Jurisprudence : CA Poitiers, 02-02-2023, n° 18/03033, Infirmation partielle

CA Poitiers, 02-02-2023, n° 18/03033, Infirmation partielle

A90049B4

Référence

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VC/PR


ARRET N° 76


N° RG 18/03033


N° Portalis DBV5-V-B7C-FR7C


S.A.R.L. O.V.


C/


[U]

S.A.S. ROCHESKOFF


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE POITIERS


Chambre sociale


ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2023


Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 septembre 2018 rendu par le Conseil de Prud'hommes de [Localité 4]



APPELANTE :


SARL O.V.

N° SIRET : 351 071 428

[Adresse 3]

[Localité 4]


Ayant pour avocat Me Nathalie HERMOUET de la SELAS NEOCIAL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON


INTIMÉES :


Madame [Aab] [U]

née le … … … à [Localité 8] (85)

[Adresse 1]

[Localité 5]


Ayant pour avocat Me Gilles TESSON de la SELARL GILLES TESSON AVOCAT, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON


S.A.S. ROCHESKOFF

N° SIRET : 891 886 285

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 2]


Assignée en intervention forcée le 22 avril 2022


Défaillante



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile🏛, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2022, en audience publique, devant :


Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller qui a présenté son rapport


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :


Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles


GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE


ARRÊT :


- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE


- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛 que l'arrêt serait rendu le 25 janvier 2023. A cette date, le délibéré a été prorogé au 02 février 2023.


- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSÉ DU LITIGE


Suivant contrat de travail à durée indéterminée, la SARL O.V., ayant une activité d'opticien gérée par Mme [Ac] [AO], a engagé Mme [I] [U] à compter du 1er mars 2006 en qualité de 1er monteur lunetier vendeur, son lieu de travail habituel étant fixé au magasin situé Centre Commercial Leclerc à [Localité 4] (85) avec possibilité de mutation au magasin situé [Adresse 3] à [Localité 4] également.


Plusieurs avenants ont ensuite été conclus entre les parties les 19 septembre 2008, 28 septembre 2011 et 13 mars 2015.


En fin d'année 2016, Mme [Ab] a demandé à son employeur une rupture conventionnelle, ce que la gérante, Mme [A] n'a pas accepté.


Par lettre recommandée du 4 février 2017 avec avis de réception signé le 7 février 2017, la société O.V. a mis Mme [U] en demeure de lui justifier son absence depuis le 1er février 2017, sous 48 heures.


Par lettre recommandée du 10 février 2017 avec avis de réception signé le 14 février 2017, la société O.V. a mis Mme [U] en demeure d'avoir à reprendre son travail et de justifier de ses absences tout en lui indiquant qu'à défaut de réponse le 15 février 2017 au plus tard, une procédure disciplinaire serait engagée à son encontre.


Par lettre recommandée du 16 février 2017 avec avis de réception signé le 23 février 2017, la société O.V. a convoqué Mme [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 28 février 2017.


Le 24 mars 2017, Mme [U] a été placée en arrêt maladie.


Le 28 mars 2017, la société O.V. a notifié à Mme [U] une mise à pied de 45 jours à compter de la fin de son arrêt maladie pour absences injustifiées.


Par requête reçue le 10 juillet 2017, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de La Roche Sur Yon afin d'obtenir l'annulation de la mise à pied du 28 mars 2017 et la résiliation de son contrat de travail ainsi que le paiement de diverses indemnités.


Le 13 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré, en un seul examen, Mme [U] inapte à la reprise de son poste ainsi qu'à tout poste dans l'entreprise. Cet avis d'inaptitude a été contesté par la société O.V. qui a saisi le conseil de prud'hommes en la forme des référés, lequel a ordonné une expertise médicale le 24 janvier 2018 et a condamné la société O.V. à payer à Mme [U] la somme de 300,18 euros net à titre de rappel de salaire pour les mois de novembre et décembre 2017.


Par ordonnance du 20 juin 2018, le conseil de prud'hommes statuant en la forme des référés, a, sur la base du rapport d'expertise, fait droit à la contestation de l'avis d'inaptitude affirmant que celui-ci n'était pas justifié et a :

- condamné Mme [U] à payer à la société O.V. la somme de 100 euros correspondant à la moitié des frais d'expertise avancés par la société,

- condamné la société O.V. à payer à Mme [U] la somme de 188,93 euros au titre du remboursement des frais kilométriques occasionnés pour se rendre à l'expertise,

- débouté la société O.V. de sa demande de restitution, à titre provisionnel, de la somme de 10.512,48 euros nets indûment perçue du fait de l'avis d'inaptitude injustifié.


Par jugement du 6 septembre 2018, le conseil de prud'hommes a :

- annulé la sanction du 28 mars 2017 et condamné en conséquence la SARL O.V. à verser à Mme [U] les sommes de :

' 4.183,66 € bruts au titre du rappel de salaire correspondant,

' 418,37€ bruts au titre des congés payés y afférents,

' 100 € nets à titre de dommages et intérêts,

- constaté le dépassement des durées légales, l'absence de pause le lundi et le travail pendant l'arrêt maladie et condamné en conséquence la SARL O.V. à verser à Mme [U] la somme de 1.500 € nets de dommages et intérêts,

- fixé le salaire brut moyen de référence de Mme [U] à la somme de 2.401,73 €,

- jugé justifiée la demande de résiliation judiciaire du contrat par la demanderesse et condamné la SARL O.V. à verser à Mme [Ab] les sommes suivantes :

' 4.803,46 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

' 480,35 € bruts au titre des congés payés afférents,

' 6.604,76 € nets d'indemnité légale de licenciement,

' 20.500 € nets au titre des dommages et intérêts ;

- confirmé l'ordonnance de référé ayant condamné la SARL O.V. à payer à Mme [U] un rappel de salaire de 300,18 € et condamné la société O.V. en tant que de besoin,

- ordonné la rectification des documents sociaux conformément au présent jugement, l'ensemble sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement, le conseil se réservant la possibilité de liquider ladite astreinte,

- condamné la SARL O.V. à verser à Mme [U] la somme de 1.500 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- dit que les sommes dues au titre des salaires et accessoires de salaires porteront intérêts de droit au taux légal à compter de la requête soit le 10 juillet 2017 et à compter du jugement sur les autres sommes,

- dit que ces intérêts seront capitalisés par application de l'article 1343-2 du code civil🏛,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les salaires et accessoires de salaires conformément aux dispositions des articles R.1454-14 et R. 1454-28 du code du travail🏛🏛 et ordonné l'exécution provisoire sur les dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile🏛,

- condamné la SARL O.V. aux entiers dépens y compris les frais éventuels de recouvrement de la présente décision,

- dit qu'à défaut de règlement spontané par le défendeur des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire devront être supportées par la partie défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Le 3 octobre 2018, la société O.V. a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.


Le 30 décembre 2020, la société O.V. a cédé son fonds situé au sein du centre commercial Leclerc à la SAS Rocheskoff. Le 30 avril 2021, elle a cédé son second fonds situé [Adresse 3] à la même société.



Par acte d'huissier du 22 avril 2022, la société O.V. a fait assigner en intervention forcée la SAS Rocheskoff.


Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2022 à Mme [U] et signifiées le 7 novembre 2022 à la société Rocheskoff, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société O.V. demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué et de :

- à titre principal, débouter Mme [U] de toutes ses demandes,

- à titre reconventionnel :

* condamner Mme [U] à lui restituer la somme de 300,18 euros net,

* condamner Mme [U] à lui restituer la somme de 11.950,02 euros au titre des salaires indûment perçus du 14 décembre 2017 au 6 septembre 2018,

* condamner Mme [U] à lui restituer la somme de 6.419,84 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, indemnité de congés payés inclus, perçue du 7 septembre 2018 au 6 septembre 2019,

* transmettre l'arrêt à intervenir aux services de Pôle Emploi,

- débouter Mme [U] de son appel incident,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel, outre les dépens.


