Jurisprudence : CA Grenoble, 12-01-2023, n° 21/04157, Infirmation


N° RG 21/04157 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LB4U


C4


Minute N°


Copie exécutoire

délivrée le :


la SELAS AGIS


la SELARL SELARL DAVID-COLLET CARTIER-MILLON REVEL-MOUROZ


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE GRENOBLE


CHAMBRE COMMERCIALE


ARRÊT DU JEUDI 12 JANVIER 2023


Appel d'un jugement (N° RG 2020J00189)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 10 septembre 2021

suivant déclaration d'appel du 04 octobre 2021



APPELANTE :


SA AXA FRANCE IARD immatriculée sous le numéro 722 057 460 au RCS de Nanterre, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]


représentée par Me Gaëlle CHAVRIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE postulant et plaidant par Me Pascal Ormen de la SELARL ORMEN PASSEMARD, avocat au Barreau de PARIS


INTIMÉE :


SAS LE CORNAFION immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Grenoble sous le numéro 843 930 769, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE


représentée par Me Sandra CARTIER-MILLON de la SELARL DAVID-COLLET CARTIER-MILLON REVEL-MOUROZ, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidants par Me Philippe MEILHAC et Me Ambroise DE PRADEL DE LAMAZE, avocats au barreau de PARIS



COMPOSITION DE LA COUR :


LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,


Assistés lors des débats de Madame Caroline BERTOLO, greffière et en présence de Clémence RUILLAT, greffière stagiaire


DÉBATS :


A l'audience publique du 26 octobre 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,


Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,


Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,



Faits et procédure :


1. La société Le Cornafion a été créée le 19 novembre 2018 en vue d'exploiter un restaurant situé à [Localité 4]. Le 1er septembre 2018, elle a souscrit auprès de la compagnie Axa France Iard une assurance multirisques professionnelle.


2. Suite à la survenue de la pandémie Covid 19, le gouvernement français a décidé le 14 mars 2020 de fermer certains lieux accueillant du public, en particulier les restaurants. Un second arrêté a été pris le 15 mars 2020. A compter de cette première date, la société Le Cornafion a été contrainte de fermer ses portes, n'étant plus autorisée à recevoir du public. L'interdiction pour les restaurants d'accueillir du public, résultant de la loi du 23 mars 2020🏛 instaurant l'état d'urgence sanitaire, n'a été levée, pour le département de l'Isère, que le 2 juin 2020.


3. Le 28 avril 2020, la société Le Cornafion a transmis à la compagnie Axa France Iard une déclaration de sinistre, afin d'être indemnisée de la perte d'exploitation résultant de la fermeture administrative de son établissement.


4. Le 16 octobre 2020, de nouvelles mesures sanitaires ont été prises, et les restaurants n'ont plus été admis à recevoir du public à compter du 30 octobre 2020. En conséquence, la société Le Cornafion a adressé une seconde déclaration de sinistre à son assureur le 12 novembre 2020.


5. La compagnie Axa France Iard refusant de prendre en charge la perte d'exploitation résultant des diverses fermetures, la société Le Cornafion a saisi le tribunal de commerce de Grenoble, notamment afin de voir constater que les conditions de garantie sont acquises et pour obtenir le paiement de 36.556,97 euros au titre de la perte d'exploitation subie suite à la première mesure de fermeture, puis le paiement de 42.126,19 euros au titre de la seconde période. Elle a sollicité subsidiairement la désignation d'un expert afin de fixer le montant des pertes d'exploitation.


6. Par jugement du 10 septembre 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a':


- jugé que la garantie de perte d'exploitation de la compagnie Axa France Iard du fait de la fermeture administrative en raison d'une épidémie est due à la société Le Cornafion';

- jugé que la clause d'exclusion de garantie visée par la compagnie Axa France Iard est nulle';

- condamné la compagnie Axa France Iard au versement d'une provision de 62.012,36 euros à la société Le Cornafion, à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies du fait de la fermeture de son établissement du 15 mars au 15 juin 2020, puis à partir du 30 octobre 2020, avec intérêt légal à compter du prononcé du jugement, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, ledit intérêt annuellement capitalisé ainsi qu'il est dit à l'article 1154 du code civil🏛, dès lors qu'il portera sur une année entière';

- fait droit à la demande d'expertise judiciaire';

- nommé comme expert monsieur [W], avec pour mission':

* d'évaluer la perte de marge subie par la société Le Cornafion pour les périodes du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 puis à partir du 30 octobre 2020, en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance';

*de se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission';

