CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 25288
M. Christian Huglo et Mme Corinne Lepage-Jessua MM. Yves Lepage et Gérard Courchinoux
Lecture du 02 Juillet 1982
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 10ème Sous-Section
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juillet 1980 sous le n° 25 288 et le mémoire complémentaire, enregistré le 19 novembre 1980, présentés par M. Christian Huglo et par Mme Corinne Lepage-Jessua, avocats associés près la Cour d'Appel de Paris, domiciliés en leur cabinet 30, rue de la Boëtie à Paris (8ème) et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 80-338 du 12 mai 1980 modifiant le décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953 portant règlement d'administration publique pour l'application du décret du 30 septembre 1953 sur la réforme du contentieux administratif;
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 juillet 1980, sous le n° 25 323 et les mémoires complémentaires enregistrés le 15 juillet 1980 et 27 mai 1981, présentés par M. Yves Lepage, avocat près la Cour d'Appel de Paris et domicilié au cabinet de Maître Baudel, 43 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (8ème) et par M. Gérard Courchinoux, avocat près la Cour d'Appel de Paris, domicilié en son cabinet, 11 rue Perronet à Paris (7ème) et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 80-338 du 12 mai 1980 modifiant le décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953 portant règlement d'administration publique pour l'application du décret du 30 septembre 1953 sur la réforme du contentieux administratif;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment ses article 22, 34 et 37;
Vu le code des tribunaux administratifs;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu le décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que les requêtes de M. Christian Huglo, de Mme Corinne Lepage-Jessua et de MM. Yves Lepage et Gérard Courchinoux sont dirigées contre un même décret; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision;
Sur les interventions:
Considérant, d'une part, que la Fédération nationale des unions des jeunes avocats a intérêt à l'annulation du décret attaqué; que son intervention est recevable;
Considérant, d'autre part, que l'exercice d'une fonction publique ne donne pas à un fonctionnaire ou à un groupement de fonctionnaires, un intérêt les rendant recevables à intervenir à l'appui d'un recours tendant à l'annulation d'un règlement applicable au service dont ce fonctionnaire relève; que, par suite, l'intervention du Syndicat de la juridiction administrative n'est pas recevable;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'article 1° du décret du 12 mai 1980:
Sur le défaut de contreseing du ministre de l'intérieur:
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution, "les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution"; que, s'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution;
Considérant que l'exécution du décret attaqué n'appelle aucune mesure que le ministre de l'intérieur fût compétent pour signer ou contresigner; que, par suite, et bien que ce décret modifie dans certaines de ses dispositions un décret revêtu du contreseing de ce ministre, lequel exerce certaines compétences en matière d'organisation et de gestion des tribunaux administratifs, le contreseing dudit ministre n'était pas nécessaire;
Sur la légalité de la disposition attaquée;
Considérant que les décisions du président et des présidents adjoints de la section du contentieux ont pour seul objet de suspendre provisoirement les effets d'un jugement du tribunal administratif ordonnant le sursis à exécution d'une décision administrative qui a un caractère exécutoire; que ce caractère est la règle fondamentale du droit public et que le sursis à exécution n'est pour le juge qu'une simple faculté, alors même qu'existent des moyens sérieux d'annulation et un préjudice difficilement réparable; que la mesure de suspension est imposée par la nécessité de rétablir dans l'intérêt général et dans le plus court délai, la possibilité pour l'administration d'exécuter la décision administrative prise; qu'elle ne préjuge aucune question de droit ou de fait et n'intervient qu'à titre provisoire à l'occasion d'un appel formé contre le jugement de sursis du tribunal administratif sur lequel les formations du Conseil d'Etat, qui demeurent saisies, statueront suivant la procédure et dans les formes habituelles; qu'ainsi les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'article 1° du décret attaqué aurait soit créé un nouvel ordre de juridiction ou violé l'article 32 de l'ordonnance du 31 juillet 1945, soit porté atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques soit méconnu des principes généraux de procédure s'appliquant aux décisions du Conseil d'Etat statuant au contentieux; que ledit décret n'a pas davantage violé l'égalité des citoyens devant la justice;
Considérant que si l'article L 8 du code des tribunaux administratifs dispose que les jugements des tribunaux administratifs sont exécutoires, l'article 48 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 permet au Conseil d'Etat de donner un effet suspensif aux requêtes dont il est saisi; qu'il appartient au pouvoir réglementaire de déterminer l'autorité qui, au sein du Conseil d'Etat, a qualité pour donner un effet suspensif aux requêtes; qu'aucun texte législatif ou principe général du droit ne fait obstacle à ce que le Gouvernement, par l'exercice de son pouvoir réglementaire, organise pour suspendre les effets d'un jugement de sursis, une procédure différente de celle qui est prévue par l'article 54 du décret susvisé du 30 juillet 1963 pour suspendre les effets d'une décision administrative; qu'ainsi, les dispositions attaquées n'ont porté atteinte ni à l'article L 8 du code des tribunaux administratifs ni à l'article 48 de l'ordonnance du 31 juillet 1945;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'article 2 du décret du 12 mai 1980:
Considérant que cet article se borne à reproduire, sous réserve de modifications de pure forme, les dispositions du quatrième alinéa de l'article 23 du décret susvisé du 28 novembre 1953; qu'en l'absence de lien indivisible entre les dispositions ainsi contestées et les autres prescriptions du décret attaqué, les conclusions dirigées contre la reproduction de dispositions antérieures sont tardives, et, par suite, non recevables.
DECIDE
Article 1er - L'intervention de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats est admise.
Article 2 - L'intervention du Syndicat de la juridiction administrative n'est pas admise.
Article 3 - Les requêtes de M. Christian Huglo, de Mme Corinne Lepage-Jessua et de MM. Yves Lepage et Gérard Courchinoux sont rejetées.