Jurisprudence : CA Versailles, 26-01-2023, n° 21/03302, Infirmation


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 58Z


12e chambre


ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 26 JANVIER 2023


N° RG 21/03302 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UQUP


AFFAIRE :


S.A. AXA FRANCE IARD


C/


S.A.S. HH


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mai 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 2

N° RG : 2020F00460


Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :


Me Martine DUPUIS


Me Olivier AMANN


TC VERSAILLES


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :


S.A. AXA FRANCE IARD

RCS Nanterre n° 722 057 460

[Adresse 4]

[Localité 7]


Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Pascal ORMEN de la SELARL BOUCKAERT ORMEN PASSEMARD & AUTRES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0555



APPELANTE

****************


S.A.S. HH exploitante du 'Bistrot de Marly'

RCS Versailles n° 841 266 539

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 6]


Représentée par Me Olivier AMANN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 116 et Me JONEMANN substituant à l'audience Me Gilda LICATA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0838


INTIMEE

****************



Composition de la cour :


En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,


Greffier, lors des débats : M. Aa A,



EXPOSE DU LITIGE


La société HH, qui déclare utiliser l'enseigne 'le Bistrot de Marly', développe une activité de restauration.


A la suite de l'arrêté ministériel du 14 mars 2020, la société HH indique avoir été contrainte de procéder à la fermeture administrative de son établissement, et avoir subi d'importantes pertes.


En juin 2020, elle a sollicité la communication des conditions générales et particulières du contrat d'assurance multirisque professionnelle qu'elle avait souscrit auprès de la société AXA France Iard (ci-après la société AXA).


Par courrier recommandé du 19 juin 2020, la société HH a fait une demande d'indemnisation auprès de la société Axa qui, par courrier du 3 juillet 2020, l'a refusée.


Par acte du 2 septembre 2020, la société HH a assigné la société AXA devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins de la voir condamner à lui verser des indemnités au titre de son contrat d'assurance multirisque professionnelle.



Par jugement du 5 mai 2021, le tribunal de commerce de Versailles a :

- Ordonné une expertise ;

- Commis pour y procéder M. [O] [E] aux fins de :

/ Convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ;

/ Se faire remettre toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

/ Evaluer la perte d'exploitation subie par la société HH pour chacun des sinistres déclarés et indemnisables dans le cadre du contrat d'assurance conclu avec la société AXA au titre de la perte d'exploitation subie suite aux fermetures administratives décrétées ;

/ Donner son avis sur le montant des sommes dues par la société AXA à la société HH;

/ Rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;

/ Mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, par le dépôt d'un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu'il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport ;

- Fixé à 3.000 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui sera versé par la société HH au plus tard le 5 juin 2021, entre les mains du greffe de cette juridiction, sous sanction de caducité prévue à l'article 271 du code civil🏛 ;

- Dit que les opérations d'expertise seront suivies par le juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal ;

- Imparti à l'expert, pour le dépôt du rapport d'expertise, un délai de 3 mois à compter de l'avertissement qui lui a été donné par le greffe du versement de la provision ;

- Dit qu'à l'issue de sa première réunion avec les parties, l'expert communiquera aux parties et au juge chargé du contrôle un calendrier de ses opérations, et une estimation de son budget ;

- Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par le juge chargé du contrôle des expertises ;

- Condamné la société AXA à payer à titre provisionnel la somme de 3.000 € à la société HH ;

- Renvoyé la cause et les parties à l'audience du 10 novembre 2021 ;

- Réservé l'application des dispositions de l'article 700 et les dépens.


Par déclaration du 21 mai 2021, la société AXA a interjeté appel du jugement.



PRÉTENTIONS DES PARTIES


Par dernières conclusions notifiées le 31 mai 2022, la société AXA demande à la cour de :

- Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la société AXA ;

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement du 5 mai 2021 du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a:

/ Jugé la clause d'exclusion non conforme à l'article L.113-1 du code des assurances🏛 et nulle et non écrite au visa de l'article L.1170 du code civil et jugé que la garantie souscrite pour perte d'exploitation lors d'une fermeture administrative en cas d'épidémie doit être mobilisée au profit de la société HH ;

/ Ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [E] [O] [Adresse 5] Tél [XXXXXXXX02] Fax : [XXXXXXXX01] Port. : [XXXXXXXX03] Courriel : [Courriel 9] aux fins de :

- Convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ;

- Se faire remettre toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

- Evaluer la perte d'exploitation subie par la société HH pour chacun des sinistres déclarés et indemnisables dans le cadre du contrat d'assurance conclu avec la société Axa au titre de la perte d'exploitation subie suite aux fermetures administratives décrétées ;

