Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 30-06-1997, n° 169269

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 169269

M. TURLAIS

Lecture du 30 Juin 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu, 1°) sous le n° 169269, la requête enregistrée le 10 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Pierre TURLAIS, demeurant route du Coureau, à Vaux-en-Couhe (86700) ; M. TURLAIS demande que le Conseil d'Etat : a) annule le jugement du 14 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 12 novembre 1993 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, en tant que celui-ci, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section de la Vienne du 13 mai 1993, faisant droit à la demande d'autorisation de le licencier présentée par la société Ancelin Autom Elec, s'est abstenu de statuer sur cette demande ; b) rejette la demande présentée par la société Ancelin Autom Elec devant le tribunal administratif de Poitiers ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Vu, 2°) sous le n° 169417, le recours, enregistré le 16 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ; le ministre demande que le Conseil d'Etat : a) annule le jugement du 14 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé sa décision du 12 novembre 1993, en tant qu'il ne s'est pas prononcé surla demande d'autorisation de licenciement de M. Turlais présentée par la société Ancelin Autom Elec ; b) rejette la demande présentée par la société Ancelin Autom Elec devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Struillou, Auditeur, - les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société Ancelin Autom Elec et de M. Jean-Pierre Barthe, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de M. TURLAIS et le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, par une décision du 13 mai 1993, l'inspecteur du travail de la 1ère section de la Vienne a autorisé la société Ancelin Autom Elec à licencier M. TURLAIS, qui, ayant été candidat aux élections des membres du comité d'entreprise, bénéficiait alors de la protection prévue par l'article L. 436-1 du code du travail ; que, par une décision du 12 novembre 1993, le ministre du travail a annulé cette autorisation, au motif qu'elle avait été délivrée par une autorité territorialement incompétente ; que, par un jugement du 14 décembre 1994, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par la société Ancelin Autom Elec, aadmis le bien-fondé du motif retenu par le ministre du travail, pour justifier sa décision, mais a cependant annulé celle-ci en relevant que le ministre avait méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement concernant M. TURLAIS, présentée par son employeur ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-6 du code du travail : "Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours doit être introduit dans les deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur" ; qu'il résulte de cette disposition que la décision par laquelle l'inspecteur du travail autorise ou refuse d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé estsoumise au contrôle hiérarchique du ministre dans les conditions de droit commun ; que, lorsqu'il prononce l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail pour un motif de légalité en tenant compte des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle cette décision a été prise, le ministre se trouve saisi de la demande présentée par l'employeur, qu'il doit examiner en tenant compte des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue ; que, toutefois, dans le cas où le salarié concerné par la demande d'autorisation de licenciement cesse de bénéficier de la protection prévue par le code du travail, postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail, le ministre n'a plus compétence, après avoir annulé cette décision, pour refuser ou accorder l'autorisation sollicitée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 12 novembre 1993, à laquelle le MINISTRE DU TRAVAIL a annulé, pour le motif de légalité invoqué plus haut, l'autorisation accordée le 13 mai 1993 par l'inspecteur du travail de la 1ère section de la Vienne à la société Ancelin Autom Elec de licencier M. TURLAIS, qui, ainsi qu'il a été dit, avait été candidat aux élections des membres du comité d'entreprise, ce dernier ne bénéficiait plus de la protection prévue par l'article L. 436-1°) du code du travail ; que, par suite, le MINISTRE DU TRAVAIL n'était plus compétent pour refuser ou pour accorder l'autorisation sollicitée par la société Ancelin Autom Elec ; que, dès lors, M. TURLAIS et le MINISTRE DU TRAVAIL sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision du 12 novembre 1993, en tant que le ministre s'est abstenu de statuer sur la demande d'autorisation dont il s'agit ;
Considérant que les conclusions présentées par la société Ancelin Autom Elec, qui tendent à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 14 décembre 1994, en tant que celui-ci a admis que le ministre du travail était fondé à prononcer l'annulation de la décision du 13 mai 1993 de l'inspecteur du travail de la 1ère section de Vienne, au motif que celui-ci n'était pas territorialement compétent pour statuer sur la demande de cette société, ont été enregistrés après l'expiration du délai d'appel ; que les conclusions de cet appel incident, qui soulèvent un litige différent de celui qui fait l'objet des appels principaux de M. TURLAIS et du MINISTRE DU TRAVAIL, sont irrecevables ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 14 décembre 1994 du tribunal administratif de Poitiers est annulé, en tant ce qu'il a lui-même annulé la décision du MINISTRE DU TRAVAIL le 12 novembre 1993, en ce qu'elle a omis de se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. TURLAIS, présentée par la société Ancelin Autom Elec.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers par la société Ancelin Autom Elec ainsi que les conclusions de l'appel incident formé par la même société devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel TURLAIS, à la société Ancelin Autom Elec et au ministre de l'emploi et de la solidarité.

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