CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 janvier 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 39 FS-B
Pourvoi n° K 22-10.700
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2023
1°/ M. [U] [A],
2°/ Mme [P] [B], épouse [A],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° K 22-10.700 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre civile), dans le litige les opposant à Mme [S] [N], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. et Mme [A], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [N], après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé,
conseiller doyen, Mme Aa, MM. Ab, Ac, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, Gallet, Davoine, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 octobre 2021), rendu sur renvoi après cassation (
3e Civ.,10 septembre 2020, pourvoi n° 19-11.590⚖️), M. et Mme [A], se prévalant d'une servitude conventionnelle de passage, ont assigné Mme [N], propriétaire du fonds servant, en rétablissement de la servitude qui, selon eux, avait été unilatéralement modifiée, sans leur autorisation.
2. En exécution du jugement l'y condamnant, Mme [N] a procédé à la remise en état de l'assiette primitive de la servitude.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et cinquième branches, ci-après annexé
3. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [A] font grief à l'arrêt de modifier l'assiette de la servitude de passage, alors :
« 2°/ que le propriétaire d'un fonds servant qui, en méconnaissance de l'
article 701, alinéa 3 du code civil🏛, a unilatéralement et sans l'accord préalable du propriétaire du fonds dominant et sans l'autorisation préalable d'un juge, déplacé l'assiette d'une servitude de passage conventionnelle et a en conséquence été condamné par décision de justice exécutoire à la remise en état de l'assiette de la servitude de passage primitive, ne saurait se prévaloir de cette remise en état et de l'exécution de la décision exécutoire par provision pour solliciter à nouveau au visa des mêmes dispositions, dans la même procédure mais devant le juge d'appel, la possibilité d'opérer à nouveau ce déplacement de la servitude de passage ; qu'en déclarant que Mme [N] ayant exécuté le jugement de première instance l'ayant condamnée à la remise en état de l'assiette de la servitude de passage primitive après qu'elle a modifié unilatéralement sans l'accord des époux [A] et sans autorisation préalable du juge cette assiette, pouvait solliciter du juge d'appel le déplacement de l'assiette de la servitude et que le moyen fondé sur la modification unilatérale et sans accord du fonds servant ou autorisation préalable du juge était inopérant en l'état de la remise en état intervenue, la modification illégale de l'assiette n'interdisant pas définitivement aux propriétaires du fonds servant d'invoquer l'
article 701 alinéa 3 du code civil🏛 si les propriétaires du fonds dominant peuvent à nouveau utiliser le passage d'origine, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
3°/ que si le propriétaire du fonds servant peut proposer au propriétaire du fonds dominant le déplacement de l'assiette de la servitude de passage que celui-ci ne peut refuser, c'est à la double condition que l'assignation primitive de la servitude soit devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti et qu'il puisse offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, le caractère plus onéreux de la servitude supposant une nécessité de modifier l'assiette primitive de la servitude pour répondre à l'utilité réelle du fonds servant et le changement demandé devant répondre à cette utilité réelle et non à la seule commodité personnelle de son propriétaire ; qu'en retenant qu'était établi le caractère plus contraignant de la servitude de passage causé par la modification de la destination du fonds dominant, en ce que les passages des véhicules et des piétons locataires de la maison, qui avaient lieu entre le printemps et la fin de l'été, s'étaient intensifiés et avaient majoré les inconvénients de l'assiette actuelle de la servitude et l'avait rendue plus onéreuse, sans relever de restriction quant à la destination, l'usage ou les modalités d'exercice de l'utilisation du chemin de passage d'origine ni expliquer en quoi cet usage plus intensif compromettait l'utilité réelle du fonds de Mme [N], la cour d'appel, qui a exclusivement relevé « les désagréments causés par la fréquentation accrue du passage », le fait que les locataires saisonniers sollicitaient souvent Mme [Ad] à leur arrivée pour trouver la maison louée et que les « nuisances » évoquées par Mme [N] étaient « certaines », a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 701, alinéa 3 du code civil🏛 ;