- Donner son avis sur le montant des sommes dues par la société AXA à la société HH ;

- Rapporter toutes autres constatations utiles à I'examen des prétentions des parties ;

- Mettre, en temps utile, au terme des opérations d'expertise, par le dépôt d'un prérapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu'il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport ;

/ Fixé à 3.000 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui sera versé par la société HH, au plus tard le 5 juin 2021, entre les mains du greffe de cette juridiction, sous sanction de caducité prévue à l'article 271 du code civil🏛 ;

/ Dit que les opérations d'expertise seront suivies par le juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal ;

/ Imparti à l'expert, pour le dépôt du rapport d'expertise, un délai de 3 mois à compter de l'avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision ;

/ Dit qu'à l'issue de sa première réunion avec les parties, l'expert communiquera aux parties et au juge chargé du contrôle un calendrier de ses opérations, et une estimation de son budget ;

/ Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par le juge chargé du contrôle des expertises ;

/ Condamné la société Axa à payer à titre provisionnel la somme de 3.000 € à la société HH ;

/ Renvoyé la cause et les parties à l'audience du 10 novembre 2021 14 heures ;

/ Réservé l'application des dispositions de l'article 700 et les dépens ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société AXA de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion ;

- Confirmer le jugement du 5 mai 2021 du tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a retenu que les Conditions particulières, et ce y compris la clause d'exclusion, sont opposables à l'assurée ;

Et statuant à nouveau,

- Juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- Juger que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L.113-1 du code des assurances🏛 ;

- Juger que la clause d'exclusion est limitée, ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de la société AXA de sa substance;

En conséquence,

- Déclarer applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

- Débouter la société HH de l'ensemble de ses demandes de condamnation à l'encontre de la société AXA ;

- Annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Versailles ;

A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement du 5 mai 2021 en ce qu'il a fixé la mission de l'expert judiciaire sans se référer exactement aux termes du contrat ;

En conséquence,

- Ordonner la fixation de la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Versailles comme suit :

/ Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

/ Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

/ Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

/ Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;

/ Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;

/ Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020 ;

En tout état de cause,

- Déclarer la société HH mal fondée en son appel incident et l'en débouter ;

- Condamner la société HH à payer à la société AXA la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.


Par dernières conclusions notifiées le 19 novembre 2021, la société HH demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que les clauses d'exclusion de la police d'assurance 10256725904, dont la clause d'exclusion litigieuse, étaient opposables à la société HH et, statuant à nouveau, dire et juger que les clauses d'exclusion de la police d'assurance 10256725904, dont la clause d'exclusion litigieuse, ne sont pas opposables à la société HH ;

- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- Débouter la société AXA de sa demande de modification de la mission d'expertise qui est sans objet ;

- Condamner la société AXA au paiement à la société HH de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et aux entiers dépens.


L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 juin 2022.


Les parties ont été autorisées à communiquer, à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation le 1er décembre 2022 relatifs à la mise en œuvre de la garantie pertes d'exploitation de la compagnie d'assurance AXA, par note en délibéré, leurs éventuelles observations quant à l'incidence de ces arrêts sur l'affaire en cours.


Le conseil de la société AXA a transmis une note en délibéré à la cour le 4 janvier 2023.


Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile🏛.



MOTIVATION


La cour relève que les débats ne portent que sur l'application de la clause d'exclusion de garantie.


Sur l'opposabilité de la clause d'exclusion de garantie à la société HH


La société HH rappelle qu'une clause d'un contrat d'assurance n'est opposable à l'assuré que si elle a été portée à sa connaissance au moment de sa souscription ou au moins avant le sinistre, et que c'est à l'assureur d'établir que l'assuré a eu connaissance de cette clause et l'a acceptée. Elle fait état du courrier de l'agent général d'AXA dont il résulte qu'au moment de la survenance du sinistre les conditions générales du contrat applicable n'avaient pas été signées, et que ce contrat n'était pas le simple renouvellement du précédent contrat souscrit le 5 juin 2018. Elle en déduit que même si les conditions du précédent contrat contenaient une clause d'exclusion identique à celle figurant dans le précédent contrat, il était nécessaire de démontrer qu'elle avait aussi accepté celle-ci. Elle soutient que c'est à tort que le jugement a considéré que l'actuel contrat était un simple renouvellement du précédent, en dépit des mentions y figurant et du changement de numérotation des conditions générales. Elle souligne le changement d'activité et les modifications de conditions de garanties intervenues, de sorte qu'il s'agissait bien d'un nouveau contrat dont les conditions n'ont pas été acceptées par elle.


