Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 janvier et 23 novembre 2020,
les communes de Stains, Saint-Denis, L'Île-Saint-Denis, Aubervilliers et
Ab, représentées par Me Alimi, demandent au tribunal, dans le dernier état
de leurs écritures :
1°) d'annuler les décisions implicites de refus nées du silence gardé par le
Premier ministre, le ministre de la justice, le ministre de l'Education
nationale et de la jeunesse, le ministre de l'intérieur, le ministre de la
cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
et le ministre de l'économie et des finances sur leurs demandes, réceptionnées
les 10 et 11 septembre 2019 et tendant à la réparation des préjudices subis du
fait de la carence de l'Etat dans le calcul de la dotation de solidarité
urbaine et de cohésion sociale et en raison des dépenses supplémentaires
qu'elles ont dû prendre en charge en matière de sécurité, d'éducation et de
justice ;
2°) de condamner l'Etat à verser à chaque commune la somme d'un euro
symbolique, en réparation des préjudices subis ;
3°) d'enjoindre à ces mêmes autorités de mette fin aux carences de l'Etat en
matière de calcul des dotations ;
4°) d'ordonner la nomination d'un expert pour rechercher les causes du
dommage, déterminer les mesures propres à en prévenir l'aggravation ou à en
assurer la réparation et évaluer le coût de ces mesures, enfin de vérifier si
les mesures annoncées par l'Etat le 31 octobre 2019 dans le plan d'action pour
la Seine-Saint-Denis sont suffisantes ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de
l'
article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
La commune de Stains et autres soutiennent, dans le dernier état de leurs
écritures, que :
En ce qui concerne l'exception d'incompétence :
- la requête étant une requête indemnitaire, le tribunal administratif de Montreuil est compétent, en application des dispositions du 3° de l'
article R. 312-14 du code de justice administrative🏛.
En ce qui concerne la recevabilité de la requête :
- une demande indemnitaire préalable a été réceptionnée par les ministres concernés les 10 et 11 septembre 2019, ainsi que permettent de l'établir les accusés de réception postaux produits.
En ce qui concerne les fautes :
- la mise en uvre par l'exécutif des critères relatifs à la population, au nombre de logements sociaux, au nombre de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, au revenu par habitant et au potentiel financier, permettant le calcul de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, est entachée de carences ; en outre, d'autres critères devraient être adoptés ;
- du fait de la carence de l'Etat, les communes requérantes ont été obligées d'engager des dépenses qui ne leur reviennent pas en matière de sécurité, d'éducation et de justice.
En ce qui concerne les préjudices :
- un expert doit être désigné pour déterminer l'étendue des préjudices subis par les communes requérantes ;
- elles demandent néanmoins la condamnation de l'Etat à leur verser, chacune, la somme d'un euro symbolique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2020, le préfet de la
Seine-Saint- Denis conclut au rejet de la requête.
Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait valoir que le tribunal administratif de
Montreuil n'est pas compétent, que la requête est irrecevable dès lors qu'elle
n'a pas été précédée de demandes indemnitaires préalables, enfin qu'aucun des
moyens que contient cette requête n'est fondé.
Par un courrier en date du 13 octobre 2021, la commune de Bondy s'est désistée
de l'instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des communes ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la
loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998🏛 ;
- la
loi n° 2002-276 du 27 février 2002🏛 ;
- le décret n° 2003-485 du 5 juin 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. L'hôte, rapporteur ;
- les conclusions de M. Colera, rapporteur public ;
- et les observations de Me Alimi, représentant les communes requérantes.
Considérant ce qui suit :
1. Les communes de Stains, Saint-Denis, L'Île-Saint-Denis, Aubervilliers et
Ab demandent que l'Etat soit condamné à leur verser un euro symbolique
chacune en raison de sa carence dans le calcul de la dotation de solidarité
urbaine et de cohésion sociale et en raison des dépenses supplémentaires
qu'elles ont dû prendre en charge en matière de sécurité, d'éducation et de
justice, du fait du transfert illégal de compétences par l'Etat dans ces
matières. Elles demandent également qu'un expert soit désigné pour évaluer les
préjudices subis et qu'il soit enjoint à l'Etat de mettre fin à ces carences.
