RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/08170 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWRC
Décision déférée à la cour :
Jugement du 28 mars 2022-Juge de l'exécution de PARIS-RG n° 22/80176
APPELANT
Monsieur [C] [G]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représenté par Me Caroline COURBRON TCHOULEV, avocat au barreau de PARIS, toque : E0827
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/019277 du 19/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
S.A. [10]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Christine GALLON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0431
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des
articles 805 et 905 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 6 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Déclarant agir en vertu d'un jugement rendu par le Tribunal d'instance de Paris le 6 décembre 2019 et d'un jugement rendu par le juge de l'exécution de cette ville le 4 mars 2021, la société [10] a le 14 septembre 2021 procédé à l'expulsion de M. [G] d'un logement sis [Adresse 2], après lui avoir notifié un commandement de quitter les lieux le 11 février 2020. Un procès-verbal de déménagement sera ensuite dressé le 16 septembre 2021.
Saisi par M. [G] de diverses contestations, le juge de l'exécution de Paris a, par jugement en date du 28 mars 2022, débouté ce dernier de l'intégralité de ses demandes (annulation du procès-verbal d'expulsion, réintégration dans le logement, condamnation de la société [10] au paiement de dommages et intérêts et de la somme de 1 800 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛).
Selon déclaration en date du 22 avril 2022, M. [Aa] a relevé appel de ce jugement.
En ses conclusions notifiées le 7 décembre 2022, il a exposé :
- que le procès-verbal d'expulsion contenait un inventaire des biens qui avaient été séquestrés, mais qu'il n'avait pas pu obtenir de l'huissier de justice instrumentaire les coordonnées du garde-meuble auprès duquel ils avaient été déposés ; que cet officier ministériel avait refusé de prendre contact avec lui ;
- que finalement, il lui avait été transmis un procès-verbal de déménagement du 16 septembre 2021 le 6 décembre suivant, alors même que les biens avaient été détruits entre-temps, le 16 novembre 2021 ;
- que ses papiers et documents administratifs ne lui avaient pas été restitués ni mis sous scellé, si bien que le 5 janvier 2022, il n'avait pu en récupérer qu'une partie seulement ;
- que le procès-verbal d'expulsion susvisé était entaché d'irrégularités, ne contenant pas un inventaire complet et précis des biens, ni l'indication du local où ceux-ci et ses papiers étaient entreposés ; que ces derniers n'avaient pas été laissés dans les lieux ; que notamment, l'huissier de justice ne s'était pas donné la peine d'ouvrir les meubles pour dresser une liste de leur contenu ; qu'il en était de même des sacs sanglés et des valises ;
- que la valeur marchande de ses biens était de 10 000 euros et ceux-ci n'auraient pas dû être détruits, mais vendus ;
- que le procès-verbal de déménagement susvisé ne lui avait pas été signifié ;
- que la société [10], qui disposait de son adresse électronique, aurait dû prendre son attache ;
- que l'huissier de justice avait refusé de lui donner des informations quant aux conditions d'accès dans lesquelles ses biens avaient été entreposés, s'étant contenté de lui adresser des mails à une adresse qui n'était pas la bonne.