Elle considère que la sanction prononcée le 28 mars 2017 est tout à fait régulière et proportionnée au regard de la durée de l'absence injustifiée de la salariée, de sa déloyauté manifeste et de la désorganisation de la société qui en a découlé, affirmant que Mme [Ab] avait organisé son abandon de poste pour créer un commerce concurrent. Elle ajoute qu'elle n'a jamais été informée par sa comptable d'un quelconque accord pour organiser le départ de Mme [U] et rappelle que la sanction est intervenue dans le délai de 2 mois. Elle indique que si la cour devait considérer que la sanction n'était pas justifiée, elle ne pourrait pas être condamnée à payer un rappel de salaire à Mme [U] puisque cette dernière était déjà en arrêt maladie lorsque la mise à pied a été prononcée de sorte que la retenue de salaire n'a jamais été appliquée.


Elle soutient que la preuve n'est pas rapportée des absences de pause et de dépassement de la durée maximale journalière le lundi, précisant que Mme [A] était présente au magasin le lundi et qu'elle déjeunait ce jour là avec Mme [U]. Elle rappelle que les plannings n'ont vocation qu'à organiser le temps de travail des salariés de sorte qu'il est normal que le nom de la gérante n'y figure pas. Elle conteste également avoir demandé à Mme [U] de travailler pendant ses arrêts maladie.


Pour s'opposer à la demande de résiliation du contrat de travail, elle fait valoir que le grief tiré de la sanction disciplinaire injustifiée est inexistant, que les griefs tirés du non-respect des temps de pause, du travail seule sans diplôme BTS voire du temps de travail pendant l'arrêt maladie sont soit inexistants soit trop anciens pour constituer un manquement grave pouvant entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail. Elle déclare que le grief tiré du manquement relatif aux divergences existantes entre les parties est trop vague et imprécis pour pouvoir y répondre utilement. Elle prétend qu'il n'y a eu aucune organisation déloyale de l'activité au détriment des clients, organismes de sécurité sociale et complémentaires. Elle fait observer qu'en application de l'article 31 de la convention collective applicable, Mme [U] ne pouvait pas prétendre au paiement de la prime d'ancienneté en février 2017 puisqu'elle n'a perçu aucun appointement. Elle souligne qu'un mois après son arrêt maladie en 2017, Mme [U] a perdu son frère dans un accident. Elle en conclut que les causes de la dégradation de l'état de santé de la salariée sont à rechercher dans ses problèmes familiaux passés et non pas dans ses rapports avec son employeur avec lequel elle a passé 11 ans sans aucun suivi psychologique et avec lequel les liens sont coupés depuis 5 ans. Elle conteste enfin les nouveaux manquements invoqués par Mme [U] devant la cour.


Elle considère qu'en raison de l'infirmation du jugement, Mme [U] doit être condamnée à lui restituer les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire.


Elle insiste sur le fait que la demande de rappel de salaire faite par MAbe [U] se heurte à la prescription triennale et ne peut concerner que la période courant de mai 2019 à mai 2022. Elle ajoute que Mme [U] ne s'est pas tenue à la disposition permanente de son employeur au cours de ces trois dernières années puisqu'elle a travaillé, à compter du 31 juillet 2019, pour une société ayant une activité d'opticien et que depuis le 2 février 2022, elle travaille pour la société ADLO dont la gérante est Mme [P] avec laquelle Mme [U] avait le projet de s'associer en 2017.


Elle soutient que la décision du conseil de prud'hommes statuant en référé le 24 janvier 2018 la condamnant à payer à Mme [U] la somme de 300,18 euros net à titre de rappel de salaire pour les mois de novembre et décembre 2017 doit être infirmée par le juge du fond dès lors que Mme [U] a perçu une somme supérieure à ce qu'elle réclame.


Elle explique que les dispositions de l'article L.1226-4 du code du travail🏛 ne pouvait pas s'appliquer puisque le médecin expert désigné par le conseil de prud'hommes a dit que l'inaptitude de Mme [U] était injustifiée de sorte que la salariée doit être condamnée à lui restituer les salaires versés entre le 14 décembre 2017 et le 6 septembre 2018.


Elle indique enfin que si le jugement prononçant la résiliation du contrat de travail est infirmé, Mme [U] devra lui restituer la somme de 6.419,84 euros nets perçue au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, indemnité de congés payés inclus, du 7 septembre 2018 au 6 septembre 2019.


Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2022 à la société O.V. et signifiées le 3 novembre 2022 à la société Rocheskoff, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Mme [U] demande à la cour de :

- A titre principal :

* écarter des débats la pièce n°66 de la société O.V. obtenue de manière déloyale,

* confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il lui a alloué la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour l'annulation de la sanction du 28 mars 2017 et la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour le dépassement des durées légales et du temps de pause,

* condamner la société O.V. à lui payer les sommes de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'annulation de la sanction du 28 mars 2017 et de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le dépassement des durées légales et du temps de pause,

* condamner la société O.V. lui payer la somme de 64,05 euros net à titre de complément de l'indemnité légale de licenciement,

- A titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- A titre infiniment subsidiaire :

* condamner la société O.V. à lui payer, à titre de compensation, les salaires dus à compter de septembre 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir, sur la base du salaire mensuel de référence fixé à 2.401,73 euros brut,

* condamner la société O.V. 'à la compensation à son bénéfice pour toute somme que lui réclamerait Pôle Emploi',

* débouter la société O.V. de toutes ses demandes,

* déclarer irrecevable la demande de la société O.V. au titre de la clause de non-concurrence,

- En tout état de cause :

* condamner, le cas échéant, la société Rocheskoff à payer les condamnations en sa faveur :

'- à titre de compensation, au paiement des salaires pour la période de septembre 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir, sur la base du salaire mensuel de référence fixé à 2.401,73 euros brut,

- à la compensation par la SARL O.V. au bénéfice de Mme [U] pour toute somme que lui réclamerait Pôle Emploi',

* condamner en cause d'appel la société O.V. aux dépens et à lui payer la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Se fondant sur les articles L.1222-1, L.1331-1 et suivants du code du travail🏛🏛, elle fait valoir que la mise à pied de 45 jours est disproportionnée alors que son employeur savait qu'elle ne serait pas présente de sorte qu'il n'y a eu aucune absence injustifiée. Elle fait observer qu'aucune mise à pied conservatoire n'a été prononcée et que la sanction n'a été prononcée que 30 jours après l'entretien préalable. Elle explique qu'un accord était intervenu avec Mme [A] pour qu'à défaut de rupture conventionnelle, la société O.V. la licencie. Elle affirme qu'elle a fourni à Mme [A] les modèles de mise en demeure et de lettre de convocation et que son employeur a finalement changé d'avis en prononçant à son encontre, avec déloyauté, une mise à pied.


Elle affirme que tous les lundis, elle a travaillé seule de 9 h à 19h30 voire 20h en été et qu'elle a ainsi été privée de pouvoir prendre une pause de 20 minutes toutes les 6 heures de travail en continu comme le prévoit pourtant l'article L.3121-33 du code du travail🏛. Elle rappelle que la présence d'un salarié opticien diplômé est pourtant obligatoire pendant la totalité des heures d'ouverture mais que cette obligation n'a pas été respectée par la société O.V. Elle en conclut qu'elle a été privée de 15 heures de repos annuel ce qui a causé son état de fatigue et de stress. Elle affirme également que son employeur lui a demandé à plusieurs reprises de venir travailler au magasin alors qu'elle était en arrêt maladie. Elle estime qu'elle a été privée de manière systématique de son droit à repos jusqu'à la fin de son activité et considère que l'atteinte portée aux règles élémentaires de la législation et de la protection de la santé des salariés entraîne nécessairement un préjudice qu'elle évalue à 10.000 euros.


Au soutien de sa demande de résiliation du contrat de travail, elle se fonde sur l'article 1224 du code civil🏛 et fait valoir que son employeur a commis les manquements suivants : prononcé d'une sanction disciplinaire disproportionnée, vexatoire et caractérisant une atteinte disproportionnée à une liberté constitutionnelle ; déloyauté manifeste non-respect du temps de pause jusqu'en janvier 2017 ; travail seule sans diplôme ; travail imposé pendant des arrêts maladie ; dégradation de son état de santé en réaction aux décisions de son employeur nécessitant son orientation vers des psychologues du travail dès avril 2017 ; dégradation de son état de santé toujours en cours ; non paiement de la prime d'ancienneté en février 2017 ; transmission de ses bulletins de salaire chiffonnés et déposés dans sa boîte aux lettres dans le but de l'intimider ; de multiples erreurs administratives dans la gestion de sa situation depuis son arrêt de travail en mars 2017 ; une enquête irrégulière sur ses activités extra-professionnelles ; le retard de paiement du salaire en janvier 2018 ; une filature dont elle a été victime de la part de son employeur après l'expertise médicale du 4 avril 2018 ; avoir été formatrice référente d'un apprenti alors qu'elle n'était pas diplômée ; une organisation déloyale de l'activité au détriment des clients, des organismes de sécurité sociale et complémentaire. Elle considère que les agissements de la société O.V. sont suffisamment graves pour justifier la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur. Elle estime que la société O.V. instrumentalise le décès de son frère. Elle ajoute que l'employeur a procédé à des dissimulations de salaire en opérant des faux remboursements kilométriques.


