Jurisprudence : CA Caen, 02-02-2023, n° 21/02512, Infirmation


AFFAIRE : N° RG 21/02512

N° Portalis DBVC-V-B7F-G2NB

 Code Aff. :


ARRET N°


C.P


ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTAN en date du 20 Juillet 2021 - RG n° 19/00102


COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 02 FEVRIER 2023



APPELANT :


Monsieur [G] [M]

[Adresse 1]


Représenté par Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN


INTIMEE :


S.A.S. ATELIERS NORMANDS DE PRECISION pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]


Représentée par Me Mickaël DARTOIS, avocat au barreau de CAEN


INTERVENANTS:


S.E.L.A.R.L. [W] LEMEE ,mandataire liquidateur de la SAS ATELIERS NORMANDS DE PRECISIONS

[Adresse 2]


A.G.S CENTRE OUEST - C.G.E.A. DE [Localité 5]

[Adresse 3]


Non représentés


DEBATS : A l'audience publique du 21 novembre 2022, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré


GREFFIER : Mme Aa



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :


Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,


ARRET réputé contradictoire prononcé publiquement le 02 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛 et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier



Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er septembre 2005, M. [G] [M] a été engagé par la société Les Ateliers Normands de Précision (ANP) en qualité d'électro-érodeur, la convention collective de la métallurgie de l'Orne étant applicable. Ce contrat faisait suite à un contrat à durée déterminée à effet du 23 août 2004 jusqu'au 31 août 2005 pour les mêmes fonctions ;

Convoqué à un entretien préalable d'un éventuel licenciement fixé au 13 mai 2019 par lettre du 3 mai précédent, M. [M] a été licencié pour motif économique par lettre recommandée du 4 juin 2019 ;


Contestant la régularité et la légitimité de la rupture de son contrat de travail, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Argentan le 15 novembre 2019 lequel par jugement rendu le 20 juillet 2021 a dit que le licenciement économique était fondé, a débouté M. [M] de ses demandes et a partagé les dépens entre les parties ;



Par déclaration au greffe du 3 septembre 2021, M. [M] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le14 août 2021 ;


Par conclusions remises au greffe le 27 octobre 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [M] demande à la cour de :

- infirmer le jugement ;

- à titre principal ;

- constater l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;

- fixer au passif de la procédure collective de la société ANP les sommes suivantes :

- 3.399,77 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

- 6.799,55 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 679,96 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 70.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire

- constater le non-respect des critères d'ordre de licenciement ;

- fixer la créance à la somme de 70 000 € de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre et à la somme de 3399.77 € pour licenciement irrégulier ;

- condamner Maître [W] [N], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.S.A.N.P., à verser à M.[G] [M] la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile🏛 ;

- déclarer commun et opposable à l'AGS - CGEA territorialement compétente l'arrêt à intervenir ;

- ordonner la délivrance sous astreinte de 100 € par jour de retard d'un bulletin de paie et de documents sociaux rectifiés qui seront établis en considération de la décision à intervenir, et ce à l'issue d'un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

- débouter la S.A.S. A.N.P., Maître [W] [N], ès qualités de mandataire ;

liquidateur de la S.A.S A.N.P., ainsi que l'AGS ' CGEA, de leurs éventuelles

demandes, fins et conclusions, et notamment de toutes demandes au titre de l'article 700 du CPC🏛 et des dépens ;


La liquidation judiciaire de la société ANP a été prononcée par jugement du 20 juin 2022, Maître [N] étant désigné comme liquidateur judiciaire ;


Maître [N] en sa qualité de liquidateur judiciaire qui s'est vu signifier par acte du 21 juillet 2022 remis à personne morale la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant, n'a pas constitué avocat ;


L'AGS CGEA qui s'est vu signifier par acte du 21 juillet 2022 remis à personne morale la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant, n'a pas constitué avocat ;



MOTIFS


I - Sur le licenciement


- Sur le non-respect de la procédure

Le salarié fait valoir en premier lieu que la convocation le 23 avril 2019 de M. [F], délégué du personnel pour la consultation sur les licenciements envisagés est irrégulière faute pour lui de bénéficier des informations nécessaires avant de se prononcer, en second lieu que M. [F] n'avait plus la qualité de délégué du personnel, la société devant mettre en place de nouvelles élections en janvierfévrier 2019 ce qui n'a pas été fait ;


Le licenciement collectif de deux à neuf salariés sur 30 jours nécessite la consultation du comité économique et social lorsqu'il existe, sauf prorogation des mandats des anciens élus ;

