Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée (SAS) Hôtellerie Paris Eiffel Suffren a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, en droits et pénalités. Par un jugement n° 2011097 du 17 septembre 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des pièces nouvelles, enregistrées les 16 novembre 2021 et 21 novembre 2022, et un mémoire en réplique, enregistré le 20 décembre 2022 et non communiqué, la SAS Hôtellerie Paris Eiffel Suffren, représentée par Mes Berger-Picq et L'Herminé, avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 2011097 du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, en droits et pénalités ; 3°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'
article L. 761-1 du code de justice administrative🏛. Elle soutient que : - les sommes conservées par l'établissement hôtelier lorsque le client ne se présente pas, sans l'avoir informé de sa défection (prestations " no show "), ne sont la contrepartie d'aucune prestation distincte de la prestation d'hébergement ; - elles présentent le caractère d'indemnité et n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que le contrat hôtelier, qui n'est pas ferme et définitif lors de la prise de réservation, ne reçoit pas d'exécution lorsque le client est défaillant et qu'elle subit notamment un manque à gagner s'agissant des prestations accessoires à la mise à disposition de la chambre telles que la restauration. Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 juillet 2007 (Société thermale d'Eugénie-les-Bains, aff. 277/05), et du 23 décembre 2015 (Air France-KLM et Hop! - Brit Air SAS, aff. C-250/14 et C-289/14) ; - le code civil ; - le code de la consommation ; - le code général des impôts et le
livre des procédures fiscales🏛 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me L'Herminé pour la SAS Hôtellerie Paris Eiffel Suffren.
Considérant ce qui suit : 1. La SAS Hôtellerie Paris Eiffel Suffren, qui exerce une activité d'hôtellerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. Après avoir retenu que les sommes correspondant aux nuitées réservées par les clients mais non consommées devaient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette même période, assortis de pénalités, par une proposition de rectification en date du 20 avril 2017. La SAS Hôtellerie Paris Eiffel Suffren interjette régulièrement appel du jugement n° 2011097 du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, en droits et pénalités. 2. Aux termes de l'
article 256 du code général des impôts🏛 : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. () ". Et aux termes de l'article 269 de ce code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / () 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur ; / () c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. () ". 3. Aux termes de l'
article 256 du code général des impôts🏛 : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. () ". Et aux termes de l'article 269 de ce code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / () 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur ; / () c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (). ". 4. Il résulte de l'article 2 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, dont l'
article 256 du code général des impôts🏛 assure la transposition, et de son interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans une décision du 18 juillet 2007 Société thermale d'Eugénie-les-Bains (aff. 277/05), et dans une décision du 23 décembre 2015 Air France-KLM et Hop! - Brit Air SAS (aff. C-250/14 et C-289/14), qu'une prestation de services ne peut être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée que s'il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue, les sommes versées constituant une contrepartie effective d'un service individualisable fourni dans le cadre d'un rapport juridique où des prestations réciproques sont échangées. Ainsi, le prestataire de services réalise cette prestation dès lors qu'il met le client en mesure de bénéficier de celle-ci, de sorte que l'existence du lien direct susmentionné n'est pas affecté par le fait que le client ne fait pas usage dudit droit.
5. Il résulte de l'instruction que lorsqu'un client de l'hôtel Paris Eiffel Suffren réserve une chambre, il communique à cette occasion le numéro de sa carte bancaire et accepte, par conséquent, que l'hôtel le débite du montant de la première nuit dans l'hypothèse où il ne se présenterait pas à la date convenue sans avoir annulé sa réservation dans les délais. Aux termes de l'article 17 des conditions générales de vente du groupe Accor, dont relève la société requérante, le montant dû par le client défaillant est déterminé en fonction des caractéristiques de la chambre et des prestations complémentaires proposées, à raison d'une première nuitée. Cette somme rémunère donc la prestation fournie par l'hôtel Paris Eiffel Suffren, à savoir le droit pour le client de disposer de la chambre qu'il a réservée, laquelle fait partie intégrante de la prestation d'hôtellerie, peu importe que le client mette ou ne mette pas en œuvre le droit de bénéficier effectivement dudit service. La somme versée, alors même qu'il ne s'agit pas d'un " prépaiement ", constitue ainsi la contrepartie effective d'un service individualisable dont les éléments, à savoir le service à fournir et le montant facturé au client, ont été déterminés lors de la conclusion du contrat. Ainsi, en l'espèce, la somme en litige constitue la rémunération de l'opération faisant l'objet du contrat et doit être soumise en tant que telle à la taxe sur la valeur ajoutée. 6. En outre, la SAS Hôtellerie Paris Eiffel Suffren ne saurait valablement tirer argument de l'usage du terme d'arrhes dans les conditions générales de vente du groupe Accor auquel elle appartient. En premier lieu, au vu des conditions générales de vente du groupe Accord, ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, les sommes en litige, non payées à l'avance, sont déterminées, non de manière forfaitaire, mais en fonction des caractéristiques de la réservation (notamment catégorie et caractéristiques de la chambre, prix des prestations complémentaires). En deuxième lieu, comme indiqué, elles constituent la contrepartie directe d'une prestation faisant partie intégrante de la prestation hôtelière. En dernier lieu, ainsi que l'a relevé la Cour de justice de l'Union européenne dans sa décision déjà mentionnée du 23 décembre 2015 Air France-KLM et Hop! - Brit Air SAS, le paiement d'une prestation qui n'est finalement pas consommée ne saurait s'apparenter à la réparation d'un préjudice, lorsque le prestataire est en mesure de louer à un tiers la chambre réservée par le client défaillant. Or, il ne résulte pas de l'instruction que les chambres dont les réservations n'ont pu être effectuées par suite de défaut de présentation du client ne puissent être louées à un autre client, ni que les moindres recettes tirées de la location de la chambre ne soient pas intégralement compensées par de moindres frais. Ainsi, les sommes en litige ne peuvent être assimilées à des arrhes, au sens des dispositions des articles 1590 du code civil🏛 et L. 214-1 du code de la consommation🏛. 7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, que la SAS Hôtellerie Paris Eiffel Suffren n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de première instance. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
D E C I D E : Article 1er : La requête de la SAS Hôtellerie Paris Eiffel Suffren est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Hôtellerie Paris Eiffel Suffren et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.Délibéré après l'audience du 6 janvier 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Simon, premier conseiller,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 janvier 2023.La rapporteure,S. ALe président,S. CARRERELa greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 21PA05850