Jurisprudence : CA Paris, 4, 13, 12-01-2023, n° 21/14533, Confirmation

CA Paris, 4, 13, 12-01-2023, n° 21/14533, Confirmation

A179989I

Référence

CA Paris, 4, 13, 12-01-2023, n° 21/14533, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92474597-ca-paris-4-13-12012023-n-2114533-confirmation
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Abstract

► La pluralité d'exercice permettant à l'avocat d'exercer son activité professionnelle en cumulant des modes d'exercice listés à l'article 7 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, n'est pas une faculté ouverte aux avocats salariés souhaitant cumuler ce mode d'exercice avec un exercice individuel, dès lors que l'interdiction de développer une clientèle personnelle à laquelle ils sont soumis n'a fait l'objet d'aucune modification législative.


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 4 - Chambre 13


ARRÊT DU 12 JANVIER 2023


AUDIENCE SOLENNELLE


(n° 12 , 9 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14533 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFZW


Décision déférée à la Cour : Décision du 07 Juin 2021 - Conseil de l'ordre des avocats de PARIS



DEMANDEUR AU RECOURS


MonsieurI[S] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant en personne


DÉFENDEURS AU RECOURS


LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE PARIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Hervé ROBERT de la SCP SCP Hervé ROBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0277


LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE PARIS EN QUALITE DE REPRESENTANT DE L'ORDRE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Hervé ROBERT de la SCP SCP Hervé ROBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0277



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :


- Mme Aa A, Première Présidente de chambre

- Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

- M. Philippe MICHEL, Président de chambre

- Madame Estelle MOREAU, Conseillère

- Madame Fabienne TROUILLER, Conseillère


qui en ont délibéré


Greffier, lors des débats : Mme Ab B


MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Mme Ab C, qui a fait connaître son avis.


DÉBATS : à l'audience publique le 10 Novembre 2022, on été entendus :


- Mme Moreau Estelle, en son rapport

- M. [S] [I], en ses observations sui ne s'oppose pas à ce que l'affaire soit prise en audience publique,

- Me Hervé Robert, avocat représentant le Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau de PARIS, en ses observations

- Mme Ab C, substitut du Procureur Général, en ses observations

- M. [S] [I] a eu la parole en dernier.


ARRÊT :


- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Aa A, Première Présidente de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.


* * *

Courant septembre 2020, M. [S] [I], avocat collaborateur salarié inscrit au barreau des Hauts-de-Seine exerçant à temps plein au sein du cabinet Ernst &Young, société d'avocats, a sollicité auprès du barreau de Paris l'autorisation d'ouvrir un établissement d'exercice à Paris en application du nouvel article 15.4.2 du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d'avocat issu d'une décision du Conseil national des barreaux du 9 juillet 2020 publiée au Journal Officiel du 30 août 2020, ce afin de pouvoir cumuler cette activité avec un exercice individuel au barreau de Paris.


A la suite du refus de la commission d'exercice du barreau de Paris le 18 février 2021 au motif que son inscription auprès du barreau des Hauts-de-Seine lui reconnaît le double statut d'avocat collaborateur salarié et d'avocat individuel, que selon l'article 15.4.1 alinéa 3 du RIN 'la pluralité d'exercice ne déroge pas au principe énoncé à l'article 15.2 du présent règlement selon lequel l'avocat est inscrit au tableau de l'Ordre du seul barreau du lieu de son cabinet principal', et que sa demande aboutirait à un cumul d'exercices individuels prohibé par les textes, il a saisi le conseil de l'ordre du barreau de Paris le 16 mars 2021.

Par arrêté du 7 juin 2021, le conseil de l'ordre du barreau de Paris, jugeant illégale la demande d'ouverture d'établissement d'exercice, a rejeté la demande 'd'inscription' dI

M. [I].


M. [I] a formé un recours contre cette décision par déclaration au greffe du 30 juin 2021.


L'affaire audiencée le 10 février 2022 a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 10 novembre 2022.


L'audience du 10 novembre 2022 s'est tenue publiquement conformément à la demande dI M. [I].


