Jurisprudence : Cass. crim., 24-01-2023, n° 22-84.466, F-D, Cassation

Cass. crim., 24-01-2023, n° 22-84.466, F-D, Cassation

A42799AQ

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:CR00076

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047073935

Référence

Cass. crim., 24-01-2023, n° 22-84.466, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92729614-cass-crim-24012023-n-2284466-fd-cassation
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N° R 22-84.466⚖️ F-D

N° 00076


ODVS
24 JANVIER 2023


CASSATION


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JANVIER 2023



M. [Aa] [K], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 30 juin 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 24 mars 2020, pourvoi n° 19-85.623), dans l'information suivie sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de dénonciation calomnieuse et tentative d'extorsion de fonds par violence, menace, contrainte et chantage, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.

Un mémoire personnel et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Ainsi qu'il a été convenu entre eux sur un site internet, M. [Aa] [K] et Mme [W] [T] se sont retrouvés dans un hôtel pour avoir une relation sexuelle, à laquelle Mme [T] a déclaré avoir consenti contre une somme de 500 euros. A l'issue de leur rapport, M. [K] a remis à Mme [T] une enveloppe que celle-ci a ouverte devant l'hôtel au moment où ils se quittaient, qui s'est révélée ne contenir que du papier journal. Le soir même, Mme [T] s'est rendue dans un commissariat où elle a déposé plainte en exposant qu'après avoir consenti à avoir une relation sexuelle rémunérée dans un hôtel avec M. [K], elle lui a fait savoir, lorsqu'ils se sont retrouvés, qu'elle avait changé d'avis et ne souhaitait pas donner suite, mais que cette relation lui avait été imposée. M. [K], correspondant au signalement donné par Mme [T], a été interpellé le soir même.

3. La plainte pour viol déposée par Mme [T], qui n'a plus répondu aux sollicitations des enquêteurs, ayant été classée sans suite, M. [K] a lui-même porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs de dénonciation calomnieuse et tentative d'extorsion de fonds ou chantage.

4. L'information ouverte de ces chefs a été clôturée par une ordonnance de non-lieu.

5. M. [K] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, et huitième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.

Mais sur le sixième moyen


Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 593 et 595 du code de procédure pénale et 226-10 du code pénal.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu du chef de dénonciation calomnieuse, sans répondre au mémoire qui faisait valoir que le délit était constitué, le fait de viol dénoncé étant faux, ce que la dénonciatrice savait, que sa dénonciation était spontanée, faite à un policier, et contre une personne identifiable.


Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale🏛 :

9. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu sur les faits de dénonciation calomnieuse, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article 226-10 du code pénal🏛, énonce que la plainte pour viol de Mme [T] a fait l'objet d'un classement sans suite et qu'il convient d'apprécier la pertinence des accusations portées par la plaignante contre M. [K].

11. Les juges relèvent qu'il ressort de la procédure que M. [K] et Mme [T] sont entrés en relation sur un site de rencontres et que M. [K] a admis avoir évoqué avec la jeune femme une rémunération en échange d'un rapport sexuel, la préparation d'une enveloppe contenant des bouts de papier dont il a expliqué se munir pour se rendre à une « rencontre superficielle » de ce genre, ne pouvant d'ailleurs s'expliquer que par un accord préalable sur une prestation tarifée.

12. Ils retiennent que le viol est caractérisé dès lors qu'un acte de pénétration sexuelle est commis par violence, contrainte, menace ou surprise.

13. Ils constatent qu'il ressort des déclarations de Mme [T], des éléments du dossier et notamment du témoignage du veilleur de nuit de l'hôtel, qu'il n'est pas contestable qu'elle n'a accepté d'avoir une relation sexuelle avec M. [K] que dans le cadre d'une prestation tarifée et soulignent que celui-ci a reconnu lors de son audition par les services de police s'être enfui après leur sortie de l'hôtel après avoir glissé dans le sac de la plaignante une enveloppe censée contenir le règlement de la prestation mais ne contenant en réalité que des bouts de papier.

14. Ils en déduisent qu'il peut être retenu contre M. [K] l'emploi d'un stratagème pour surprendre le consentement de Mme [T] et obtenir d'elle un rapport sexuel et qu'en accusant M. [K] de viol, la plaignante qui n'avait accepté d'avoir un rapport sexuel avec lui qu'en contrepartie d'une rémunération, a pu légitimement considérer n'avoir consenti à cette relation que sous l'effet de la surprise.

15. Ils en concluent que la mauvaise foi, élément constitutif de la dénonciation calomnieuse, n'est pas caractérisée.

16. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction qui ne pouvait, sans se contredire, pour exclure la mauvaise foi de la plaignante, retenir, d'une part, que Mme [T] a pu légitimement considérer n'avoir consenti à cette relation sexuelle que sous l'effet de la surprise, d'autre part, affirmer que ce n'est qu'après la relation que M. [K] lui a remis une enveloppe contenant des bouts de papier, n'a pas justifié sa décision.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le septième moyen, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 30 juin 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-trois.

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