CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 169574
COMMUNE DE MONTROUGE
contre
M. Parmentier
Lecture du 30 Juillet 1997
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 1ère et 4ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 1ère sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête, enregistrée le 22 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE MONTROUGE, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE MONTROUGE demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule un arrêt en date du 21 mars 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre un jugement en date du 7 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé un arrêté du maire de Montrouge en date du 23 juillet 1992 décidant d'exercer le droit de préemption de la commune sur un immeuble sis 15, rue Victor Hugo à Montrouge ensemble une délibération du conseil municipal de cette commune en date du 28 septembre 1992 décidant d'acquérir ledit immeuble ; 2°) condamne M. Parmentier à verser à la COMMUNE DE MONTROUGE la somme de 11 860 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Prada Bordenave, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Gatineau, avocat de la COMMUNE DE MONTROUGE et de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Laurent Parmentier, - les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'arrêté en date du 23 juillet 1992 par lequel le maire de Montrouge a décidé d'exercer le droit de préemption de la commune sur un immeuble situé 15, rue Victor Hugo ainsi que la délibération du conseil municipal en date du 28 septembre 1992 décidant l'acquisition amiable du bien préempté, ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 avril 1994 ; que la commune défère au Conseil d'Etat l'arrêt en date du 21 mars 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté comme irrecevable l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 316-1 du code des communes : "Sous réserve des dispositions du 16°) de l'article L. 122-20, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune" et qu'aux termes de l'article L. 122-20 du même code : "Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou en partie et pour la durée de son mandat : ... 16°) d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal" ; qu'il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat ;
Considérant qu'ainsi qu'il ressort des termes de la délibération du conseil municipal en date du 17 mars 1989, qui donnait délégation au maire en application du 16° de l'article L. 122-20 du code des communes, pour ester en jutice au nom de la commune, le conseil municipal a fait usage de la possibilité que lui conféraient les dispositions précitées de l'article L. 122-20 du code des communes pour habiliter le maire à représenter la commune dans tous les cas de contentieux intéressant celle-ci ; que, par suite, la commune est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué déniant au maire de Montrouge qualité pour faire appel au nom de la commune ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la recevabilité des demandes présentées par M. Parmentier devant le tribunal administratif de Paris :
Considérant que la décision par laquelle une commune décide d'exercer son droit de préemption en application des dispositions des articles L. 210-1 et suivants du code de l'urbanisme présente le caractère d'une décision individuelle ; qu'il n'est pas contesté que M. Parmentier, acquéreur évincé, n'a pas reçu notification de l'arrêté du maire de Montrouge en date du 23 juillet 1992 décidant d'exercer le droit de préemption de la commune sur l'immeuble dont il s'était porté acquéreur ; que l'affichage de l'arrêté n'a pu faire courir le délai du recours contentieux à l'encontre de M. Parmentier ; que, par suite, la demande de M. Parmentier, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 1992, n'était pas tardive ;
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Montrouge en date du 23 juillet 1992 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : "Les droits de préemption institués par le présent titre sont institués en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1..." ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : "Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti et non bâti et les espaces naturels" ;
Considérant que si l'arrêté par lequel le maire de Montrouge a décidé de préempter un pavillon appartenant à M. et Mme Rambaud, situé hors du périmètre de la zone d'aménagement concerté de Montrouge Nord créée par délibération du conseil municipal du 25 mai 1988, énonce dans ses motifs, dont il appartenait au juge de contrôler l'exactitude matérielle, que cette décision est intervenue pour "répondre à une forte demande de logements sociaux et assurer pleinement le relogement des habitants qui doivent être prochainement évincés de la zone d'aménagement concerté du Nord alors qu'il n'existe plus de terrains constructibles disponibles sur le territoire de la commune", il ressort des pièces du dossier que cette décision a eu en réalité pour objet, en permettant de procéder ensuite à un échange entre l'immeuble ainsi préempté et un immeuble appartenant aux époux Onger situé dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté, de faciliter la cession amiable de l'immeuble appartenant à ces derniers ainsi que d'obtenir d'eux qu'ils renoncent aux actions contentieuses qu'ils avaient introduites contre différentes décisions prises par la commune pour la réalisation de la zone d'aménagement concerté ; qu'elle ne saurait, dès lors, être regardée comme répondant aux objectifs définis par les dispositions précitées du code de l'urbanisme, et se trouve entachée de détournement de pouvoir ; que c'est par suite, à bon droit et par un jugement qui ne comporte aucune contradiction de motifs, que le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'arrêté du maire de Montrouge en date du 23 juillet 1992 ;
Sur la légalité de la délibération du conseil municipal de Montrouge en date du 28 septembre 1992 :
Considérant que par sa délibération du 28 septembre 1992, le conseil municipal a décidé l'acquisition à l'amiable du pavillon sis 15, avenue Victor Hugo sur lequel le maire avait exercé le droit de préemption au nom de la commune et en a fixé le prix ; que cette délibération, ainsi intervenue pour l'application d'une décision dont l'annulation a, comme il a été dit ci-dessus, été prononcée à bon droit par le tribunal administratif, doit être annulée par voie de conséquence ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE MONTROUGE tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. Parmentier qui n'est pas la partie perdante soit condamné à payer à la COMMUNE DE MONTROUGE les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 21 mars 1995 est annulé.
Article 2 : La requête de la COMMUNE DE MONTROUGE devant la cour administrative d'appel de Paris et le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE MONTROUGE sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MONTROUGE, à M. Laurent Parmentier et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.