Dans ses écritures communiquées en temps utile, déposées et développées oralement à l'audience, M. [S] [I] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

y faisant droit,

- annuler l'arrêté en toutes ses dispositions et en particulier en ce qu'il rejette sa demande tendant à pluri-exercer sa profession d'avocat notamment par l'ouverture d'un établissement d'exercice au sein du barreau de Paris,

statuant à nouveau,

- dire que l'exercice de la profession d'avocat en qualité d'avocat collaborateur salarié travaillant pour autrui à temps plein peut être cumulé avec l'un des modes d'exercice prévus à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dans sa rédaction résultant du IV de l'article 63 de la loi du 6 août 2015🏛, à savoir :

- soit à titre individuel,

- soit au sein d'une association dont la responsabilité des membres peut être, dans les conditions définies par décret, limitée aux membres de l'association ayant accompli l'acte professionnel en cause,

- soit au sein d'entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant,

- soit en qualité de membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique,

- dire que le choix de pluri-exercer la profession d'avocat est une liberté personnelle laissée à la seule discrétion de l'avocat, peu importe que celui-ci exerce à titre principal sa profession en qualité d'avocat salarié à temps plein ou pas. En conséquence, l'avocat exerçant sa profession d'avocat en qualité d'avocat collaborateur salarié demeure parfaitement libre :

- de mono-exercer exclusivement,

- ou de pluri-exercer au sein du même barreau d'appartenance que celui de son employeur ou dans deux barreaux distincts,

- dire que nul ne peut s'opposer à la volonté d'un avocat collaborateur salarié de pluri-exercer ou (de lui) d' exiger à ce qu'il renonce à la possibilité de pluri-exercer sa profession d'avocat, sauf disposition contractuelle contraire convenue entre l'avocat collaborateur salarié et son employeur,

- dire que la possibilité de pluri-exercer la profession d'avocat ne fait nullement obstacle aux règles de territorialité de la postulation, lesquelles demeurent parfaitement applicables dans les conditions fixées par le règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN),

- dire que la possibilité de pluri-exercer la profession d'avocat ne remet pas en cause les principes essentiels et les règles de la profession et notamment celles du secret professionnel et de la prévention des conflits d'intérêts,

en conséquence,

- dire que son contrat de travail ne comporte aucune clause d'exclusivité tendant à imposer l'exercice de sa profession d'avocat en sa seule qualité d'avocat collaborateur salarié,

- dire qu'en vertu du principe de pluri-exercice de la profession d'avocat, il est, en sa qualité d'avocat collaborateur salarié, autorisé de plein droit à cumuler l'exercice de sa profession d'avocat avec :

- soit un exercice individuel, auquel cas un établissement d'exercice doit être ouvert auprès du barreau sollicité dans les conditions prévues par l'article 15 du RIN relatif à la pluralité d'exercice,

- soit un exercice de la profession d'avocat en qualité d'associé au sein d'une structure juridique visée à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction résultant du IV de l'article 63 de la loi du 6 août 2015🏛 et dont le siège peut être en dehors du barreau d'inscription de l'avocat collaborateur salarié,

- dire qu'en application du principe d'unicité d'inscription de l'avocat à un barreau, il demeure inscrit au seul barreau de son employeur, à savoir dans les Hauts-de-Seine, nonobstant qu'il s'agisse d'une pluralité d'exercice de la profession d'avocat dans plusieurs barreaux. Toutefois, en cas de création d'une structure, celle-ci devra êre inscrite dans la section des personnes morales du tableau.


Dans leurs écritures communiquées en temps utile, déposées et développées oralement à l'audience, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris et la bâtonnière demandent à la cour de confirmer l'arrêté.


Dans ses écritures préalablement communiquées en temps utile, déposées et développées oralement à l'audience, le ministère public est d'avis que l'arrêté doit être confirmé.