Elle insiste sur le fait que l'annulation d'avis d'inaptitude ne fait pas disparaître rétroactivement l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement des salaires à l'issue du délai de 30 jours.

Elle considère que la demande de remboursement de salaires présentée par son employeur est d'autant moins justifiée que son inaptitude trouvait son origine, selon l'expert, dans des problèmes managériaux imputables à son employeur. Elle ajoute que la société O.V. n'a jamais voulu la réintégrer dans ses effectifs depuis septembre 2018 de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir repris son poste. Elle souligne le fait que sa demande de paiement des salaires n'est pas prescrite puisqu'une procédure en justice suspend la prescription. Elle prétend qu'en revanche, la demande de la société O.V. au titre de la clause de non-concurrence est prescrite pour avoir été formulée pour la première fois le 22 avril 2022.


Elle explique que les premiers juges ont calculé son indemnité de licenciement au 27 juin 2018 alors qu'ils auraient dû retenir la date du 6 septembre 2018, date de la résiliation de son contrat. Elle indique que ses bulletins de salaire de novembre et décembre 2017 comprennent des erreurs de calcul de ses salaires. Elle affirme que selon l'article L.4622-6 du code du travail🏛, les frais kilométriques qu'elle a exposés pour les besoins de l'expertise médicale doivent être supportés par l'employeur de sorte qu'il convient de confirmer l'ordonnance de référé sur ce point.


La société Rocheskoff, bien que régulièrement citée à personne, n'a pas comparu.


La clôture de la mise en état a été prononcée le 9 novembre 2022 avant l'ouverture des débats.



MOTIFS DE LA DÉCISION


A titre liminaire, il est rappelé que si en application de l'article L.1224-1 du code du travail🏛 : 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise', l'article L.1224-2 du même code🏛 précise que : 'Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;


2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.'


La cour observe qu'en l'espèce, la société O.V. ne produit pas les actes de cession des fonds de commerce à la société Rocheskoff de sorte qu'en l'absence de convention intervenue entre les deux sociétés, la société O.V reste seule tenue de ses obligations à l'égard de Mme [Ab] jusqu'à la date de la cession. Dès lors, l'ensemble des demandes pécuniaires présentées à l'encontre de la société Rocheskoff ne peuvent qu'être rejetées en ce qu'elles portent sur une période antérieure à la cession des fonds de commerce.


Sur la demande tendant à écarter des débats la pièce n°66 produite par la société O.V.


Il résulte des articles 4 et 954 , alinéas 1 et 3, du code de procédure civile🏛🏛 que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, qu'en appel, dans les procédures avec représentation obligatoire, ces prétentions, ainsi que les moyens sur lesquels elles sont fondées, doivent être expressément formulés dans les conclusions et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.


En l'espèce, la cour constate que si dans le dispositif de ses conclusions, Mme [U] demande que la pièce adverse n°66 soit écartée des débats, aucun moyen n'a été formulé dans la partie discussion de ses conclusions pour soutenir cette prétention. En effet, le seul argumentaire de Mme [U] porte sur la pièce n°67 dont il n'est pas demandé, dans le dispositif des conclusions, qu'elle soit écartée des débats.


En conséquence, à défaut de tout moyen soutenu, il convient de débouter Mme [U] de sa demande tendant à ce que la pièce n°66 soit écartée des débats.


Sur la demande de nullité de la mise à pied disciplinaire du 28 mars 2017


Selon l'article L.1331-1 du code du travail🏛 , « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »


L'article L1331-2 précise que « Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite. »


Par application de l'article L.1333-1 du code du travail🏛, l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire est soumis à un contrôle juridictionnel selon les modalités suivantes :

'En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.'


L'article L.1333-2 précise : 'Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.'


Le juge tient des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail🏛🏛 le pouvoir d'apprécier dans tous les cas où une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, est prononcée, si elle est disproportionnée à la faute commise. Les juges du fond apprécient souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve pour établir la matérialité des faits, objet de la sanction disciplinaire. Ils doivent s'assurer de la réalité des faits invoqués par l'employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité des sanctions prononcées.


En l'espèce, la société O.V. a prononcé une mise à pied disciplinaire le 28 mars 2017 à l'encontre de Mme [U] pour sanctionner l'abandon de son poste de travail par la salariée entre le 1er février et le 24 février 2017. S'il n'est pas contesté que Mme [U] ne s'est plus présentée à son travail à partir du 1er février 2017, la salariée soutient que cette absence avait été convenue avec son employeur pour justifier un licenciement pour faute et non pas une mise à pied disciplinaire.


Alors qu'il n'est pas contesté que la société O.V. a refusé, fin 2016, la rupture conventionnelle que sollicitait Mme [U], cette dernière :


- produit la copie des plannings du mois de février 2017 pour les deux magasins sur lesquels le nom de Mme [Ab] ne figure pas - contrairement à celui de Mme [Ac] [AO] - alors qu'il figurait sur les plannings du magasin du centre commercial Leclerc des mois de décembre 2016, septembre 2016, juin 2016, mai 2016, janvier 2016, décembre 2015, novembre 2015, octobre 2015, septembre 2015, août 2015, juillet 2015, mai 2015 - contrairement à celui de Mme [Ac] [AO] qui n'y était mentionné que très exceptionnellement,


- fait justement observer que dans ses écritures, la société O.V. admet que la salariée s'est 'présentée à la société ce même 10 février pour y récupérer des effets personnels dont sa cafetière spécifique ainsi que son salaire' alors qu'elle était absente de son poste de travail depuis le 1er février 2017 et sans que son employeur ne s'en étonne et n'en fasse mention ni dans la lettre de mise en demeure du même jour, soit le 10 février 2017, ni lors de l'entretien préalable,


- produit :

* un courriel du 15 février 2017 à 17h31 qu'elle a reçu du cabinet d'expert comptable Bamex, lui envoyant un modèle de lettre de convocation à un entretien préalable,

* le courriel que Mme [Ab] a envoyé en réponse au cabinet d'expert comptable Bamex, le 15 février 2017 à 18h02 indiquant 'merci j'ai transféré la pièce jointe à mon employeur',

* le courriel que Mme [Ab] a envoyé, le 15 février 2017 à 17h53 à l'adresse '[Courriel 6]' dont Mme [A] est titulaire (ainsi que cela résulte d'autres mails produits au dossier avec la mention '[Z] [AO] '[Courriel 6]'') en lui indiquant 'Bonjour ci-joint la 3ème lettre type pour la convocation à un entretien. Bonne réception. [I] [U]' et comprenant en pièce jointe un modèle pré-rempli de convocation à un entretien préalable à un licenciement, identique à la lettre de convocation que la société O.V. a envoyée dès le lendemain, 16 février 2017, à Mme [U].


Ces éléments suffisent à établir que Mme [A], gérante de la société O.V., avait été informée préalablement de l'absence de Mme [U] à son poste de travail, ce qui explique que cette dernière n'apparaisse pas dans le planning du mois de février 2017 et que la salariée lui ait envoyé un modèle de lettre de convocation à un entretien préalable. La cour observe par ailleurs que Mme [A] était partie en mission humanitaire au Sénégal du 19 janvier 2017 au 31 janvier 2017, date de retour à l'aéroport de [Localité 9]. Ce voyage a été organisé le 3 novembre 2016 ce qui a permis aux parties de convenir, ensuite, d'une absence de Mme [U] à son poste de travail à compter du 1er février 2017, coïncidant avec le retour de Mme [A] dans l'entreprise.


