Jurisprudence : CE Contentieux, 26-10-1983, n° 24899

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 24899

M. xxxxx

Lecture du 26 Octobre 1983

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 9ème Sous-Section

Vu les requêtes sommaires, enregistrées au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 23 juin et 18 juillet 1980, et le mémoire complémentaire, enregistré le 3 octobre 1980, présentés pour M. xxxxx, demeurant xxxxx, et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1°) annule un jugement, en date du 24 mars 1980, par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre dès années 1970 à 1973 dans les rôles de la ville de xxxxx ( );
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées;
3°) décide qu'il sera sursis à l'exécution du jugement susvisé;

Vu le code des tribunaux administratifs;

Vu le code général des impôts;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;

Vu la loi du 30 décembre 1977.

Sur la régularité du jugement attaqué:
Considérant que, si M. xxxxx fait valoir que son avocat n'était pas présent à l'audience au cours de laquelle l'affaire le concernant a été appelée devant le tribunal administratif, il ressort des mentions du jugement attaqué que les parties ont été régulièrement convoquées et, qu'au surplus, un avocat, substituant son confrère empêché, a été entendu pour le requérant, en ses observations orales; que M. xxxxx n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité;

Sur la régularité de la procédure d'imposition:
Considérant que, devant le tribunal administratif, le requérant s'est borné à contester le bien-fondé de l'imposition; que c'est seulement dans sa requête d'appel qu'il a également contesté la régularité de la procédure d'imposition; que, dès lors, cette partie des conclusions de la requête, n'ayant pas été soumise aux premiers juges, constitue une demande nouvelle qui n'est pas recevalble;

Sur le régime d'imposition:
Considérant qu'il résulte de la vérification de la comptabilité que, pendant l'année 1970, le montant des achats effectifs de l'entreprise de M. xxxxx qui exploite un commerce de vente au détail de vêtements de confection, a été supérieur à 700 000 F, chiffre excédant le total des achats qu'il a déclarés, en vue de l'établissement de son forfait, au titre de la période biennale 1970-1971; que, dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, décider, d'une part, que le forfait de M. xxxxx, établi sur la base de renseignements inexacts, était devenu caduc, et, d'autre part, en l'absence d'inventaires qui eussent permis de tenir compte des variations de stock, que le chiffre d'affaires de l'entreprise avait excédé la limite de 500 000 F au-delà de laquelle le régime du forfait cesse d'être applicable en vertu des dispositions de l'article 302-ter du code général des impôts concernant les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises;
En ce qui concerne l'année 1970:
Considérant qu'aux termes de l'article 302 ter-1 bis du code général des impôts, issu de l'article 23 de la loi du 21 décembre 1970 publiée au Journal officiel du 22 décembre 1970, et applicable, en vertu des principes régissant l'entrée en vigueur des lois fiscales, aux redevables dont le chiffre d'affaires a dépassé pour la première fois, en 1970, le plafond du forfait: "Le régime d'imposition forfaitaire du chiffre d'affaires et du bénéfice demeure applicable pour l'établissement de l'imposition due au titre de la première année au cours de laquelle les chiffres d'affaires limites prévues pour ce régime sont dépassés";
Considérant que l'administration, qui n'établit pas que l'année 1970 n'était pas la première année au cours de laquelle le chiffre d'affaires limite prévu pour l'application du régime du forfait a été dépassé par M. xxxxx, aurait dû assigner à celui-ci un nouveau forfait de bénéfice qui aurait pris en compte le dépassement; que le service ayant fixé d'office le bénéfice réel, l'imposition établie est irrégulière; qu'il y a lieu, dès lors, ainsi d'ailleurs que l'admet le ministre, d'accorder à M. xxxxx la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignées, au titre de l'année 1970;
En ce qui concerne l'année 1971:
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que le chiffre d'affaires de M. xxxxx au titre de l'année 1971 a dépassé la limite au-delà de laquelle le régime du forfait cesse d'être applicable; que, compte tenu de la caducité du forfait initial, et dès lors que M. xxxxx n'avait pas produit les déclarations exigées des contribuables assujettis à l'impôt sur les bénéfices insustriels et commerciaux selon le régime du bénéfice réel, l'administration était en droit, comme elle l'a fait, d'assujettir M. xxxxx à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux par voie d'évaluation d'office de son bénéfice imposable;
En ce qui concerne les années 1972 et 1973:
Considérant qu'il est constant que M. xxxxx, qui était soumis à l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, au titre des années 1972 et 1973, selon le régime du bénéfice réel, n'a pas souscrit les déclarations de revenu prévues par les articles 53 et 54 du code général des impôts; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a, en application de l'article 59 du même code, arrêté les bénéfices imposables au titre de ces deux années par voie d'évaluation d'office;