M. [I] a eu la parole en dernier.



SUR CE


Dans sa décision, le conseil de l'ordre retient que :

- l'article 14.1 nouveau du RIN autorise l'avocat collaborateur salarié à avoir une clientèle personnelle en dehors de l'exécution de son contrat de travail et pose comme principe la possibilité de cumuler une collaboration salariée, y compris à temps plein, avec une activité libérale,

- le Conseil national des barreaux, dans son guide pratique 'Pluralité d'exercice' (page 20) précise que 'toutefois en pratique, et en cas de temps plein salarié, la faisabilité pratique de ce cumul sera très restreinte (')',

- autoriser le cumul d'une collaboration salariée avec un exercice distinct en société d'exercice libéral supposerait des garanties quant au respect des dispositions du droit du travail, que le collaborateur salarié n'enfreigne pas son engagement d'exclusivité et d'apporter la preuve d'un accord de son employeur, lesquelles conditions ne sont pas remplies par M. [I],

- le contrat de collaboration de ce dernier est une modalité de l'exercice individuel,

- le cumul d'un exercice libéral individuel à Paris avec une collaboration salariée dans les Hauts-de Seine, n'est pas prévu par les textes, dès lors que seul est autorisé le cumul d'un exercice individuel avec un exercice en société, le cas échéant en Selarlu, mais pas deux activités individuelles,

- l'unicité d'exercice reste le principe et la pluralité d'exercice n'est possible qu'en société d'exercice libéral au titre des dispositions règlementaires applicables aux sociétés d'exercice libéral,

- même en ce cas, le projet de M. [I] se heurterait à la disposition légale au titre de la multi- postulation possible en région parisienne interdisant à un avocat d'exercer à la fois à Paris et dans les Hauts-de-Seine.


M. [I] fait valoir que :

- le principe de pluralité d'exercice de la profession d'avocat a été consacré par la loi n°2015-990 du 6 août 2015🏛
pour la croissance l'activité et l'égalité des chances économiques ( loi Croissance), mais également par plusieurs décrets d'application de celle-ci (décret n°2016-878 du 29 juin 2016, dont le Conseil d'Etat a confirmé la légalité dans une décision du 5 juillet 2017, n°403012⚖️), en sorte que l'avocat peut désormais cumuler plusieurs modes d'exercice professionnel dans son barreau d'inscription ou dans un autre barreau,

- le conseil de l'ordre a assimilé à tort l'exercice en qualité d'avocat collaborateur salarié à l'exercice individuel alors que l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 et la jurisprudence opèrent une distinction entre ces modes d'exercice,

- l'inscription à un barreau et/ou la possibilité théorique d'avoir une clientèle, prévue à l'article 14.1 alinéa 3 du RIN, sont insuffisants à établir que l'exercice d'un avocat salarié serait l'extension d'un exercice individuel et se confondrait avec celui-ci,

- en sa qualité d'avocat collaborateur salarié il peut donc opter pour un exercice à titre individuel dans le cadre du pluri-exercice qu'il souhaite mettre en place en application de l'article 15.4.2 du RIN,

- l'article 1 du décret n° 2016-878 du 29 juin 2016 relatif à l'exercice de la profession d'avocat sous forme de société d'exercice libéral et aux sociétés de participations financières de profession libérale d'avocat ayant abrogé l'article 20 du décret du 25 mars 1993 qui faisait interdiction à un associé d'une SEL de cumuler son exercice avec un exercice individuel, en qualité d'associé d'une autre structure ou encore en qualité d'avocat salarié, permet à un avocat collaborateur salarié d'être associé d'une structure d'avocats (telle une SEL) ou exercer à titre individuel, sauf à le discriminer,

- les avis, le guide pratique de pluralité d'exercice du Conseil national des barreaux prévoient la possibilité pour un avocat collaborateur salarié à temps plein de cumuler son activité avec une activité libérale individuelle ou au travers d'une structure d'exercice,

- ces éléments et les nouvelles dispositions de l'article 15.4 du RIN relatives à la pluralité d'exercice l'autorisent, en sa qualité d'avocat collaborateur salarié, à pluri-exercer dans un autre barreau à titre individuel ou en tant qu'associé d'une autre structure distincte de celle de son employeur,

- l'arrêté méconnait les dispositions légales et règlementaires relatives à la profession d'avocat et à la liberté fondamentale de l'avocat de choisir le lieu de son installation par lequel il entend développer sa clientèle personnelle, notamment par l'ouverture d'un établissement d'exercice ou encore en devenant associé d'une structure ou association d'avocats,

- l'ouverture d'un établissement d'exercice par un avocat salarié n'est pas contraire aux intérêts de l'avocat employeur dès lors que l'activité salariée et l'activité individuelle obéissent à des régimes juridiques et sociaux distincts,

- le pluri-exercice dont il souhaite l'application ne constitue pas une atteinte aux règles de la multipostulation en région parisienne.