4°/ que si le propriétaire du fonds servant peut proposer au propriétaire du fonds dominant le déplacement de l'assiette de la servitude de passage que celui-ci ne peut refuser, c'est à la double condition que l'assignation primitive de la servitude soit devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti et qu'il puisse offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits ; que pour considérer que l'assiette du passage proposée par Mme [N] était aussi commode que l'assiette primitive, la cour d'appel a retenu malgré « deux passages à angle droit » dans le nouveau tracé de la servitude, un conducteur normalement attentif pouvait « sans problème » utiliser le nouveau passage, que la largeur du passage était suffisante pour le passage de véhicules légers et que les véhicules plus longs, comme un fourgon, ne pouvaient en tout état de cause pas emprunter le passage initial, que le portail d'entrée initial d'une largeur de 3,39 mètres limitait déjà le gabarit des véhicules pouvant emprunter le passage, le nouveau portail en bois d'une largeur supérieure de 3,75 mètres étant à cet égard plus commode, et que la nouvelle pente à 15 % du nouveau tracé de la servitude était sans incidence sur le caractère commode ou non du nouveau passage sur lequel on ne pouvait stationner ; qu'en statuant ainsi après avoir constaté que Mme [N] reconnaissait elle-même que les engins de travaux publics pouvaient emprunter le passage initial et sans rechercher si le fait que le nouveau passage revendiqué par Mme [N] cumule tout à la fois une pente de 15 % et une configuration étroite et accidentée ne rendait pas nécessairement l'accès des époux [Ae] à leur maison plus incommode, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 701, alinéa 3 du code civil🏛. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a, d'abord, énoncé à bon droit, que la modification, sans accord des propriétaires du fonds dominant et sans autorisation judiciaire, de l'assiette d'une servitude de passage n'interdisait pas aux propriétaires du fonds servant d'invoquer les dispositions de l'
article 701, alinéa 3, du code civil🏛, dès lors que l'assiette d'origine du passage avait été rétablie.
6. Procédant à la recherche prétendument omise, par une comparaison des tracés des deux passages discutés pour en dégager les avantages et contraintes respectifs, elle en a, ensuite, souverainement déduit qu'ils présentaient une commodité équivalente pour les propriétaires du fonds dominant.
7. Enfin, ayant souverainement retenu, qu'en raison du changement de destination du fonds dominant, la servitude était devenue plus onéreuse pour Mme [N], du fait de la proximité du chemin avec son habitation, de l'augmentation des passages et des sollicitations fréquentes dont elle était l'objet, faisant ainsi ressortir l'existence d'une gêne substantielle liée à l'assiette primitive de la servitude, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. M. et Mme [A] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages et intérêts, alors « que pour rejeter cette demande en réparation de leur préjudice de jouissance, la cour d'appel a retenu que, si le tribunal y avait fait droit au regard de leurs difficultés pour emprunter le nouveau passage, il résultait des constatations de l'arrêt que le nouveau passage était aussi commode que l'ancien, de sorte que les époux [A] ne subissaient pas de préjudice de jouissance pour avoir été contraints de l'emprunter ; qu'il résulte cependant des critiques du premier moyen de cassation que Mme [N] ne pouvait plus, a posteriori, demander judiciairement le déplacement de l'assiette de la servitude de passage auquel elle avait préalablement procédé unilatéralement sans l'autorisation des époux [A], et que ce nouveau passage n'était en toute hypothèse pas aussi commode que l'ancien ; que par voie de conséquence et par application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation à intervenir du chef de ces critiques devra entraîner la cassation de l'arrêt en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts. »
Réponse de la cour
9. Le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [A] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. et Mme [A] et les condamne, in solidum, à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Le Prado-Gilbert, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [A]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les époux [A] reprochent à l'arrêt infirmatif attaqué,
D'AVOIR infirmé le jugement entrepris ayant ordonné à Mme [Ad] de remettre en état l'accès à leur propriété tel qu'il résulte de l'acte de vente du 10 avril 1995 et ordonné à Mme [Ad] de leur remettre une clé des deux grilles du portail ouvrant et fermant l'accès au passage, D'AVOIR fixé l'assiette de la servitude de passage bénéficiant aux parcelles situées lieu-dit l'[Localité 13], à [Localité 17] (35), cadastrées section AH n° [Cadastre 5], [Cadastre 9], [Cadastre 7], [Cadastre 12], [Cadastre 1], [Cadastre 4] et à la parcelle située lieu-dit Vinouze, cadastrée section AH n° [Cadastre 6], sur les parcelles situées lieu-dit l'[Localité 13], cadastrées section AH n° [Cadastre 8], [Cadastre 10] et [Cadastre 11], selon le tracé défini dans le plan établi par M. [F] [T] [Y], géomètre-expert, daté du 4 mai 2009 et annexé à la décision, et D'AVOIR ordonné la publication au fichier