Il est en outre inopérant pour Mme [A] de soutenir qu'elle n'a jamais rencontré la comptable de Mme [U] qui n'a effectivement attesté que des seuls propos relatés par Mme [U] ou encore que la salariée n'a pas répondu aux mises en demeure puisque Mme [A] connaissait le motif de l'absence de sa salariée, étant rappelé que Mme [U] s'est présentée le 10 février 2017 dans la société pour récupérer sa machine à café et son salaire sans que son employeur ne s'en offusque.


Compte tenu de ces éléments, il s'avère que la mise à pied de 45 jours prononcée le 28 mars 2017 par la société O.V. à l'encontre de Mme [U] est disproportionnée puisque l'employeur avait été informé de cette absence et n'ignorait pas que la salariée souhaitait quitter l'entreprise. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé l'annulation de cette sanction. Ce chef du jugement doit donc être confirmé.


Sur la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire


La cour observe que Mme [U] sollicite, non pas un rappel de salaire pendant la période effective de mise à pied, mais un rappel de salaire au titre de la période précédant le prononcé de cette sanction c'est-à-dire la période pendant laquelle elle ne s'est pas présentée à son poste en février et mars 2017 tout en invoquant une déloyauté de la part de son employeur.


A supposer que la société O.V. ait fait preuve de déloyauté, ce comportement ne pourrait être sanctionné que par des dommages et intérêts si la preuve d'un préjudice était rapportée et non par un rappel de salaire qui suppose une créance contractuelle. Or, il est constant que tout salaire est la contrepartie de la prestation de travail. Ce principe se vérifie a contrario par la suspension de l'obligation de payer le salaire en cas d'abstention volontaire d'effectuer le travail.


En l'espèce, Mme [U] s'est abstenue volontairement de travailler en février et jusqu'au 24 mars 2017. Dès lors, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de rappel de salaire pendant cette période. C'est donc à tort que les premiers juges lui ont alloué la somme de 4.183,66 euros brut outre la somme de 418,37 euros brut au titre des congés payés afférents, le jugement devant être infirmé de ces chefs.


Sur la demande de dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée


En l'espèce, la cour observe que Mme [U] ne justifie ni même n'allègue aucun préjudice découlant de la mise à pied injustifiée, se contentant uniquement de solliciter la réformation du jugement entrepris s'agissant du quantum des dommages et intérêts alloués.


En conséquence, en l'absence de tout préjudice, il convient de débouter Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts et d'infirmer le jugement entrepris qui lui a alloué une somme de 100 euros.


Sur la demande de dommages et intérêts pour manquements à la réglementation du travail


Sur les manquements de l'employeur


1. Selon l'article L.3121-33 du code du travail🏛 devenu l'article L.3121-16 depuis la loi du 8 août 2016 : 'Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives.'


En application de l'article 1315, devenu 1353, du code civil🏛, la charge de la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur.


Il n'est pas contesté que Mme [U] a travaillé principalement au sein du magasin situé dans le centre commercial Leclerc de 9 h à 19h30 tous les lundis.


La société O.V. qui allègue que Mme [A] était présente tous les lundis au magasin Leclerc et déjeunait avec Mme [U] n'en rapporte toutefois pas la preuve. En effet, la société O.V. ne produit que l'attestation de Mme [J] [V], monteur vendeur optique lunetterie, qui déclare que '[Z] [AO] a toujours fait les lundis avec [I] et déjeunait avec elle ce qui lui permettait de pouvoir prendre une pause légale comme tous ses collaborateurs.' Or, il doit être relevé que :

- Mme [V] ne travaillait pas le lundi au magasin du centre commercial Leclerc de sorte qu'elle n'a pas pu constater personnellement que Mme [A] s'y trouvait effectivement,

- le témoignage de Mme [Ad] est contredit par ceux d'autres salariés (Mme [G] [W], M. [B] [TE], M. [Ae] [MY]), qui ne travaillaient pas non plus au magasin du centre commercial Leclerc, et qui indiquent que Mme [U] était seule tous les lundis,

- le témoignage de Mme [V] est contredit par des attestations de clients (M. [K] [Y], Mme [R]) qui déclarent être venus certains lundis au magasin du centre Leclerc et n'avoir vu que Mme [U]. A cet égard, la cour considère qu'il est inopérant pour la société O.V. de soutenir que ces clients ne seraient pas venus le lundi alors qu'il n'est pas établi que tout passage dans le magasin faisait nécessairement l'objet d'une mention dans le dossier des clients. En tout état de cause, il doit être relevé que la société O.V. ne produit quant à elle aucune attestation de clients qui établirait que Mme [A] était présente dans le magasin du centre Leclerc le lundi, étant observé que la gérante ne pouvait rester hors de la vue de la clientèle tout au long de la journée.


En l'absence de tout autre élément, il y a donc lieu de considérer que l'employeur échoue à rapporter la preuve de ce que Mme [U] avait pu bénéficier d'une pause de 20 minutes chaque lundi alors que son temps de travail ce jour là était de 10h30. Ce manquement de l'employeur est donc établi.


2. Si jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi Hamon du 17 mars 2014, l'article L.4362-9 du code de la santé publique🏛 prévoyait que 'Les établissements commerciaux dont l'objet principal est l'optique-lunetterie, leurs succursales et les rayons d'optique-lunetterie des magasins ne peuvent être dirigés ou gérés que par une personne remplissant les conditions requises pour l'exercice de la profession d'opticien-lunetier', ce même article dans sa version applicable au 19 mars 2014 prévoit que 'La délivrance de verres correcteurs d'amétropie et de lentilles de contact oculaire correctrices est réservée aux personnes autorisées à exercer la profession d'opticien-lunetier, dans les conditions prévues au présent chapitre.'


Il s'ensuit que depuis le 19 mars 2014, s'il n'est plus obligatoire de disposer du diplôme d'opticien pour diriger ou gérer un magasin d'optique-lunetterie, seul un opticien-lunetier peut délivrer des verres correcteurs ou des lentilles correctrices.


En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [U] ne disposait pas du diplôme lui permettant de délivrer des verres correcteurs ou des lentilles de contact correctrices. Il résulte en outre des plannings et de l'attestation de Mme [S] [PY] ayant accompli un CDD du 15 février au 16 août 2016 au sein de l'entreprise que Mme [U] travaillait seule le lundi dans le magasin situé dans le centre commercial Leclerc, la société O.V. échouant à rapporter la preuve de la présence de sa gérante. En conséquence, jusqu'au 19 mars 2014, l'employeur n'a pas respecté les dispositions légales et réglementaires de la profession d'opticien-lunetier puisque jusqu'à cette date, il était nécessaire qu'un opticien diplômé soit dans le magasin.


Depuis le 19 mars 2014, si Mme [U] pouvait rester seule dans le magasin, elle n'était pas autorisée à délivrer des verres correcteurs ou des lentilles de contact correctrices en l'absence d'opticien diplômé. Mme [U] ne démontre toutefois pas qu'elle a été contrainte de passer outre l'interdiction de délivrance ni que son employeur lui aurait imposé de pratiquer des actes déloyaux (demander à un opticien diplômé travaillant dans l'autre magasin de lui fournir ses 'logs' pour accomplir les actes que seuls les opticiens étaient habilités à faire). En effet, la retranscription de l'enregistrement du message vocal qu'elle produit ne concerne que Mme [Ad] et Mme [P] de sorte qu'il ne peut en être conclu que la pratique dénoncée par Mme [U] lui a été imposée par son employeur.


Par conséquent, s'il est établi que jusqu'à mars 2014, l'employeur a manqué aux obligations de sa profession en laissant Mme [U] seule le lundi dans le magasin du centre commercial Leclerc, rien ne permet de retenir qu'il a été imposé à la salariée d'accomplir des actes pour lesquels le diplôme d'opticien-lunetier était requis depuis le 19 mars 2014.


