Jurisprudence : CE 10/7 SSR, 21-05-1997, n° 169563

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 169563

PREFET DU DOUBS

Lecture du 21 Mai 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 10ème et 7ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 10ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête enregistrée le 22 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU DOUBS ; le PREFET DU DOUBS demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 13 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté en date du 11 avril 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Gheorge Tomescu ; 2°) rejette la demande présentée par M. Tomescu devant le tribunal administratif de Besançon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Bechtel, Conseiller d'Etat, - les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué : Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :
Considérant que l'article 6 de la loi du 26 février 1992, qui, en vertu de l'article 10 de la même loi, est entré en vigueur en même temps que la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, laquelle a été publiée par décret du 21 mars 1995, dispose que : "L'article 26 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est complété par un second alinéa ainsi rédigé : "Lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la communauté économique européenne a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prise par l'un des autres Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et qu'il se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent décider qu'il sera d'office reconduit à la frontière." ; qu'il résulte tant de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi, que de leur rapprochement avec les articles 22 et 22 bis de la même ordonnance que le législateur a entendu instituer une procédure de reconduite d'office à la frontière distincte de celle des arrêtés de reconduite à la frontière prévus à l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, et soumise à des règles de contrôle juridictionnel différentes ; Considérant, d'une part, que, par arrêté en date du 12 avril 1995, le PREFET DU DOUBS a ordonné la reconduite à la frontière de M. Tomescu, de nationalité roumaine, au motif que l'intéressé faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision exécutoire prononçant une mesure d'éloignement du territoire allemand en date du 10 janvier 1994 ; que M. Tomescu se trouvait, par suite, dans la situation où, en application des dispositions précitées de l'article 26 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet pouvait légalement ordonner sa reconduite d'office à la frontière ; que la circonstance que l'arrêté du 11 avril 1995 du PREFET DU DOUBS ait visé l'article 22 de la même ordonnance ne fait pas obstacle à ce que cet arrêté soit regardé comme pris, en réalité, sur la base des dispositions précitées de l'article 26 bis de ladite ordonnance ; Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'article L. 4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel que les jugements du tribunal administratif sont rendus par une formation collégiale, en dehors des cas où le législateur en a décidé autrement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours pour excès de pouvoir formé par M. Tomescu contre l'arrêté du 12 avril 1995 devait être examiné par le tribunal administratif de Besançon selon les règles de procédure de droit commun, et non selon les règles exceptionnelles instituées par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'il suit de là que le jugement attaqué en date du 13 avril 1995, par lequel le conseiller-délégué par le président du tribunal administratif de Besançon, statuant comme juge du contentieux des reconduites à la frontière, a annulé l'arrêté du 12 avril 1995 du PREFET DU DOUBS a été rendu par une formation irrégulièrement composée et doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. Tomescu ;
Sur la légalité de l'arrêté du 12 avril 1995 : Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'arrêté dont s'agit ait été pris sur la base non de l'article 26 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 mais de l'article 22 de la même ordonnance, n'est pas de nature par elle-même à entacher cet arrêté d'illégalité ; Considérant, en deuxième lieu, que si M. Tomescu soutient que le PREFET DU DOUBS ne pouvait légalement fonder sa décision sur un signalement du "système d'information Schengen", ce moyen ne peut, eu égard aux termes mêmes de l'article 26 bis susmentionné, qu'être écarté ; Considérant, en troisième lieu, que la circonstance, invoquée par M. Tomescu, que serait actuellement pendante une demande d'asile présentée par son épouse est par elle-même sans influence sur la légalité de la décision ordonnant qu'il soit reconduit à la frontière ; qu'il ne justifie par ailleurs pas que cette mesure porterait une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ; Considérant, en quatrième lieu, que le requérant ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté ordonnant qu'il soit reconduit d'office à la frontière, de ce que son retour en Roumanie l'exposerait à des risques de persécution, la décision de reconduite étant distincte de celle par laquelle est fixé le pays de destination ; Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "L'examen de la demande d'admission au titre de l'asile présentée à l'intérieur du territoire français relève du représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, du préfet de police... Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 précitée, modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, l'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si :.. 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente... Dans le cas où l'admission au séjour lui a été refusée pour l'un des motifs visés aux 2° à 4° du présent article, le demandeur d'asile peut saisir l'office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié." et qu'aux termes de l'article 32 bis de la même ordonnance : "L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 31 bis bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié, le préfet abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Il délivre sans délai la carte de résident prévue au 10° de l'article 15." ; que si le PREFET DU DOUBS a refusé l'admission au séjour de M. Tomescu au motif que la demande d'asile qu'il avait présentée le 12 avril 1995 visait seulement à faire échec à la mesure d'éloignement ordonnée à son encontre par l'arrêté du 11 avril 1995, ledit arrêté avait prescrit qu'il serait sursis à l'exécution de la mesure de reconduite jusqu'à ce que l'office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué sur la demande d'asile de l'intéressé ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision, intervenue conformément auxprescriptions de l'article 32 bis précité, serait entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Tomescu n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du PREFET DU DOUBS en date du 11 avril 1995 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 13 avril 1995 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Tomescu devant le tribunal administratif de Besançon et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU DOUBS, à M. Tomescu, au ministre des affaires étrangères et à l'office français de protection des réfugiés et apatrides.

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