* de fixer comme suit le montant des pertes d'exploitation subies par la société Le Cornafion pendant les périodes de fermeture': 1° prendre en considération le chiffre d'affaires réalisé durant les différentes fermetures ordonnées par les autorités du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 puis à partir du 30 octobre 2020'; 2° calculer le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé en l'absence de fermetures'; 3° calculer la perte de chiffre d'affaires par soustraction du chiffre d'affaires réalisé à celui qui aurait été réalisé en l'absence fermeture'; 4° déterminer le taux de marge brute'; 5° appliquer ce taux à la perte de chiffre d'affaires';

- fixé à 2.500 euros le montant de la provision à consigner par la compagnie Axa France Iard avant le 10 décembre 2021 au greffe du tribunal, par application de l'article 269 du code de procédure civile🏛';

- dit que lors de la première réunion, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera le montant de ses honoraires pour lesquels il pourra solliciter le versement au greffe d'une provision complémentaire au cas où celle ordonnée s'avérerait insuffisante';

- dit que pour remplir sa mission, l'expert devra se faire communiquer tous éléments, entendre tous sachants, entendre les parties et répondre à leurs dires';

- dit que lors de sa première réunion, laquelle devra se dérouler dans un délai maximun de 2 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge chargé des expertises ce qu'il aura retenu pour ce qui concerne la méthodologie qu'il compte mettre en oeuvre, le calendrier détaillé de ses investigations, d'où il découlera la date de dépôt de son rapport et le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, lequel juge rendra, s'il y a lieu, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile🏛, et s'il y a lieu, accordera une prorogation du délai pour le dépôt du dossier';

- dit que lors de cette première réunion, l'expert A un délai pour les appels éventuels en intervention forcée de toutes les parties dans la cause';

- dit que si les parties ne parviennent pas à composition entre elles, et sauf contrariété avec le paragraphe précédent, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe de ce tribunal, dans le délai de 6 mois à compter de consignation de la provision fixée ci-dessus';

- dit que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile🏛 et qu'il déposera l'original et une copie de son rapport au greffe du tribunal de commerce de Grenoble dans le délai qui lui sera imparti';

- rejeté la demande de la défenderesse consistant à ce que l'expert ainsi désigné donne son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assuré et à juger que les montants perçus au titre du fonds de solidarité et du chômage partiel n'ont pas à être déduits du montant de la perte d'exploitation';

- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert';

- condamné la compagnie Axa France Iard au versement de la somme de 6.000 euros au profit de la société Le Cornafion à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛';

- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions';

- débouté la compagnie Axa France Iard de sa demande tendant à écarter l'exécution provisoire';

- condamné la compagnie Axa France Iard aux dépens.



7. La compagie Axa France Iard a interjeté appel de cette décision le 4 octobre 2021 (appel total). L'instruction de cette procédure a été clôturée le 29 septembre 2022.


Prétentions et moyens de la compagnie Axa France Iard':


8. Selon ses conclusions remises le 13 septembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170 et 1192 du code civil🏛🏛🏛, L. 113-1 et L. 121-1 du code des assurances🏛':


- de déclarer son appel recevable et bien fondé';

- à titre principal, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions (visées intégralement dans son acte d'appel et ses conclusions) ;


- de l'infirmer en ce qu'il a débouté la concluante de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion';

- statuant à nouveau, de juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce;

- de juger que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L.113-1 du code des assurances🏛';

- de juger que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance, qu'elle respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du code des assurances🏛 et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle de la concluante de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil🏛;

- en conséquence, de juger applicable la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie';

- de débouter la société Le Cornafion de l'intégralité de ses demandes';

- de condamner la société Le Cornafion à restituer à la concluante les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 10 septembre 2021;

- d'annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Grenoble.


9. La compagnie Axa France Iard demande à titre subsidiaire':


- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que les montants perçus au titre du fonds de solidarité et du chômage partiel n'ont pas à être déduits du montant de la perte d'exploitation;

- de réformer la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Grenoble comme suit :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'intimée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations;

* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur la période du 15 mars au 1er juin 2020 et du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable;

* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute, et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées';

* donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;

* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture, en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars 2020 et le 30 octobre 2020.


10. La compagnie Axa France Iard demande, en tout état de cause':


- de débouter la société Le Cornafion de ses demandes au titre d'une prétendue résistance abusive;

- de débouter la société Le Cornafion de toutes demandes, fins ou conclusions contraires';

- de condamner la société Le Cornafion à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.


