CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 30465
PAUGAM et Ministre du budget
Lecture du 17 Novembre 1986
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Vu 1° sous le n° 30 465, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 janvier 1981, présentée pour M. Robert PAUGAM, demeurant 15 rue du docteur Prouff à Morlaix (29210), et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1° réforme le jugement du 26 novembre 1980 par lequel le tribunal administratif de Rennes ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 1970 dans les rôles de la commune de Morlaix à l'occasion de la plus-value qu'il a réalisée lors de la cession de son entreprise individuelle ; 2° lui accorde la décharge totale de l'imposition contestée ;
Vu 2° sous le n° 32 295, le recours du ministre du budget, enregistré le 12 mars 1981 et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1° annule le jugement du 26 novembre 1980 par lequel le tribunal administratif de Rennes a accordé à M. PAUGAM la décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 1970 dans les rôles de la commune de Morlaix à l'occasion de la plus-value qu'il avait réalisée lors de la cession de son entreprise individuelle ; 2° remette intégralement l'imposition contestée à la charge de M. PAUGAM ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes, - les observations de Me Barbey, avocat de M. PAUGAM, - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de M. PAUGAM et le recours du ministre du budget sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant que le 1er janvier 1968, M. PAUGAM a donné en location-gérance le fonds de commerce d'entreprise de bâtiments et travaux publics qu'il exploitait à Morlaix, rue du Docteur Prouff, à la société anonyme "Constructions nouvelles PAUGAM et Cie" moyennant une redevance annuelle de 120 000 F ; que le 31 juillet 1970 il a cédé son fonds à la société pour le prix de 160 000 F ; que l'administration a estimé qu'à cette somme devaient être ajoutés les trois quarts de la redevance perçue pendant la période de location, soit 232 500 F et qu'ainsi le prix de cession devait être évalué à 400 000 F, montant qui dégage une plus-value de cession d'éléments d'actif faisant l'objet d'impositions supplémentaires au taux de 10 % pour un montant en droits et pénalités de 48 196 F ; que M. PAUGAM demande l'entière décharge de cette imposition tandis que le ministre du budget critique e jugement attaqué en tant qu'il a accordé une réduction de cette imposition ;
Considérant que l'administration soutient que la minoration du prix de cession était démontrée par le caractère selon elle excessif des redevances de location, lesquelles auraient ainsi constitué des acomptes sur le prix de cession ; qu'elle doit être regardée comme invoquant ainsi, au regard des actes successifs de location et de vente, un abus de droit ; que n'ayant pas saisi le comité consultatif prévu à l'article 1653 C du code général des impôts, il lui appartient conformément aux dispositions alors en vigueur de l'article 1649 quinquies B d'établir que le prix de cession n'est pas sincère et n'a pas correspondu à la valeur des éléments cédés ;
Considérant qu'il résulte des termes de l'acte de cession en date du 31 juillet 1970 que celui-ci a porté sur des éléments incorporels pour un montant de 50 000 F, et sur divers véhicules et matériels de travaux publics pour 110 000 F, à l'exclusion d'aucun terrain ou bâtiment et du bail commercial, qui n'aurait d'ailleurs pas été utile à la société acquéreuse, celle-ci ayant acquis ou construit hors de Morlaix de nouveaux locaux ; que l'administration n'allègue pas que les éléments cédés aient été sous-évalués ; que la seule circonstance que les redevances de location versées en 1968 et 1969 auraient été exagérées n'est pas suffisante à démontrer par elle-même qu'elles auraient eu même partiellement le caractère d'acomptes sur le prix de la cession projetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget n'ayant pas apporté la preuve de l'existence d'une plus-value de cession supérieure à celle qui a été déclarée par le contribuable, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes ait prononcé un dégrèvement partiel de l'imposition contestée ; que M. PAUGAM est à l'inverse fondé à demander l'entière décharge de cette imposition ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 26 novembre 1980 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à M. PAUGAM décharge de la somme de 48 196 F correspondant à l'imposition d'une plus-value à long terme au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 1970.
Article 3 : Le recours du ministre du budget est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. PAUGAM et auministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et dela privatisation, chargé du budget.