CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 22305
M. xxxxx
Lecture du 30 Octobre 1981
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 8ème Sous-Section
Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 1980 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. xxxxx et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1° - annule le jugement du 13 novembre 1979 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande en décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1971 dans les rôles la commune de xxxxx, 2° - lui accorde la décharge de l'imposition contestée,
Vu le code général des impôts;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Sur la réqularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve:
Considérant qu'aux termes de l'article 176 du code général des impôts, "en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration vérifie les déclarations du revenu global prévues à l'article 170. Elle peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration. Les demandes d'éclaircissements et de justifications doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et assigner au contribuable, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur à trente jours"; qu'en vertu de l'article 179 dudit code, est taxé d'office le contribuable qui s'est abstenu de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications de l'administration; qu'en vertu de l'article 181, la charge de la preuve incombe au contribuable qui, taxé d'office, demande la réduction ou la décharge de son imposition;
Considérant que ces dispositions ne font aucune distinction entre les contribuables dont le revenu est imposé sous le régime du bénéfice réel et ceux dont le revenu est imposé sous le régime du forfait; qu'elles doivent donc en principe s'appliquer aussi dans dernier cas; qu'il y a lieu cependant de concilier cette application et le principe selon lequel un bénéfice qui a fait l'objet d'une évaluation forfaitaire est opposable à l'administration dès lors que celle-ci n'a pas mis en oeuvre les procédures dont elle dispose pour réviser les forfaits devenus caducs; qu'il suit de là que l'administration n'est en droit d'adresser à un contribuable, qui a compris dans la déclaration de son revenu global un bénéfice ou revenu forfaitairement fixé, les demandes de justifications prévues à l'article 176 que si elle peut faire état d'indices sérieux pouvant donner à penser que ce contribuable a disposé de revenus d'autres sources que celle à raison de laquelle il est forfairement imposé; que de tels indices sérieux sont notamment réunis lorsque l'administration est en mesure d'établir que les différents comptes, bancaires et autre; de l'intéressé ont enregistré des rentrées de fonds excédant notablement les recettes réelles qui ont pu normalement résulter de l'activité forfaitairement imposée;
Considérant que la circonstance que la charge de la preuve incombe au contribuable par application du 2ème alinéa de l'article 179 du code ne dispense pas l'administration d'établir qu'elle était en droit d'avoir recours à la procédure prévue à l'article 176;
Considérant que M. xxxxx a déclaré, comme revenus de l'année 1971, les bénéfices industriels et commerciaux résultant de l'exploitation d'un bar-restaurant forfaitairement arrêtés à 20 000 F et en a déduit une pension alimentaire de 3 474 F versée à sa mère; que l'administration n'a pas contesté le montant des revenus ainsi déclarés, mais a estimé que M. xxxxx, pouvait avoir des revenus d'autres sources que celle à raison de laquelle le forfait susmentionné lui a été assigné; qu'elle a fait état à cet égard d'indices sérieux qui résultant en l'espèce du montant des sommes portées au crédit des comptes bancaires du requérant et qui se sont élevées à 765 207 F durant l'année l'tigieuse; qu'effectivement l'importance de ces rentrées de fonds, même diminuées, comme on doit le faire, des sommes qui pouvaient provenir de l'exploitation du bar-restaurant au cours de l'année 1971, autorisait l'administration à présumer l'existence de revenus d'autres sources et à avoir recours à la procédure prévue à l'article 176;
Considérant qu'en application de cet article, l'administration a demandé à M. xxxxx de préciser et justifier l'origine des sommes portées au crédit de ses comptes; que, si le requérant a fourni des justifications pour une partie des sommes litigieuses, il n'a pas présenté d'explication satisfaisante pour deux versements d'un montant global de 280 000 F qui résulteraient, selon ses allégations du remboursement de bons de caisse anonymes acquis antérieurement au moyen de fonds remis par son frère domicilié en xxxxx, que ni la lettre de son frère, ni celle de sa banque produites par M. xxxxx ne sont de nature à justifier lesdites allégations; que c'est, par suite, à bon droit, qu'à défaut de réponse satisfaisante à ses demandes d'éclaircissement sur l'oriqine desdits versements, l'administration a taxé d'office M. xxxxx, en applicatiion de l'article 179 du code, à raison du montant des ressources non justifiées; que l'administration n'est pas tenue, contrairement à ce que soutient le requérant, d'établir à quelle catégorie particulière de bénéfices ou de revenus ressortissent les sommes correspondant à cette taxation; que la "charte du contribuable vérifié", citée par le requérant, ne comporte aucune prescription comportant une telle obligation pour l'administration;
Sur le bien-fondé de l'imposition:
Considérant que M. xxxxx n'apporte pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues en les comparant avec les bases reconstituées par l'administration pour les années postérieures à 1971; que ni la lettre de son frère domicilié en xxxxx, selon laquelle celui-ci lui aurait remis des fonds pour acquérir en son nom bons de caisse, ni la lettre de sa banque ne présentant on caractère suffisamment probant, compte tenu notamment de leurs termes; qu'il ne peut pas davantage invoquer utilement le texte de la "charte "du contribuable vérifié" selon laquelle les bases arrêtées par l'administration doivent "n'être jamais arbitraires ni aboutir "à des impositions manifestement excessives", s'agissent là de simples recommandations au service et non d'une interprétation de texte fiscal;
Sur les pénalités:
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1728 et 1729 du code général des impôts que la majoration prévue à l'article 1729 est applicable lorsque la bonne foi du redevable ne peut être admise, que l'ensemble des circonstances de l'affaire, et notamment l'importance des redressements par rapport aux revenus déclarés, ne permettent pas d'admettre la bonne foi du contribuable; que c'est donc à bon droit qu'une majoration de 50% a été appliquée aux droits assignés à M. xxxxx;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. xxxxx n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
DECIDE
Article 1er - La requête de M. xxxxx est rejetée.