Jurisprudence : CE contentieux, 05-01-2000, n° 198530, ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS

CE contentieux, 05-01-2000, n° 198530, ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS

A9408AGK

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CONSEIL D'ETAT

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera publiée au Recueil LEBON

N° 198530

ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS

Mme Le Bihan-Graf Rapporteur

M. Chauvaux Commissaire du Gouvernement

Séance du 10 décembre 1999 Lecture du 5 janvier 2000

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux )

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août 1998 et 23 avril 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'administration générale de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est 3, avenue Victoria à Paris (75004), représentée par son directeur général ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt en date du 9 juin 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé un jugement en date du 3 mai 1995 du tribunal administratif de Paris et condamné l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS à verser à M. Jean-Claude Guilbot une somme de 200 000 F en réparation du préjudice que lui ont causé les interventions qu'il a subies les 6 et 10 octobre 1987 à l'hôpital Lariboisière à Paris ;

Vu les autres pièces du dossier

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 portant code de déontologie des médecins

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987

Après avoir entendu en audience publique

  • le rapport de Mme Le Bihan-Graf , Auditeur,
  • les observations de Me Foussard, avocat de FASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS et de Me Cossa avocat de M. Guilbot,
  • les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement

Considérant que M. Guilbot, qui souffrait de troubles du membre inférieur gauche en relation avec l'angiomatose héréditaire dont il était atteint depuis l'enfance, a subi les 6 et 10 octobre 1987 à l'hôpital Lariboisière deux interventions endovasculaires destinées à traiter des fistules artérioveineuses par occlusion, à la suite desquelles il s'est trouvé atteint d'une paraplégie des membres inférieurs ; que la cour administrative d'appel de Paris, statuant en appel sur le recours indemnitaire introduit par l'intéressé contre FASSISTANCE PUBLIQUEHÔPITAUX DE PARIS, a jugé que la responsabilité de cet établissement public était engagée à raison de la faute résultant de ce que le patient n'avait pas été informé que l'intervention qui lui était proposée comportait un risque connu de paraplégie, et a accordé à M. Guilbot une indemnité de 200 000 F réparant sa perte d'une chance de refuser l'intervention et de se soustraire ainsi à l'accident qui était survenu ; que l'annulation de cet arrêt est demandée par l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS et, par la voie d'un pourvoi incident, par M. Guilbot ;

Sur la re5pMabilité de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HÔMAUX DE PARIS

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli dans les règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionne1lement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; qu'ainsi, et alors même que l'absence d'intervention aurait présenté des risques, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le risque de paraplégie que comportait l'intervention proposée à M. Guilbot, quoiqu'exceptionnel, était connu, et qu'eu égard à sa gravité, les praticiens de l'ASSISTANCE PUBLIQUEHÔPITAUX DE PARIS étaient tenus d'en informer l'intéressé ;

Considérant qu'en se fondant, pour estimer que les praticiens avaient omis de fournir cette information, sur le fait que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS n'établissait pas que l'intéressé avait été informé des risques de l'intervention, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit et a souverainement apprécié les faits de l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSISTANCE PUBLIQUEHÔPITAUX DE PARIS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il admet le principe de sa responsabilité ;

Sur la détermination du préjudice indemnisable :

Considérant que pour fixer l'indemnité due à M. Guilbot, la cour a estimé "qu'eu égard à l'évolution prévisible de la maladie dont M. Guilbot souffrait depuis son enfance, au caractère très peu fréquent du risque encouru lors de. l'intervention et à l'ensemble des préjudices physiques et des troubles dans les conditions d'existence subis par le requérant, il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation résultant de la perte de chance en condamnant PASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS à payer à M. Guilbot la somme de 200 000 F ; qu'en se fondant notamment, pour évaluer le préjudice résultant pour M. Guilbot de la perte d'une chance de refuser l'intervention, sur les dommages physiques et les troubles dans les conditions d'existence subis par l'intéressé, sans se prononcer sur la nature et l'importance de ces dommages et de ces troubles et sans évaluer la fraction de ce dommage imputable à la perte de chance en procédant à un rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques encourus en cas de renoncement à ce traitement, la cour n'a pas suffisamment motivé son arrêt ; qu'ainsi, M. Guilbot est fondé à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il fixe à 200 000 F le montant de l'indemnité mise à la charge de PASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS ; qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire sur ce point à la cour administrative d'appel de Nantes ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner PASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS à verser à M. Guilbot une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens

DECIDE:

Article 1er : L'arrêt du 9 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il évalue le préjudice indemnisable de M. Guilbot. L'affaire est renvoyée sur ce point devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 2:Le surplus des conclusions de la requête de PASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS est rejeté.

Article 3: L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS versera 10 000 F à M. Guilbot en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 199 1.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à FASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS, à M. Jean-Claude Guilbot, au président de la cour administrative d'appel de Nantes et au ministre de l'emploi et de la solidarité.

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