3. Mme [U], qui prétend avoir été contrainte de travailler pendant ses arrêts maladie, produit :


- l'attestation de Mme [G] [W] qui déclare avoir travaillé avec Mme [U] dans le cadre de son contrat de professionnalisation de septembre 2014 à juin 2015 et avoir constaté qu'elle est venue au magasin 'au moins 3 fois pour nous montrer le montage des percées ainsi qu'au moins 2 fois pour des réunions de travail et cela malgré son arrêt de travail',


- l'attestation de sa soeur, Mme [X] [M] qui explique que 'durant son arrêt de travail en date du 24 août 2014 au 19 avril 2015, j'ai été étonnée que Mme [A] (responsable du magasin Krys) ai contacté ma soeur pour aller effectuer des tâches professionnelles compliquées que personne ne savait faire',


- l'attestation de M. [B] [TE] qui explique 'avoir constaté que Mme [U] [I] est venu sur son arrêt maladie pour faire de l'atelier, plus précisément des montages percés entre fin août 2014 et février 2015, date de la fin de mon contrat de travail'.


Pour s'opposer à ces témoignages, la société O.V. produit uniquement l'attestation de Mme [Ad] qui déclare que '[I] n'est pas venue lors de son arrêt de travail dû à l'opération de son genou ni en formation, ni au montage que la meule spéciale fait au magasin'. Cette seule attestation, établie par une personne très proche de Mme [A], s'avère toutefois insuffisante pour contrer les trois témoignages produits par Mme [U], lesquels sont suffisamment précis et concordants pour que la cour considère comme établi le fait que Mme [Ab] ait dû venir trois fois pendant son arrêt maladie de 2014-2015 pour accomplir, ponctuellement et sur une durée limitée, une tâche professionnelle, ce qui caractérise un manquement de l'employeur à ses obligations.


Sur le préjudice


S'agissant du manquement n°2, la cour observe que Mme [Ab] ne justifie d'aucun préjudice en découlant, son droit à repos n'étant nullement affecté.


S'agissant du manquement n°1, la cour relève que Mme [U] ne s'est jamais plaint, tout au long de la relation contractuelle, de ne pas avoir pu bénéficier de sa pause de 20 minutes le lundi. Par ailleurs, il résulte des récapitulatifs d'heures supplémentaires établis par Mme [U] pour l'année 2015 et pour l'année 2016 ainsi que des tableaux récapitulatifs et des bulletins de salaire de Mme [U] que cette dernière a été payée de toutes les heures réalisées, comprenant les 10h30 les lundis, soit sous forme d'heures supplémentaires soit par l'octroi de repos compensateurs.


S'agissant du manquement n°3, Mme [U] n'allègue et ne démontre aucun préjudice spécifique en découlant se contentant d'indiquer, à tort, que le manquement de l'employeur occasionne nécessairement un préjudice.


Par conséquent, à défaut de justifier du moindre préjudice, la cour déboute Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts et infirme le jugement entrepris qui lui a alloué une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.


Sur la demande de rappel de salaire pour les mois de novembre et décembre 2017


Selon l'article 37 de la convention collective précité :

'l'article 37 de la convention collective nationale d'optique lunetterie, dans sa version en vigueur, qui prévoyait que :

'En cas de maladie dûment constatée par un certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, les ouvriers et employés bénéficieront lorsqu'ils toucheront des indemnités journalières au titre des assurances sociales et éventuellement de tout autre régime obligatoire ou facultatif dans l'entreprise, d'une indemnité complémentaire calculée de façon qu'ils reçoivent, à compter du 4e jour :

Après 10 ans de présence :

- pendant 2 mois 100 % de leurs appointements ;

- pendant 2 mois 75 % de leurs appointements ;'


De plus, en application de l'article 2 de l'avenant du 31 mars 2016 modifiant l'article 5-3 de l'accord du 14 juin 2011 relatif à la prévoyance obligatoire des salariés non cadres :


'Le salarié inscrit à l'assurance indemnités journalières de la sécurité sociale qui a cessé totalement ou partiellement son travail par suite de maladie ou d'accident et qui bénéficie des prestations en espèces prévues à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale🏛 (maladie et accident de droit commun), ou à l'article L. 433-1 du code de la sécurité sociale🏛 (maladie professionnelle et accident du travail), perçoit de l'organisme assureur des indemnités journalières.

Elles sont versées à l'expiration des obligations conventionnelles de maintien de salaire de l'employeur définies à l'article 37... Le montant des prestations est égal à 70 % du salaire de référence après déduction des indemnités journalières versées par la sécurité sociale.'


En l'espèce, Mme [U] a effectivement été en arrêt maladie du 17 novembre 2017 au 8 décembre 2017 ce qui représente 19 jours indemnisables, compte tenu des 3 premiers jours de carence. Dans la mesure où elle avait déjà été en arrêt maladie pendant plus de 4 mois, elle ne pouvait prétendre qu'au paiement de prestations, sur cette période, d'un montant égal à 70% de son salaire de référence après déduction des indemnités journalières par la sécurité sociale.


Il résulte de ses bulletins de salaire que Mme [U] percevait un salaire brut mensuel de 2401,73 euros ce qui correspond pour 19 jours (11 jours en novembre et 8 jours en décembre) à 1.500,43 euros brut. Mme [Ab] aurait donc dû percevoir, pour cette période, 70% de cette somme soit 1.050,30 euros brut. L'attestation de paiement des indemnités journalières que la salariée verse aux débats démontre qu'elle a perçu 750,12 euros d'indemnités journalières par la sécurité sociale pour la période du 20 novembre 2017 au 8 décembre 2017 de sorte qu'en application de l'article 5-3 modifié de l'accord du 14 juin 2011, elle aurait dû percevoir au titre de la prévoyance une somme complémentaire de 300,18 euros brut. Or, son bulletin de salaire du mois de novembre 2017 fait apparaître le paiement d'une somme de 284,22 euros au titre de la 'réintégration IJ prévoyance' ainsi que d'une somme de 189,48 euros au titre des 'IJSS prévoyance non soumises' tandis que son bulletin de salaire du mois de décembre 2017 fait apparaître le paiement d'une somme de 18,95 euros brut au titre de 'ind. Prev. Du 1 au 812 + régul. Nov.' et d'une somme de 12,63 euros au titre de 'ind.prev. Du 1 au 8/12 + régul.nov.'


Il s'avère donc que Mme [U] a été remplie de ses droits pour les mois de novembre et décembre 2017 de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire. Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a 'confirmé l'ordonnance de référé ayant condamné la SARL O.V. à payer à Mme [I] [U] un rappel de salaire de 300,18 euros et condamné la société O.V. en tant que de besoin.'.


Par ailleurs, il doit être rappelé que l'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société O.V tendant à ce que Mme [U] soit condamnée à lui restituer la somme de 300,18 euros nets.


Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et les demandes subséquentes


1. Par application de l'article 1184 ancien du code civil🏛 devenu l'article 1227, le salarié est admis à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur des obligations en découlant.


Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.


En l'espèce, il résulte des énonciations précédentes de l'arrêt que :

- le prononcé d'une sanction disciplinaire disproportionnée est établi (sans qu'il ne soit établie une atteinte disproportionnée à une liberté constitutionnelle d'ailleurs non précisée par Mme [U]),

- Mme [Ab] n'a pas bénéficié de son temps de pause le lundi jusqu'en janvier 2017,

- Mme [U] s'est rendue à son travail trois fois pendant son arrêt maladie de fin 2014-2015 pour accomplir une tâche dans un temps restreint,

- Mme [Ab] a travaillé sans diplôme d'opticien le lundi dans le magasin du centre Leclerc jusqu'en mars 2014,


S'agissant des autres manquements invoqués par la salariée :


- la déloyauté dont son employeur a fait preuve en prétendant être dans l'ignorance la plus totale des motifs de son absence :


La cour a jugé que la société O.V. avait été informée non seulement du souhait, en fin d'année 2016, de Mme [U] de quitter l'entreprise dans le cadre d'une rupture conventionnelle mais aussi de l'absence de la salariée à son poste de travail à compter du 1er février 2017. Cependant, Mme [U] ne rapporte pas la preuve que son employeur avait été informé des raisons gouvernant sa demande de rupture du contrat de travail.


Lors de l'entretien préalable, ainsi que M. [Af] ayant assisté Mme [U] le rapporte, Mme [A] a demandé à la salariée 'ce qu'elle souhaite depuis la fin de son activité le 1er février 2017' et lui a proposé, in fine, une augmentation de salaire. A cette interrogation, Mme [U] a répondu qu'elle souhaitait cesser ses fonctions 'dans le but de préparer une autre activité à titre individuel pour la vente de lunettes ou autre emploi éventuel'. La société O.V. prétend qu'elle a découvert à cette occasion les réelles intentions de MAbe [U] qui étaient de créer un commerce concurrent, affirmation que la salariée échoue à remettre en cause.