La société AXA soutient que le contrat d'assurance du 16 juillet 2019 est un renouvellement qui n'a affecté ni l'extension de la garantie de perte d'exploitation ni la clause d'exclusion dont elle est assortie. Elle ajoute que la clause litigieuse était connue de l'assuré avant la survenance de la covid-19 dans la mesure où elle figurait dans les précédentes polices dont il a eu connaissance, de sorte que la clause lui est opposable. Elle souligne que cette exclusion se trouve dans les conditions particulières. Elle précise que dans la mesure où l'assurée ne peut avoir conclu le contrat d'assurance sans consentir aux stipulations qui le composent, l'absence d'acceptation de la clause litigieuse signifierait que l'assurée n'aurait pas souscrit au contrat d'assurance, lequel serait nul.


*****


Les conditions particulières Multirisque Professionnelle AXA formant contrat, du 16 juillet 2019 et prenant effet le 3 juillet 2019, portent le n° de contrat 10256725904 ; elles visent les conditions générales 690200Q.

Les conditions particulières Multirisque Professionnelle AXA formant contrat du 5 juin 2018 liant les parties, datées et signées et prenant effet le 5 juin 2018, portent déjà le n° de contrat 10256725904 ; elles visent les conditions générales 690200P.


Si la société HH relève qu'elle n'a pas signé les conditions générales 690200Q, c'est à raison que le jugement a constaté que les deux contrats portent le même numéro, ce qui tend à indiquer qu'il s'agit du même contrat d'assurance multirisque professionnelle.

Les conditions particulières multirisque professionnelle, signées le 5 juin 2018 par le représentant de la société HH, contiennent la même clause de garantie relative à la 'perte d'exploitation suite à fermeture administrative', avec la même clause d'exclusion que les conditions particulières multirisque professionnelle, datées du 16 juillet 2019 et non signées, applicables à compter du 3 juillet 2019.

Aussi la société HH avait connaissance de cette clause dès le 5 juin 2018.


Une clause d'exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable.

Si la société HH relève qu'il n'est pas établi qu'elle avait pris connaissance des conditions particulières applicables au jour du sinistre, cette clause litigieuse lui était connue antérieurement, pour figurer dans les conditions particulières applicables au contrat du 5 juin 2018 qu'elle avait signées, et n'a pas été modifiée par les conditions générales applicables au contrat du 16 juillet 2019, de sorte que l'assureur est fondé à les lui opposer.


Dès lors, même si le contrat du 16 juillet 2019 indique qu'il 'annule et remplace le contrat portant le même numéro souscrit à effet au 05/06/2018', et que certaines modifications ont été apportées aux conditions particulières du 16 juillet 2019 (ainsi, l'activité 'brasserie' a été remplacée par celle de 'restauration traditionnelle', et certains plafonds ont été modifiés), il n'en demeure pas moins que la clause d'exclusion querellée avait été portée à la connaissance de la société HH, de sorte que cette clause lui est opposable.

Il sera en outre relevé que la modification des conditions générales 690200P remplacées par les conditions générales 690200Q est indifférente dès lors que la clause d'exclusion figure dans les conditions particulières.


Au vu de ce qui précède, le jugement sera suivi en ce qu'il a dit que la clause d'exclusion en cause était opposable à la société HH.


Sur la validité de la clause d'exclusion


La société HH fonde sa demande sur la garantie « Perte d'exploitation suite à fermeture administrative » laquelle se trouve dans les conditions particulières Multirisque Professionnelle du 16 juillet 2019 comme du 5 juin 2018, et est ainsi rédigée :

'PERTE D'EXPLOITATION SUITE A FERMETURE ADMINISTRATIVE

La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous même

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

...

SONT EXCLUES

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, À LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L'OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ÉTABLISSEMENT ASSURÉ, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE'.


Le jugement dont appel a retenu que l'assureur ne pouvait opposer la clause d'exclusion à l'assuré dès lors que cette clause n'était ni formelle ni limitée, au sens de l'article L.113-1 du code des assurances🏛.


L'article L.113-1 al 1er du code des assurances🏛 prévoit que 'les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police'.


La société AXA conteste l'absence de caractère formel et limité de la clause, alors que la société HH relève qu'une clause d'exclusion doit être claire, précise, sans contestation possible, et ne doit pas avoir pour effet de vider la garantie de sa substance.