La compagnie Axa France Iard expose':


11. - que la déclaration de sinistre a été faite en application du contrat, composé des conditions générales et des conditions particulières'; que les premières prévoient (page 20, article 2.1) une garantie des pertes d'exploitation ne contenant aucune stipulation susceptible de mobiliser la garantie suite à une fermeture administrative objet du litige'; que les conditions particulières contiennent par contre une extension en présence d'une fermeture administrative, limitée à trois mois, alors que l'indemnité est limitée à 50 fois la valeur en euros d'un indice, avec une franchise de trois jours ouvrés'; qu'il est prévu que cette extension garantit les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque deux conditions sont réunies': une décision de fermeture administrative prise par une autorité publique et extérieure à l'assurée, devant être la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication'; que sont exclues les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique';


12. - que la société Le Cornafion a reconnu avoir pris connaissance, lors de la souscription des conditions particulières, des conditions de garantie et d'exclusion'; que la clause litigieuse figure en caractères très apparents';


13. - que cette clause revêt un caractère formel au sens de l'article L113-1 du code des assurances🏛, est dépourvue d'ambiguité et est rédigée dans des termes parfaitement intelligibles; qu'ainsi, il n'existe aucune incertitude quant au fait que l'assureur écarte la garantie lorsque la fermeture administrative affecte concomitamment, dans le même département, un autre établissement pour une cause identique, et donc lorsqu'une épidémie entraîne la fermeture administrative d'un autre établissement, peu important sa nature et son activité'; que l'intimée n'a pu ignorer, lors de la souscription du contrat, l'objet de la garantie et la portée de l'exclusion, ne pouvant, en sa qualité de professionnelle de la restauration, ignorer les périls sanitaires susceptibles de se traduire dans le cadre de son activité par des épidémies isolées et par une fermeture administrative individuelle de son établissement'; que ce sont ces risques qui constituent la cause de cette garantie, et non un risque pour lequel le secteur d'activité n'avait jamais été exposé, comme une pandémie'; que l'intimée n'a pu ainsi se méprendre sur la portée de la clause d'exclusion';


14. - qu'il ne peut être reproché à la concluante de ne pas avoir défini le terme «'épidémie'» comme retenu par le tribunal'; que la clause d'exclusion a prévu trois critères d'application précis': plus d'un établissement faisant l'objet de la fermeture administrative, sur un même département, et pour une cause identique'; que ce n'est pas la nature de l'épidémie et sa définition qui sont à prendre en compte, mais sa conséquence, à savoir la fermeture du seul établissement assuré, ou de plusieurs établissements dans le même département et pour la même cause'; que les mesures gouvernementales ont interdit l'accueil du public pour l'ensemble des commerces non essentiels, sur l'ensemble du territoire national, en raison de l'épidémie Covid 19, de sorte que la preuve de l'application de la clause d'exclusion est ainsi rapportée';


15. - que si l'intimée déduit d'une proposition d'avenant que la concluante aurait eu conscience de l'inopposabilité de la clause d'exclusion, aucune conclusion ne peut être retirée de ce fait'; qu'en raison de la pandémie, les assureurs ont été informés par les réassureurs que ces derniers n'entendaient plus couvrir à l'avenir un risque lié à une épidémie, de sorte que les assureurs ont dû établir des avenants pour y insérer une clause d'exclusion relative à l'épidémie, la pandémie et la maladie contagieuse'; qu'ainsi, la concluante a adressé à ses assurés, qui avaient souscrit des contrats susceptibles de couvrir des risques en lien avec une épidémie, des avenants';


16. - que si le tribunal de commerce a jugé que la clause d'exclusion ne respecterait pas le caractère limité de l'article L113-1 du code des assurances🏛, et qu'elle priverait de sa substance l'obligation de la concluante, le risque assuré n'est pas une garantie contre le risque d'une épidémie, mais contre les conséquences d'une fermeture administrative se traduisant par une perte d'exploitation, la survenue de l'épidémie seule ne faisant pas naître l'obligation d'indemniser l'assuré';


17. - que seule est nulle la clause d'exclusion générale au point de supprimer toute hypothèse de garantie du risque'; qu'en l'espèce, une épidémie peut ne toucher qu'un seul établissement, avec prise d'une mesure individuelle par l'autorité administrative qui est tenue d'adopter des mesures proportionnées'; que les définitions usuelles du terme «'épidémie'» prévoient ainsi l'apparition d'un grand nombre de cas d'une maladie au sein d'une collectivité ou d'une population, ces termes s'entendant comme un ensemble de personnes rassemblées par une communauté d'intérêt, de proximité ou par des activités similaires ou complémentaires, quelque soit l'étendue de ses dimensions; qu'ainsi, une mesure de fermeture administrative peut ne concerner qu'un seul établissement au sein duquel une épidémie s'est développée (comme en matière de légionellose ou de salmonellose par exemple)'; qu'il en résulte que la clause d'exclusion est licite, ne s'appliquant pas si la fermeture ne touche que l'établissement concerné par une épidémie';