Il ne saurait dès lors être sérieusement reproché à la société O.V. d'avoir fait preuve de déloyauté en prononçant une sanction disciplinaire distincte de celle qui était supposée être convenue entre les parties, dès lors que Mme [U] ne démontre pas qu'elle avait fait part à son employeur de ses réelles motivations pour obtenir son accord sur la rupture du contrat de travail, quel qu'en soit le mode. La cour observe en outre que rien n'empêchait Mme [U] de démissionner si son souhait était de quitter l'entreprise pour trouver un autre emploi.


- l'oubli de la prime d'ancienneté en février 2017 :


Aux termes de l'article 31 de la convention collective nationale de l'optique-lunetterie de détail du 2 juin 1986 applicable au litige :

'Il est attribué aux salariés non cadres une prime d'ancienneté en fonction de l'ancienneté définie à l'article 27 bis de la présente convention collective.

Cette prime est calculée sur les appointements minima de l'annexe 2 à la présente convention et proportionnellement à l'horaire de travail, ce minimum étant augmenté le cas échéant des majorations pour heures supplémentaires.

Les taux de la prime d'ancienneté sont les suivants :

- 3 % à partir de 3 ans d'ancienneté ;

- 6 % à partir de 6 ans d'ancienneté ;

- 9 % à partir de 9 ans d'ancienneté ;

- 12 % à partir de 12 ans d'ancienneté ;

- 15 % à partir de 15 ans d'ancienneté.

Le montant de la prime ainsi calculée s'ajoute aux appointements réels et doit figurer à part sur le bulletin de paie.

Le montant de la prime d'ancienneté ne doit pas être pris en compte dans le calcul du Smic.

L'ancienneté dans tous les cas est calculée à partir de la date d'entrée dans l'entreprise ou une de ses filiales.'

La cour a jugé qu'aucune rémunération n'était due à Mme [U] au mois de février 2017 dès lors qu'elle s'est abstenue volontairement de travailler. Il s'ensuit que l'employeur n'était nullement tenu de lui payer sa prime d'ancienneté puisque les absences non rémunérées réduisent en proportion la prime d'ancienneté, sauf disposition contraire (Cass. soc., 13 févr. 1985, n° 82-41.899) et qu'il n'existait en l'occurrence aucune disposition contraire. Ce manquement n'est donc pas établi.


- la transmission de ses bulletins de salaire chiffonnés et déposés dans sa boîte aux lettres dans le but de l'intimider :


Mme [U] produit la photocopie de son bulletin de salaire du mois de novembre 2017 et des photocopies d'enveloppes (pièce n°43-17). Elle produit également son bulletin de salaire du mois de septembre 2019 en photo ainsi que la photo d'une enveloppe vierge et d'un chèque correspondant au montant figurant sur le bulletin de salaire. L'ensemble de ces documents ne permet toutefois pas de retenir que l'employeur lui aurait transmis ses bulletins de salaire chiffonnés. Par ailleurs, le fait pour Mme [A] de déposer elle-même ou par l'intermédiaire d'un de ses préposés les bulletins de salaire dans la boîte aux lettres de Mme [U] ne constitue pas en soi un manquement de l'employeur à ses obligations et ce d'autant plus qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir que la société O.V. avait l'intention d'intimider sa salariée en procédant ainsi. Le manquement allégué n'est donc pas établi.


- de multiples erreurs administratives dans la gestion de sa situation depuis son arrêt de travail en mars 2017 :


Mme [U] se contente de renvoyer à ses conclusions développées lors de la procédure de référés et aux pièces qui avaient été produites, desquelles il résulte qu'elle reproche à son employeur de ne pas avoir transmis les attestations de salaire à la CPAM, la contraignant ainsi à devoir relancer son employeur. Elle reproche également à son employeur de ne pas lui avoir versé le complément de salaire pour la période du 20 novembre au 13 décembre 2017.


S'agissant du second reproche, la cour a jugé que la salariée avait été remplie de ses droits de sorte qu'aucun manquement de l'employeur ne peut être retenu à ce titre.


S'agissant du premier reproche, la cour constate que Mme [U] produit (pièce n°43-16) une attestation de paiement des indemnités journalières établie le 13 décembre 2017 pour la période du 20 novembre 2017 au 8 décembre 2017, ce qui démontre que l'employeur a nécessairement transmis à l'organisme de sécurité sociale l'attestation de salaire dans un délai très raisonnable de sorte que si transmission tardive il y a eue, aucun préjudice n'en a découlé pour la salariée.


- une enquête irrégulière sur ses activités extra-professionnelles :


Mme [U] produit un sms d'une personne dont l'identité est inconnue indiquant 'Ta patronne est au marché de la mothe' et l'attestation de M. [T] [C] qui déclare 'alors que j'étais au PMU à [Localité 7] une femme assez grande et blonde m'a demandé si une certaine [I] [U] travaillait au café des halles de [Localité 7]. Je lui ai répondu que non qu'elle venait prendre un café de temps en temps à ce café'. Ces deux pièces sont bien trop imprécises pour justifier le fait allégué parAbMme [U].

Aucun manquement de l'employeur ne peut donc être retenu.


- le retard de paiement du salaire en janvier 2018.


Mme [U] explique qu'elle a été obligée, le 13 février 2018, d'interpeller son employeur sur le fait qu'elle n'avait toujours pas reçu son salaire qu'elle recevait habituellement le 10 du mois. Elle produit un mail envoyé le 13 février 2018 à Mme [A] pour lui faire part de son étonnement, courriel auquel Mme [A] a répondu le jour même en lui indiquant que 'tout est parti en bonne date'. Mme [U] produit également la photographie d'une enveloppe portant un cachet de la poste au 12 février 2018, étant précisé que le 10 février 2018 était un samedi. Si cette enveloppe contenait effectivement le salaire de Mme [U], la cour observe qu'il avait été envoyé avant même que la salariée ne fasse une réclamation et que Mme [U] reconnaît l'avoir reçu le 15 février 2018.


- une filature dont elle a été victime de la part de son employeur après l'expertise médicale du 4 avril 2018.


Mme [U] produit un mail qu'elle a envoyé le 4 avril 2018 à l'expert judiciaire qu'elle venait de rencontrer en lui expliquant qu'elle s'était arrêtée au retour à la Chaize le Vicomte où l'une de ses anciennes collègues avait ouvert un magasin, que Mme [A] est passée et l'a prise en photo dans sa voiture alors qu'elle attendait son ancienne collègue. Elle produit également les conclusions de la société O.V en référé dans lesquelles l'employeur expliquait que Mme [A] n'avait nullement suivi Mme [Ab] mais s'était trompée de route en faisant ses courses et s'était retrouvée fortuitement face à la salariée à la Chaize Le Vicomte.

La cour considère que ces éléments ne sont pas suffisants pour démontrer que Mme [Ab] a été victime d'une filature de la part de son employeur.


- avoir été formatrice référente d'un apprenti alors qu'elle n'était pas diplômée :


M. [H] [N] explique qu'il a commencé son apprentissage en juillet 2016 et que 'ma formatrice référente était Mme [Ab] [I]'. Cependant, la lecture des plannings pour les mois d'août 2016 à mars 2017 révèle que si '[H]' a effectivement travaillé au sein du magasin du centre Leclerc, il n'y était pas présent le lundi et que les autres jours de la semaine, il a pu travailler tant avec Mme [U] qu'avec d'autres salariés y compris à partir du 1er février 2017 où Mme [U] n'est plus venue travailler de sorte qu'il ne peut être retenu qu'elle a été la formatrice référente d'un apprenti.

Le fait allégué par Mme [U] ne saurait donc être considéré comme établi.

- une organisation déloyale de l'activité lui a été imposée au détriment des clients, des organismes de sécurité sociale et complémentaires. Elle explique que pour la majorité des dossiers concernés, ce sont des clients qui ont une mutuelle du réseau [D] qui leur permet de bénéficier de prix négociés sur les verres d'une remise de 10 ou 15% sur la monture et d'une bonification sur le remboursement de leurs verres. Elle ajoute que Mme [AO] a signé les engagements pour le réseau [D] mais uniquement pour le magasin du centre ville. Elle affirme que lorsqu'un client [D] venait au magasin du centre ville, s'il ne parlait pas du réseau [D], Mme [A] avait donné l'ordre de faire la commande de prise en charge du tiers-payant sur le magasin du centre commercial de sorte que le client ne bénéficiait pas des avantages.