Le conseil de l'ordre et la bâtonnière répliquent que :

- avant la loi dite Macron et l'introduction du pluri-exercice, un avocat collaborateur libéral pouvait déjà développer sa clientèle personnelle à titre individuel car la collaboration libérale était considérée comme une forme d'exercice personnelle, mais le collaborateur salarié n'avait pas cette possibilité,

- la loi dite Macron et l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 juillet 2017 ne contredisent pas ce principe puisqu'ils reconnaissent seulement la possibilité pour un associé d'exercer dans d'autres sociétés (loi dite Macron) ou selon les autres modes d'exercice visés à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 (arrêt du Conseil d'Etat),

- les règles applicables au contrat de collaboration, en particulier l'article 7 alinéa 4 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971🏛 faisant interdiction à l'avocat collaborateur salarié d'avoir une clientèle personnelle, n'ont fait l'objet d'aucune modification et doivent donc être conciliées avec le nouveau principe de pluri-exercice aux contours flous,

- les dispositions de l'article 7 alinéa 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛, mais également de l'article 14-3 du RIN interdisant à l'avocat collaborateur salarié d'avoir une clientèle personnelle, ainsi que les termes du contrat d'avocat salarié de M. [I], exerçant à temps plein, prohibent toute possibilité de multi-exercice,

- l'application de l'article 14.1 du RIN, prévoyant que le collaborateur salarié peut avoir une clientèle personnelle en dehors de l'exécution de son contrat de travail, doit être écartée au profit de l'article 7 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971🏛 non modifié, eu égard à la hiérarchie des normes,

- les dispositions de l'article 15.4 du RIN introduisant le pluri-exercice ne prévoient le cumul d'exercice d'avocat qu'en qualité d'associé et individuel, ce qui est cohérent avec le fait déjà reconnu avant la loi dite Macron que le statut individuel comprend l'exercice en collaboration,

- les affirmations du guide du Conseil national du barreau sur lequel s'appuie M. [I] n'ont aucun caractère normatif et ne représentent qu'un point de vue doctrinal d'une partie de la profession,

- l'exercice individuel en dehors du barreau d'inscription ne peut d'autant plus être admise que :

- la reconnaissance du pluri-exercice n'a pas pour autant autorisé l'inscription auprès de plusieurs barreaux, l'article 15.4.6 du RIN prévoyant que l'avocat est inscrit à un seul barreau, et il est difficilement envisageable qu'un avocat exerçant à titre individuel et donc à titre personnel ne relève pas de l'autorité du bâtonnier du barreau dans lequel il exerce,

- un avocat établi dans un barreau à titre individuel sans y être inscrit ne disposera pas d'un plein exercice puisqu'il ne pourra pas y postuler, ni davantage dans son barreau d'inscription en raison de l'impossibilité de cumuler deux exercices individuels, laquelle situation serait une source importante de confusion pour les justiciables,

- l'application des régles dérogatoires de la multipostulation permettant à M. [I] de postuler dans le ressort de Paris serait contraire au principe d'interdiction de s'établir sous forme de bureau secondaire dans les autres barreaux de la couronne parisienne résultant des dispositions impératives de l'article 8-2 de la loin° 71-1130 du 31 décembre 1971,

- un avocat inscrit en qualité de collaborateur dans un barreau (avec son numéro SIREN indépendant) et établi dans un autre barreau à titre individuel (toujours avec le même numéro SIREN qu'il ne pourra pas utiliser pour la clé RPVA) s'expose à des complications administratives supplémentaires si son contrat de collaboration prend fin sans qu'il puisse justifier immédiatement d'un autre contrat de collaboration ou d'un exercice en qualité d'associé car l'exercice individuel qui jusqu'à présent était le mode d'exercice par défaut (avec trois mois de domiciliation chez l'ancien 'employeur') ne pourra plus s'appliquer ; il devra alors demander son transfert dans le barreau d'exercice individuel sous peine de risquer une omission pour défaut de conditions d'exercice,