immobilier, aux frais de Mme [N], des dispositions de l'arrêt qui modifient l'assiette de la servitude de passage, à la suite des titres suivants : *acte de vente [H]/[N], daté du 26 mars 1982, au rapport de Maître [C], notaire à [Localité 14], publié au bureau des hypothèques de [Localité 15] le 26 mars 1982 (volume 5569), *acte de vente [H]/[B] épouse [A] reçu par Maître [C], notaire à [Localité 14], le 23 février 1977, publié au bureau des hypothèques de [Localité 15] le 25 mars 1977 (volume 4336 n° 17), *acte de vente [R]/[B] épouse [A], reçu par Maître [J] le 24 janvier 1986, publié le 11 février 1988 (volume 6407 n°6), *acte de vente Çhéenne épouse [A]/[N] en date du 10 avril 1995, au rapport de Maître [X], notaire à [Localité 16] (35), publié le 25 avril 1995 (volume 1995P n°2341), DE LES AVOIR déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;
1°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que si Mme [N] indiquait avoir exécuté le jugement entrepris après le 31 mars 2021, elle ne s'en prévalait pas comme une circonstance lui permettant désormais d'invoquer les dispositions de l'
article 701, alinéa 3 du code civil🏛 en dépit du fait qu'elle avait modifié à son avantage l'état des lieux de la servitude sans l'accord des époux [A] et sans y avoir été préalablement autorisée par un juge, se bornant à soutenir, contre la doctrine de la Cour de cassation exprimée dans l'arrêt d'annulation du 10 septembre 2020, que l'obligation de saisine préalable du juge aux fins de déplacement de l'assiette de la servitude ajoutait une exigence aux dispositions de l'
article 701, alinéa 3 du code civil🏛 (conclusions d'appel de Mme [N], p. 13) ; qu'en déclarant d'office et sans susciter les observations préalables des époux [A], que du fait l'exécution par Mme [N] du jugement entrepris, le moyen tiré de la modification unilatérale et sans leur accord de l'assiette de la servitude de passage était inopérant, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'
article 16 du code de procédure civile🏛 ;
2°) ALORS en toute hypothèse QUE le propriétaire d'un fonds servant qui, en méconnaissance de l'
article 701, alinéa 3 du code civil🏛, a unilatéralement et sans l'accord préalable du propriétaire du fonds dominant et sans l'autorisation préalable d'un juge, déplacé l'assiette d'une servitude de passage conventionnelle et a en conséquence été condamné par décision de justice exécutoire à la remise en état de l'assiette de la servitude de passage primitive, ne saurait se prévaloir de cette remise en état et de l'exécution de la décision exécutoire par provision pour solliciter à nouveau au visa des mêmes dispositions, dans la même procédure mais devant le juge d'appel, la possibilité d'opérer à nouveau ce déplacement de la servitude de passage ; qu'en déclarant que Mme [N] ayant exécuté le jugement de première instance l'ayant condamnée à la remise en état de l'assiette de la servitude de passage primitive après qu'elle ait modifié unilatéralement sans l'accord des époux [A] et sans autorisation préalable du juge cette assiette, pouvait solliciter du juge d'appel le déplacement de l'assiette de la servitude et que le moyen fondé sur la modification unilatérale et sans accord du fonds servant ou autorisation préalable du juge était inopérant en l'état de la remise en état intervenue, la modification illégale de l'assiette n'interdisant pas définitivement aux propriétaires du fonds servant d'invoquer l'
article 701 alinéa 3 du code civil🏛 si les propriétaires du fonds dominant peuvent à nouveau utiliser le passage d'origine, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
3°) ALORS subsidiairement QUE si le propriétaire du fonds servant peut proposer au propriétaire du fonds dominant le déplacement de l'assiette de la servitude de passage que celui-ci ne peut refuser, c'est à la double condition que l'assignation primitive de la servitude soit devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti et qu'il puisse offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, le caractère plus onéreux de la servitude supposant une nécessité de modifier l'assiette primitive de la servitude pour répondre à l'utilité réelle du fonds servant et le changement demandé devant répondre à cette utilité réelle et non à la seule commodité personnelle de son propriétaire ; qu'en retenant qu'était établi le caractère plus contraignant de la servitude de passage causé par la modification de la destination du fonds dominant, en ce que les passages des véhicules et des piétons locataires de la maison, qui avaient lieu entre le printemps et la fin de l'été, s'étaient intensifiés et avaient majoré les inconvénients de l'assiette actuelle de la servitude et l'avait rendue plus onéreuse, sans relever de restriction quant à la destination, l'usage ou les modalités d'exercice de l'utilisation du chemin de passage d'origine ni expliquer en quoi cet usage plus intensif compromettait l'utilité réelle du fonds de Mme [N], la cour d'appel, qui a exclusivement relevé « les désagréments causés par la fréquentation accrue du passage », le fait que les locataires saisonniers sollicitaient souvent Mme [Ad] à leur arrivée pour trouver la maison louée et que les « nuisances » évoquées par Mme [N] étaient « certaines », a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 701, alinéa 3 du code civil🏛 ;
