7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°34/2023
N° RG 19/08177 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QK35
SAS ENTREPRISES ET MOBILITE SERVICES (EMS)
C/
Mme [Aa] [T]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ab A, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Novembre 2022
En présence de Madame B, médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SAS ENTREPRISES ET MOBILITE SERVICES (EMS)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Virginie DELESTRE de la SELARL NOMOS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me SCHMIDT, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [Aa] [T]
née le … … … à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3] / FRANCE
Représentée par Me Nathalie PAQUIN-FERNANDEZ de la SELARL AVEL AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [U] [T] a été engagée par la SAS Entreprises et mobilité services (EMS) selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 juin 2014. Elle exerçait les fonctions d'agent de vente et d'information / adjoint au responsable de site, statut agent de maîtrise.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport.
Par courrier en date du 11 avril 2018, Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement prévu le 25 avril 2018, parallèlement la société EMS lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Le même jour, la salariée a été placée en arrêt maladie par son médecin traitant pour un état d'hyperanxiété généralisée réactionnelle.
Par courrier recommandé en date du 07 mai 2018, la salariée s'est vue notifier un licenciement pour faute grave, l'employeur lui reprochant d'avoir dérobé de la monnaie se trouvant dans le monnayeur des toilettes de la gare routière de [Localité 7].
***
Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 27 juillet 2018 afin de voir :
- Requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et par conséquent, condamner la société Entreprises Mobilité Services [Localité 7] à lui verser :
- 2 295,50 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 3 907,24 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 390,72 euros bruts au titre des congés payés y afférent ;
- 8 940,44 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1 352,51 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de la mise à pied conservatoire et 135,25 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
- Fixer la moyenne de ses 12 derniers mois de salaire à la somme de
2 235,11 euros bruts ;
- Condamner la société Entreprises Mobilité Services à lui verser 2 500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- Prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
La SAS Entreprises et Mobilité Services a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Mme [T] à lui verser une indemnité au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 : 2 000 euros.
Par jugement en date du 25 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Rennes a :
- Dit et jugé que le licenciement de Madame [T] est dénué de cause réelle et sérieuse.
- Condamné la société Entreprises Mobilité Services à lui verser :
- la somme brute de 3 907,24 euros à titre de paiement de l'indemnité de préavis et la somme brute 390,72 euros bruts à titre de congés payés afférents ;
- la somme nette de 2 295,50 euros à titre de paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement;
- la somme brute de 1 352,51 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 135,25 euros au titre des congés payés y afférents ;
- Dit que l'exécution provisoire est de droit en ce qui concerne les sommes ci-dessus en application de l'
article R.1454-28 du code du travail🏛 et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 235,11 euros ;
- Condamné la SAS Entreprise Mobilité Services à verser à Mme [T], avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, la somme nette de 8 940,44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Condamné la SAS Entreprise Mobilité Services à verser à Mme [T] la somme de 1 500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- Débouté la SAS Entreprises Mobilité Services de sa demande au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- Condamné la SAS Entreprises Mobilité Services aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d'exécution.
***
La SAS EMS a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 24 octobre 2019.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par courrier recommandé avec accusé de réception le 14 janvier 2020, la SAS Entreprises et mobilité services (EMS) demande à la cour de :
- Infirmer le jugement RG F18/00406 rendu le 25 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Rennes en ce qu'il a :
' Dit et jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
' Condamné la société Entreprise Mobilité Services à lui payer les sommes suivantes :
- 3 907,24 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,
- 390,72 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 2 295,50 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1 352,51 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
-135,25 euros au titre des congés payés y afférents,
- 1 500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
' Mis les dépens à la charge de la société Entreprises mobilité services.
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que le licenciement pour faute grave de Mme [T] est fondé,
- Débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Mme [T] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- Condamner Mme [T] aux entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 06 avril 2020, Mme [T] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes en date du 25 septembre 2019 en ce qu'il a :
' Dit et jugé que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
' Condamné la SAS Entreprise Mobilité Services à lui payer avec intérêts de droit à compter du 30 juillet 2018, date de la citation :
- 3 907,24 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 390,72 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
- 2 295,50 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 1 352,51 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 135,25 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 8 940,44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- 1 500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
' Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2.235,11 euros ;
' Débouté la société Entreprise Mobilité Services de sa demande au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
' Condamné la société Entreprise Mobilité Services aux entiers dépens ;
- Condamner la société SAS Entreprise mobilité services à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 devant la cour d'appel.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 25 octobre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 21 novembre 2022.