Mme [U] produit 29 pièces constituées de devis et factures dont l'examen ne permet pas de corroborer les allégations de la salariée. La cour constate qu'un seul document concerne Mme [U]. Il s'agit de la pièce 25-20 correspondant à une vente enregistrée le samedi 5 mars 2016 par Mme [U]. Il est certes indiqué '24/03/2016 : dossier napo/pv..' sans qu'aucun autre élément ne permette toutefois de caractériser les déloyautés invoquées par Mme [U]. Les autres documents ne concernent pas cette dernière de sorte qu'il n'est pas établi que la société O.V. aurait imposé à la salariée des pratiques déloyales.

De plus, la société O.V. produit des factures établies par Mme [U] en 2007 et 2013 au profit de membres de sa famille qui font apparaître dans les notes que les prix des verres et des montures ont été redispatchés en fonction des remboursements à venir ce qui démontre que Mme [U] a elle-même fait bénéficier sa famille d'arrangements qui ne lui ont pas été imposés par son employeur.


Il s'ensuit que le grief invoqué par Mme [Ab] n'est pas établi.


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Il résulte de tous ces éléments que les griefs invoqués par Mme [U] ne sont soit pas établis, soit trop anciens ou encore pas assez graves, même pris dans leur ensemble, pour justifier la résiliation du contrat de travail au tort de la société O.V. En effet, si cette dernière a prononcé une sanction disciplinaire disproportionnée en mars 2017, la cour considère que l'employeur n'a fait preuve d'aucune déloyauté manifeste dès lors que Mme [U] avait la possibilité de démissionner et qu'elle ne justifie pas avoir informé la société O.V de sa motivation réelle pour obtenir la rupture de son contrat de travail à l'initiative de son employeur. Par ailleurs, si Mme [U] a effectivement travaillé seule, sans diplôme d'opticien, les lundis jusqu'en mars 2014, rien ne démontre qu'à compter de cette date, alors que la réglementation de la profession avait changé, elle avait été contrainte d'adopter des pratiques professionnelles inappropriées. De même, si la société O.V échoue à rapporter la preuve de ce que Mme [U] a pu prendre sa pause de 20 minutes tous les lundis, il n'en reste pas moins qu'aucun préjudice n'en a découlé alors que la salariée a été régulièrement payée ou a obtenu des repos compensateurs et qu'elle ne prétend en outre pas avoir été privée de la possibilité de manger. Le fait pour Mme [U] d'avoir accompli, par trois fois, une tâche professionnelle ponctuelle à la demande de son employeur, pendant un arrêt maladie, alors qu'elle ne démontre pas avoir été contrainte de le faire, n'est pas suffisamment grave pour justifier la résiliation de son contrat de travail. Il en va de même pour le paiement 'tardif' de ses salaires en janvier et février 2018, étant observé qu'à cette date, Mme [Ab] avait déjà saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir la résiliation de son contrat de travail de sorte qu'il ne peut s'agir d'un grief déterminant. De même encore, Mme [Ab] ne démontre pas que l'organisation déloyale de l'activité professionnelle qu'elle invoque lui aurait été imposée par son employeur ni que ce grief, à le supposer établi, était suffisamment grave pour empêcher le contrat de travail de se poursuivre alors qu'elle a pu faire bénéficier certains membres de sa famille de pratiques professionnelles, non imposées par son employeur, qui n'étaient pas nécessairement conformes à la réglementation. Enfin, s'il est établi, par la production des certificats médicaux, que Mme [U] a effectivement été placée en arrêt maladie à compter du 24 mars 2017, soit juste avant que ne lui soit notifiée sa mise à pied disciplinaire, pour 'troubles anxiodépressifs mineurs', il n'en reste pas moins que le décès accidentel de son frère survenu un mois après a nécessairement contribué à la dégradation de son état de santé psychologique. Il doit en outre être rappelé que l'expert judiciaire, le Docteur [A] [E], a considéré dans son rapport que 'l'état pathologique ne s'est pas aggravé après mars 2017, mais d'autres éléments pathologiques sans rapport avec le litige se sont surajoutés pour prolonger cet arrêt jusqu'en novembre 2017', concluant que l'avis d'inaptitude du 13 novembre 2017 n'était pas justifié. Dès lors, c'est tout à fait vainement que Mme [U] argue de son état de santé particulièrement dégradé pour justifier de la gravité des manquements de son employeur à son égard.


Par conséquent, la cour déboute Mme [U] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et, par suite, de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de sa demande d'indemnité légale de licenciement et de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail. Le jugement entrepris est ainsi infirmé de tous ces chefs.


2. Mme [U] sollicite la condamnation de la société O.V à lui payer à titre de compensation ses salaires depuis le mois de septembre 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir, sur la base de son salaire de référence fixé à 2.401,73 euros brut mensuel, en faisant valoir que son employeur ne lui a jamais fait de proposition de retour à son emploi. La société O.V. s'oppose à cette demande en faisant valoir que Mme [U] ne s'est pas tenue à la disposition de son employeur pendant cette période, précisant qu'elle travaillait au profit d'un autre employeur à compter du 31 juillet 2019.


En l'espèce, à la suite de la décision du conseil de prud'hommes statuant en référé du 20 juin 2018 ayant retenu que l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 13 novembre 2017 n'était pas justifié, Mme [U] a de nouveau été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 mars 2018 de sorte que son contrat de travail était suspendu. A la suite du jugement du conseil de prud'hommes du 6 septembre 2018 prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail, Mme [Ab] n'a plus produit de nouvel arrêt de travail. Or, la cour infirme ce jugement de sorte que le contrat de travail litigieux est toujours en cours.


Conformément à l'article R.4624-31 du code du travail🏛 alors en vigueur, une visite de reprise aurait dû être réalisée puisque Mme [Ab] avait été en arrêt de travail pendant plus de 30 jours pour cause de maladie non professionnelle.

Il est cependant constant qu'en l'absence d'une manifestation de volonté du salarié de reprendre le travail, il ne peut être utilement reproché à l'employeur de ne pas avoir organisé une visite de reprise. Or, en l'absence de visite de reprise, le contrat de travail reste suspendu et l'employeur n'a pas à reprendre le paiement des salaires.


En l'espèce, il doit être constaté que Mme [Ab] n'a manifesté aucun souhait de reprise du travail au sein de la société O.V. depuis le 6 septembre 2018, ayant tout au contraire retrouvé un emploi le 31 juillet 2019 auprès de la société Brasille-Dugue à Luçon, ce qui démontre qu'elle ne s'est pas tenue à la disposition de la société O.V.


En conséquence, Mme [Ab] ne peut qu'être déboutée de sa demande de paiement des salaires, à titre de compensation, pour la période de septembre 2018 au prononcé du présent arrêt.


3. Mme [U] doit également être déboutée de sa demande tendant à voir la société O.V. condamnée à compenser toute somme qui lui serait réclamée par Pôle Emploi, étant précisé que cette prétention s'analyse juridiquement en une demande en garantie. En effet, Mme [U] qui ne démontre aucune faute de la part de la société O.V, est mal fondée à obtenir sa garantie quant au remboursement éventuel des sommes que Pôle emploi lui réclamerait en application de la présente décision.


4. Le contrat de travail de Mme [U] prévoit en son article 9 que :

' A la cessation du présent contrat, quels qu'en soient l'auteur ou la cause, Mademoiselle [U] [I] s'interdit de s'intéresser directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit (salarié, non salarié, associé..) à toute entreprise susceptible de concurrencer même partiellement l'activité développée par la SARL O.V.

Cette interdiction produira effet pendant une durée de 24 mois à compter de la date de cessation effective des présentes sur la ville de la Roche-Sur-Yon où Mademoiselle [U] [I] aura exercé ses fonctions dans les douze mois précédant la rupture du présent contrat.

En contrepartie de l'engagement ci-dessus, la SARL O.V. versera mensuellement à Mademoiselle [U] [I] une contrepartie pécuniaire égale à 10% du montant brut de sa rémunération de base.