Sur le caractère formel de la clause


La société AXA énonce que le sens de l'exclusion est clair et n'a pas à faire l'objet d'une interprétation, qu'iI n'est nullement besoin d'être un spécialiste en droit des assurances pour comprendre le cas où la garantie est due (l'établissement est le seul à subir une fermeture administrative) et le cas où elle est exclue (d'autres établissements dans le même département sont fermés pour la même cause). Elle ajoute que les mots figurant dans la clause d'exclusion ne relèvent pas du vocabulaire spécialisé de l'assurance et peuvent être compris par tous. Elle fait état des décisions judiciaires intervenues ayant validé la clause malgré l'absence de définition du terme 'épidémie'. Elle souligne que la compréhension de la clause par l'assuré doit s'apprécier à la souscription, qu'en sa qualité de restaurateur l'assuré ne pouvait ignorer le risque d'épidémies 'localisées', qui constitue la cause de son engagement, une épidémie du type covid-19 n'étant jamais survenue en France lors de cette souscription. Elle avance qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir défini le terme 'épidémie', puisque ce qui compte est de savoir s'il y a plus d'un établissement fermé, à l'échelle du département, pour une cause identique. Elle affirme que l'absence de définition du terme 'épidémie' n'affecte pas la validité de la clause d'exclusion, l'assuré comprenant que la garantie est exclue en cas de fermeture d'un autre établissement dans le département, pour la même cause.

Elle déclare que la proposition d'avenant qu'elle a faite à ses assurés ne remet pas en cause la clarté de la clause d'exclusion.


La société HH rappelle qu'une clause doit être claire, précise et sans interprétation possible. Elle relève que le terme 'épidémie' n'est pas défini par le contrat, qu'il est invoqué comme 'cause identique' dans la clause d'exclusion de garantie, et est sujet à interprétation. Elle fait état d'une campagne d'avenants initiée par la société AXA retirant de la liste des sinistres donnant lieu à indemnisation des pertes d'exploitation la fermeture consécutive à une épidémie, ce qui révélerait l'absence de clarté de la clause.


*****


Au vu de l'article L.113-1 précité, les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.


Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.


La clause d'exclusion en question ne nécessite pas d'interprétation et n'est pas susceptible de créer un doute sur la portée de l'exclusion : elle prévoit que lorsque la fermeture administrative affecte à la date de la décision de fermeture, dans le même département, un autre établissement pour une cause identique, la garantie ne s'applique pas.

En l'espèce, lorsqu'une même épidémie provoque la fermeture administrative d'un autre établissement dans le département, la garantie est exclue.


Comme le souligne l'appelante, aucun des mots figurant dans la clause d'exclusion ne relève du vocabulaire spécialisé de l'assurance et la société HH, en sa qualité de professionnelle de la restauration tenue de respecter de nombreuses règles d'hygiène, connaissait les risques sanitaires pouvant se traduire dans le cadre de son activité par des épidémies 'localisées' et par la fermeture administrative 'individuelle' de son établissement. Aussi a-t-elle nécessairement compris la portée de la clause d'exclusion.

La circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'est pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme 'épidémie' est sans incidence sur la compréhension par l'assuré des cas dans lesquels l'exclusion s'applique.


Dès lors, l'absence de définition de l'épidémie par le contrat ne peut être invoquée comme contenant une ambiguïté de nature à révéler une imprécision de la clause.

Celle-ci évoque une 'mesure de fermeture administrative pour une cause identique' des établissements, soit une fermeture administrative consécutive à une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, de sorte que la notion d'épidémie constitue une condition de la mise en oeuvre de la garantie, et que le risque assuré est la fermeture administrative.


Aussi la clause d'exclusion est ainsi claire et précise, et son caractère formel ne peut être remis en cause.


Sur le caractère limité de la clause


Reprochant au jugement d'avoir considéré que la clause d'exclusion vidait la garantie de sa substance au sens de l'article L.113-1 précité, la société AXA souligne que l'extension de la garantie des pertes d'exploitation en présence d'une fermeture administrative ne constitue pas une garantie contre le risque d'épidémie, car la survenue d'une épidémie ne fait naître aucune obligation pour l'assureur, le risque couvert étant celui de la fermeture administrative.