18. - que cette clause ne vide pas la garantie de sa substance, puisque cette garantie vise un risque aléatoire qui est l'essence même du contrat d'assurance'; que le risque couvert n'est pas improbable, alors que la couverture d'un risque même improbable ne prive pas la clause d'exclusion de son caractère limité';


19. - que l'extension de garantie s'applique si la cause de l'épidémie est extérieure à l'établissement assuré, mais qu'il en résulte cependant une fermeture administrative de cet établissement, ainsi par exemple dans le cas d'une grippe aviaire;


20. - que la commune intention des parties est ainsi de couvrir les conséquences d'une fermeture isolée de l'établissement assuré, et non celles d'une fermeture généralisée'; qu'il ne peut être retenu que l'intimée a souhaité, lors de la souscription du contrat, obtenir une garantie pour se prémunir contre les conséquences d'une fermeture généralisée liée à une épidémie telle que la Covid 19, plutôt que de se prémunir contre les risques inhérents à son activité, comme une épidémie de salmonellose, dont les données épidémiologiques indiquent qu'elle survient à hauteur de 41'% dans la restauration commerciale, alors qu'un restaurateur est tenu d'une obligation de résultat en matière de sécurité alimentaire et sait qu'il peut s'exposer à une mesure de fermeture';


21. - qu'une mesure de fermeture administrative généralisée constitue un préjudice anormal et spécial, dont les conséquences ne peuvent incomber à l'assureur; qu'ainsi, la concluante n'a pas entendu couvrir les conséquences d'un risque systémique qui concernerait plusieurs établissements en même temps'; que les assureurs ne peuvent assumer la charge de garantir l'ensemble des conséquences des décisions publiques intervenues pour faire face à l'épidémie Covid 19'; qu'il en résulterait une rupture de l'égalité devant les charges publiques'; que les conséquences économiques d'une mesure générale ne peuvent relever d'une garantie individuelle de droit privé'; qu'ainsi, l'État a mis en place un dispositif important d'aides pour faire face à ces conséquences';


22. - subsidiairement, concernant les termes de la mission confiée à l'expert par le tribunal de commerce, que selon la page 21 des conditions générales, les pertes d'exploitation indemnisables résultent de l'application du taux de marge brute à la perte du chiffre d'affaires de référence'; qu'il convient de déterminer la différence entre le chiffre d'affaires qui, à dire d'expert, aurait été réalisé pendant la période d'indemnisation en l'absence du sinistre, et le chiffre effectivement réalisé pendant cette période'; que ce chiffre doit être calculé en partant des écritures comptables et des résultats des exercices antérieurs au titre de la même période, en tenant compte des facteurs internes et externes susceptibles d'avoir eu, indépendamment du sinistre, une influence sur l'activité'; qu'il convient ensuite d'appliquer le taux de marge brute, en tenant compte du montant des charges variables qui n'ont pas été supportées pendant la période de fermeture, et de retrancher du résultat les autres économies réalisées ainsi que les aides perçues par l'assuré';


23. - qu'en l'espèce, il n'a pas été tenu compte des facteurs externes qui auraient eu une influence sur le chiffre d'affaires réalisé si le sinistre garanti ne s'était pas produit'; que le confinement général et la conjoncture économique dégradée ont constitué de tels facteurs, qui ont eu un impact sur l'activité de l'intimée, indépendamment des pertes d'exploitation liées à la fermeture administrative, seul risque garanti'; que les pertes à prendre en compte ne sont ainsi que celles résultant de la fermeture, à l'exclusion de tout autre facteur'; qu'ainsi, une étude réalisée en Suède, pays dans lequel les restaurants n'ont pas été fermés, a constaté une baisse des ventes approchant 40'%;


24. - que cette règle résulte du principe indemnitaire posé par l'article L121-1 du code des assurances🏛, d'ordre public, alors que la concluante n'a pas vocation à couvrir un risque lié à une conjoncture économique dégradée'; que le chiffrage des pertes ne peut ainsi résulter des seuls calculs établis par l'intimée, qui ne tiennent pas compte de ces facteurs externes';


