(Type a title for your page here)
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N° 176394
M. et Mme NORAIS
M. Stefanini
Rapporteur
M. Austry
Commissaire du Gouvernement,
Séance du 4 octobre 2000
Lecture du 8 novembre 2000
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête enregistrée le 21 décembre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme René NORAIS demeurant rue des Sapins à Donville-les-Bains (50350) ; M. et Mme NOR-AIS demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 octobre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, à la demande de la commune de Donville-les-Bains, a, en premier lieu annulé le jugement en date du 27 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa tierce opposition au jugement du 28 juin 1990 par lequel le même tribunal administratif a annulé l'arrêté du 11 décembre 1989 du préfet de la Manche déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement, sur le territoire de cette commune, de la ZAC dite de "La Falaise", de courts de tennis et de parcs de stationnement, d'une aire équestre et d'extension d'une sapinière, en deuxième lieu déclaré non avenu ledit jugement en date du 28 juin 1990 du tribunal administratif de Caen., en troisième lieu rejeté leur demande devant ce même tribunal et les a, en dernier lieu, condamnés à verser à la commune de Donville-les-Bains une somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Manche du 11 décembre 1989 ;
3°) de condamner la commune de Donville-les-Bains à leur verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stefanini, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de M. et Mme René NORAIS, et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat, de la .commune. de Donville-les-Bains,.
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "L'acte déclarant l'utilité publique précise le délai pendant lequel l'expropriation devra être réalisée. Ce délai ne peut, si la déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté, être supérieur à cinq ans (...)" et qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 12-6 du même code : "Si les immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans 1a destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droits à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique" ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'il est envisagé de modifier sensiblement les caractéristiques d'une opération qui a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique, la personne publique qui est à l'origine de la procédure initiale peut requérir une nouvelle procédure aux fins de faire déclarer d'utilité publique l'opération modifiée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'à la suite de la première déclaration d'utilité publique, la propriété de la totalité des immeubles dont la cession avait été déclarée d'utilité publique a été effectivement transférée au bénéficiaire de l'expropriation de sorte que la nouvelle déclaration d'utilité publique n'implique aucune cession d'immeubles ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté en date du 21 mai 1984, le préfet de la Manche, à la demande de la commune de Donville-les-Bains, a déclaré d'utilité publique un projet de hameau d'habitat et de loisirs et autorisé la commune à acquérir par voie d'expropriation les terrains nécessaires à sa réalisation ; que la commune a ultérieurement envisagé de modifier sensiblement les caractéristiques de l'opération en créant, à l'intérieur du périmètre exproprié, une zone d'aménagement concerté impliquant des équipements connexes comportant des cours de tennis, un centre équestre, des parkings, ainsi que l'extension d'un espace vert ; que la cour a pu juger implicitement mais nécessairement, sans commettre d'erreur de droit, que la commune de Donville-les-Bains ne pouvait réaliser l'opération ainsi modifiée sur les terrains expropriés par le juge de l'expropriation à son bénéfice en 1985 et 1986 sans que cette opération fasse l'objet d'une nouvelle déclaration d'utilité publique, se substituant à la précédente, alors même que cette déclaration ne donnerait lieu à aucun transfert de propriété ;
Considérant que les pourvois dirigés par les époux NORAIS contre les ordonnances du juge de l'expropriation autorisant le transfert à la commune des parcelles leur appartenant ont été rejetés par la Cour de cassation le 15 novembre 1989 ; que, par suite, la cour n'avait pas à rechercher, pour apprécier la légalité de la nouvelle déclaration d'utilité publique en date du 11 décembre 1989, si la commune qui était désormais propriétaire des parcelles ayant appartenu aux époux NORAIS, aurait pu réaliser l'opération modifiée sans utiliser ces parcelles, sous réserve de l'existence éventuelle d'un détournement de procédure destiné à faire obstacle à l'exercice par les époux NORAIS de leur droit de rétrocession ;
Considérant que la cour pour écarter le moyen tiré de l'absence d'utilité publique de l'opération, a pu légalement se référer à l'intérêt général de celle-ci en se fondant sur les circonstances qu'elle a souverainement appréciées, desquelles il résultait que l'opération avait pour objet d'accroître le potentiel touristique de la commune par l'aménagement de la zone d'aménagement concerté de la Falaise. la construction de courts de tennis, d'une aire équestre et des parcs de stationnement nécessaires aux visiteurs ;
Considérant qu'une nouvelle déclaration d'utilité publique relative aux mêmes terrains fait en principe obstacle à ce que le propriétaire exproprié en application d'une précédente déclaration publique exerce son droit de rétrocession à l'issue du délai de cinq ans mentionné au premier alinéa précité de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation et qui court à compter de l'ordonnance d'expropriation ; qu'il n'en va autrement que dans l'hypothèse où l'opération déclarée d'utilité publique par la nouvelle déclaration peut être réalisée par la personne bénéficiaire sans utiliser certains des terrains précédemment expropriés à son bénéfice, de sorte qu'en conservant le périmètre de la zone dont l'expropriation avait été précédemment déclarée d'utilité publique, la nouvelle déclaration a eu notamment l'objet, entaché de détournement de procédure, de faire obstacle à l'exercice de leur droit de rétrocession par les anciens propriétaires des terrains non nécessaires à la nouvelle opération ; que la cour, par son arrêt qui est suffisamment motivé, après avoir relevé l'intérêt général de l'opération modifiée consistant à compléter l'opération envisagée initialement pour lui ajouter, dans le même périmètre, une dimension touristique, a pu légalement en déduire, par une appréciation souveraine des faits qui n'est entachée d'aucune dénaturation, que la nouvelle déclaration d'utilité publique en date du 11 décembre 1989 n'avait pas eu pour objet de faire échec à l'exercice de leur droit de rétrocession par les époux NORAIS et n'était pas, dès lors, entachée de détournement de procédure de ce chef ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme NORAIS ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner M. et Mme NORAIS à payer à la commune de Donville-les-Bains la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme NORAIS est rejetée.
Article 2 : M. et Mme NORAIS verseront à la commune de Donville-les-Bains une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme René NORAIS, à la commune de Donville-les-Bains et au ministre de l'intérieur.