I. Sur le désistement d'instance de la commune de Bondy :
2. Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2021, la commune de Bondy a
déclaré se désister de la présente requête. Ce désistement d'instance est pur
et simple et rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
II. Sur l'exception d'incompétence :
3. Aux termes de l'
article R. 312-14 du code de justice administrative🏛 : «
Les actions en responsabilité fondées sur une cause autre que la
méconnaissance d'un contrat ou d'un quasi-contrat et dirigées contre l'Etat,
les autres personnes publiques ou les organismes privés gérant un service
public relèvent : /( )/3° Dans tous les autres cas, de la compétence du
tribunal administratif dans le ressort duquel se trouvait, au moment de
l'introduction de la demande, la résidence de l'auteur ou du premier des
auteurs de cette demande, s'il est une personne physique, ou son siège, s'il
est une personne morale. »
4. La présente requête étant une requête tendant à la condamnation de l'Etat
au versement de dommages-intérêts du fait de carences et les communes
requérantes ayant leur siège dans le département de la Seine-Saint-Denis, le
tribunal administratif de Montreuil est compétent pour statuer sur ce litige.
III. Sur les conclusions indemnitaires :
III.A. En ce qui concerne les prétendues fautes dans la mise en uvre des
critères permettant le calcul de la dotation de solidarité urbaine et de
cohésion sociale :
5. Aux termes de l'article L. 2334-15 du code général des collectivités
territoriales : « La dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale a
pour objet de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les
communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et
supportant des charges élevées. ». Aux termes de son article L. 2334-16 : «
Bénéficient de la dotation prévue à l'article L. 2334-15 : / 1° Les trois
premiers quarts des communes de 10 000 habitants et plus, classées, chaque
année, en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges défini
à l'article L. 2334-17 ;/ 2° Le premier dixième des communes dont la
population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants, classées, chaque
année, en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges défini
à l'article L. 2334-18 ». Aux termes de l'article L. 2334-17 de ce même code :
« L'indice synthétique de ressources et de charges mentionné à l'article L.
2334-16 pour les communes de 10 000 habitants et plus est constitué : / 1° Du
rapport entre le potentiel financier par habitant des communes de 10 000
habitants et plus et le potentiel financier par habitant de la commune, tel
que défini à l'article L. 2334-4 / 2° Du rapport entre la proportion de
logements sociaux dans le total des logements de la commune et la proportion
de logements sociaux dans le total des logements des communes de 10 000
habitants et plus ; / 3° Du rapport entre la proportion du total des
bénéficiaires d'aides au logement, y compris leur conjoint et les personnes à
charge vivant habituellement dans leur foyer, dans le nombre total de
logements de la commune et cette même proportion constatée dans l'ensemble des
communes de 10 000 habitants et plus ; /4° Du rapport entre le revenu moyen
par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le revenu par
habitant de la commune, calculé en prenant en compte la population définie au
premier alinéa de l'article L. 2334-2 / Les logements sociaux retenus pour
l'application du présent article sont les logements locatifs appartenant aux
organismes d'habitations à loyer modéré, aux sociétés d'économie mixte locales
et aux filiales de la société ICADE, à l'exclusion des logements-foyers
mentionnés au 5° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de
l'habitation. Sont aussi retenus comme des logements sociaux pour
l'application du présent article les logements de la Société nationale
immobilière ou de ses filiales qui appartenaient au 1er janvier 2006 à la
société ICADE et qui sont financés dans les conditions fixées par le dernier
alinéa des articles L. 2335-3, L. 5214-23-2, L. 5215-35 et L. 5216-8-1 du
présent code. Sont également considérés comme des logements sociaux pour
l'application du présent article les logements appartenant à l'Entreprise
minière et chimique et aux sociétés à participation majoritaire de
l'Entreprise minière et chimique, les logements appartenant aux houillères de
bassin, aux sociétés à participation majoritaire des houillères de bassin
ainsi qu'aux sociétés à participation majoritaire des Charbonnages de France,
les logements de la Société nationale immobilière qui appartenaient au 1er
janvier 2001 aux Houillères du bassin de Lorraine et aux sociétés à
participation majoritaire des Houillères du bassin de Lorraine et les
logements appartenant à l'Etablissement public de gestion immobilière du Nord-
Pas-de-Calais et les logements locatifs ayant bénéficié de prêts spéciaux
consentis par le Crédit foncier de France appartenant à des personnes morales
autres que celles citées ci-dessus à la condition qu'ils constituent sur le
territoire d'une commune un ensemble d'au moins 2 000 logements. Les
organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte
locales sont tenus de fournir au représentant de l'Etat dans la région, chaque
année avant le 31 octobre, un inventaire par commune des logements sociaux
dont ils sont propriétaires au 1er janvier. Le défaut de production de cet
inventaire ou la production d'un inventaire manifestement erroné donne lieu à
l'application d'une amende de 1 500 euros recouvrée comme en matière de taxe
sur les salaires. Un décret fixe le contenu de l'inventaire mentionné ci-
dessus. /Les aides au logement retenues pour l'application du présent article
sont, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, les
prestations prévues aux articles L. 351-1 du code de la construction et de
l'habitation et L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale./ Le
revenu pris en considération pour l'application du 4° est le dernier revenu
imposable connu./ L'indice synthétique de ressources et de charges est obtenu
par addition des rapports visés aux 1°, 2°, 3° et 4°, en pondérant le premier
par 45 %, le deuxième par 15 %, le troisième par 30 % et le quatrième par 10
%. Toutefois, chacun des pourcentages de pondération peut être majoré ou
minoré pour l'ensemble des communes bénéficiaires d'au plus cinq points dans
des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Les communes sont
classées en fonction de la valeur décroissante de leur indice synthétique. ».