- dès lors, il est évident que les contrats de collaboration ne doivent pas donner lieu à ouverture d'un établissement d'exercice distinct de l'exercice individuel qui doit nécessairement être rattaché au barreau d'inscription,

- l'exercice individuel de M. [I], que ce soit sous forme indépendante ou sous forme de collaboration, relève donc nécessairement de son barreau d'inscription, le barreau des Hauts-de-Seine. Il pourrait toutefois exercer en structure au barreau de Paris à condition de respecter les conditions de l'article P 31 du RIBP imposant la présence d'un associé au moins inscrit à Paris.

Le ministère public rappelle que :

- dans son arrêt du 5 juillet 2017, le Conseil d'Etat a considéré que ' si les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 énumèrent, de manière limitative, les formes selon lesquelles un avocat peut exercer sa profession, ni ces dispositions, ni celles de la loi du 31 décembre 1991🏛 n'interdisent à un associé d'une société d'exercice libéral d'exercer sa profession d'avocat sous plusieurs formes énumérées à l'article 7",

- la pluralité d'exercice prévue à l'article 15-4-1 du RIN ' ne déroge pas au principe énoncé à l'article 15.2 du présent règlement selon lequel l'avocat est inscrit au tableau de l'Ordre du seul barreau du lieu de son cabinet principal',

- l'article 15.2 précise que 'l'avocat est inscrit au tableau du barreau dans le ressort duquel il a déclaré établir son cabinet principal',

- la pluralité d'exercice sur deux barreaux différents n'est pas compatible avec le principe de l'unicité du domicile professionnel posé par la loi et le décret,

- la Cour de cassation (arrêts Civ. 1re, 21 mars 1995, n°23-16.634 ; Civ. 3ème, 7 novembre 2001, n°99-12.383⚖️) retient que l'avocat collaborateur salarié ne peut être inscrit à un barreau différent de celui de l'employeur pour le compte duquel il agit, sauf en présence de groupements, sociétés ou associations d'avocats appartenant à plusieurs barreaux.


Il en déduit, au regard de l'ensemble de ces éléments et en application des dispositions de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1971🏛 et de l'article 165 du décret du 27 novembre 1991, qu'un avocat exerçant à titre individuel en qualité de collaborateur salarié au sein d'un barreau ne saurait être inscrit à un autre barreau pour l'exercice à titre individuel d'une activité libérale.


M. [I], avocat collaborateur salarié à temps plein au sein d'un cabinet d'avocat, inscrit au barreau des Hauts-de-Seine, souhaite cumuler cette activité avec un exercice à titre individuel par la création d'un établissement d'exercice à Paris en application du nouvel article 15-4-2 du RIN issu de la décision du conseil national des barreaux du 9 juillet 2020 publiée au Journal officiel du 30 août 2020, adopté pour une mise en conformité avec la pluralité d'exercice prévue par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015🏛 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dont la légalité a été confirmée par le Conseil d'Etat le 5 Juillet 2017 (n° 403012⚖️).


Il formule ainsi une demande d'être autorisé à ouvrir un établissement d'exercice à Paris, et non pas une demande d'inscription -qui a été rejetée selon le dispositif de l'arrêté-.


Il a précisé par courriel du 31 mars 2021 que 's'agissant de la structure/des modalités d'exercice, je ne souhaite pas créer de structure d'exercice à date. Je souhaite exercer de manière individuelle afin de développer ma clientèle personnelle'.


Sa demande avait donc pour seul objet d'obtenir une autorisation d'ouverture d'un établissement d'exercice afin d'y exercer à titre individuel son activité d'avocat et de développer sa clientèle personnelle. Il a précisé vouloir exercer seul en tant qu'avocat à son compte, à son domicile personnel où il pratique déjà le télé-travail.