Elle relève qu'un établissement peut faire l'objet d'une fermeture administrative isolée liée à une épidémie, qui serait circonscrite à un espace restreint. Elle ajoute que la clause vient seulement limiter le champ de la garantie mais ne la supprime pas, puisqu'une épidémie ne peut toucher qu'un seul établissement, et qu'il convient de ne pas apprécier ce critère au regard de la seule épidémie de covid-19. Elle fait état de pathologies comme la légionellose qui peuvent devenir une épidémie tout en pouvant être limitée à un foyer, et que l'épidémie ne renvoie pas nécessairement à la notion de contagion. Elle liste des situations donnant lieu à la fermeture d'un établissement du fait d'une épidémie, et fait état de décisions de jurisprudence l'ayant retenu. Elle précise que les représentants de l'Etat peuvent prendre des mesures individuelles de fermeture, non incompatibles avec une épidémie. Elle avance qu'il lui revient d'établir les conditions d'application de l'exclusion en l'espèce, mais non la validité de la clause d'exclusion, laquelle doit être appréciée globalement et non au seul regard de l'épidémie de covid-19. Elle ajoute que l'application d'une clause d'exclusion limitant la couverture à un risque même improbable n'est pas de nature à la priver de son caractère limité, que l'extension de garantie souscrite a aussi vocation à être mobilisée quand le foyer de l'épidémie se trouve hors de l'établissement assuré.

Elle affirme que l'intention des parties, lors de la souscription, était de se prémunir face à une fermeture administrative du fait d'une épidémie dans l'établissement concerné, exposé à des risques sanitaires. Les pertes résultant de mesures gouvernementales de fermeture collective ne relèvent pas d'une garantie individuelle de droit privé. Elle distingue les trois notions de maladie contagieuse, intoxication et épidémie, qui peuvent se recouper tout en étant dissociées, et conclut que la clause d'exclusion ne prive pas l'obligation essentielle de l'assureur de sa substance.


La société HH rappelle qu'une clause d'exclusion ne doit pas vider la garantie de sa substance, ce que fait la clause écartant la garantie lorsque la fermeture est la conséquence d'une épidémie et qu'il est stipulé en même temps que la garantie est exclue lorsqu'au moins un autre établissement dans le département fait l'objet d'une fermeture pour une cause identique. Elle indique que l'épidémie, comme cause de la fermeture administrative, est visée indirectement par la clause d'exclusion de garantie. Elle rajoute que la société AXA a engagé une campagne concernant les contrats identiques au contrat en cause, afin de 'revoir' la rédaction des 'clauses contractuelles ambiguës'.


*****


Selon l'article L.113-1 précité, une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance.

Elle n'est pas limitée lorsqu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

De même, l'article 1170 du code civil🏛 prévoit que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.


Comme déjà indiqué, le risque assuré est celui des pertes d'exploitation consécutives à une fermeture provisoire administrative, et non le risque de survenance d'une épidémie.


La garantie ne doit pas seulement être envisagée au regard de la situation sanitaire créée par la covid-19 mais aussi celle liée à n'importe quelle épidémie, face à laquelle l'autorité administrative peut limiter, dans certaines zones géographiques, les mesures de fermeture à un seul établissement du département, encore peu touché, pour éviter les contaminations pouvant avoir été détectées dans cet établissement.

Par ailleurs, la garantie couvre d'autres causes de fermeture administrative.


La garantie objet du litige couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance.


En conséquence, la clause d'exclusion en cause présente un caractère limité, au sens de l'article L.113-1 du code des assurances🏛.


Le fait que la société AXA ait présenté à ses assurés un nouvel avenant modifiant la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture consécutive à une épidémie ne remet pas en cause la validité de la clause d'exclusion contestée, et ne constitue pas un aveu d'inopposabilité de la clause d'exclusion par l'assureur.


Il n'est pas contesté que les mesures d'interdiction d'accueillir du public prévues par l'arrêté du 14 mars 2020 (non produit) se sont appliquées sur l'ensemble du territoire et ont visé, pour une cause identique à savoir l'épidémie de covid-19, d'autres établissements situés dans le même département que le restaurant exploité par la société HH.


Aussi la société AXA est fondée à opposer à la société HH la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative.


En conséquence, il n'y a pas lieu à ordonner une expertise, et le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses autres dispositions.


La société HH sera déboutée de toutes ses demandes.


Sur les dépens et les frais irrépétibles


Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile🏛 seront infirmées.


En application de l'article 696 du code de procédure civile🏛, la société HH supportera les entiers dépens de première instance et d'appel. Chaque partie supportera ses frais irrépétibles.



PAR CES MOTIFS


La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,


INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mai 2021 par le tribunal de commerce de Versailles,


Statuant à nouveau et y ajoutant,


DIT que la société AXA France Iard est fondée à opposer à la société HH la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative ;


DÉBOUTE les partie de leurs autres demandes ;


CONDAMNE la société HH aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, Le président,

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