CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 20662
Mme Veuve xxxxx
Lecture du 26 Juillet 1982
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 7ème Sous-Section
Vu la requête sommaire, enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 16 octobre 1979, présentée pour Mme Veuve xxxxx, agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineure Mlle xxxxx, demeurant à xxxxx, et pour M. xxxxx, demeurant à xxxxx, agissant tout deux en qualité d'héritiers de M. xxxxx, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: - 1°) annule le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 7 août 1979 en tant qu'il s'est borné à leur accorder un dégrèvement de 6 899,50 F au titre de l'impôt sur le revenu sous l'article 48 038 du rôle mis en recouvrement le 31 décembre 1971 et des pénalités correspondantes et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire auxquelles ils ont été assujettis en tant qu'héritiers de M. xxxxx au titre des années 1967, 1968, et 1969 dans les rôles de la Commune de et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis dans la même commune au titre de 1970; - 2°) leur accorde la décharge des impositions contestées;
Vu le Code général des impôts;
Vu le Code des tribunaux administratifs;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que Mme Veuve xxxxx et M. xxxxx font appel du jugement du 7 août 1979 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après leur avoir accordé en ce qui concerne l'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1970 une réduction de 6 899,50 F de droits simples ainsi que des pénalités correspondantes, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire au titre des années 1967, 1968 et 1969 et à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1970 auxquels ils ont été assujettis en tant qu'héritiers de M. xxxxx (xxxxx), décédé le 14 janvier 1971;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve:
Considérant qu'en vertu de l'article 204-2 du code général des impôts, dans le cas de décès d'un contribuable, la notification des redressements prévue à l'article 1 649 quinquies A du même code peut être valablement adressée à l'un quelconque des ayants droits; qu'ainsi la notification du 28 septembre 1971, qui à été adressée à l'hoirie xxxxx, et qui, cela n'est pas contesté, est parvenue à Mme Veuve xxxxx, était régulière et la circonstance que M. xxxxx (xxxxx) ne l'ait pas reçue est sans influence sur la régularité de la procédure;
Considérant qu'il résulte de l'examen des termes de ladite notification que celle-ci était suffisamment motivée pour chacun des chefs de redressement;
Considérant que les requérants, qui n'ont pas contesté dans le délai de trente jours prévu à l'article 1649 quinquies A2 du code les redressements qui leur ont été notifiés, supportent la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues;
Sur le bien-fondé des impositions:
Considérant que les redressements litigieux portant sur une partie des frais forfaitaires de déplacement versés en 1967 et 1968 par la société à responsabilité limitée xxxxx, dont M. xxxxx (xxxxx) était gérant majoritaire, sur des profits immobiliers réalisés par l'intéressé en 1967, 1968 et 1970, sur des revenus fonciers perçus en 1968, 1969 et 1970, sur la rémunération de gérance perçue en 1970, enfin sur la quote-part des bénéfices regardés comme distribués par la société civile immobilière "xxxxx" au profit de Mme xxxxx;
En ce qui, concerne les allocations forfaitaires pour frais de déplacement allouées à M. xxxxx (xxxxx):
considérant que d'après l'article 62 du Code général des impôts, les rémunérations allouées aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée sont soumises à l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour leur montant global, y compris les remboursements forfaitaires de frais, mais "sous déduction des frais inhérents à l'exploitation sociale et effectivement supportés par les bénéficiaires dans l'exercice de leurs fonctions", et qu'au titre des années 1967 et 1968, ces rémunérations étaient soumises à la taxe complémentaire en vertu de l'article 204 bis dudit code;