25. - qu'il convient en outre de tenir compte des écritures comptables et des résultats des exercices antérieurs sur trois ans, concernant les mêmes périodes que celles concernées par la fermeture, afin de pouvoir dégager une tendance';


26. - qu'il n'a pas été tenu compte des charges variables non supportées pendant cette fermeture (frais de cartes bancaires, redevances diverses), qui constituent une économie à retrancher, ce que les calculs de l'assurée ne prennent pas en compte';


27. - qu'il convient également de soustraire de l'indemnité d'assurance les autres économies de charges réalisées, ainsi que les aides perçues, comme l'allocation partielle d'activité, les exonérations de charges sociales, les aides du Fonds de solidarité'; que statuer autrement reviendrait à indemniser doublement l'assurée et à lui procurer un enrichissement indu, alors qu'il s'agit d'une assurance de dommage destinée à replacer l'assurée dans la situation qu'eût été la sienne en l'absence de sinistre; que telle a été la position du Médiateur de l'assurance'; que ces aides ont la même finalité que l'extension de la garantie, visant à limiter les conséquences économiques de la propagation de l'épidémie;


28. - que les données du litige indiquent que la concluante ne résiste pas abusivement aux prétentions de l'intimée'; que de nombreuses juridictions ont statué en sa faveur, alors que la doctrine critique les décisions des juridictions ayant écarté l'application de la clause d'exclusion'; que le montant du préjudice invoqué n'est pas justifié.


Prétentions et moyens de la société Le Cornafion':


29. Selon ses conclusions remises le 21 septembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 du code civil🏛, L.113-1 du code des assurances🏛, 143, 144, 263 du code de procédure civile':


- de la déclarer recevable et bien fondé en ses demandes';

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions';

- par conséquent, de débouter la compagnie Axa France Iard de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions';

- de condamner la compagnie Axa France Iard à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de la résistance abusive';

- de condamner la compagnie Axa France Iard à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux dépens.


La société Le Cornafion soutient':


30. - que lors du premier confinement, l'établissement a dû fermer à compter du 14 mars 2020 à minuit, ne pouvant plus recevoir de clients, de sorte qu'aucun chiffre d'affaires n'a plus été enregistré, alors que certaines charges ont continué à être payées'; que la concluante a dû recourir au chômage partiel, avec des reports d'échéances et un prêt garanti par l'État'; que lors du second confinement, un couvre-feu a été instauré le 16 octobre avec des mesures restrictives concernant l'accueil de la clientèle (places assises, distance obligatoire entre clients), avant une nouvelle fermeture totale le 29 octobre 2020'; qu'ainsi, la concluante a adressé deux déclarations de sinistre à l'appelante';


31. - que ces décisions de fermetures administratives font parties de celles visées par la garantie de l'appelante, ce qu'elle ne conteste pas'; que ces décisions sont intervenues légalement, sur la base des dispositions du code de la santé publique'; qu'aucune mesure de fermeture individuelle n'a été prononcée, puisque c'est une catégorie d'établissements qui a été concernée'; que cette mesure de fermeture collective n'est pas exclue du contrat';


32. - que la clause d'exclusion n'est ni formelle, ni limitée, et doit ainsi être écartée, ainsi que prévu par l'article L113-1 du code des assurances🏛, alors qu'il convient également de retenir les termes des articles 1188 et 1189 sur l'interprétation des contrats'; que pour la Cour de Cassation, la validité d'une telle clause s'apprécie au regard de la perception que peut avoir l'assuré de l'étendue de la garantie, et qu'elle n'est valable que si elle remplit l'exigence de clarté, de précision et de certitude';


33. - qu'en raison de l'absence de définition, le terme «'épidémie'» nécessite une interprétation, ce qui rend la clause d'exclusion non formelle'; que les avis d'experts produits par l'appelante sur le sens de ce terme, diffèrent du sens commun donné à ce mot, ce qui n'est pas intelligible pour un restaurateur qui n'est ni médecin, ni scientifique'; que la portée réelle de la clause d'exclusion est ainsi indéterminée';


34. - que la notion d'autre établissement est également obscure, puisque cela ne permet pas de savoir si cela doit être un autre restaurant, même non assuré par l'appelante';


35. - que l'appelante a eu conscience du caractère ambiguë de cette clause, puisqu'elle proposé un avenant accompagné d'un courrier informatif, reprenant de nouvelles conditions générales prévoyant une exclusion de la prise en charge de la perte d'exploitation consécutive à une épidémie ou à une fermeture totale ou partielle qui en résulte, avec une définition des termes épidémie et pandémie';


