CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 28300
Commune de Lauterbourg
Lecture du 07 Decembre 1983
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 2ème Sous-Section
Vu la requête en tierce-opposition, enregistrée le 24 novembre 1980 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et le mémoire complémentaire, enregistré le 26 mai 1981, présentés pour la commune de Lauterbourg représentée par son maire en exercice demeurant en cette qualité à la mairie de Lauterbourg et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1°) déclare non avenue sa décision en date du 3 octobre 1980 par laquelle il a annulé, à la demande de M. Schwartz et autres, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 20 décembre 1976, ensemble les arrêtés du préfet du Bas-Rhin du 27 novembre 1974 en tant qu'il porte déclaration d'utilité publique d'un projet de création d'une base de plein air et de loisirs sur le territoire de la commune de Lauterbourg et qu'il déclare cessibles certaines parcelles, et l'arrêté en date du 5 décembre 1975 en tant qu'il autorise la société des gravières de Lauterbourg à exploiter certaines parcelles;
2°) rejette la requête présentée par MM. Schwartz, Mme Hager, Mme Vermersch, M. et Mme Deck, M. et Mme Molique, M. Jeorger, M. et Mme Vojel et Mme Deck;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Sur la régularité de la tierce-opposition:
Considérant qu'en vertu de l'article 79 de l'ordonnance du 31 juillet 1945, toute personne qui n'a été ni appelée ni représentée dans l'instance peut former tierce-opposition à une décision du Conseil d'Etat rendue en matière contentieuse et que cette voie de droit est ouverte à ceux qui se prévalent d'un droit auquel la décision entreprise aurait préjudicié;
Considérant que par une décision en date du 3 octobre 1980 le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé d'une part, un arrêt du préfet du Bas-Rhin en date du 27 novembre 1974 en ce qu'il avait déclaré d'utilité publique le projet de création d'une base de plein air et de loisirs sur le territoire de la commune de Lauterbourg et en ce qu'il avait déclaré cessibles des parcelles appartenant à M. Schwartz, à Mme Hager et à Mme Vermersch, d'autre part, un arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 5 décembre 1975 en tant qu'il avait autorisé la société des gravières de Lauterbourg à exploiter les parcelles ayant appartenu à Mme Vermersch, à M. et Mme Deck, à M. et Mme Molique, à M. Jeorger, à M. et Mme Vogel, à Mme Hager, à Mme Deck (Hélène) et à M. Schwartz;
Considérant que la commune de Lauterbourg n'a été ni appelée ni représentée dnas l'instance ayant abouti à cette décision; qu'elle était le bénéficiaire de l'arrêté préfectoral du 27 novembre 1974; que l'arrêté du 5 décembre 1975 autorisait l'ouverture et l'exploitation d'une carrière qui conditionnait la réalisation de la base de plein air et de loisirs; que, par suite, la commune de Lauterbourg qui était d'ailleurs propriétaire des parcelles en cause est recevable à former tierce opposition à la décision du Conseil d'Etat du 3 octobre 1980 non seulement en tant qu'elle a prononcé l'annulation partielle de l'arrêté préfectoral du 27 novembre 1974 mais aussi, dans les circonstances de l'espèce, en ce qu'elle a partiellement annulé l'arrêté préfectoral du 5 décembre 1975;
Sur le bien-fondé de la tierce-opposition:
En ce qui concerne l'arrêté préfectoral du 27 novembre 1974:
Sur le détournement de pouvoir:
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier par la commune de Lauterbourg, que dès l'année 1967, le conseil municipal de cette commune a fait le projet de réaliser un équipement public de loisires à caractère nautique et ne l'a jamais abandonné; qu'en confiant à la société les gravières de Lauterbourg l'exploitation des matériaux se trouvant dans le sous-sol des terrains choisis pour recevoir ledit équipement, sans différer pour autant les travaux d'aménagement nécessaires à la réalisation du projet jusqu'à la fin de l'exploitation des matériaux, la commune a eu pour but de réaliser son objectif d'intérêt général au moindre coût; que, dès lors, l'arrêté préfactoral du 27 novembre 1974 déclarant d'utilité publique le projet de création de cette base de plein air et de loisirs et déclarant cessibles les immeubles nécessaires à la réalisation de ce projet n'était pas entaché de détournement de pouvoir;
Sur les autres moyens invoqués à l'appui des requêtes n°s 6 157, 6 158 et 6 159 devant le Conseil d'Etat:
Considérant que le moyen tiré de ce que le dossier soumis à l'enquête publique n'aurait pas été constitué conformément aux dispositions réglementaires applicables n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé;
Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'enquête que le dossier a été déposé au moins pendant 15 jours consécutifs du 29 octobre au 14 novembre 1974 et que le commissaire enquêteur a reçu les observations du public pendant les 3 derniers jours; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'enquête n'aurait pas eu la durée prescrite doit être écarté;
Considérant que si quelques-unes des parcelles à exproprier étaient cultivées, contrairement aux énonciations contenues dans l'avis du commissaire enquêteur, l'erreur de fait ainsi commise par ce dernier n'a pas été de nature à affecter le sens de son avis sur l'utilité publique de l'opération;
Considérant que l'équipement sportif et touristique dont la réalisation a été déclarée d'utilité publique n'est pas au nombre des grands ouvrages auxquels s'applique l'article 10 de la loi du 8 août 1962;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet du Bas-Rhin de consulter les ministres de l'agriculture, de l'équipement, de l'industrie et de la qualité de la vie; que le projet litigieux ne soulevant pas un problème de développement ou d'aménagement régional au sens des articles 8 et 14 de la loi du 5 juillet 1972, le conseil régional et le comité économique et social de la région Alsace n'avaient pas à être consultés; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût des terrains qui restaient à acquérir à la date de l'arrêté attaqué ait dépassé le seuil au délai duquel la consultation de la commission départementale des opérations immobilières et de l'architecture était obligatoire, en application du décret du 28 août 1969 et, de ses arrêtés d'application;
Considérant qu'à la date de l'arrêté attaqué, aucun schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme englobant la commune de Lauterbourg n'avait été approuvé; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'opération projetée serait incompatible avec le schéma directeur doit être écarté;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'opération déclarée d'utilité publique qui comporte, après exploitation des sables et graviers et assainissements d'une zone marécageuse, la création d'une base de plein air et de loisirs et le remblaiement de terrains disponibles pour l'urbanisation présente un caractère d'intérêt général au regard duquel les inconvénients d'ordre écologique engendrés par la durée des travaux et le coût financier ne sont pas excessifs; que le principe d'égalité devant les charges publiques n'a pas été méconnu;
En ce qui concerne l'arrêté préfectoral du 5 décembre 1975:
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté par voie de conséquence de celle de l'arrêté préfectoral du 27 novembre 1974 doivent être écartées;
Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 5 décembre 1975 serait intervenu à une date antérieure à la notification des ordonnances d'expropriation aux propriétaires intéressés manque en fait;
Considérant que l'irrégularité alléguée de la convention passée entre la commune de Lauterbourg et la société des gravières de Lauterbourg en date du 28 juillet 1975 est, en tout état de cause, sans effet sur la légalité de l'arrêté dont il s'agit;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la commune de Lauterbourg est fondée à demander que la décision du Conseil d'Etat du 3 octobre 1980 soit déclarée non avenue.
DECIDE
Article 1er - La tierce-opposition formée par la commune de Lauterbourg est admise.
Article 2 - La décision en date du 3 octobre 1980 du Conseil d'Etat statuant au contentieux est déclarée non avenue.
Article 3 - Les conclusions des requêtes n°s 6 157 à 6 167 sont rejetées.