Conformément aux dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
Par conclusions du 4 novembre 2022, l'appelante demande à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture pour lui permettre de produire une pièce (n°30) et de conclure à nouveau pour l'intégrer aux débats.
Par conclusions du 14 novembre 2022, la partie intimée s'y oppose et demande à la cour de déclarer irrecevable la nouvelle pièce de l'appelante et de débouter celle-ci de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
La pièce n°30 que l'appelante souhaite produire est une pièce en date du 5 avril 2018, dont elle explique la production tardive par la nécessité qu'elle a eue de la désarchiver. Cependant, comme le fait observer l'intimée, elle n'explique pas l'archivage de cette pièce en 2018 alors que Mme [T] a contesté son licenciement 3 mois après sa notification.
Elle ne justifie ainsi d'aucune cause grave, comme l'exige l'
article 803 alinea1 du code civil🏛, justifiant qu'il soit procédé par la cour à une révocation de l'ordonnance de clôture.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de révocation et de déclarer irrecevable la production de la pièce n°30 de l'appelante.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
'Nous vous avons reçue lors d'un entretien préalable à sanction fixé au mercredi 25 avril 2018. Vous étiez accompagnée d'une personne, conseiller du salarié.
Lors de cet entretien, nous vous avons reproché d'avoir soustrait frauduleusement une partie de la recette contenue dans le monnayeur des sanitaires de la gare routiere de [Localité 7] sise [Adresse 2].
Pour rappel, vous avez été engagée par contrat à durée indeterminée en date du 16 avril 2014 en qualité d'adjoint au responsable de site.
Votre contrat de travail stipule que ' vous assurez, sous l'autorité du responsable de site, et en dehors des heures de presence de ce dernier, les missions d'administration et d'encadrement de Ia structure'.
Au nombre de vos missions figure celle de relever la recette des toilettes payantes de la gare mises à la disposition des voyageurs. La porte permettant l'accès à ces toilettes est équipée d'un monnayeur. ll est rappelé que seuls deux salariés ont accès à la clé permettant de décrocher et d'ouvrir le monnayeur: Monsieur [Ac], responsable de site et vous-même.
Les mardi 20 et jeudi 22 mars 2018 au soir, Monsieur [Ac] ayant des soupcons de vol à votre encontre, a procédé au comptage de la recette contenue dans le monnayeur avant vos prises de service du lendemain matin, au cours desquels vous deviez proceder au prélèvement de la dite recette. Celui-ci a, à chaque fois, pris le soin de noter le montant de la recette et de nous le communiquer.
A 2 reprises, nous avons relevé un écart négatif entre Ia recette comptabilisée par Monsieur [V] et la recette déclarée par vos soins tant sur papier que de façon numérique.
Le mardi 20 mars 2018 au soir, le montant de la recette comptabilisée par Monsieur [V] etait de 96,70 € alors que vous avez déclaré le lendemain, mercredi 21 mars 2018, une recette de 86,70 €. ll est précisé que la recette ne peut qu'évoluer à la hausse en cas d'utilisations supplémentaires.
Le jeudi 22 mars 2018 au soir, Monsieur [V] a de nouveau comptabilisé la recette. Celle-ci s'élevait à 43,50 €. La encore, le lendemain vous avez déclaré une recette de 41,50 € alors que la recette constatée la veille n'aurait pu, en toute logique, qu'être égale ou superieure, mais, en tout état de cause, en aucun cas inférieure.
Aux fins de confirmer ces agissements, le 5 avril 2018, un huissier de justice a procédé à une nouvelle vérification de la recette, en présence de Monsieur [V].
Le 5 avril 2018, entre 5h00 et 5h27 du matin, il est procédé au comptage de la recette contenue dans le monnayeur. ll est noté une recette d'un montant de 120 €.