Toutefois, si à la date de la cessation de son contrat Mademoiselle [U] [I] n'a pas perçu vingt quatre mensualités de contrepartie pécuniaire, elle continuera à la percevoir mensuellement, dans la limité de vingt quatre mensualités.'


En l'espèce, à la suite de la décision du conseil de prud'hommes du 6 septembre 2018, la société O.V. a payé à Mme [U], entre septembre 2018 et septembre 2019, une somme totale de 6.419,84 euros nets congés payés inclus, au titre de la clause de non-concurrence. Or, compte tenu du fait que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ne peut pas être payée avant la rupture du contrat de travail, il est justifié de faire droit à la demande de la société O.V. et de condamner Mme [U] à lui restituer la somme de 6.419,84 euros nets, la cour précisant que la demande de la société O.V. n'est pas prescrite puisqu'elle l'a formulée pour la première fois dans ses conclusions du 22 avril 2022 et que le dernier paiement était intervenu moins de trois ans auparavant en septembre 2019.


Sur la demande de remboursement des salaires à la suite de l'avis d'inaptitude injustifié


Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail et ce quelle que soit l'origine de l'inaptitude (articles L.1226-4 et L.1226-11 du code du travail🏛🏛).


Il est constant que l'annulation de l'avis d'inaptitude n'a pas pour effet de faire disparaître rétroactivement l'obligation de reprise du paiement des salaires (Cass. soc., 28 avr. 2011, no 10-13.775⚖️). L'employeur ne peut donc pas demander le remboursement des salaires versés. Cependant, l'obligation de verser le salaire prend fin à compter de la date de l'annulation.


En l'espèce, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude le 13 novembre 2017.


La société O.V. a saisi le conseil de prud'hommes, sur le fondement de l'article L.4624-7 du code du travail🏛, le 30 novembre 2017 d'une contestation. Cependant, la saisine de la juridiction prud'homale n'a eu aucun effet suspensif sur l'obligation de l'employeur de reprendre le paiement des salaires à l'issue du délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude soit à compter du 14 décembre 2017.


L'obligation pour la société O.V. de verser le salaire de Mme [Ab] n'a donc pris fin que le 20 juin 2018, date à laquelle le conseil de prud'hommes a :

- entériné 'le rapport du Docteur [E] daté du 2 mai 2018 et reçu au greffe le 3 mai 2018' répondant 'non' à la question de 'dire si l'avis médical d'inaptitude définitive d'inaptitude à tout poste de l'entreprise ainsi qu'à tout poste dans l'entreprise est médicalement justifié',

- constaté 'que les éléments de nature médicale ne justifient pas l'avis d'inaptitude émis le 13 novembre 2017 par le Docteur [F], médecin du travail' et 'dit que cette décision se substitue aux éléments de nature médicale qui ont justifié l'avis médical du médecin du travail du 13 novembre 2017 contesté'.


Si à compter du 20 juin 2018, l'employeur n'était plus tenu de payer son salaire à Mme [Ab], il n'en reste pas moins que Mme [U] a de nouveau été placée en arrêt maladie à compter du 21 juin 2018. Or, la lecture des bulletins de salaire des mois de juin 2018 à septembre 2018 de Mme [U] fait apparaître que l'employeur ne lui a versé, à compter du 20 juin 2018 et jusqu'au 6 septembre 2018, que les sommes dues en application de l'article 37 de la convention collective nationale d'optique lunetterie, dans sa version en vigueur, qui prévoyait que :

'En cas de maladie dûment constatée par un certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, les ouvriers et employés bénéficieront lorsqu'ils toucheront des indemnités journalières au titre des assurances sociales et éventuellement de tout autre régime obligatoire ou facultatif dans l'entreprise, d'une indemnité complémentaire calculée de façon qu'ils reçoivent, à compter du 4e jour :

Après 10 ans de présence :

- pendant 2 mois 100 % de leurs appointements ;

- pendant 2 mois 75 % de leurs appointements ;'


Il s'ensuit que la société O.V. ne peut qu'être déboutée de sa demande de remboursement des salaires sur la période du 14 décembre 2017 au 6 septembre 2018.


Sur les autres demandes


Chacune des parties succombant, les dépens tant de première instance que d'appel doivent être partagés par moitié entre elles.

Les circonstances du litige et l'équité conduisent de laisser chacune des parties supporter la charge de ses propres frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel et donc de les débouter de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société O.V. aux dépens et à payer à Mme [U] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS


Rejette la demande de Mme [I] [U] tendant à voir écarter la pièce n°66 de la SARL O.V.,


Confirme le jugement rendu le 6 septembre 2018 par le conseil de prud'hommes de La Roche-Sur-Yon en ce qu'il a annulé la sanction disciplinaire notifiée le 28 mars 2017 par la SARL O.V. à Mme [I] [U],


Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions critiquées,


Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,


Déboute Mme [Aa] [Ab] de ses demandes de :

- dommages et intérêts au titre de la mise à pied disciplinaire,

- rappel de salaire et des congés payés afférents du 1er février 2017 au 24 mars 2017,

- rappel de salaire (prévoyance) pour les mois de novembre et décembre 2017,

- dommages et intérêts pour manquements à la réglementation du travail,

- résiliation de son contrat de travail aux torts de la SARL O.V.

- indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

- indemnité légale de licenciement,

- dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail,

- demande de paiement des salaires, à titre de compensation, pour la période de septembre 2018 au prononcé du présent arrêt,

- demande tendant à voir la société O.V. condamner à compenser toute somme qui lui serait réclamée par Pôle Emploi,

- indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 en première instance,


Déclare recevable la demande de la société O.V. au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,


Condamne Mme [I] [U] à payer à la société O.V. la somme de 6.419,84 euros net au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,


Déboute la SARL O.V. de sa demande de remboursement des salaires sur la période du 14 décembre 2017 au 6 septembre 2018,


Déboute la SARL O.V. et Mme [I] [U] de leurs demandes respectives à l'encontre de la SAS Rocheskoff,


Y ajoutant,


Déboute la SARL O.V. et Mme [I] [U] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 à hauteur d'appel,


Condamne la SARL O.V. et Mme [I] [U], chacune par moitié, aux dépens de première instance et d'appel.


LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Article, 4, CPC Article, L433-1, CSS Article, L4362-9, C. santé publ. Article, 954, alinéa 1, 3, CPC Transformation d'un fonds de commerce Contrat en cours Substitution d'employeur Fonds de commerce Représentation obligatoire Mise à pied Sanction Sanctions pécuniaires Contrôle juridictionnel Conseil des prud'hommes Régularité d'une procédure Justification d'une sanction Nullité d'une sanction Sanction irrégulière Sanction disciplinaire Appréciation d'une valeur Appréciation d'une portée Rupture conventionnelle Centre commercial Mise en demeure Lettre de convocation Voyage organisé Rappel de salaire Preuve d'un préjudice Preuve rapportée Prestation de travail Abstention volontaire Dommages-intérêts Temps de travail Temps de pause Durée minimale Charge de la preuve Établissements commerciaux Lentilles de contact Opticien Contrat à durée déterminée Respect par l'employeur Contrat de professionnalisation Contrat de travail Obligation Relation contractuelle Heures supplémentaires Bulletin de paie Repos compensateur Certificat médical Indemnités journalières Assurances sociales Régime obligatoire Régime facultatif Prévoyance obligatoire Maladie professionnelle Accident du travail Maintien de salaire Salaire de référence Paiement d'une prestation Salaire brut Salaire mensuel Exécution d'une décision Titre exécutoire Résiliation judiciaire Gravité suffisante Atteinte à la liberté Augmentation de salaire Cessation de fonctions À titre individuel Prime d'ancienneté Prime Smic/smig Manquement à une obligation Cpam Complément de salaire Délai raisonnable Paiement tardif Expertise Expert judiciaire Organisation d'activité Tiers payant Rupture à l'initiative de l'employeur Pratique professionnelle Accomplissement de tâches professionnelles Décès accidentel Décès du frère État pathologique Indemnité compensatrice Indemnité de licenciement Rupture du contrat de travail Salaire de base Arrêt de travail Suspension d'un contrat Travaux Visite de reprise Paiement d'une contrepartie Rémunération de base Date du contrat Contrepartie financière Examen médical Expiration du délai Saisine des juridictions Inaptitude

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