En l'occurrence, le salarié ne produit pas aux débats la convocation et/ou consultation du délégué du personnel qui a au lieu et qu'il critique, ne permettant pas à la cour d'apprécier la pertinence de ses arguments ;

Il évoque également l'obligation pour l'employeur de mettre en place de nouvelles élections en janvierfévrier 2019 soit antérieurement à la mise en œuvre de licenciement mais ne produit là encore aucun élément probant en ce sens, la seule attestation de M. [Ab] salarié du 13 février 1996 au 1er juillet 2019 qui indique qu'en janvier 2019, l'élection des délégués du personnel devait avoir lieu sans résultats, il n'y avait pas d'élus au mois de mai 2019 n'étant pas n'est tant pas suffisante ;

Il convient en conséquence de débouter le salarié de sa demande fondée sur l'irrégularité de la procédure ;


- Sur le bien-fondé du licenciement

Le salarié fait valoir qu'il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle sans avoir eu connaissance du motif économique ;


Si en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle prévu à l'article L1233-65 du code du travail🏛, le contrat est réputé rompu d'un commun accord des parties, il n'en demeure pas moins que cette rupture qui découle d'une décision de licenciement prise par l'employeur doit être justifiée par une cause économique que le salarié est en droit de contester devant les juridictions du travail. Le motif économique de la rupture doit apparaître dans un document écrit remis ou adressé au salarié avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ;

En l'espèce, M. [M] a accepté le CSP le 28 mai 2019, soit antérieurement à la notification de la lettre de licenciement. Il n'est pas par ailleurs établi qu'un document écrit sur lequel apparaît le motif économique de la rupture ait été remis effectivement au salarié avant son adhésion au CSP ;

Dès lors, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point ;


En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail🏛, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté de 14 années complètes et de la taille de l'entreprise, à une indemnité comprise entre 3 et 12 mois de salaire brut (soit au maximum de 40 797.24 € 3399.77€ x 12 );

C'est en vain que la salariée sollicite que cette disposition soit écartée en application de l'article 24 de la Charte et de l'article 10 de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail ;


En effet, d'une part, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la charte sociale européenne révisée, les dispositions de l'article 24 de celle-ci ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ;


D'autre part, aux termes de l'article 10 de la Convention n°158 de l'organisation internationale du travail (OIT), les organismes mentionnés à l'article 8 de la convention doivent, s'ils arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée, que ces stipulations sont d'effet direct en droit interne, que selon la décision du Conseil d'administration de l'OIT le terme 'adéquat' visé à l'article 10 signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ;


Or, les dispositions des articles L.1235-3, L.1235-3-1 et L.1235-4 du code du travail🏛🏛🏛, et notamment celles de l'article L.1235-3 qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 précité avec les stipulations duquel elles sont compatibles ;


En conséquence, la salariée est fondée à réclamer une indemnité comprise entre 3 et 12 mois de salaire brut ;

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, le salarié justifiant avoir perçu l'allocation de sécurisation professionnelle à compter du 6 juin 2019 mais ne produit pas d'élément sur sa situation professionnelle et financière actuelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par confirmation du jugement, la réparation qui lui est due à la somme de 40 000 € ;


Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il peut également prétendre à une indemnité de préavis qui sera fixé, par infirmation du jugement, à la somme de 6799.55 € outre les congés payés afférents de 679.96 € ;


II - Sur les autres demandes


L'AGS tenue pour ces sommes dans les termes des articles L 3253-8 et suivants du code du travail🏛, en l'absence de fonds disponibles ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmées.

Les dépens de première instance d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire ;

Une indemnité de 2500 € sera allouée à M. [M] et fixée au passif de la procedure collective ;

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant ;



PAR CES MOTIFS


LA COUR


Infirme le jugement rendu le 20 juillet 2021 par le conseil de prud'hommes d'Argentan, sauf en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande de dommage et intérêts pour irrégularité de la procédure ;


Statuant à nouveau et y ajoutant ;


Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Ateliers Normands de Précision les sommes suivantes :


40000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

6799.55 € à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents de 679.96 € ;

2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


Ordonne à Maître [N] liquidateur judiciaire de remettre à M. [M] les documents de fin de contrat et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d'un bulletin par année) conformes au présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;


Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;


Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;


Déclare l'AGS tenue pour ces sommes dans les termes des articles L 3253-8 et suivants du code du travail🏛, en l'absence de fonds disponibles ;


Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société Ateliers Normands de Précision.


LE GREFFIER LE PRESIDENT


M. ALAIN L. DELAHAYE

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