Vous arrivez sur le site à 5h50 du matin. Entre temps, personne n'a accédé au site.
Vous désactivez l'alarme de la gare routière afin d'ouvrir la gare routiere à 6 h ; quelques minutes après, vous vous rendez au sanitaire, prenez le monnayeur et emportez la recette dans le local administratif situé derrière les guichets.
Vous revenez réinstaller l'appareil sur la porte des sanitaires apres l'avoir vidé.
Vous declarez alors sur papier et sur cahier excel une recette de 109 euros, soit un écart de 11 euros avec le montant comptabilisé moins d'une heure plus tôt.
Ces derniers faits sont à eux seuls constitutifs d'une faute grave.
Lors de l'entretien, vous avez nié avoir subtilisé une partie de la recette, et ce malgré le caractère incontestable des faits reprochés.
Ces faits sont d'autant plus graves que nous avons déja eu par le passé à déplorer et à sanctionner des faits fautifs de votre part.
En effet, en mars 2016, nous vous avions notifié un avertissement pour avoir imité la signature d'un collaborateur. Nous avions alors souhaité faire preuve de clémence et avions décidé de vous notifier un simple avertissement.
Or, nous constatons que rien dans votre attitude n'a evolué dans un sens positif, bien au contraire.
Compte tenu de ces éléments, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dansl|'entreprise est impossible.
Votre Iicenciement prend donc effet immediatement, sans indemnité de preavis ni de licenciement.
Vous avez fait par ailleurs l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 10 avril 2018. Dès lors, la periode non travaillée du 10 avril au 07 Mai 2018 ne sera pas remunérée.'
Pour juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à Mme [Ad] et considérer qu'il existe un doute devant lui profiter, le conseil de prud'hommes a retenu que :
-lors des comptages des 21 et 22 mars 2018 effectués par M. [V], la société EMS ne fait qu'affirmer des écarts avec ceux de Mme [T] sans apporter la preuve par des feuilles de détail de la monnaie contenue dans le monnayeur des toilettes, pouvant être comparées avec celles de la salariée,
-l'huissier qui a contrôlé entre 5h et 5h27 la somme de 120 euros contenue dans le monnayeur des toilettes n'a effectué aucun comptage contradictoire et certifié après celui effectué par Mme [T],
-la société EMS n'apporte pas la preuve que personne n'a pénétré dans la gare routière entre 5h27 et la prise de poste de Mme [T] à 6 heures,
-3 attestations assurent de la probité de Mme [T],
-suite à l'écart de comptage constaté le 5 avril 2018 la société EMS a attendu près d'une semaine avant de mettre à pied Mme [T].
En critique de cette décision, la société EMS fait valoir au soutien de son appel que :
-l'imputabilité des soustractions à Mme [T] ne fait aucun doute et l'argumentaire qu'elle développe est inopérant, puisqu'en effet :
-les salariés de l'EMS [Localité 7] n'ont pas accédé au local ni au monnayeur lors des faits fautifs,
-les salariés de la Sncf de l'espace Korrigo n'ont pas accès à la salle de comptage, encore moins au monnayeur,
-une procédure stricte de contrôle des recettes du monnayeur est connue et respectée par les salariés,
-Mme [T] tente d'établir une confusion entre le monnayeur des toilettes, auxquels seuls elle et M. [V] avaient accès, la caisse rouge des toilettes dans laquelle l'argent du monnayeur était versé et la caisse personnelle de vente des employés, auxquels les autres salariés avaient accès et à partir desquelles il pouvait être fait de la monnaie, étant précisé que l'argent du monnayeur est déjà comptabilisé lorsqu'il est versé dans la caisse rouge des toilettes et qu'une soustraction éventuelle dans cette caisse n'a donc aucun impact sur le montant de la recette du monnayeur,
-la société EMS a été informée pour la première fois dans l'acte de saisine de Mme [T] de ses relations prétendument conflictuelles avec M. [V], les attestations et courriers d'anciennes salariées qu'elle produit comportent des propos inexacts et fallacieux et en tout état de cause d'éventuelles divergences ne pourraient être de nature à justifier les soustractions commises,
-la faute de Mme [T] est d'autant plus grave qu'elle a un passif disciplinaire jamais contesté (avertissement du 14 mars 2016 pour faux en écriture et usurpation d'identité) et qu'il s'agit d'une soustraction d'argent public commise par une salariée investie d'une responsabilité particulière puisqu'elle avait la charge de suppléer le responsable de site, lequel devait avoir pleine confiance en elle.
