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CONSEIL D'ETAT
statuant au contentieux
N° 209589
Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON
Mme ROMA
Mlle Hédar, Rapporteur.
M. Touvet, Commissaire du Gouvernement
Séance du 4 décembre 2000
Lecture du 20 décembre 2000
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux. 3ème et 8éme sous-sections réunies)
Sur le rapport de la lente sous-section
de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 24 juin 1999 et le 25 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Maria ROMA, demeurant 7. rue des Aires à Jonquières Saint-Vincent (30300) : Mme ROMA demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du ter avril 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, à la demande de M. Trilles-Hérard, le jugement du président du tribunal administratif de Montpellier du 6 décembre 1996 et l'arrêté du maire de Jonquières Saint-Vincent du 10 décembre 1993 l'autorisant à surélever sa clôture ;
2°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Hédary, Auditeur,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de Mme ROMA et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de M. Trilles-Hérard,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu' il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'avant les faits objet du litige, la propriété de Mme ROMA était séparée de celle de M. Trilles-Hérard par un muret. haut de 50 centimètres par rapport au sol naturel, surmonté d'un grillage d'une hauteur de 1 mètre ; que Mme ROMA a fixé, le long de son côté du grillage, des canisses en plastique vert obstruant la vue et dépassant de 50 centimètres le grillage existant, portant ainsi l'ensemble de la clôture à une hauteur de 2 mètres au-dessus du sol naturel ; que Mme ROMA se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel de M. Trilles-Hérard contre un jugement du 6 décembre 1996 du président du tribunal administratif de Marseille, a annulé ce jugement et l'arrêté du maire de Jonquières Saint-Vincent autorisant les travaux ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 441-2 du code de l'urbanisme : " Dans les parties du territoire ou zones visées à l'article L. 441-1, l'édification des clôtures est subordonnée à une déclaration préalable dans les conditions prévues à l'article L. 422-2 (...) " et que l'article L. 441-1 du même code vise notamment " les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé " : qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 422-2, L. 441-2. R,. 441-3 et R. 422-3 que la déclaration de clôture est présentée par le propriétaire du terrain, son mandataire ou la personne ayant qualité pour exécuter les travaux ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les travaux objet du litige ont été réalisés par Mme ROMA de son côté du mur de clôture, sans endommager ni ce mur ni le grillage, et sans empiéter sur la propriété de M. Trilles-Hérard ; que, par suite, ainsi que l'a d'ailleurs constaté la cour d'appel de Nîmes par un arrêt du 16 septembre 1997, ces travaux n'affectaient pas le droit de copropriété indivise des deux voisins sur leur mur mitoyen ; que, dès lors, en jugeant que le maire ne pouvait, sans méconnaître l'article R. 422-3 du code de l'urbanisme, délivrer à Mme ROMA l'autorisation quelle avait sollicitée faute pour elle d'avoir recueilli l'accord de M. Trilles-Hérard, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché dune erreur de droit l'arrêt attaqué qui doit. par suite, être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat. s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort. peut " régler l'affaire au fond si une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : " Les jugements du tribunal administratif (...) sont rendus par des juges délibérant en nombre impair./ Sous réserve des dispositions en matière de référé, ils sont rendus par trois juges au moins, président compris " et qu'aux termes de l'article L. 4-1 : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4. le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et avant atteint au moins le grade de premier conseiller statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement : 1 ° Sur les litiges relatifs aux déclarations de travaux exemptés de permis de construire (...) " ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 441-2 précité du code de l'urbanisme que " l'édification des clôtures est subordonnée à une déclaration préalable dans les conditions prévues " à l'article L. 422-2, lequel fixe les règles applicables aux déclarations de travaux exemptés de permis de construire ; que, par suite, le président du tribunal administratif de Montpellier pouvait légalement statuer selon la procédure dérogatoire fixée par l'article L. 4-1 précité sur les conclusions de M. Trilles-Hérard relatives à la déclaration de clôture présentée par Mme ROMA ;
Considérant qu'eu égard à la nature des travaux entrepris par Mme ROMA, qui avaient pour effet de surélever de 50 centimètres la clôture existante et d'obstruer la vue jusque là laissée libre par un grillage ajouré, ces travaux apportaient à la clôture existante une modification substantielle de nature à rendre nécessaire la déclaration prévue par l'article L. 441-2 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi, l'autorisation accordée sur ce fondement par le maire de Jonquières Saint-Vincent n'avait pas un caractère superfétatoire ; que, par suite, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, M. Trilles-Hérard était recevable à contester cette autorisation ;
Considérant, toutefois. que les travaux autorisés n'avaient pas pour objet, et n"ont d'ailleurs pas eu pour effet, de porter la hauteur de la clôture, par rapport au sol naturel, au-dessus de celle qu'autorisent les dispositions de l'article UC 11 du plan d'occupation des sols de la commune de Jonquières Saint-Vincent relatives à la hauteur et à l'apparence des clôtures, lesquelles n'interdisent pas Fusage des canisses que, par suite, M. Trilles-Hérard n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 10 décembre 1993 était entaché d'illégalité ;
Considérant, enfin, que si M. Trilles-Hérard entendait obtenir de Mme ROMA l'indemnisation d'un préjudice pour la partie de la clôture située du côté de sa propriété et pour ses plantations ou une remise de la clôture dans son état initial, de telles conclusions relèvent des tribunaux de l'ordre judiciaire, lesquels les ont d'ailleurs déjà rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Trilles-Hérard n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement du 6 décembre 1996, le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme ROMA. qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. Trilles-Hérard la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu-il n'- a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce. de condamner M. Trilles-Hérard à verser à Mme ROMA la somme que celle-ci demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DECIDE
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 1er avril 1999 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. Trilles-Hérard devant la cour administrative d'appel de Marseille ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme ROMA est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Maria ROMA, à M. Pierre Trilles-Hérard. à la commune de Jonquières Saint-Vincent et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.