CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 17826
M. xxxxx
Lecture du 07 Decembre 1981
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 8ème Sous-section
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 mai 1979, et le mémoire complémentaire, enregistré le 9 janvier 1980, présentés pour M. xxxxx, demeurant xxxxx à xxxxx, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1°) réforme le jugement du 5 mars 1979 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu des personnes physiques et de taxe complémentaire auxquels il a été assujetti au titre des années 1968 et 1969 dans les rôles de la commune de xxxxx; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées;
Vu le code général des impôts;
Vu le code des tribunaux administratifs;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant qu'après avoir déposé le 18 août 1972 une plainte pour fraude fiscale contre M. xxxxx. président directeur général de la société xxxxx, l'administration a, sur le fondement de l'article 1974 bis du code général des impôts, procédé en 1974 à la vérification de la situation fiscale personnelle de ce contribuable; qu'à la suite de cette vérification, qui a porté sur les années 1968 à 1972, elle a notifié à l'intéressé le 13 septembre 1974 des redressements en matière d'impôt sur le revenu des personnes physiques, de taxe complémentaire et d'impôt sur le revenu au titre des années 1968 à 1972; qu'après avoir abandonné certains des redressements initialement envisagés, elle a mis en recouvrement le 30 avril 1975 les impositions correspondant aux redressements qui avaient été confirmés; qu'à la suite de deux décisions de dégrèvement prises par la direction des services fiscaux de l'xxxxx, l'intéressé a été dégrèvé de toute imposition au titre des années 1970 et 1972 et ne conteste plus l'imposition laissée à sa charge au titre de l'année 1971; qu'il demande au Conseil d'Etat de réformer le jugement en date du 5 mars 1979 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en décharge des impositions complémentaires mises à sa charge au titre des années 1968 et 1969 en soutenant, à titre principal, que les conditions requises pour l'application de l'article 1974 bis n'étaient pas remplies en l'espèceet qu'à les supposer remplies, l'administration ne pouvait pas mettre en recouvrement les impositions litigieuses avant que le juge pénal ne se soit prononcé sur la plainte déposée par l'administration et en prétendant, à titre subsidiaire, qu'il a justifié l'origine des fonds versés en espèces au crédit de son compte courant à la société "xxxxx" et au crédit de ses comptes bancaires, qu'il a également justifié l'origine de chèques encaissés de tiers, qu'enfin ses revenus fonciers d'un montant de 2 546,80 F ne pouvaient pas être imposés au titre de l'année 1968;
Sur l'application de l'article 1974 bis du code général des impôts:
Considérant qu'aux termes de l'article 1974 bis du code général des impôts: "Lorsque la découverte d'agissements frauduleux entraîne le dépôt d'une plainte en vue de l'application de l'une des sanctions pénales prévues par le code général des impôts, le service des impôts peut, nonobstant les dispositions de l'article 1649 septies B dudit code, opérer des contrôles et procéder à des rehaussements au titre des deux années excédant le délai ordinaire de prescription. Cette prorogation de délai est opposable aux auteurs des agissements, à leurs complices et, le cas échéant, aux personnes pour le compte desquelles la fraude a été commise. - Il est sursis, jusqu'à la décision de la juridiction pénale et moyennant constitution de garanties, au recouvrement des impositions afférentes à la période excédant le délai ordinaire de prescription. Ces impositions deviennent caduques si l'information consécutive à la plainte est close par une ordonnance de non-lieu ou si les personnes poursuivies bénéficient d'une décision de relaxe"; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires à la loi n° 70-1199 du 21 décembre 1970 dont elles sont issues, qu'en cas de dépôt d'une plainte pour fraude fiscale, l'administration a la faculté de procéder, à l'égard de toute personne qui q été à l'origine, a été complice ou a bénéficié de la fraude commise, à des contrôles et à des rehaussements portant sur les impositions de toute nature au titre des deux années excédant le délai ordinaire de prescription, et que la faculté ainsi donnée à l'administration n'est subordonnée ni à l'existence d'un lien entre la nature des agissements frauduleux dont la découverte a motivé le dépôt de la plainte et les rehaussements d'impositions, ni à l'intervention préalable d'une première opération de contrôle; que les mêmes dispositions permettent à l'administration de procéder, sans attendre la décision du juge pénal, à l'établissement de l'impôt qu'elle estime être dû par l'intéressé au titre des deux années supplémentaires de délai de reprise et de prendre à cet effet une décision de mise en recouvrement de cet impôt; qu'elles exigent seulement, en pareil cas, que l'exécution de cette décision soit suspendue jusqu'à la décision du juge pénal si le contribuable a constitué des garanties;
Considérant qu'il est constant que la plainte déposée le 18 août 1972 était dirigée contre M. xxxxx, personne physique tenue pour responsable d'agissements frauduleux ayant permis à la société "xxxxx" d'éluder le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée dont certaines de ses opérations la rendaient redevable; que l'administration tenait dès lors des dispositions législatives précitées le pouvoir de contrôler en 1974, sans intervention préalable d'une première opération de vérification, la situation fiscale de M. xxxxx, de lui notifier des rehaussements de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire au titre des années 1968 et 1969 et de mettre les impositions correspondantes en recouvrement avant l'intervention de la décision de la juridiction pénale; qu'il est également constant que, M. xxxxx ayant constitué les garanties nécessaires, les impositions litigieuses, dont la mise en recouvrement a été décidée le 30 avril 1975, n'ont pas été recouvrées avant l'intervention de la décision définitive du juge pénal; que, par suite, M. xxxxx n'est pas fondé à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions précitées de l'article 1974 bis du code général des impôts;
Sur le montant de l'imposition:
Considérant qu'il appartient au contribuable régulièrement taxé d'office d'apporter la preuve de l'exagération de l'évaluation administrative des bases d'imposition;
Considérant que, si le requérant soutient que les espèces versées au crédit de son compte courant à la société xxxxx les 10 et 18 janvier, 12 et 14 février 1968, et au crédit de ses divers comptes bancaires entre le 11 février et le 8 août 1968 proviennent du remboursement le 16 mai 1967 de bons de caisse qu'il possédait et de l'encaissement en octobre 1967 d'un chèque de 40 290,35 F, il n'établit pas que les sommes versées par lui, en espèces, en plusieurs apports échelonnés entre janvier et août 1968, provenaient du remboursement de bons de caisse et de l'encaissement d'un chèque plusieurs mois auparavant; que l'intéressé n'apporte pas davantage la preuve que la remise de quatre chèques pour un montant total de 9 360 F correspondait au remboursement par des clients de prêts en espèces qu'il leur aurait précédemment consentis;
Considérant, enfin, que si parmi les sommes retenues dans lesbases des impositions enlitige figure une somme de 2546,80 F représentant des revenus fonciers que le requérant soutient avoir déclarés au titre de l'année 1967, il est constant que les loyers dont il s'agit ont été effectivement versés à M. xxxxx par la société xxxxx en 1968; que par suite cette somme a été à bon droit imposée au titre de l'année 1968 par application de l'article 29 du code général des impôts;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. xxxxx n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
DECIDE
Article 1er: La requête de M. xxxxx est rejetée.