Mme [T] réplique que :
- la gestion du monnayeur des sanitaires de la gare routière était pour le moins opaque,
- elle n'était pas seule lors de sa prise de poste, partageant les locaux avec les salariés affectés à l'espace Korrigo,
-elle était serviable, droite et loyale envers ses collègues, les usagers et la société,
- elle a toujours exercé ses fonctions avec la plus grande intégrité et le plus grand sérieux,
- aucun élément produit par la société ne permet d'affirmer qu'elle aurait subtilisé une somme de 11 euros et qu'il ne s'agirait pas d'une erreur de comptage.
- l'employeur ne rapporte donc pas la preuve de l'imputabilité de la faute reprochée.
***
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
La société Ems produit le fichier récapitulatif informatique et le bordereau manuscrit, portant l'écriture de Mme [T], relatifs aux recettes du monnayeur du mois de mars 2018, qui mentionnent le montant déclaré par cette dernière le 20 et le 22 mars, mais pas d'élément matérialisant le comptage de M. [V] la veille au soir ; à l'inverse, le procès-verbal de constat d'huissier qu'elle produit aux débats permet d'établir le montant de la monnaie comptée par M. [Ac] et l'huissier la veille au soir, mais l'appelante n'a pas produit, dans les délais qui lui étaient impartis pour l'instruction du dossier, le montant déclaré par Mme [T] à l'ouverture le 5 avril 2018.
La matérialisation des éléments manquants ne repose donc que sur l'attestation de M. [Ac], dont la solidité probatoire est insuffisante au vu des dénonciations concordantes et détaillées de deux anciennes salariées adressées à l'inspection du travail (pièces 14 et 17 de Mme [T]) sur le comportement professionnel à l'égard des salariés de celui-ci, qui n'a pas de supérieur hiérarchique présent à la gare routière. La société Ems, qui ne justifie pas avoir effectué une enquête suite aux faits dénoncés, ne contredit pas utilement ces attestations qui, si elles ne concernent pas directement les faits évoqués dans la lettre de licenciement et reprochés à Mme [T], fragilisent la position de M. [V].
Ainsi et au vu des éléments dont se prévaut l'employeur qui supporte la charge de la preuve de la faute grave, il n'est pas établi par des éléments objectifs et pertinents que Mme [T] ait frauduleusement soustrait une partie de la recette contenue dans le monnayeur des sanitaires de la gare routière de [Localité 7].
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [T] et a condamné en conséquence l'employeur au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis de 2 mois et des congés afférents, ainsi que du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents, pour les montants non spécifiquement contestés qui se trouvent énoncés à son dispositif.
En application de l'
article L1235-3 du code du travail🏛 dans sa version applicable à l'espèce, Mme [T] peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 4 mois.
En considération de son ancienneté de 3 ans, de sa perte d'un salaire mensuel moyen brut de 2235,11 euros et des éléments qu'elle produit pour justifier du préjudice que, ayant retrouvé un emploi le 28 juin 20l8, la rupture lui a occasionné, il convient de condamner la société Ems à lui payer la somme de 6710 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en infirmation du jugement sur le quantum retenu.
Il est inéquitable de laisser à Mme [T] ses frais irrépétibles d'appel, qui seront mis à hauteur de 1000 euros à la charge de la société intimée, laquelle, succombant principalement, sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement et condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et déclare irrecevable la pièce n°30 de l'appelante,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Entreprises et Mobilité Services à payer à Mme [U] [T] la somme de 8940,44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Le confirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et y ajoutant,
Condamne la société Entreprises et Mobilité Services à payer à Mme [U] [T] les sommes de :
-6710 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société Entreprises et Mobilité Services de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Entreprises et Mobilité Services aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président