CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 17953
M. xxxxx
Lecture du 10 Juillet 1981
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 7ème Sous-Section
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 21 mai 1979 présentée pour M. xxxxx demeurant xxxxx, et tendant: 1° à l'annulation d'un jugement en date du 28 mars 1979 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre de l'année 1971 dans les rôles de la commune de xxxxx; 2° à ce que le Conseil d'Etat lui accorde la décharge de l'imposition contestée;
Vu le code général des impôts;
Vu le code civil;
Vu l'ordonnance n° 67-834 du 28 septembre 1967 et le décret n° 67-78 du 27 janvier 1967;
Vu le code de commerce;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant qu'en vertu de l'article 160 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux cessions réalisées en 1967 ou en 1971, et sous réserve que soient remplies certaines conditions qui sont effectivement remplies dans la présente espèce, lorsqu'un actionnaire cède à un tiers pendant la durée de la société tout ou partie de ses droits sociaux, l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition de ces droits est taxé exclusivement à l'impôt sur le revenu des personnes physiques ou à l'impôt sur le revenu au taux de 8 %; que l'application de ces dispositions a été suspendue, en vertu de l'article 5 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 susvisée, pour les cessions de droits sociaux réalisées entre le 1er janvier 1968 et le 31 décembre 1970;
Considérant que, pour demander la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti, sur le fondement des dispositions de l'article 160 au titre de l'année, 1971, à raison de la plus-value, d'un montant non contesté de 245 000 F, réalisée à l'occasion de la cession à la société anonyme suisse "xxxxx" de 2 000 actions au porteur de la société anonyme "xxxxx", M. xxxxx, président directeur général de ladite société, soutient que la cession des actions est devenue parfaite au plus tard à la date à la date du 31 décembre 1970, que le transfert de propriété des titres s'est opéré avant cette date et qu'ainsi la plus-value, ayant été réalisée en 1970, n'était pas imposable; que l'administration soutient, au contraire, que la cession litigieuse est intervenue postérieurement au 31 décembre 1970 et que, dans ces conditions, c'est à bon droit qu'il a été fait application des dispositions de l'article 160 du code;
Considérant qu'une plus-value de cession de droits sociaux de la nature de celles, qui entrent dans le champ d'application de l'article 160 est imposable au titre de l'année au cours de laquelle la cession la été réalisée; que la date à laquelle la cession d'actions d'une société anonyme doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s'opère entre les parties le transfert de propriété des titres; qu'en l'absence de toute disposition législative spéciale définissant les actes ou opérations qui, au regard de la loi fiscale, doivent être réputés opérer le transfert de propriété de valeurs mobilières au porteur, il y a lieu de se référer, d'une part, aux disposi tions de l'article 1583 du code civil selon lesquelles la vente "est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de plein droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'a pas encore été livrée ni le prix payé" et, d'autre part, à l'article 265 du code des sociétés aux termes duquel "le titre au porteur est transmis par simple tradition";
Considérant que, par une lettre en date du 24 décembre 1970 adressée au notaire de M. xxxxx et à laquelle était joint un chèque de 80 000 dollars des Etats Unis daté du 29 décembre 1970, la société "xxxxx" confirmait son achat des 2 000 titres au porteur et précisait: "Il est entendu que selon notre engagement, nous devenons, dès réception de la présente par vous, propriétaire à pleins droits des 2 000 actions n° 83 001 à 85 000 de la société anonyme "xxxxx que vous avez en dépôt. Après l'expiration du délai de deux mois pendant lequel le Ministère de l'Economie et des Finances peut faire opposition à la vente de ces actions, nous vous remettons nos instructions en ce qui concerne ces 2 000 titres"; que, par lettre en date du 31 décembre 1970 dont l'authenticité a été confirmée par le notaire, ce dernier a accusé réception de la lettre du 24 décembre précédemment analysée et du chèque qui y était joint; que, par une attestation établie le 22 janvier 1976, la Banque Nationale de Paris a certifié que son agence de xxxxx était bien en possession du chèque de 80 000 dollars à la date du 31 décembre 1970 et que "ce chèque n'a cependant pu être traité sur le marché des changes que le 4 janvier 1971, par suite de la fermeture dudit marché et des fêtes de fin d'année"; que, dans ces conditions, le transfert de propriété des titres au porteur a bien été réalisé avant le 1er janvier 1971, alors même qu'il n'aurait pas été procédé à la remise matérielle desdits titres à la société cessionnaire;
Considérant que l'administration n'apporte aucun élément permettant de suspecter l'authenticité des pièces susanalysées; que, si elle se prévaut de la circonstance que le requérant aurait, en application de l'article 4 du décret du 27 janvier 1967 susvisé, qui fixe les modalités selon lesquelles doivent être déclarés les investissements directs effectués en France par les sociétés étrangères, fait part au ministère de l'Economie et des Finances, par une lettre en date du 31 décembre 1970, de sa seule intention d'effectuer alors la cession de titres litigieuse, ou ne peut déduire ni des énonciations de ladite lettre, ni des prescriptions mêmes du décret du 27 janvier 1967, qui n'a d'autre objet et d'autre effet que d'instituer une clause résolutoire applicable, le cas échéant, aux cessions déjà réalisées, que les titres dont s'agit n'avaient pas été ainsi qu'il a été établi ci-dessus, transférés à ladite date;
Considérant, enfin, que la cession des titres au porteur n'est soumise à aucune formalité de publicité, à peine d'inopposabilité; que l'administration n'est donc pas fondée à soutenir que la cession litigieuse trouverait son origine dans la conclusion, avant le 31 décembre 1970, d'une convention occulte, à elle inopposable, et dont l'existence ne serait devenue apparente que postérieurement à cette date;
Considérant que de l'ensemble de ce qui précède il résulte que M. xxxxx est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
DECIDE
Article 1er - Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 28 mars 1979 est annulé.
Article 2 - M. xxxxx est déchargé de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre de l'année 1971 dans les rôles de la commune de.