M. [Aa] a en conséquence demandé à la Cour d'infirmer le jugement et de :
- annuler le procès-verbal d'expulsion daté du 14 septembre 2021 ;
- en conséquence, ordonner sa réintégration dans les lieux ;
- condamner la société [10] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice moral subi du fait de l'expulsion, ou subsidiairement de celle de 30 000 euros ;
- lui allouer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral à lui causé par la destruction intempestive de ses meubles, effets personnels ainsi que d'une partie de ses documents administratifs ;
- lui allouer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de la destruction de ses effets personnels ;
- condamner la société [10] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 al 1er 2°) du code de procédure civile avec droit de recouvrement direct de son conseil sur cette condamnation ;
- condamner la société [10] aux dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 14 décembre 2022, la société [10] a répliqué :
- que lors de l'expulsion, les biens séquestrés avaient été laissés sur place faute par Aa. [G] de déclarer le lieu où il convenait de les transporter, de même que les papiers et documents administratifs, l'appelant ayant manifesté son intention de venir les récupérer ;
- qu'aux termes du procès-verbal de déménagement dénoncé au débiteur le 20 septembre 2021 dans les formes de l'
article 659 du code de procédure civile🏛, il lui avait été fait sommation de retirer ses meubles et objets auprès de la société [8] dans un délai de deux mois (à dater du 16 septembre 2021) faute de quoi il seraient déclarés abandonnés ; qu'un courriel du 20 septembre 2021 avait permis de lui transmettre une seconde fois ledit procès-verbal ;
- que M. [G] était resté inactif ;
- que l'inventaire figurant dans le procès-verbal d'expulsion était régulier alors que l'ouverture des meubles par l'huissier de justice ne pouvait intervenir qu'en l'absence de l'occupant, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; qu'il incombait à M. [Aa] d'ouvrir ces meubles et valises s'il prétendait qu'ils contenaient des papiers et documents administratifs ;
- que la liste des biens laissés sur place était suffisante même si elle n'était pas exhaustive ;
- que M. [Aa] ne lui avait pas communiqué son adresse, si bien qu'elle avait dû interroger la préfecture pour obtenir celle de l'hôtel où il était censé vivre ;
- que l'adresse électronique dont se prévalait l'appelant était celle utilisée en 2019 alors qu'il pouvait disposer d'une autre adresse en 2021 ;
- qu'il avait tout de même répondu à l'un des mails à lui envoyés à cette adresse ;
- qu'elle n'a commis aucune faute, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'accueillir les demandes indemnitaires de l'appelant.
La société [10] a en conséquence demandé à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de condamner M. [G] au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux dépens, qui seront recouvrés directement par Maître Gallon.
MOTIFS
L'
article L 142-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛 prévoit qu'en l'absence de l'occupant du local ou si ce dernier en refuse l'accès, l'huissier de justice chargé de l'exécution ne peut y pénétrer qu'en présence du maire de la commune, d'un conseiller municipal ou d'un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d'une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l'huissier de justice chargé de l'exécution.
Dans les mêmes conditions, il peut être procédé à l'ouverture des meubles.
M. [Aa] ayant été présent aux opérations d'expulsion du 14 septembre 2021, il ne saurait soutenir que ces dispositions n'ont pas été respectées, et il ne tenait qu'à lui, pour le cas où, comme il le prétend, les meubles et valises contenaient des papiers et documents administratifs ou biens de valeur, ou qu'il souhaitait transporter, de les ouvrir lui-même. Force est de constater qu'il ne l'a pas fait.
En application de l'
article R 433-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛, si des biens ont été laissés sur place ou déposés par l'huissier de justice en un lieu approprié, le procès-verbal d'expulsion contient, en outre, à peine de nullité :
1° Inventaire de ces biens, avec l'indication qu'ils paraissent avoir ou non une valeur marchande ;
2° Mention du lieu et des conditions d'accès au local où ils ont été déposés ;
3° Sommation à la personne expulsée, en caractères très apparents, d'avoir à les retirer dans le délai de deux mois non renouvelable à compter de la remise ou de la signification de l'acte, faute de quoi les biens qui n'auront pas été retirés seront vendus aux enchères publiques dans le cas où l'inventaire indique qu'ils paraissent avoir une valeur marchande ; dans le cas contraire, les biens seront réputés abandonnés, à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui seront placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice ;
4° Mention de la possibilité, pour la personne expulsée, de contester l'absence de valeur marchande des biens, à peine d'irrecevabilité dans le délai d'un mois à compter de la remise ou de la signification de l'acte ;
5° L'indication du juge de l'exécution territorialement compétent pour connaître de la contestation ;
6° La reproduction des dispositions des articles R 121-6 à R 121-10, R 442-2 et R 442-3.