Enfin, aux termes de l'article L. 2334-18 de ce même code : « Les dispositions
de l'article L. 2334-17 s'appliquent pour le calcul de l'indice synthétique de
ressources et de charges des communes de 5 000 à 9 999 habitants, sous réserve
de la substitution des moyennes nationales constatées pour ces communes à
celles constatées pour les communes de 10 000 habitants et plus./ Les communes
sont classées en fonction de la valeur décroissante de leur indice
synthétique. »
III.A.1. S'agissant du critère relatif à la population :
6. Aux termes de l'article L. 2334-2 du code général des collectivités
territoriales : « La population à prendre en compte pour l'application de la
présente section est celle qui résulte du recensement ( ) ». Par ailleurs, aux
termes de l'
article 156 de la loi du 27 février 2002🏛 relative à la démocratie
de proximité : « I.- Le recensement de la population est effectué sous la
responsabilité et le contrôle de l'Etat. / II.- Le recensement a pour objet :
/1° Le dénombrement de la population de la France ; ( ) / ( ) III. -La
collecte des informations est organisée et contrôlée par l'Institut national
de la statistique et des études économiques. ( )/( ) VI.- Les dates des
enquêtes de recensement peuvent être différents selon les communes. /Pour les
communes dont la population est inférieure à 10 000 habitants, les enquêtes
sont exhaustives et ont lieu chaque année par roulement au cours d'une période
de cinq ans. Pour les autres communes, une enquête par sondage est effectuée
chaque année ; la totalité du territoire de ces communes est prise en compte
au terme de la même période de cinq ans. /Chaque année, un décret établit la
liste des communes concernées par les enquêtes de recensement au titre de
l'année suivante/VII.- Pour établir les chiffres de la population, l'Institut
national de la statistique et des études économiques utilise les informations
collectées dans chaque commune au moyen d'enquêtes de recensement exhaustives
ou par sondage, les données démographiques non nominatives issues des fichiers
administratifs, notamment sociaux et fiscaux, que l'institut est habilité à
collecter à des fins exclusivement statistiques, ainsi que les résultats de
toutes autres enquêtes statistiques réalisées en application de l'
article 2 de
la loi n° 51-711 du 7 juin 1951🏛 précitée. ( ). /VIII.- Un décret authentifie
chaque année les chiffres des populations de métropole, des départements
d'outre- mer, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-
Miquelon, des circonscriptions administratives et des collectivités
territoriales ( ) ».
7. Les communes requérantes soutiennent que le critère de la population,
servant à déterminer tant l'éligibilité des communes à la dotation de
solidarité urbaine et de cohésion sociale que la répartition de cette dotation
entre les communes, est biaisé par l'application qu'en fait le pouvoir
exécutif, dès lors qu'il existe un décalage entre les données de l'INSEE
(Institut national de la statistique et des études économiques) actualisées
tous les trois ans et la réalité du terrain. Elles ajoutent que le fichier des
titres de séjour A utilisé pour déterminer la population étrangère n'est
pas fiable dès lors qu'il ne recense que les étrangers en situation régulière
et que ces derniers ne signalent pas leurs changements d'adresse. Elles font
enfin remarquer que les étrangers en situation irrégulière ne sont pas pris en
compte alors qu'ils sont estimés entre 150 000 et 200 000 personnes, avec une
marge d'erreur de 33 %. Toutefois, l'article L. 2334-2 du code général des
collectivités territoriales, qui définit la notion de population à prendre en
compte pour le calcul des dotations relevant de la dotation globale de
fonctionnement, dont la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale,
mentionne que cette population est celle qui résulte du recensement, lequel
est défini, tant en ce qui concerne sa périodicité que sa méthodologie, par
l'
article 156 de la loi du 27 février 2002🏛 relative à la démocratie de
proximité. Dès lors, en utilisant les données issues du recensement pour
déterminer la population à prendre en compte pour calculer la dotation de
solidarité urbaine et de cohésion sociale, le pouvoir exécutif n'a fait que se
conformer à la loi. En outre, en admettant même que les étrangers en situation
irrégulière ne soient pas ou soient mal pris en compte dans les opérations de
recensement effectuées par l'INSEE, ce pouvoir exécutif ne saurait, sans
empiéter sur le pouvoir législatif, intégrer de son propre chef une estimation
de ces étrangers en situation irrégulière dans le critère de la population à
prendre en compte pour calculer la dotation de solidarité urbaine et de
cohésion sociale.