36. - que la clause d'exclusion doit ainsi être écartée, vidant la garantie de sa substance'; que si l'appelante soutient que l'extension de garantie ne couvre pas l'assuré contre le risque d'une épidémie, mais contre le risque d'une fermeture administrative individuelle, cette interprétation est fausse, les conditions particulières conditionnant la garantie à une fermeture et à l'un des événements limitativement énumérés, comme une épidémie'; que le risque assuré est ainsi la fermeture administrative causée par une épidémie, et non cette seule fermeture'; qu'une épidémie ne peut entraîner la fermeture administrative d'un seul établissement de restauration dans le même département'; que l'imposer entraînerait une rupture d'égalité'; que même si une épidémie peut entraîner exceptionnellement la fermeture d'un seul établissement de restauration, la clause d'exclusion ne serait pas pour autant limitée, dès lors qu'elle exclut l'essentiel de l'obligation de l'assureur, à savoir la fermeture collective qui est la règle en matière d'épidémie';


37. - que si l'appelante soutient que les conséquences économiques de la mesure générale de police administrative entraînant une fermeture collective d'établissement ne peuvent relever de la garantie individuelle de droit privé, cette considération est étrangère au litige alors que l'assureur est le rédacteur de cette clause et de la portée du contrat';


38. - concernant l'expertise, que le contrat d'assurance prévoit que l'indemnisation s'opère au titre de la marge brute selon une méthode de calcul qu'il a défini; que le tribunal de commerce a donné pour mission d'évaluer la perte de marge subie en fonction de la définition donnée par les conditions générales d'assurance'; que ces conditions ne prévoient pas de retrancher du résultat obtenu les autres économies réalisées durant la période de fermeture ainsi que les aides reçues par l'assuré'; qu'il s'agit ainsi de déterminer la différence entre le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé en l'absence de sinistre et celui effectivement procuré, puis de soustraire les économies de charges, et d'imputer un taux de marge brute sur cette différence';


39. - que la position de l'appelante n'est pas conforme à la lettre et à l'esprit du contrat'; que prendre en compte des facteurs externes comme l'impact qu'aurait eu l'épidémie sur la fréquentation de l'établissement en l'absence d'une fermeture administrative est contraire aux conditions générales, imposant de prendre en compte les factures internes et externes indépendamment du sinistre'; que ces factures externes ne sont pas définies par la police d'assurance';


40. - concernant la prise en compte des exercices comptables antérieurs, que le tribunal a donné à l'expert pour mission d'évaluer la perte de marge subie, en fonction de la définition donnée par les conditions générales, de sorte qu'il n'existe pas de débat à ce titre';


41. - concernant la prise en compte des aides et des subventions de l'État, que le tribunal a exactement rejeté la demande de l'appelante consistant à ce que l'expert donne son avis sur le montant de ces aides et subventions perçues par l'assurée, et dit que les montants perçus au titre du Fonds de solidarité et du chômage partiel n'ont pas à être déduits du montant de la perte d'exploitation'; que statuer autrement serait contraire au principe de la réparation intégrale du préjudice'; que le Fonds de solidarité est ainsi une aide directe venant compléter d'autres mesures, afin de soutenir un maximum d'entreprises en vue de couvrir leurs frais fixes, afin de leur procurer une trésorerie pour les soustraire à la situation exceptionnelle'; que cette aide constitue ainsi une subvention d'exploitation selon le plan comptable général'; que le dispositif créé par la Commission européenne concernant l'encadrement temporaire des mesures d'aides a ainsi défini les coûts fixes comme ceux n'étant pas couverts par d'autres sources, telles que les assurances'; qu'ainsi, l'assureur doit garantir le paiement des charges fixes et ne peut demander à l'assuré de solliciter des aides publiques'; que les aides versées par le Fonds de solidarité ne sont pas remboursables, et n'ont ainsi pas un caractère indemnitaire';


42. - que l'appelante résiste abusivement alors que la garantie est due'; qu'il s'agit d'un comportement anormal justifiant sa condamnation à ce titre.


*****

43. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile🏛 de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.



MOTIFS DE LA DECISION':


44. Le tribunal de commerce a indiqué, concernant les conditions de la garantie, que la police contient une extension «'fermeture administrative'», prévoyant que la garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la


fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque deux conditions sont réunies':


* la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à l'assuré';

* la décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.


