Jurisprudence : Cass. com., 25-01-2023, n° 21-16.275, F-B, Cassation

Cass. com., 25-01-2023, n° 21-16.275, F-B, Cassation

A06459A7

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:CO00084

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047074008

Référence

Cass. com., 25-01-2023, n° 21-16.275, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92523482-cass-com-25012023-n-2116275-fb-cassation
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Abstract

Selon l'article 2246 du code civil, applicable au donneur d'aval, l'interpellation faite au débiteur principal interrompt le délai de prescription contre la caution. Aux termes de l'article 130, devenu L. 511-21, du code de commerce, auquel renvoie l'article 187, devenu L. 512-4, du même code, le donneur d'aval d'un billet à ordre est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant. Il en résulte que la déclaration de la créance née d'un billet à ordre au passif de la procédure collective de son souscripteur interrompt la prescription à l'égard du donneur d'aval


COMM.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2023


Cassation partielle


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 84 F-B

Pourvoi n° Z 21-16.275


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023


La société Banque CIC Ouest, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-16.275 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [G] [T], domicilié [… …], défendeur à la cassation.

M. [T] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 mars 2021), la société Banque CIC Ouest (la banque) a accordé des crédits de trésorerie à la société Jean [T], laquelle a émis, au bénéfice de la banque, trois billets à ordre, le premier, le 31 octobre 2013, d'un montant de 50 000 euros à échéance du 30 novembre 2013, les deux derniers, le 30 avril 2014, d'un montant de, respectivement, 25 000 euros et 75 000 euros à échéance du 31 mai 2014. Ces billets ont été avalisés par M. [T].

2. La société Jean [T] ayant été placée en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance le 18 juin 2014 et a assigné M. [T] en exécution de ses engagements de donneur d'aval le 16 mars 2017.


Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, qui est préalable

Enoncé du moyen

3. M. [T] reproche à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la banque en paiement du billet à ordre du 31 octobre 2013 et de le condamner, en sa qualité d'avaliste de ce billet, à lui payer la somme de 20 000 euros, avec intérêts légaux à compter de l'assignation, alors « qu'en vertu de l'article L. 511-78, alinéa 1er, du code de commerce🏛 applicable au billet à ordre, toute action résultant de la lettre de change contre l'accepteur se prescrit par trois ans à compter de la date de son échéance ; que l'interruption de la prescription n'ayant, selon l'alinéa 5 du même article, d'effet que contre celui à l'égard duquel l'acte interruptif a été fait, l'admission de la déclaration de créance du porteur d'un billet à ordre au passif du souscripteur ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de prescription triennale vis-à-vis de l'avaliste ; qu'en relevant, pour dire recevable l'action en paiement de la banque concernant le billet à ordre en date du 31 octobre 2013 à échéance du 30 novembre 2013 à l'encontre de M. [T] en sa qualité d'avaliste, que l'admission de la déclaration de créance de la banque, le 18 juin 2014, au passif de la société Jean [T], souscripteur du billet, avait eu pour effet d'interrompre le délai de prescription vis-à-vis de M. [T], valablement assigné le 16 mars 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 511-78 et L. 512-3 du code de commerce🏛🏛. »


Réponse de la Cour

4. Selon l'article 2246 du code civil🏛, applicable au donneur d'aval, l'interpellation faite au débiteur principal interrompt le délai de prescription contre la caution.

5. Aux termes de l'article 130, devenu L. 511-21, du code de commerce, auquel renvoie l‘article 187, devenu L. 512-4, du même code🏛, le donneur d'aval d'un billet à ordre est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant.

6. Il en résulte que la déclaration de la créance née d'un billet à ordre au passif de la procédure collective de son souscripteur interrompt la prescription à l'égard du donneur d'aval.

7. Ayant relevé que la banque avait, le 18 juin 2014, déclaré auprès du mandataire liquidateur de la société Jean [T] sa créance née du billet à ordre, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action engagée à l'encontre du donneur d'aval le 16 mars 2017 n'était pas prescrite pour avoir été introduite dans le délai de trois ans.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.


Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des avals apposés par M. [T] sur les billets à ordre de 75 000 euros et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 par la société Jean [T] et de rejeter les présentations de la banque contre M. [T] au titre de ces deux billets à ordre, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. [T] n'a pas demandé que soit prononcée la nullité des avals qu'il avait donnés sur les billets à ordre souscrits le 30 avril 2014 ; que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, il a seulement demandé à la cour de constater la mauvaise foi de la banque dans l'obtention des deux billets à ordre avalisés le 30 avril 2014 et, en conséquence, de débouter la banque de sa demande en paiement de la somme de 78 777,91 euros au titre des deux billets à ordre avalisés le 30 avril 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017 ; que, dès lors, en prononçant la nullité des avals apposés par M. [T] sur les billets à ordre de 75 000 euros et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 par la société Jean [T], la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛🏛 :

10. Aux termes du premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Aux termes du second, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

11. L'arrêt prononce la nullité des avals apposés par M. [T] sur les deux billets à ordre du 30 avril 2014 et rejette en conséquence la demande en paiement de la banque.