La cour statuant en cause d'appel n'a à se prononcer que sur le bien fondé de cette demande et non pas sur la faculté d'ouvrir un établissement d'exercice au sein d'une structure juridique visée à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans sa rédaction résultant du IV de l'article 63 de la loi du 6 août 2015🏛 et dont le siège pourrait être au barreau de Paris.


Le choix de pluri-exercer la profession d'avocat ne constitue pas une liberté personnelle laissée à la seule discrétion de l'avocat, mais doit être conforme aux dispositions légales applicables.


La question en débat est le champ d'application du pluri-exercice issu de la décision du Conseil national des barreaux du 9 juillet 2020 portant modification du règlement intérieur national (RIN) au regard des dispositions de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛, de la loi n°2015-990 du 6 août 2015🏛 pour la croissance l'activité et l'égalité des chances économiques ainsi que son décret d'application du 29 juin 2016.


Les dispositions relatives à la pluralité d'exercice introduites par décision du Conseil national des barreaux du 9 juillet 2020 et portant modification du RIN sont notamment les suivantes :

15.4 La pluralité d'exercice

15.4.1 Définition

'La pluralité d'exercice est la faculté pour l'avocat d'exercer son activité professionnelle en cumulant des modes d'exercice listés à l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 et ce, dans le ressort d'un même barreau ou de barreaux différents.

Cette possibilité est ouverte aux avocats exerçant à titre individuel, si cet exercice individuel se cumule avec un exercice en structure.

La pluralité d'exercice ne déroge pas au principe énoncé à l'article 15.2 du présent règlement selon lequel l'avocat est inscrit au tableau de l'Ordre du seul barreau du lieu de son cabinet principal.
La pluralité d'exercice ne résulte pas de l'ouverture d'un bureau secondaire ou de la création d'une structure inter-barreaux.
Tout établissement d'exercice doit être conforme aux usages et permettre l'exercice professionnel de l'avocat dans le respect des principes essentiels de la profession.
La pluralité d'exercice ne permet en aucune manière à l'avocat de déroger aux règles territoriales de la postulation'.


15.4.2 L'établissement d'exercice
'L'avocat peut disposer d'un ou plusieurs établissements d'exercice, distincts de son cabinet principal, lui permettant de cumuler des modes d'exercice listés à l'article 7 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971🏛.

L'établissement d'exercice doit répondre aux conditions générales du domicile professionnel et correspondre à un exercice effectif'.


15.4.3 Ouverture d'un établissement d'exercice
'L'ouverture d'un établissement d'exercice par l'avocat donne lieu à une demande d'autorisation ou à une déclaration selon le régime applicable au mode d'exercice choisi, et ce sans délai auprès du conseil de l'Ordre compétent.
L'avocat disposant d'un établissement d'exercice hors du ressort de son barreau doit en informer sans délai le conseil de l'Ordre du barreau auprès duquel il est inscrit.
L'avocat disposant d'un établissement d'exercice hors du ressort de son barreau demeure inscrit au seul tableau du barreau dans le ressort duquel il a fixé son cabinet principal'.


Le nouvel article 14.1 alinéa 4 du RIN dans sa rédaction issue de la décision du Conseil national des barreaux du 9 juillet 2020 énonce que 'Le collaborateur salarié ne peut avoir de clientèle personnelle, pendant l'exécution de son contrat de travail, à l'exception de celle des missions d'aide juridique pour lesquelles il est désigné par le bâtonnier. Il peut avoir une clientèle personnelle en dehors de l'exécution de son contrat de travail'.


L'article 14.3 dans sa nouvelle version précise que 'L'avocat collaborateur salarié ne peut constituer ni développer de clientèle personnelle pendant l'exécution de son contrat de travail ; dans le cadre de cette exécution, il doit se consacrer exclusivement au traitement des dossiers qui lui sont confiés, ainsi qu'aux missions d'aide juridictionnelle et de commissions d'office pour lesquelles il a été désigné'.


Selon l'article 7 de la loi n°-71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016🏛,

'L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l'association ayant accompli l'acte professionnel en cause, soit au sein d'entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats ou d'une société ayant pour objet l'exercice de la profession d'avocat. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique (...).