45. Les premiers juges ont énoncé que les premières mesures administratives prises en mars 2020 ont enjoint la fermeture des commerces non essentiels, et directement les restaurants, en leur interdisant d'accueillir du public, puis que celles prises en octobre 2020, concernant le couvre-feu, ont impacté les horaires d'ouverture de la société Le Cornafion, avant une interruption totale.


46. Si les parties s'opposent sur les définitions des termes épidémie ou pandémie, le tribunal a indiqué qu'il importe de savoir si la décision de fermeture est la conséquence d'une épidémie, et que selon les dictionnaires usuels, une épidémie est la propagation rapide d'une maladie contagieuse dans une population, une pandémie étant l'extension de l'épidémie à toute la population d'un continent voire au monde entier, une épidémie étant ainsi incluse dans la pandémie. L'assureur n'ayant pas défini clairement et contractuellement le terme d'épidémie, le tribunal en a retiré que la seconde condition prévue pour l'extension de la garantie est remplie.


47. Concernant l'exclusion de la garantie, le tribunal a relevé que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, au visa de l'article 1170 du code civil🏛, et que selon l'article 1171, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties, est réputée non écrite. En outre, il a indiqué que selon l'article L113-1 du code des assurances🏛, la clause d'exclusion des garanties doit être écartée si elle annule les effets de la garantie accordée par la police d'assurance et la vide de sa substance.


48. Il a constaté que la clause litigieuse stipule que sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.


49. Le tribunal a noté que les termes «'pour une cause identique'» renvoient nécessairement aux conséquences de la fermeture administrative garantie, et que l'assureur ne peut prétendre que la clause d'exclusion est claire et ne nécessite aucune interprétation, alors que le contrat d'assurance est un contrat d'adhésion, dont le seul rédacteur est l'assureur, de sorte qu'il s'interprète en faveur de l'assurée. Il a dit que du fait de son imprécision, cette clause ne permet pas de circonscrire le risque garanti, et qu'elle ne permet pas à l'assurée de connaître exactement l'étendue de la garantie. Il a également indiqué que la clause d'exclusion n'est pas formelle et qu'en l'espèce, elle exclut l'essentiel des conséquences du sinistre, ce qui vide la garantie de sa substance. En conséquence, il a dit qu'elle est non écrite.


50. La cour constate, ainsi que le tribunal de commerce, que l'assureur n'a pas entendu garantir toutes les conséquences d'une épidémie, mais seulement les pertes subies par l'assurée, lorsqu'une mesure administrative a entraîné la fermeture de son établissement suite à une épidémie. Ce sont ainsi les seules conséquences de cette fermeture qui sont couvertes.


51. Le fait que le contrat d'assurance n'ait pas défini le terme «'épidémie'» ne permet pas d'écarter la clause d'exclusion. A défaut d'une définition contractuelle, il convient de retenir la définition habituellement admise. Ainsi que relevé par le tribunal, une épidémie s'entend usuellement de la propagation rapide d'une maladie contagieuse dans une population donnée.


52. Une épidémie peut ainsi ne concerner qu'un groupe de personnes, en même temps, au sein d'une même zone géographique. Il peut en être ainsi d'une épidémie de salmonellose frappant les employés et les clients d'un restaurant, en raison de conditions d'hygiène aléatoires, sans que cela concerne un établissement similaire situé à proximité, ou d'une épidémie de légionellose limitée à un seul bâtiment en raison d'un problème affectant son système de climatisation.


53. Il résulte ainsi de l'objet de l'extension de la garantie des pertes d'exploitation que l'assureur s'est engagé à prendre en charge les conséquences d'une fermeture administrative en cas d'une épidémie (comme de salmonellose) touchant l'établissement de restauration exploité par la société Le Cornafion, sans qu'il soit nécessaire que cette épidémie concerne d'autres établissements, de même nature ou non, le contrat ne l'ayant pas précisé, et sans qu'il soit nécessaire qu'elle entraîne la fermeture d'autres établissements, assurés ou non par l'appelante. Cette extension de garantie est ainsi parfaitement claire et intelligible. En outre, ce n'est pas l'épidémie qui a été assurée, mais les conséquences d'une fermeture administrative.


54. Concernant l'exclusion de la garantie, les conditions particulières du contrat Multirisque Professionnelle, que l'intimée ne conteste pas avoir acceptées, ont prévu que sont exclues les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique. Cette clause d'exclusion a été formulées en caractères très apparents, se détachant des autres stipulations concernant les conditions de l'extension de garantie, et est parfaitement lisible.