III.A.2. S'agissant du critère relatif au nombre de logements sociaux et aux
bénéficiaires des aides au logement :
8. Les communes requérantes soutiennent que le critère du nombre de logements
sociaux, servant à déterminer l'éligibilité des communes à la dotation de
solidarité urbaine et de cohésion sociale, n'est pas pertinent et les
désavantage dès lors que le département de la Seine-Saint-Denis est un
département atypique où la proportion de logements sociaux n'est pas élevée.
Elles ajoutent que le recensement de ces logements est effectué à partir du
répertoire du parc locatif spécial qui ne comprend pas les logements sociaux
conventionnés, les logements sociaux appartenant à des personnes privées, les
logements de type logements- foyers donnant lieu à la perception d'une
redevance, les places répertoriées dans les centres d'hébergement et de
réinsertion sociale et les résidences sociales. Toutefois, en appliquant le
critère du nombre de logements sociaux, figurant au nombre des critères
mentionnés par l'article L. 2334-17 du code général des collectivités
territoriales, le pouvoir exécutif n'a fait que se conformer à la loi. Par
ailleurs, la liste des logements sociaux à prendre en compte est
limitativement délimitée par ce même article L. 2334-17, de telle sorte que le
pouvoir exécutif ne saurait, sans empiéter sur le pouvoir législatif, intégrer
de son propre chef d'autres catégories de logement sociaux dans le critère du
nombre de logements sociaux à prendre en compte pour calculer la dotation de
solidarité urbaine et de cohésion sociale. Enfin, l'argument selon lequel le
critère du nombre de bénéficiaires d'aides au logement n'est pas adapté n'est
assorti d'aucune précision qui permettrait au juge administratif d'en
apprécier la portée.
III.A.3. S'agissant de la pondération des critères relatifs au potentiel
fiscal et au revenu par habitant :
9. Les communes requérantes soutiennent que le critère du revenu par
habitant, plus favorable aux communes de la Seine-Saint-Denis, devrait être
plus pondéré que celui du potentiel fiscal. Cette pondération entre les
critères retenus pour déterminer l'éligibilité à la dotation de solidarité
urbaine et de cohésion sociale, est cependant fixée par l'
article L. 2334- 17
du code général des collectivités territoriales🏛 et il n'appartient pas au
pouvoir exécutif de la modifier.
III.A.4. S'agissant de la proposition de nouveaux critères :
10. Enfin, si les communes requérantes soutiennent que des critères liés au
niveau scolaire des élèves et aux besoins des communes en matière de sécurité
devraient être pris en compte, la liste de ces critères est limitativement
énumérée par l'article L. 2334-17 du code général des collectivités
territoriales.
III.B. En ce qui concerne les prétendues fautes résultant de transferts de
charges non financées en matière de sécurité, de justice et d'éducation :
11. Aux termes de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités
territoriales : « Aucune dépense à la charge de l'Etat ou d'un établissement
public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement
aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi.
»
III.B.1. S'agissant des dépenses en matière de sécurité :
12. En s'appuyant sur des données tirées de l'«Atlas des inégalités
territoriales » publiées en avril 2019 par la commune de La Courneuve, selon
lesquelles il n'est dénombré que 25,6 policiers pour 10 000 habitants en
Seine-Saint-Denis alors que ce nombre est de 29 policiers pour 10 000
habitants au niveau national, les communes requérantes soutiennent que
l'insécurité qui caractérise le département est due à la carence de l'Etat en
matière de répartition des effectifs de policiers et que cette carence les a
obligées à prendre en charge des dépenses relevant normalement de l'Etat.
