CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 27391
M. xxxxx
Lecture du 10 Juin 1983
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 7ème Sous-Section
Vu la requête, enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 15 septembre 1980, présentée par M. xxxxx, demeurant xxxxx à xxxxx, et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1°) annule le jugement du 24 juin 1980 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu et de la majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1973 dans les rôles de la ville de xxxxx;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées;
Vu le code général des impôts;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que, par acte notarié du 6 juillet 1973, la société anonyme "xxxxx xxxxx" a vendu à M. xxxxx, actionnaire et ancien président-directeur général de la société, pour la somme de 400 000 F, un appartement dont elle était propriétaire et qu'il occupait à Paris; que l'administration, après avoir fixé à 1 200 000 F le prix servant de base aux droits de mutation, a estimé que l'insuffisance ainsi révélée constituait un bénéfice distribue par la société à M. xxxxx et a rehaussé à due concurrence les bases de l'impôt sur le revenu dû par l'intéressé au titre de l'année 1973;
Sur la procédure d'imposition:
Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. xxxxx, le redressement litigieux, notifié au contribuable par lettre du 31 juillet 1975, comportait une motivation suffisante;
Considérant, d'autre part, que, si M. xxxxx fait valoir qu'il n'a accepté le chiffre de 1 200 000 F comme base de calcul des droits de mutation qu'en contre-partie des assurances qui lui auraient été données par le service que son acceptation mettrait fin à toute procédure fiscale fondée sur le même fait générateur, cette circonstance, à la supposer établie, ne pouvait pas faire obstacle à ce que l'administration engageât une procédure de redressement pour asseoir un supplément d'impôt sur le revenu;
Sur le principe de l'imposition au regard du code général des impôts:
Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts: "Sont notamment considérés comme revenus distribués: ... c) Les rémunérations et avantages occultes"; que constitue un avantage occulte au sens de ces dispositions le fait pour une société anonyme de vendre à un actionnaire à un prix minoré un bien figurant jusque là à l'actif social; qu'en pareil cas, l'administration est en droit d'imposer entre les mains du bénéficiaire de cet avantage, comme revenu distribué, le montant de la différence entre le prix consenti et le prix auquel la transaction aurait été conclue si elle avait été négociée dans des conditions normales;
Considérant que, M. xxxxx n'ayant pas accepté le redressement qui lui a été notifié, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de la minoration du prix de vente à M. xxxxx de l'appartement susmentionné;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à la situation et aux caractèristiques de l'immeuble dont s'agit, le prix de 400 000 F, alors même qu'il aurait été fixé à dire d'expert, doit être regardé comme inférieur à la valeur vénale réelle de l'immeuble à la date à laquelle la cession est intervenue; que le prix de 1 200 000 F retenu par le service est appuyé d'éléments de comparaison dont le contribuable ne critique pas la pertinence; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve d'une minoration, à hauteur de la différence entre ces deux chiffres, du prix de vente de l'appartement; que, par voie de conséquence, cette différence a été réintégrée à bon droit, sous réserve des stipulations de la convention internationale qu'invoque M. xxxxx, dans les bases d'imposition de celui-ci au titre de l'année 1973;
Sur l'application de la convention fiscale france-italienne:
Considérant que le contribuable se prévaut, pour faire obstacle à l'imposition litigieuse, des stipulations des articles 3 et 8 de la convention conclue le 29 octobre 1958 entre la France et l'Italie tendant à éviter les doubles impositions, modifiée par l'avenant et le protocole du 6 décembre 1965, dont les ratifications ont été autorisées respectivement par l'ordonnance du 23 décembre 1958 et la loi du 26 décembre 1966 et publiées au journal officiel du 14 mars 1968;
Considérant qu'aux termes de l'article 3, paragraphe 2, de la convention: "a) le domicile fiscal d'une personne physique est au lieu où elle a son "foyer permanent d'habitation", cette expression désignant le centre des intérêts vitaux c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites. - Lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le comicile d'après l'alinéa qui précède, la personne physique est réputée posséder son domicile dans celui des deux Etats où elle séjourne principalement. En cas de séjour d'égale durée dans les deux Etats, elle est réputée avoir son domicile dans celui des deux Etats dont elle a la nationalité...";