Considérant que, par application de ces dispositions, il y avait lieu, pour la détermination du revenu net imposable dans cette catégorie, de retenir l'intégralité des sommes reçues par M. xxxxx (xxxxx) de la société à responsabilité limitée xxxxx, soit à titre de traitement, soit comme allocations forfaitaires pour frais de fonction, et de déduire de ce chiffre total le montant des frais dont l'intéressé aurait justifié; qu'il est constant que la société xxxxx a versé à M. xxxxx (xxxxx) en 1967 et 1968 des allocations forfaitaires pour frais de déplacement d'un montant annuel de 24 000 F, en sus des rémunérations de gérance proprement dites, qui s'élevaient à 20 000 F; que l'administration a fixé à 6 000 F la fraction de l'allocation forfaitaire annuelle excédant le montant des frais justifiés et a réintégré cette somme dans le revenu imposable de chacune des années dont il s'agit; que les requérants ne justifient pas que l'administration aurait fait une évaluation insuffisante des frais inhérents à l'exploitation sociale en limitant ceux-ci à 18 000 F; que, dès lors, la requête ne peut être accueillie sur ce point;
En ce qui concerne la rémunération de gérance versée à M. xxxxx (xxxxx) au titre de l'année 1970:
Considérant que l'administration a réintégré dans les bases d'imposition une somme de 60 000 F qui aurait été versée à M. xxxxx (xxxxx) à titre de rémunération de gérance pour 1970; qu'en faisant valoir que ce redressement trouve seulement son origine dans un rapport présenté à l'assemblée générale le 20 mars 1971 et qui proposait de fixer à 60 000 F la rémunération du gérant pour 1970 et en demontrant que ladite somme n'a été ni payée en espèces à M. xxxxx, ni inscrite à son compte courant dans les écritures de la société, les requérants apportent la preuve que la somme en question n'a pas été mise à la disposition de M. xxxxx (xxxxx) en 1970 et ne saurait, dès lors, être imposée au titre de ladite année; qu'ils sont ainsi fondés à demander la réduction des bases d'imposition de M. xxxxx (xxxxx) à concurrence de 60 000 F;
En ce qui concerne les profits immobiliers réalisés en 1967 et 1968 par Mme xxxxx:
Considérant qu'il résulte des actes authentiques de vente qui figurent au dossier, qu'en 1967 et 1968, Mme xxxxx a revendu des appartements de la résidence xxxxx qu'elle avait achetés à la société xxxxx; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le vendeur de ces appartements n'aurait pas été Mme xxxxx n'est pas fondé;
En ce qui concerne les profits immobiliers réalisés en 1970 par M. xxxxx (xxxxx):
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que M. xxxxx (xxxxx) a fait construire en 1968 et 1969 un immeuble de sept appartements à xxxxx sur un terrain lui appartenant et qu'il a revendu avant le 31 décembre 1970 six de ces appartements;
Considérant, d'une part, que, si les requérants soutiennent qu'il n'a pas été tenu compte du prélèvement de 25 % perçu sur deux de ces ventes, le tribunal administratif leur a accorde, par le jugement attaqué, une réduction correspondant à ces prélèvements; qu'ainsi leurs prétentions sont, sur ce point, sans objet en appel;
Considérant, d'autre part, que, si les requérants affirment que les autres ventes auraient dégagé des moins-values, ils n'apportent devant le Conseil d'Etat aucun élément de nature à étayer cette affirmation;
Considérant, enfin, qu'en vertu du III de l'article 235 quater du code général des impôts, le prix du terrain à retenir pour le calcul du bénéfice imposable n'est déterminé dans les conditions définies à l'article 150 ter II.1, c'est-à-dire en majorant le prix de revient du bien de 25 % pour tenir compte des frais d'acquisition et des impenses et de 3 % par an depuis l'entrée du bien dans le patrimoine du contribuable ou dans celui de ses auteurs, que lorsque ce bénéfice est soumis au prélèvement prévu à l'article 235 quater et que ce prélèvement libère le bénéfice de l'impôt sur le revenu; qu'en l'espèce les profits litigieux n'ont pas été, pour partie, soumis audit prélèvement et pour ceux qui l'ont été, celui-ci n'a pas présenté de caractère libératoire; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le prix d'acquisition du terrain de la co-propriété "xxxxx" aurait dû être majoré de 25 %, ainsi que de 3 % par année de détention, pour le calcul du bénéfice imposable;
En ce qui concerne les revenus fonciers de Mme xxxxx:
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme xxxxx louait à la société xxxxx un terrain de 20 000 m2 et un hangar; que les requérants n'apportent pas la preuve qui leur incombe qu'en fixant à 4 000 F par an les revenus nets tirés de cette location, l'administration en ait fait une évaluation exagérée;
En ce qui concerne les bénéfices perçus par Mme xxxxx de la société civile immobilière "xxxxx":
