnelles ;

- congé parental à hauteur de 965 jours entre 2011 et 2013, soit 483 jours (soit 1,32 an) à déduire en application des dispositions légales et conventionnelles ;

soit au total une période d'absence déductible de 3,63 années pour une ancienneté réduite de 14,72 ans à 11 ans.


L'AMSAV justifie ne pas avoir pris en considération les absences pour origine professionnelle, des lors son décompte sera validé et la salariée sera déboutée de sa demande .


Sur la demande reconventionnelle de l'AMSAV


Il convent de constater comme l'a mentionné le conseil de Prud'hommes que le calcul de la société pour déterminer le trop perçu à la somme de 3155,66€ ne figure pas dans les conclusions que cette somme qui représente un tiers du montant de l'allocation ne peut correspondre à la déduction d'une ancienneté de 3, 63 ans sur 14,72 ans.


Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'AMSAV de cette demande.


Sur l'employabilité


L'article L.6321-1 du Code du Travail🏛 :

L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l 'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.


Madame [W] soutient que malgré son ancienneté de plus de 15 ans elle n'a bénéficié que de deux formations , ce qui est insuffisant au maintien de son employabilité .


L'AMSAV indique que cette obligation trouve notamment tout son intérêt pour les emplois soumis à des évolutions technologiques (salariés utilisant des machines ou de l'informatique etc.) ou, par exemple, législatives (juriste, comptable, etc ) et considère que madame [W] qui en raison de son état de santé ne pouvait bénéficier d'un reclassement n'est pas fondée à soutenir un préjudice de ce fait.


Il convient de constater que pendant toute la durée de son contrat de travail , la salariée n'a bénéficié que de deux formations respectivement de 14 et 35 heures en 2010 , ce qui au regard de l'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptabilité des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi constitue un manquement de l'association dans l'exécution du contrat et entraine un préjudice distinct de celui de la rupture .


Il lui sera alloué à ce titre la somme de 2000 euros.


Sur la capitalisation des intérêts


En l'espèce la somme accordée à la salariée l'est à titre indemnitaire , les intérêts ne seront dus qu'à compter du présent arrêt , les conditions de l'article 1343-2 du code civil🏛 n'étant pas réunies .



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile🏛,


CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté madame [W] de sa demande en dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de maintien de l'employabilité ,


Y ajoutant,


CONDAMNE l'ASSOCIATION AIDE MEDICO SOCIAL VIEILLARD 18 ÈME ARRONDISSEMENT à payer à madame [W] la somme de :


- 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de maintien de l'employabilité


- Dit que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;


Dés lors il ne sera pas fait droit à l'anatocisme.


CONDAMNE l'ASSOCIATION AIDE MEDICO SOCIAL VIEILLARD à payer à Me LHEUREUX, avocat de madame [W] , la somme de 2000 euros en application et dans les conditions des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991🏛 relative à l'aide juridique et de l'article 700-2° du code de procédure civile.


DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,


LAISSE les dépens à la charge de l'ASSOCIATION AIDE MEDICO SOCIAL VIEILLARD.


LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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