4°) ALORS en toute hypothèse QUE si le propriétaire du fonds servant peut proposer au propriétaire du fonds dominant le déplacement de l'assiette de la servitude de passage que celui-ci ne peut refuser, c'est à la double condition que l'assignation primitive de la servitude soit devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti et qu'il puisse offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits ; que pour considérer que l'assiette du passage proposée par Mme [N] était aussi commode que l'assiette primitive, la cour d'appel a retenu malgré « deux passages à angle droit » dans le nouveau tracé de la servitude, un conducteur normalement attentif pouvait « sans problème » utiliser le nouveau passage, que la largeur du passage était suffisante pour le passage de véhicules légers et que les véhicules plus longs, comme un fourgon, ne pouvaient en tout état de cause pas emprunter le passage initial, que le portail d'entrée initial d'une largeur de 3,39 mètres limitait déjà le gabarit des véhicules pouvant emprunter le passage, le nouveau portail en bois d'une largeur supérieure de 3,75 mètres étant à cet égard plus commode, et que la nouvelle pente à 15 % du nouveau tracé de la servitude était sans incidence sur le caractère commode ou non du nouveau passage sur lequel on ne pouvait stationner ; qu'en statuant ainsi après avoir constaté que Mme [N] reconnaissait elle-même que les engins de travaux publics pouvaient emprunter le passage initial (arrêt p.9, §2) et sans rechercher si le fait que le nouveau passage revendiqué par Mme [N] cumule tout à la fois une pente de 15 % et une configuration étroite et accidentée ne rendait pas nécessairement l'accès des époux [Ae] à leur maison plus incommode, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 701, alinéa 3 du code civil🏛 ;
5°) ALORS enfin QUE la cour d'appel qui infirme un jugement doit réfuter les motifs des premiers juges par des motifs propres, en eux-mêmes ou explicitement, contraires à ceux du jugement ; qu'en retenant que l'assiette du passage proposée par Mme [N] était aussi commode que l'assiette primitive, du fait que, malgré « deux passages à angle droit » dans le nouveau tracé de la servitude, un conducteur normalement attentif pouvait « sans problème » utiliser le nouveau passage, que la largeur du passage était suffisante pour le passage de véhicules légers et que les véhicules plus longs, comme un fourgon, ne pouvaient en tout état de cause pas emprunter le passage initial, que le portail d'entrée initial d'une largeur de 3,39 mètres limitait déjà le gabarit des véhicules pouvant emprunter le passage, le nouveau portail en bois d'une largeur supérieure de 3,75 mètres étant à cet égard plus commode, et que la nouvelle pente à 15 % du nouveau tracé de la servitude était sans incidence sur le caractère commode ou non du nouveau passage sur lequel on ne pouvait stationner ; sans s'expliquer, sur le fait, retenu par les premiers juges, d'une part, que l'expert géomètre des époux [A] avait constaté qu'avec le nouveau tracé, l'accès restait possible mais dans des conditions tout à fait anormales, au prix d'acrobaties et manoeuvres nombreuses et au risque de frictionner sa voiture sur un pilier et d'autre part, que l'acte de vente prévoyant le droit de passage stipulait qu'il s'exercerait sur une largeur de quatre mètres, cependant que le nouveau passage mesurait, à plusieurs endroits, 2,88m, 3,38m, 3,82m et 3,75m, ce que ne contestait pas Mme [N], la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Les époux [A] reprochent à l'arrêt infirmatif attaqué,
DE LES AVOIR déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;
ALORS QUE pour rejeter la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance des époux [A], la cour d'appel a retenu que, si le tribunal y avait fait droit au regard de leurs difficultés pour emprunter le nouveau passage, il résultait des constatations de l'arrêt que le nouveau passage était aussi commode que l'ancien, de sorte que les époux [A] ne subissaient pas de préjudice de jouissance pour avoir été contraints de l'emprunter ; qu'il résulte cependant des critiques du premier moyen de cassation que Mme [N] ne pouvait plus, a posteriori, demander judiciairement le déplacement de l'assiette de la servitude de passage auquel elle avait préalablement procédé unilatéralement sans l'autorisation des époux [A], et que ce nouveau passage n'était en toute hypothèse pas aussi commode que l'ancien ; que par voie de conséquence et par application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation à intervenir du chef de ces critiques devra entraîner la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté les époux [A] de leur demande de dommages et intérêts.