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 109-1-1° et 110 du Code général des impôts, sont regardés comme revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en service ou incorporés au capital, et que ces bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés; qu'aux termes de l'article 116 du même code: "Pour chaque période d'imposition, la masse des revenus distribués déterminée conformément aux dispositions des articles 109 à 115 ter est considérée comme répartie entre les bénéficiaires pour l'évaluation du revenu de chacun d'eux à concurrence des chiffres indiqués dans les déclarations fournies par la personne morale....; qu'enfin au terme de l'article 117 dudit code: "-Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visée à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration dans un délai de 30 jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution";
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que Mme Formisano détenait 70 % des parts de la société civile immobilière "Les Lierres" qu'une vérification de cette société entreprise en 1971 s'est traduite, au titre de l'année 1970, par un redressement de l'impôt sur les sociétés qui a porté les résultats de 0 à 95 280 F; que cette somme a été regardée à bon droit comme distribuée en application des articles 109-1-1° et 110 du Code général des impôts;
Considérant, d'autre part, qu'en réponse à la demande présentée par l'administration en application de l'article 117 précité du code, la société "Les Lierres" a indiqué que le bénéfice regardé comme distribué devait être réparti entre Mme Formisano à raison de 33.348 F et un autre porteur de parts à concurrence de 14 292 F; que Mme Formisano ne conteste d'ailleurs pas que la somme de 30 348 F lui a été versée, mais fait état, dans le dernier état de ses productions de ce que cette somme lui aurait seulement été payée en 1971 par des chèques émis en septembre de ladite année;
Considérant que, lorsque l'administration établit, comme en l'espèce. que des revenus occultes ont été appréhendés par une personne physique, les sommes correspondantes doivent être, sauf preuve contraire apportée par le contribuable, regardées comme ayant été perçues au cours de l'année de la clôture de l'exercice au titre duquel l'excédent de distribution a été constaté; que l'attestation que produit Mme Formisano selon laquelle un chèque de 30 348 F donc d'un montant inférieur à celui du revenu litigieux aurait été émis en sa faveur en septembre 1971 ne lui permet pas de justifier, au regard des règles qui gouvernent la charge de la preuve qu'elle n'a pas perçu la somme de 33 348 F correspondant au montant du revenu distribué au titre de l'exercice correspondant à l'année civile 1970, avant la clôture dudit exercice;
Considérant que, l'impôt sur les sociétés ayant été reversé, la quote-part des bénéfices regardée comme distribuée à Mme Formisano a effectivement été fixée à 33 348 F; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le montant de ces bénéfices n'aurait pas été amputé du montant de l'impôt sur les sociétés manque en fait;
Considérant, enfin, que les dispositions de l'article 158 ter du code général des impôts réservent le bénéfice de l'avoir fiscal aux produits dont la distribution résulte d'une décision régulière des organes compétents de la société; qu'ainsi, lorsque des bénéfices sont réputés distribués à la suite d'un redressement des résultats de la société, le contribuable au nom duquel ils sont imposés ne peut pas bénéficier de l'avoir fiscal;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander la réduction de l'imposition supplémentaire et des pénalités auxquelles leur auteur a été assujettis au titre de l'année 1970, dans la mesure où l'imposition procède de la réintégration d'une rémunération de 60 000 F qui aurait été versée à M. xxxxx, et qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
DECIDE
Article 1er. - Les bases de l'impôt sur le revenu dû par M. xxxxx au titre de l'année 1970 sont réduites de 60 000 F.
Article 2. - Les héritiers de M. xxxxx sont déchargés de la différence entre le montant de l'impôt auquel ils ont été assujettis et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus, ainsi que des pénalités afférentes à cette différence.
Article 3. - Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 7 août 1979 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4. - Le surplus des conclusions de la requête de Mme Veuve xxxxx et de M. xxxxx est rejeté.