ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N° 198188
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
c/SARL Soarmi
M. Sauron, Rapporteur
M. Arrighi de Casanova, Commissaire du Gouvernement
Séance du 28 juin 2000
Lecture du 28 juillet 2000
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur lé rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le recours enregistré le 23 juillet 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L`ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 26 mai 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 6 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Pau a accordé à la SARL Soarmi la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1988 à 1990 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sauron, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Copper-Royer, avocat de la SARL Soarmi,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues à l'article 44 bis II, 2° et 3°, et III, sont exonérées d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés ~au cours-des vingt-quatre mois- suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant..." ; qu'en vertu du III de l'article 44 bis auquel renvoie l'article 44 quater : "les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus" et que, selon le 3° du II du même article 44 bis auquel renvoie également l'article 44 quater : "Pour les entreprises constituées sous forme de société, les droits de vote attachés aux actions ou aux parts ne doivent pas être détenus, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés" ;
Considérant que, pour l'application des articles 44 quater et 44 bis précités du code général des impôts, la date à laquelle une entreprise a été créée s'entend de celle à laquelle elle a effectivement commencé à exercer son activité ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SARL Soarmi, l'administration fiscale a remis en cause le régime d'exonération d'impôt sur les sociétés prévu par les dispositions précitées du code général des impôts, sous lequel ladite société s'était placée pour l'imposition de ses résultats des exercices 1988, 1989 et 1990 ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que l'administration n'était pas fondée à contester la décharge prononcée par le tribunal administratif de Pau des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la SARL Soarmi a été assujettie au titre de ces exercices ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux, en se bornant à relever que la SARL Soarmi a été créée le 8 décembre 1986, sans rechercher si, comme le soutenait le ministre, ladite société avait effectivement commencé son activité avant le 31 décembre 1986, a omis de statuer sur un moyen non inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la SARL Soarmi dont l'objet est la production et la distribution d'armatures en béton, a effectué ses premières livraisons au cours du mois de décembre 1986, les matériaux concernés ont été achetés à la SA Armins, société dont Mme Couppey, gérante de la SARL, était contrôleur de gestion ; que l'administration a pu relever, sans être contredite, que les premiers salariés n'ont été embauchés qu'en novembre 1987, que la fabrication des armatures en béton n'a effectivement débuté qu'au mois de février 1988 et que le premier cadre commercial n'a été recruté qu'en juin 1988 ; que, dès lors, et sans que puissent y faire obstacle ni la création de la société le 8 décembre 1986 par Mme Couppey et M. Deckeur, ni l'existence d'un contrat de franchise signé le 22 décembre 1986 avec la SARL Armeton, la SARL Soarmi doit être regardée comme ayant effectivement commencé à exercer son activité et donc comme ayant été créée, au sens des dispositions précitées de l'article 44 quater, postérieurement au 31 décembre 1986 ; que, par suite, elle n'est pas, pour ce seul motif, en droit de bénéficier des dispositions précitées de l'article 44 quater du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a accordé à la SARL Soarmi la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle avait été assujettie au titre des exercices 1988, 1989 et 1990, sans répondre au moyen, soulevé par l'administration en défense, tiré de ce que la SARL Soarmi n'avait été effectivement créée qu'après le 31 décembre 1986 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Soarmi devant le tribunal administratif de Pau ;
Considérant que l'ensemble des autres moyens soulevés par la SARL Soarmi et tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts, sont inopérants, ladite société n'entrant pas dans le champ d'application des dispositions de cet article ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a déchargé la SARL Soarmi des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1988, 1989 et 1990 et des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions de la SARL Soarmi tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SARL Soarmi la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 26 mai 1998 et le jugement du tribunal administratif de Pau du 6 décembre 1995 sont annulés.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL Soarmi a été assujettie au titre des exercices 1988, 1989 et 1990 et les pénalités y afférentres sont remises à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de la SARL Soarmi tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL Soarmi et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.