Le procès-verbal d'expulsion litigieux comporte la liste des biens présents dans le logement, et l'intimée fait observer à juste titre qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que cet inventaire soit parfaitement exhaustif et recense l'intégralité des objets présents. Le juge de l'exécution a d'ailleurs relevé que s'agissant, notamment, de ceux présents en quantité tels que livres ou produits d'hygiène, il ne pouvait être exigé de l'huissier de justice d'en dresser une liste complète.
La mention du lieu où les biens étaient entreposés n'a pas été portée dans l'acte ; il était toutefois indiqué en sa première page que l'occupant étant présent mais que faute par lui de déclarer le lieu où il convenait de faire transporter les meubles, ces biens avaient été séquestrés sur place. L'appelant ne peut donc soutenir que le procès-verbal d'expulsion est irrégulier de ce chef ; d'ailleurs, il lui était fait sommation de retirer ces meubles dans un délai de deux mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte (soit au plus tard le 14 novembre 2021, puisque l'expulsion a été opérée le 14 septembre 2021). Il était donc parfaitement informé des conséquences de cette expulsion quant au sort de ses biens.
Un procès-verbal de déménagement a été régularisé le 16 septembre 2021 et signifié à M. [G] le 20 septembre suivant, à l'adresse des lieux antérieurement loués à l'appelant. Ce dernier objecte qu'il n'a pas reçu cet acte. L'intéressé ayant quitté les lieux, il ne pouvait s'agir que d'un procès-verbal dressé dans les formes de l'
article 659 du code de procédure civile🏛. La société [10] ajoute que par mails des 12 octobre et 15 novembre 2021, l'huissier de justice instrumentaire avait indiqué à M. [G] que c'était la société [8], demeurant … [… …], qui avait procédé au transport de ces biens, et l'intéressé rétorque qu'il n'a jamais reçu ces mails, lesquels auraient été envoyés à une adresse électronique qui n'était pas la bonne ([Courriel 9]). La Cour relève que M. [G] a répondu au premier de ces mails le jour même, à 12 h 30, 'Vu à bientôt', ce qui démontre qu'il a bien reçu le message, nonobstant ses dénégations. De plus, sachant qu'il venait d'être expulsé et qu'un délai lui était imparti pour récupérer ses effets personnels, il lui incombait à tout le moins de communiquer ses coordonnées à la société [10] et/ou à l'huissier de justice par elle mandaté, pour pouvoir être joint utilement. Force est de constater qu'il ne l'a pas fait en temps utile ; en effet si dans deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception adressées à l'huissier de justice les 10 novembre et 1er décembre 2021, il avait donné son adresse [Localité 1], il ne peut être tenu compte de la seconde qui a été envoyée hors délai, soit postérieurement au 14 novembre 2021, alors que la première a été reçue par l'huissier de justice le 15 novembre 2021 ainsi qu'il résulte de la lecture du cachet de la Poste, soit également hors délai. Et la Cour relève que le débiteur n'a pas tenté, même après l'expiration du délai susvisé, de contacter la société [8].
Enfin, il sera relevé que par procès-verbal daté du 5 janvier 2022, a été constatée la reprise par M. [Aa] de ses documents administratifs.
Les opérations d'expulsion ainsi que celles subséquentes ayant été menées dans des conditions exemptes de critiques, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des prétentions de M. [G], tant au sujet de la nullité du procès-verbal d'expulsion que de sa réintégration et de ses diverses demandes indemnitaires.
M. [Aa], qui succombe en ses prétentions, sera condamné au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
- CONFIRME le jugement en date du 28 mars 2022 ;
- CONDAMNE M. [C] [Y] [G] à payer à la société [10] la somme de 1 500 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- CONDAMNE M. [C] [Y] [G] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par Maître Gallon conformément à l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
Le greffier, Le président,