Ainsi, la commune de Saint-Denis a dû renforcer la police municipale et
installer un dispositif de vidéo-surveillance, ce qu'a également fait la
commune de Bondy. Toutefois, comme le souligne le préfet de la Seine-Saint-
Denis, ces dépenses relèvent de la compétence des communes en application des
dispositions du 6° de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités
territoriales en ce qui concerne la police municipale ou sont ouvertes aux
communes par l'
article L. 251-1 du code de la sécurité intérieure🏛, de telle
sorte qu'aucun transfert direct de compétences de l'Etat n'a eu lieu. Par
ailleurs, selon un rapport de la Cour des comptes de 2019 sur la préfecture de
police, cité par le préfet de la Seine-Saint-Denis, l'analyse de l'allocation
des effectifs de sécurité depuis 2009 témoigne d'un rééquilibrage réussi dans
les départements de Paris et des Hauts-de-Seine vers la Seine-Saint-Denis et
le Val-de-Marne. Ce rapport mentionne, en outre, que, hormis Paris, la Seine-
Saint-Denis est le département qui dispose du plus grand nombre de policiers
pour 10 000 habitants, soit 19,72 policiers pour 10 000 habitants en 2018. En
outre, le préfet rappelle que le plan d'actions « L'Etat plus fort en Seine-
Saint-Denis » d'octobre 2019 prévoit la création de deux quartiers de
reconquête républicaine (QRR) qui donneront lieu à la création de 50 postes de
policiers supplémentaires en 2020 et l'affectation de 100 officiers de police
judiciaire supplémentaires sur deux ans. Enfin, le préfet fait valoir que
l'Etat soutient les dispositifs de vidéo-surveillance au moyen du fonds
interministériel de prévention de la délinquance (FIDP) avec, en 2019, trente
systèmes mis en place dans le département de la Seine-Saint-Denis, pour un
montant de 1 749 850 euros. Dans ces conditions, aucun transfert indirect de
compétence de l'Etat, qui serait lié à sa carence dans la répartition des
effectifs de la police au détriment de la Seine-Saint-Denis, n'est
caractérisé.
III.B.2. S'agissant des dépenses en matière d'éducation :
13. En s'appuyant sur des données contenues dans le rapport parlementaire
d'information sur l'évaluation de l'action de l'Etat dans l'exercice de ses
missions régaliennes en Seine-Saint-Denis paru en mai 2018, selon lesquelles
le taux de remplacement des professeurs en congé-maladie est particulièrement
bas avec un taux de 51,26 % en Seine- Saint-Denis contre 78,41 % pour toute la
France, les communes requérantes soutiennent que les dysfonctionnements en
matière d'enseignement qui caractérisent le département de la Seine-Saint-
Denis sont dus à la carence de l'Etat en matière de répartition des effectifs
d'enseignant et que cette carence les a obligées à prendre en charge des
dépenses relevant normalement de l'Etat. Ainsi la commune de Stains a-t-elle
dû recruter des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles
(ATSEM). Elles ajoutent que le dédoublement des classes de cour préparatoire
et de cours élémentaire première année ainsi que la scolarisation dès l'âge de
trois ans ont obligé les communes, notamment celle de Stains, à engager des
dépenses en matière d'investissements mobiliers ou immobiliers. Toutefois,
comme le fait valoir le préfet de la Seine-Saint-Denis, les ATSEM sont à la
charge des communes, ainsi que le prévoit l'article R. 412-127 du code des
communes, de telle sorte qu'il ne peut y avoir eu de transfert direct de
charges. Par ailleurs, selon la réponse ministérielle à une question écrite
(réponse du ministre de l'éducation nationale à la question écrie n° 11146 ;
JO sénat 17 octobre 2019 n° 5288) citée par le préfet, le nombre de poste pour
cent élèves a connu une amélioration significative entre la rentrée 2012 (5,22
pour une moyenne nationale de 5,25) et la rentrée 2018 (5,99 pour une moyenne
nationale de 5,56), le taux devant passer à 6,09 avec 282 emplois
supplémentaires attribués en 2019. Le plan d'actions « L'Etat plus fort en
Seine- Saint-Denis » d'octobre 2019 prévoit la création de 500 postes
d'enseignants en Seine-Saint- Denis. Enfin, le département a reçu un soutien
important en matière d'investissement, avec la dotation de soutien à
l'investissement local de 26 millions d'euros en 2019, dont 1,1 million
d'euros pour la commune d'Aubervilliers et 144 000 euros pour celle de Saint-
Denis ainsi que la dotation politique de la ville, de 17,4 millions d'euros en
2019 en matière d'éducation, dont, 2,6 millions d'euros pour Saint-Denis, 2,5
millions d'euros pour Aubervilliers, 1,4 million d'euros pour Bondy, 700 000
euros pour Stains et 300 000 euros pour L'Île-Saint- Denis. Ces éléments,
avancés par le préfet de la Seine-Saint-Denis, ne sont pas sérieusement
contredits par les communes requérantes. Dans ces conditions, aucun transfert
indirect de compétence de l'Etat, qui serait lié à sa carence dans la
répartition des effectifs de l'enseignement au détriment de la Seine-Saint-
Denis ou encore de dépenses induites par la politique éducative, n'est
caractérisé.