55. Sa portée est précise': si un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, est concerné, dans le département dans lequel se situe celui tenu par l'assuré, par une mesure de fermeture administrative prise pour la même cause, la garantie des pertes d'exploitation résultant de cette mesure de fermeture n'est plus assurée.


56. Les divers textes législatifs et réglementaires pris à l'occasion de la pandémie Covid 19 ont instauré des interdictions pour de nombreux établissements n'exerçant pas une activité essentielle, de recevoir du public. Il s'agit ainsi de mesures de fermetures administratives au sens du contrat en cause.


57. Le terme «'département'» figurant dans l'exclusion de la garantie ne nécessitait pas une définition contractuelle en raison de la précision attachée à ce vocable. L'absence de définition du terme «'établissement'» indique qu'il convient de se référer à celle communément admise. Il s'agit ainsi de tout local dans lequel une activité est exercée à titre habituel. Il ne s'agit pas ainsi d'une notion obscure comme objecté par l'intimée. Peu importe la nature de cette activité selon la clause d'exclusion.


58. Selon les dispositions de l'article L113-1 du code des assurances🏛, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.


59. Selon les articles 1188 et 1189 du code civile, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. Toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux


autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier. L'article 1190 prévoit que ce n'est que dans le doute que le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.


60. En la cause, il résulte de l'économie de l'extension de la garantie des pertes d'exploitation que l'assureur s'est engagé à couvrir les conséquences d'une fermeture administrative résultant de faits limités, et non résultant d'un même fait concernant une population étendue, à l'échelle d'un département ou du pays en son entier, entraînant une fermeture généralisée des établissements non essentiels à la vie de la nation, comme cela a été le cas à l'occasion de la crise sanitaire. Comme soutenu par l'appelante, les conséquences économiques d'une mesure générale ne peuvent relever d'une garantie de droit privé. C'est ainsi l'État, au titre de diverses mesures de soutien, qui est intervenu pour limiter les effets de la fermeture de nombreux établissements en raison de la crise sanitaire. Les nombreuses mesures qu'il a prises n'ont pas prévu que les conséquences financières résultant de la fermeture des établissements non essentiels soient prises en charge par les assureurs.


61. La clause d'exclusion litigieuse remplie ainsi les conditions tenant à son caractère limité et formel édicté par l'article L113-1 du code des assurances🏛, et ne nécessite pas une interprétation particulière. Le fait qu'un avenant aurait été proposé ultérieurement par l'assureur est sans objet. Il en résulte qu'elle ne peut être réputée non écrite sur le fondement de ces articles susvisés.


62. Concernant le fait que cette clause reviendrait à priver la garantie de toute efficacité, ainsi qu'indiqué par l'appelante, la garantie des pertes d'exploitation trouve à s'appliquer si une fermeture administrative devait concerner la société Le Cornafion suite à la survenance d'une maladie comme une épidémie de salmonellose, frappant l'ensemble de son personnel et de sa clientèle, affection constatée dans le secteur de la restauration, mais ne concernant pas d'autres établissements, même n'exerçant pas la même activité, dans le département. Cette exclusion ne tend pas ainsi à rendre la garantie dénuée de toute effectivité. La garantie reste applicable devant un tel aléa et n'est pas vidée de sa substance.


63. Il en résulte que le jugement déféré ne peut qu'être infirmé en toutes ses dispositions, et ainsi que la résistance de l'assureur ne peut être regardée comme étant abusive. En conséquence, la demande de dommages et intérêts de la société Le Cornafion ne peut qu'être rejetée. Statuant à nouveau, la cour déboutera la société Le Cornafion de l'intégralité de ses demandes, sans qu'il soit ainsi nécessaire de statuer sur la mission d'expertise et la demande de provision de l'intimée. L'infirmation de ce jugement rend sans objet la demande d'annulation de la mesure d'expertise sollicitée par l'appelante.


64. L'appelante demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire. Cependant, le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré, et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.


65. Succombant intégralement devant cet appel, la société Le Cornafion sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, outre les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS


La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛, après en avoir délibéré conformément à la loi,


Vu les articles L113-1 du code des assurances🏛, 1188 et suivants du code civil;


Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;


statuant à nouveau';


Déboute la société Le Cornafion de l'ensemble de ses demandes';


Dit n'y avoir lieu à annulation de l'expertise confiée à monsieur [W] en raison de l'infirmation du jugement entrepris y compris concernant la désignation de cet expert';


DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour';


Condamne la société Le Cornafion à payer à la compagnie Axa France Iard la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile🏛';


Condamne la société Le Cornafion aux dépens de première instance et d'appel';


Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La Greffière La Présidente

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