12. En statuant ainsi, alors que M. [T] demandait seulement le rejet de la demande en paiement de la banque au titre des deux billets à ordre, sans en solliciter la nullité, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il prononce la nullité des avals apposés par M. [T] sur les billets à ordre de 75 000 et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 par la société Jean [T] et rejette les prétentions de la société Banque CIC Ouest contre M. [T] au titre de ces deux billets à ordre, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. [T] et le condamne à payer à la société Banque CIC Ouest la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Ouest.

La Banque CIC Ouest fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité des avals apposés par M. [G] [T] sur les billets à ordre de 75 000 euros et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 par la Sarl Jean [T] et débouté le CIC Ouest de ses prétentions contre M. [Aa] [T] au titre de ces deux billets à ordre ;

1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel n° 1 notifiées le 3 juillet 2018, M. [G] [T] n'a pas demandé que soit prononcée la nullité des avals qu'il avait donnés sur les billets à ordre souscrits le 30 avril 2014 ; que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, il a seulement demandé à la cour de constater la mauvaise foi du CIC Ouest dans l'obtention des deux billets à ordre avalisés le 30 avril 2014, et en conséquence de débouter le CIC Ouest de sa demande en paiement de la somme de 78 777,91 euros au titre des deux billets à ordre avalisés le 30 avril 2014 avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017 ; que dès lors, en prononçant la nullité des avals apposés par M. [G] [T] sur les billets à ordre de 75 000 euros et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 par la Sarl Jean [T], la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛🏛 ;

2) ALORS QU'en tout état de cause, en relevant d'office le moyen tiré de la nullité des avals apposés par M. [G] [T] sur les billets à ordre de 75 000 euros et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 par la Sarl Jean [T], sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile🏛 ;

3) ALORS QU'en outre, et à titre également subsidiaire, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à considérer que les billets à ordre du 30 avril s'étaient substitués au crédit de trésorerie accordé le 28 janvier sans qu'aucune somme supplémentaire ne soit mise à la disposition de la Sarl Jean [T], avec pour seule conséquence la prise d'une garantie, soit l'aval de M. [T], qui n'avait pas été demandé auparavant, pour en déduire que les avals de M. [Ab] avaient dès lors été obtenus de mauvaise foi par le CIC Ouest, dans le seul but d'échapper aux conséquences d'une procédure collective inéluctable et que leur nullité devait être prononcée ; qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser, à l'encontre de la banque, une fraude, laquelle s'entend, en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive, et sans caractériser l'une des deux autres causes de déchéance du principe de non-responsabilité édicté par l'article L. 650-1 du code de commerce🏛 que sont l'immixtion caractérisée et l'obtention de garanties disproportionnées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [T].

M. [G] [T] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'action de la Banque CIC Ouest pour le billet à ordre en date du 31 octobre 2013 et condamné M. [G] [T], en sa qualité d'avaliste de ce billet ordre, à payer à la Banque CIC Ouest la somme de 20 000 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation ;

Alors qu'en vertu de l'article L. 511-78 alinéa 1 du code de commerce🏛 applicable au billet à ordre, toute action résultant de la lettre de change contre l'accepteur se prescrit par trois ans à compter de la date de son échéance ; que l'interruption de la prescription n'ayant, selon l'alinéa 5 du même article, d'effet que contre celui à l'égard duquel l'acte interruptif a été fait, l'admission de la déclaration de créance du porteur d'un billet à ordre au passif du souscripteur ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de prescription triennale vis-à-vis de l'avaliste ; qu'en relevant, pour dire recevable l'action en paiement de la Banque CIC Ouest concernant le billet à ordre en date du 31 octobre 2013 à échéance du 30 novembre 2013 à l'encontre de M. [G] [T] en sa qualité d'avaliste, que l'admission de la déclaration de créance de la banque, le 18 juin 2014, au passif de la société Jean [T], souscripteur du billet, avait eu pour effet d'interrompre le délai de prescription vis-à-vis de M. [G] [T], valablement assigné le 16 mars 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 511-78 et L. 512-3 du code de commerce🏛🏛.

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