Jurisprudence : Cass. soc., 08-02-2023, n° 21-11.535, F-D, Cassation

Cass. soc., 08-02-2023, n° 21-11.535, F-D, Cassation

A66769CA

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:SO00117

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047128447

Référence

Cass. soc., 08-02-2023, n° 21-11.535, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93148508-cass-soc-08022023-n-2111535-fd-cassation
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Abstract

► Un directeur, à qui il est reproché un mode de management brutal et méprisant, de nature à impressionner et à nuire à la santé des salariés placés sous sa direction, peut être licencié pour faute grave sans que son ancienneté puisse être prise en considération.


SOC.

CH9


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 février 2023


Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 117 F-D

Pourvoi n° X 21-11.535


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023


L'association Interlogement 93, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 21-11.535 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [T] [V], domicilié [… …],

2°/ à Pôle emploi de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.


Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'association Interlogement 93, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2020), M. [Aa] a été engagé le 6 décembre 2010 en qualité de directeur général par l'association Interlogement 93.

2. L'intéressé a été licencié pour faute grave le 30 juin 2016.

3. Contestant le bien-fondé de cette mesure disciplinaire, le salarié a saisi le 8 décembre 2016 la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis outre les congés payés afférents, alors :

« 1°/ que le fait pour un dirigeant de se livrer à un management de nature à nuire à la santé de ses subordonnées constitue une faute grave ; qu'en retenant que la faute grave n'était pas établie après avoir relevé que les pièces produites "font état d'un management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés : critiques vives et méprisantes, déchirer le travail d'un salarié en public au motif qu'il n'est pas satisfaisant, ordres et contre ordres peu respectueux du travail des salarié", la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales des constatations a violé l'article L. 1234-9 du code du travail🏛 ;

3°/ que le seul fait que le salarié bénéficie d'une certaine ancienneté n'est pas de nature à écarter la gravité de sa faute ; qu'en se bornant à relever que M. [V] était en fonction depuis cinq ans pour considérer qu'il n'était pas établi que les fautes de ce dernier aient rendu impossible la poursuite de son contrat de travail pendant la durée du préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail🏛. »



Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail🏛🏛🏛, le dernier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛 :

5. Il résulte de ces textes que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

6. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que le mode de management trop brutal et méprisant reproché au salarié, matériellement démontré, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif disciplinaire mais écarte la faute grave alléguée par l'employeur, considérant qu'il n'est pas établi que cette situation était de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail pendant le préavis, alors que ce directeur était en fonction depuis plus de cinq ans.

7. En statuant ainsi par un motif tiré de l'ancienneté insuffisant à lui seul à écarter la qualification de faute grave alors qu'il résultait de ses constatations la pratique par le salarié d'un mode de management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, ce dont il résultait que l'intéressé avait commis une faute rendant impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Interlogement 93 à payer à M. [Aa] les sommes de 42 338,57 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 45 608,20 euros à titre d'indemnité de préavis et de 4560,82 euros au titre des congés payés afférents et en ce qu'il statue sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et les dépens, l'arrêt rendu le 28 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour l'association Interlogement 93

L'arrêt attaqué, critiqué par l'Association INTERLOGEMENT 93, encourt la censure ;

EN CE QU'il a condamné l'Association INTERLOGMENT 93 à payer à M. [V] 42 338,57 euros à titre d'indemnité de licenciement, 46 608,20 euros à titre d'indemnité de préavis et 4 560,82 euros au titre des congés payés ;

ALORS QUE, premièrement, le fait pour un dirigeant de se livrer à un management de nature à nuire à la santé de ses subordonnées constitue une faute grave ; qu'en retenant que la faute grave n'était pas établie après avoir relevé que les pièces produites « font état d'un management de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés : critiques vives et méprisantes, déchirer le travail d'un salarié en public au motif qu'il n'est pas satisfaisant, ordres et contre ordres peu respectueux du travail des salarié », la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales des constatations a violé l'article L. 1234-9 du code du travail🏛 ;

ALORS QUE, deuxièmement, l'employeur est tenu de mettre en oeuvres toutes les mesures nécessaires à assurer la sécurité de ses salariés ; que, dans ses conclusions d'appel, l'Association INTERLOGEMENT 93 a montré que compte tenu des agissements de M. [V] et de leurs conséquences sur la santé de ses salariés, elle ne pouvait pas prendre le risque de poursuivre son contrat de travail pendant le préavis (conclusions, p. 10 § 1 à 5 et p. 17) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point avant de retenir qu'il n'était pas établi que les fautes de M. [Aa] aient été de nature à rendre impossible la poursuite du contrat pendant la durée du préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-9 et L. 4121-1 du code du travail🏛🏛 ;

ALORS QUE, troisièmement, le seul fait que le salarié bénéficie d'une certaine ancienneté n'est pas de nature à écarter la gravité de sa faute ; qu'en se bornant à relever que M. [V] était en fonction depuis cinq ans pour considérer qu'il n'était pas établi que les fautes de ce dernier aient rendu impossible la poursuite de son contrat de travail pendant la durée du préavis, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail🏛.

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