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. xxxxx, qui s'était retiré en Italie après avoir cessé, depuis 1971, d'exercer les fonctions de président-directeur général de la société xxxxx xxxxx, avait en 1973 dans ce pays le centre de ses intérêts vitaux; que, par suite, quelle qu'ait été la durée de ses séjours en France au cours de cette même année, et sans que puisse y faire obstacle la double circonstance qu'il a perçu en France des revenus comme conseiller technique de la même société et a disposé d'un appartement en France, son domicile fiscal, au sens de la convention, se trouvait en Italie;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de cette même convention, dans la rédaction que lui a donné l'article 2 de l'avenant du 6 septembre 1965, "1. Les dividendes payés par une société qui est domiciliée dans un des Etats contractants à une personne domiciliée dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat... 3. Le terme "dividendes" employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances ainsi que les revenus d'autres parts sociales assimilés aux revenus d'actions par la législation fiscale de l'Etat où la société distributrice à son domicile"; que l'article 14 stipule que "Les tantièmes, jetons de présence et autres allocations attribués aux membres du Conseil d'Administration ou de surveillance de sociétés par actions ou sociétés coopératives ou aux gétants de sociétés à responsabilité limitée ne sont imposables que dans celui des deux Etats où est domiciliée la société qui les verse";
Considérant qu'il résulte clairement des dispositions précitées qu'au nombre des revenus qui y sont limitativement énumérés ne figurent pas les rémunérations et avantages occultes réputés distribués par application de l'article 111 précité du code général des impôts; que les revenus de cette nature, n'étant visés par aucun autre article de la convention, relèvent en conséquence de l'article 19 aux termes duquel: "Les impôts prélevés sur tous les autres revenus que ceux visés aux articles précédents ne sont perçus que dans l'Etat où le bénéficiaire a son domicile"; que cette dernière stipulation a pour effet d'attribuer à l'Italie la perception de l'impôt qui peut être assis sur le revenu constitué par l'avantage occulte ci-dessus mentionné;
Considérant, toutefois, que l'administration, pour faire obstacle à la décharge de l'imposition qui résulte de ce qui vient d'être dit, oppose les stipulations de l'article 20 de la même convention aux termes duquel: "Dans les cas où, conformément aux dispositions de la présente convention, un revenu doit être exempté de la part de l'un des deux Etats, l'exemption sera accordée si et dans la mesure où ce revenu est imposable dans l'autre Etat";
Considérant qu'il ressort clairement de cette stipulation que, dans le cas où la convention a pour effet de faire échapper à l'impôt français un revenu qui serait normalement passible de cet impôt, le revenu dont il s'agit ne peut bénéficier de l'exemption découlant de la convention que s'il est imposable en Italie;
Considérant que, l'état de la procédure ne permettant par au Conseil d'Etat de savoir si l'avantage occulte accordé à M. xxxxx en 1973 est imposable en en Italie au sens de l'article 20 de la convention, il y a lieu, avant de statuer sur ce point, d'ordonner un supplément d'instruction afin de recueillir tous éléments, notamment un document émanant le cas échéant de l'autorité fiscale italienne énonçant sa position sur ce point, de nature à déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure l'avantage occulte dont a bénéficié M. xxxxx en 1973 et qui serait, en l'absence de convention fiscale, normalement passible en France du complément d'impôt litigieux, est imposable en Italie.
DECIDE
ARTICLE 1er: - Avant de se prononcer sur les conclusions de la requête de M. xxxxx il sera procédé, par le ministre de l'économie, des finances et du budget contradictoirement avec le requérant, à un supplément d'instruction en vue de produire tous éléments utiles et notamment, le cas échéant un document émanant de l'autorité fiscale italienne compétente, en vue de determiner si et, le cas échéant, dans quelle mesure l'avantage occulte dont a bénéficié M. xxxxx en 1973, sous la forme d'une minoration, par la "xxxxx xxxxx", du prix d'un appartement sis à Paris, dont elle était propriétaire et qu'elle a vendu à M. xxxxx en 1973, est imposable en Italie.
ARTICLE 2: - Un délai de quatre mois à dater de la notification qui lui sera faite de la présente décision est accordé au ministre de l'économie, des finances et du budget pour produire la documentation mentionnée à l'article 1er.