CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2023
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 91 F-D
Pourvoi n° E 21-14.049
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-14.049 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société [B] [G], société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], et anciennement [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF des Pays de la Loire, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société [B] [G], et après débats en l'audience publique du 6 décembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 28 janvier 2021), les services de la gendarmerie ayant dressé le 30 décembre 2013 un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'emploi à l'encontre de l'EURL [B] [G] (la société), l'URSSAF des Pays de la Loire (l'URSSAF) lui a adressé le 7 mars 2014 une lettre d'observations, suivie, le 17 septembre 2014, d'une mise en demeure.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, alors « 1°/ que s'il procède du constat de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la gendarmerie avait dressé un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié à l'encontre de la société et que l'URSSAF lui avait adressé une lettre d'observations faisant état d'un redressement pour travail dissimulé, de sorte que le redressement notifié à cette date avait pour seul objet le recouvrement des cotisations afférentes aux emplois visés par le constat établi antérieurement ; qu'en retenant, pour annuler le redressement qui avait été notifié à la société le 7 mars 2014, que faute d'élément intentionnel, aucune infraction de travail dissimulé ne pouvait être reprochée à cette société, la cour d'appel a violé les
articles L. 8221-5 du code du travail🏛,
L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale🏛🏛, dans leur version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles L. 242-1-1 et L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale🏛🏛 :
4. S'il résulte du constat d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur.
5. Pour annuler le redressement, l'arrêt énonce que contrairement à ce que prétend l'URSSAF, l'élément intentionnel est indispensable pour caractériser l'infraction de travail dissimulé et que si celui-ci ne ressort pas de l'enquête pénale, le redressement opéré n'est pas fondé. Il en déduit que, compte tenu des éléments du dossier, il convient de considérer qu'au sens de l'application de la législation sociale, il ne peut être reproché à la société aucune infraction de travail dissimulé, faute d'élément intentionnel.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. En application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation de la disposition de l'arrêt annulant le redressement entraîne par voie de conséquence la cassation du chef du dispositif disant non justifiée l'annulation des réductions « Fillon », lequel s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les moyens présentées par l'EURL [B] [G] tirés de l'irrégularité de la procédure de contrôle et de la nullité des procès-verbaux établis par les services de la gendarmerie nationale, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société [B] [G] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société [B] [G] et la condamne à payer l'URSSAF des Pays de la Loire la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays-de-la Loire
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'URSSAF Pays de la Loire FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le redressement opéré par l'URSSAF Pays de la Loire à l'encontre de l'EURL [B] [G] par lettre d'observations du 7 mars 2014 et mise en demeure du 17 septembre 2016 pour un montant de 30 447 euros majorations comprises,
1- ALORS QUE s'il procède du constat de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la gendarmerie avait dressé un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié à l'encontre de l'EURL [B] [G] et que l'URSSAF lui avait adressé une lettre d'observations faisant état d'un redressement pour travail dissimulé, de sorte que le redressement notifié à cette date avait pour seul objet le recouvrement des cotisations afférentes aux emplois visés par le constat établi antérieurement ; qu'en retenant, pour annuler le redressement qui avait été notifié à la société [B] [G] le 7 mars 2014, que faute d'élément intentionnel, aucune infraction de travail dissimulé ne pouvait être reprochée à cette société, la cour d'appel a violé les
articles L. 8221-5 du code du travail🏛,
L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale🏛🏛, dans leur version applicable au litige.
2- ALORS QUE, subsidiairement, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou règlementaire implique, de la part de son auteur, l'intention coupable exigée par l'
article L. 8221-5 du code du travail🏛 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'enquête pénale avait permis d'établir que toutes les personnes qui travaillaient au sein de la discothèque possédaient la qualité de salariés sauf MM. [M] et [T] qui exerçaient leurs fonctions de barman et d'agent de sécurité sous le statut d'auto entrepreneur, que le gérant avait affirmé qu'il n'avait pu employer ces deux personnes parce qu'elles étaient fonctionnaires de l'Education Nationale et qu'elles ne pouvaient cumuler un emploi public et privé, que M. [M] ne disposait d'aucun agrément pour exercer les fonctions réglementées d'agent de sécurité et qu'enfin MM. [M] et [T] avaient tous deux déclaré recevoir toutes leurs instructions de M. [B] ; qu'en retenant, pour juger que l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé n'était pas caractérisée, que l'intégralité des factures de prestations de services avaient été recueillies et que leur régularité et l'indication des jours travaillés ne démontraient aucune volonté de fraude, quand il ressortait clairement des éléments relevés par l'arrêt que l'employeur avait, en toute connaissance de cause, éludé les règles prescrites en matière d'emploi, par l'utilisation d'un statut d'auto-entrepreneur qui ne correspondait pas à la réalité de la relation de travail qu'il entretenait avec MM. [M] et [T], la cour d'appel a violé les
articles L. 8221-5 du code du travail🏛,
L. 243-7 et R.243-59 du code de la sécurité sociale🏛🏛, dans leur version applicable au litige.
3- ET ALORS QUE le délit de travail dissimulé n'exige pas de caractériser l'intention coupable des personnes qui auraient dû être déclarées en tant que salarié ; qu'en retenant, pour dire que l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé n'était pas caractérisée, que les deux personnes visées au titre des emplois dissimulés ne savaient pas qu'elles ne pouvaient prétendre au statut d'auto-entrepreneur pour travailler au sein de la discothèque, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les
articles L. 8221-5 du code du travail🏛,
L. 243-7 et R.243-59 du code de la sécurité sociale🏛🏛, dans leur version applicable aux litige.
4- ALORS QUE, en tout état de cause, la réalité d'une infraction est établie, dans tous ses éléments constitutifs, par l'exécution d'une composition pénale ; qu'il était constant que le gérant de la société [B] [G], représentant de la société, avait accepté la mesure de composition pénale proposée au titre du travail dissimulé ; qu'il avait ainsi reconnu avoir, pour le compte de la société, commis le délit de travail dissimulé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel ; qu'en jugeant pourtant qu'il ne pouvait être tiré aucune conséquence de l'acception de la mesure de composition pénale, et notamment sur le caractère intentionnel du travail dissimulé, la cour d'appel a violé l'
article 41-2 du code de procédure pénale🏛.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
L'URSSAF Pays de la Loire FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'annulation des réduction Fillon qui avait été décidé à l'encontre de la société [B] [G] n'était pas justifiée,
ALORS QUE la cassation s'étend à tous les chefs de dispositif qui unis par un lien de dépendance nécessaire ; que pour considérer que l'annulation des réductions Fillon n'était pas justifiées, la cour d'appel s'est fondée sur l'annulation du redressement prononcée au titre du travail dissimulé ; que par conséquent, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, qui conteste la solution retenue au titre du travail dissimulé, justifie la cassation du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛.