CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 28315
Ministre du Budget
contre
Société
Lecture du 01 Juillet 1983
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 8ème sous-section
Vu le recours, enregistré le 25 novembre 1980 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1°) annule le jugement en date du 10 juillet 1980 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a réduit de 3 324 F, l'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société au titre de 1972 dans les rôles de la commune de xxxxx;
2°) rétablisse l'imposition à concurrence des droits primitivement assignés;
Vu le code général des impôts;
Vu le décret n° 67-27 du 9 janvier 1967 portant institution d'un système de réserves obligatoires applicable aux établissements bancaires;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 9 janvier 1967: "Les établissements bancaires... sont tenus de conserver, sous forme de dépôts non rémunérés à la Banque de France ou éventuellement sous d'autres formes d'actifs liquides un montant minimum de réserves"; qu'aux termes de l'article 3 du même décret: "Les banques inscrites qui n'auraient pas constitué en temps voulu le minimum de réserves exigé en application du présent décret sont redevables envers la Banque de France d'intérêts moratoires à un taux fixé par celle-ci dans les limites prévues par le conseil national du crédit"; qu'enfin ledit décret dispose, en son article 5, que toute infraction aux prescriptions qu'il édicte "est passible des sanctions disciplinaires prévues pour chaque catégorie d'établissements par la réglementation qui lui est propre";
Considérant que, par le jugement dont le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget fait appel, le tribunal administratif de Bordeaux, estimant que les intérêts moratoires au paiement desquels la société anonyme a été astreinte en 1972 sur le fondement des dispositions susrappelées de l'article 3 du décret du 9 janvier 1967 avaient été compris à bon droit par cette banque dans les charges de l'exercice au cours duquel elle en est devenue redevable a prononcé la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés assignée à cette société à raison de la réintégration dans ses résultats du montant des intérêts moratoires dont il s'agit; que le ministre fonde son pourvoi tant sur les dispositions spéciales du 2 de l'article 39 du code général des impôts que sur la règle générale selon laquelle les pertes ou charges subies par une entreprise ne sont pas déductibles de ses bénéfices imposables lorsqu'elles procèdent d'actes ou opérations étrangers à une gestion commerciale ou financière normale;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code: "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges... 2. Les transactions, amendes, confiscations, pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants aux dispositions légales régissant les prix, le ravitaillement, la répartition des divers produits et l'assiette des impôts, contributions et taxes, ne sont pas admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt"; que, d'une part, il ressort de l'article 5 précité du décret du 9 janvier 1967 que les seules sanctions qui peuvent frapper les auteurs d'infractions aux prescriptions du décret sont les sanctions disciplinaires que prévoit, pour chaque catégorie d'établissement, la réglementation qui lui est propre; que, d'autre part, les intérêts moratoires prévus à l'article 3 du décret, étant dus à la Banque de France Même en l'absence de toute poursuite disciplinaire, ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme une transaction, une amende ou une pénalité au sens de l'article 39-2 précité du code général des impôts;
Considérant, en second lieu, que pour l'application des dispositions de l'article 38 du code général des impôts selon lesquelles le bénéfice net imposable est "déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises", seuls peuvent ne pas être pris en compte les actes ou opérations qui ont été réalisés à des fins autres que celle de satisfaire les besoins ou, de manière générale, servir les intérêts de l'entreprise et qui, dans ces conditions, ne peuvent pas être regardés comme relevant d'une gestion normale de celle-ci; que, par suite, ne relèvent pas nécessairement d'une gestion anormale tous les actes ou opérations que l'exploitant décide de faire, en n'ignorant pas qu'il expose ainsi l'entreprise, en vertu d'obligations assorties de sanctions pécuniaires, à devoir supporter de ce chef certaines charges ou dépenses; que c'est seulement si de telles opérations ont été décidées à des fins étrangères aux intérêts de l'entreprise qu'elles peuvent être réputées relever d'une gestion anormale; qu'en l'espèce, l'administration ne soutient pas et il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que la en s'abstenant de constituer en temps voulu le minimum de réserves auxquelles elle était tenue et en s'exposant ainsi à devoir payer des intérêts moratoires à la Banque de France, ait entendu servir d'autres intérêts que les siens;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement susvisé et le rétablissement de l'imposition supplémentaire litigieuse.
DECIDE
Article 1er: Le recours du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, est rejeté.