L'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle. Dans l'exercice des missions qui lui sont confiées, il bénéficie de l'indépendance que comporte son serment et n'est soumis à un lien de subordination à l'égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail (...°'.


Il résulte de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 que les modes d'exercice de la profession d'avocat sont variés : l'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit en qualité d'associé d'une structure d'exercice (association, société civile professionnelle, société d'exercice libéral ou société en participation), soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat, d'une association, d'une société d'avocats ou d'une société ayant pour objet l'exercice de la profession d'avocat. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique.


Cet article distingue donc expressément les exercices à titre individuel et en qualité d'avocat salarié en sorte que ces exercices ne sont pas en soi assimilables.


En revanche, cet article fait interdiction aux avocats salariés d'avoir une clientèle personnelle. Il n'a fait l'objet d'aucune modification législative, en particulier à l'issue de l'adoption de la loi n°2015-990 du 6 août 2015🏛 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques et du décret d'application n°2016-878 du 29 juin 2016 ayant supprimé le principe d'unité d'exercice en autorisant aux associés de Sel, de Scp ou d'associations d'avocats de cumuler plusieurs modes d'exercice prévus à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛, mais également à l'issue de l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 juillet 2017 ayant jugé que 'si les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 énumèrent, de façon limitative, les formes selon lesquelles un avocat peut exercer sa profession, ni ces dispositions, ni celles de la loi du 31 décembre 1990🏛 n'interdisent à un associé d'une société d'exercice libéral d'exercer la profession d'avocat sous plusieurs formes énumérées à l'article 7".


Il ne peut se déduire de la loi du 6 août 2015🏛
, de son décret d'application du 29 juin 2016 et de l'interprétation qu'en a faite le Conseil d'Etat, ayant trait à la possibilité de pluri-exercice offerte aux associés d'une structure, que cette possibilité s'étendrait nécessairement aux avocats salariés, alors que les premiers développent une clientèle personnelle et que les seconds sont astreints à l'interdiction d'en avoir une.


Cette interdiction, expressément prévue par l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 et liée au mode d'exercice en qualité d'avocat salarié, ne souffre d'aucune exception. Elle n'est pas contraire aux dispositions de droit européen relatives à la liberté d'établissement, et n'a pas pour effet de priver l'avocat ayant fait le choix d'exercer en qualité de salarié de son droit de propriété sur une clientèle.


En vertu du principe de la hiérarchie des normes, l'application de cet article issu d'une loi, faisant interdiction à un avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, prime sur celle de l'article 14.1 alinéa 3 nouveau du RIN issu d'une décision d'une Conseil national des barreaux, prévoyant que le collaborateur salarié peut avoir une clientèle personnelle en dehors de l'exécution de son contrat de travail.


Ni le guide pratique relatif à la pluralité d'exercice édité en novembre 2020 par le Conseil national des barreaux indiquant que 'le principe est donc la possibilité de cumuler une collaboration salariée y compris à temps plein avec une activité libérale', ni les avis déontologiques dudit Conseil, en particulier celui du n°2020-028 du 15 décembre 2020, ne sont de nature à écarter l'application de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971🏛 non modifié.


Au vu de ces éléments, la pluralité d'exercice permettant à l'avocat d'exercer son activité professionnelle en cumulant des modes d'exercice listés à l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛, n'est pas une faculté ouverte aux avocats salariés souhaitant cumuler ce mode d'exercice avec un exercice individuel, dès lors que l'interdiction de développer une clientèle personnelle à laquelle ils sont soumis n'a fait l'objet d'aucune modification législative.


M. [I] est donc mal fondé en sa demande d'autorisation d'ouverture d'un établissement d'exercice pour y exercer à titre individuel.


L'arrêté qui a rejeté la demande d'inscription et non pas d'autorisation d'ouverture d'un établissement d'exercice est infirmé et la cour déboute M. [I] de sa demande d'ouverture d'établissement d'exercice afin d'y exercer à titre individuel son activité d'avocat.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Infirme l'arrêté,


Statuant de nouveau,


Déboute M. [I] de sa demande d'ouverture d'établissement d'exercice pour y exercer à titre individuel,


Condamne M. [I] aux dépens.


LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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