III.B.3. S'agissant des dépenses en matière de justice :
14. En s'appuyant sur des données contenues dans le rapport parlementaire
d'information cité au point 13, selon lesquelles les effectifs des magistrats
du tribunal d'instance d'Aubervilliers sont moindres que ceux des tribunaux
d'instance du 15ème et du 18ème arrondissement de Paris alors que la
population couverte est plus importante pour le premier, les communes
requérantes soutiennent que les dysfonctionnements en matière de justice qui
caractérisent le département de la Seine-Saint-Denis sont dus à la carence de
l'Etat en matière de répartition des effectifs du personnel judiciaire et que
cette carence les a obligées à prendre en charge des dépenses relevant
normalement de l'Etat. Ainsi la commune de Stains a été obligée de créer une
maison du droit et celle de Seine-Saint-Denis un emploi d'écrivain public.
Toutefois, comme le fait valoir le préfet de la Seine-Saint-Denis, la maison
du droit et l'écrivain public n'ont pas pour fonction de rendre la justice,
mais celle de faciliter son accès et leur création est une manifestation du
principe de libre administration des collectivités locales, de telle sorte
qu'il ne peut y avoir eu de transfert direct de charges. Le préfet ajoute que
l'Etat participe à l'effort national pour rendre la justice plus accessible
avec les maisons de la justice et du droit créées par la loi du 18 décembre
1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits, dont
sept sont implantées en Seine-Saint-Denis. Enfin, il fait valoir que le plan
d'actions « L'Etat plus fort en Seine-Saint-Denis » d'octobre 2019 prévoit la
création de 12 postes de magistrat et 35 postes de greffier. Les éléments
avancés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas sérieusement
contredits par les communes requérantes. Dans ces conditions, aucun transfert
indirect de compétence de l'Etat, qui serait lié à sa carence dans la
répartition du personnel judiciaire au détriment de la Seine- Saint-Denis ou
encore de dépenses induites par la politique judiciaire, n'est caractérisé.
15. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de carences ou de
fautes de l'Etat constatées, les conclusions indemnitaires doivent être
rejetées.
IV. Sur les conclusions aux fins de désignation d'un expert :
16. Aucune carence ou faute de l'Etat n'étant caractérisée, les conclusions
aux fins de désignation d'un expert chargé d'évaluer les préjudices subis par
les communes doivent être rejetées comme ne présentant pas un caractère utile
à la résolution du litige.
V. Sur les conclusions aux fins d'injonction :
17. Aux termes de l'
article L. 911-1 du code de justice administrative🏛 : «
Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit
public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public
prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie
de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle,
cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ». Aux termes
de l'article L. 911-2 de ce code : « Lorsque sa décision implique
nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit
privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision
après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce
sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle
décision intervienne dans un délai déterminé. ». Enfin, aux termes de son
article L. 911-3 : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut
assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des
articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les
conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ».
18. Aucune carence de l'Etat n'étant caractérisée dans la mise en uvre des
critères permettant le calcul de la dotation de solidarité urbaine et de
cohésion sociale, les conclusions en injonction tendant à ce que l'Etat y
mette fin doivent être rejetées.
19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la
fin de non-recevoir soulevée en défense, que la requête des communes de Stains
et autres doit être rejetée.
VI. Sur les frais liés à l'instance :
20. Aux termes de l'
article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 : «
Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à
défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine,
au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient
compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il
peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire
qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ».
21. Les dispositions de l'
article L. 761-1 du code de justice administrative🏛font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la
partie perdante dans la présente instance, la somme que les communes de Stains
et autres réclament au titre des frais liés à l'instance.