Sur la base des impositions:
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il appartient à M. xxxxx d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration pour évaluer les bénéfices imposables des années 1971, 1972 et 1973;
En ce qui concerne les taux de marge:
Considérant que, pour évaluer la marge brute devant servir de base à la détermination du bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu, l'administration a appliqué au montant des achats des coefficients de marge brute aux taux de 1,55 pour les années 1971 et 1972 et de 1,60 pour l'année 1973, pendant laquelle M. xxxxx avait ouvert un magasin de luxe, taux déterminés d'après un relevé des prix pratiqués par l'entreprise, et fixés compte tenu de l'incidence des rabais et des remises pour soldes; qu'elle a ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, fait connaître au contribuable, avec suffisamment de précision, la méthode d'évaluation qu'elle a suive pour déterminer les bases d'imposition litigieuses; que, si le requérant soutient, en outre, que les taux de marge brute ainsi retenus ont été fixés à des chiffres supérieurs à ceux qui sont effectivement appliqués dans l'entreprise ou dans des entreprises similaires, les éléments qu'il apporte à l'appui de ces allégations ne sont pas de nature à les justifier;
En ce qui concerne les marchandises détériorées:
Considérant qu'il ressort de trois constats d'huissier dressés respectivement les 23 septembre 1971, 6 mai 1972 et 18 septembre 1973, que, à raison de dégâts des eaux ou d'accidents, des lots de marchandises, représentant une valeur non contestée de 87 977 F en 1971, de 113 399 F en 1972 et de 177 409 F en 1973, ont été avariés et mis au rebut pour être détruits le jour même; que ces pertes ayant eu directement pour effet de réduire le chiffre des ventes, leur montant devait être déduit du total des achats de chacune des années litigieuses et ne pouvait faire l'objet d'une appréciation du service, prise en compte seulement dans la détermination des bases d'imposition par la fixation du taux de marge; que, dans ces conditions, l'administration aurait dû appliquer les coefficients mentionnés ci-dessus, non au montant vérifié des achats de chacune de ces trois années, mais à des sommes correspondant à ce montant, diminué de la valeur des lots de marchandises mises au rebut;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant des achats, toutes taxes comprises, de l'entreprise a été arrêté par l'administration au titre de l'année 1971, à 764 177 F, au titre de l'année 1972, à 826 700 F et, au titre de l'année 1973, à 1099 691 F; qu'après déduction, à raison des marchandises mises au rebut, des sommes susindiquées de 87 977 F, 113 399 F, et 177 409 F, ce montant doit être ramené, respectivement, à 676 200 F, 713 301 F et 922 282 F au titre des années 1971, 1972 et 1973; que, par application des coefficients de 1,55 ou de 1,60 ci-dessus mentionnés, la marge brute ressort à 371 910 F en 1971, 392 315 F en 1972, et 553 369 F en 1973; qu'après déduction des charges globales retenues par le service, et s'élevant à 229 116 F en 1971, 256 275 F en 1972 et 401 394 F en 1973, le bénéfice imposable doit être fixé à 142 794 F au titre de 1971, 136 040 F au titre de 1972 et 151 975 F au titre de 1973;
En ce qui concerne la déduction du coût de construction d'un immeuble:
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts: "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges celle-ci... comprenant notamment... 2° les amortissements réellement effectués par l'entreprise...";
Considérant que les frais, d'un montant de 82 650 F, exposés en 1971 par M. xxxxx pour l'aménagement et la décoration d'un magasin, concouraient à l'augmentation de l'actif de l'entreprise et pouvaient, dès lors, faire seulement l'objet d'amortissements; que les dispositions précitées de l'article 39-1-2° du code font obstacle à ce qu'une entreprise soit admise à déduire de son bénéfice imposable le montant d'amortissements qu'elle avait la faculté de pratiquer, mais qu'elle n'a pas effectivement pratiqués à défaut de les avoir portés dans les écritures de l'exercice et d'en avoir compris le montant dans le relevé des amortissements prévu par l'article 54 du même code; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que lesdites dépenses devaient être déduites de son bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu;
Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte qu'il y a lieu c'accorder à M. xxxxx la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, et des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'année 1970, ainsi, que la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de la réduction du bénéfice imposable à 142 794 F en 1971, 136 040 F en 1972 et 151 975 F en 1973, et des pénalités correspondantes, et de réformer sur ces points le jugement susvisé du tribunal administratif de Basse-Terre.
DECIDE
Article 1er: Il est accordé a M. xxxxx décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1970, et des pénalités y afférentes.
Article 2: Il est accordé à M. xxxxx la décharge de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1971, 1972 et 1973 résultant de la réduction, à concurrence de 142 794 F en 1971, de 136 040 F en 1972, et de 151 975 F en 1973, de ses bases d'imposition, ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3: Le jugement susvisé, en date du 24 mars 1980, du tribunal administratif de Basse-terre est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4: Le surplus des conclusions de la requête de M. xxxxx est rejeté.

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