Jurisprudence : Cass. civ. 1, 05-01-2023, n° 21-15.650, FS-B, Cassation

Cass. civ. 1, 05-01-2023, n° 21-15.650, FS-B, Cassation

A154787G

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C100003

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046959995

Référence

Cass. civ. 1, 05-01-2023, n° 21-15.650, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92114879-cass-civ-1-05012023-n-2115650-fsb-cassation
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Abstract

Il résulte des articles 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 et 505 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022, qu'une vente de meubles appartenant à un majeur en tutelle, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, agissant au nom de la personne protégée, et devant avoir lieu aux enchères publiques, constitue, non pas une vente judiciaire prescrite par décision de justice, mais une vente volontaire qui peut être organisée par un opérateur de ventes volontaires


CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2023


Cassation sans renvoi


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 3 FS-B

Pourvoi n° V 21-15.650


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2023


La société Artcurial, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 21-15.650 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ à la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [… …],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Artcurial, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2021), par ordonnance du 6 juin 2016, un juge des tutelles a autorisé M. [P], en sa qualité de tuteur de Mme [C] [S], à confier la vente de la collection d'oeuvres d'[U] et [B] [V], appartenant en indivision à la majeure protégée et à son fils, M. [Aa] [S], à la société Artcurial, opérateur de ventes volontaires, selon le mandat de vente annexé et par vente aux enchères volontaire, au prix minimum fixé par oeuvre dans ce mandat.

2. Prétendant que la société Artcurial avait commis une faute en procédant à la vente volontaire de ces oeuvres et violé le monopole des commissaires-priseurs judiciaires, la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris et la chambre nationale des commissaires priseurs judiciaires l'ont assignée en paiement de dommages et intérêts.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Artcurial fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, alors « que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, à défaut d'un conseil de famille, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires dès lors que le juge des tutelles ne l'impose pas et se borne à entériner la décision de vendre prise librement par un propriétaire en autorisant le requérant à effectuer un acte de disposition ; qu'en jugeant en l'espèce, pour condamner la société Artcurial à indemniser la chambre de discipline de la compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, que la vente aux enchères publiques des 13 oeuvres d'art de [B] et [U] [V] appartenant en indivision à M. [S] et à sa mère, Mme [S], majeure protégée sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par une ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Courbevoie en date du 6 juin 2016, était une vente judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000🏛, ensemble, l'article 505 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000🏛 et 505 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2022-267 du 28 février 2022🏛 :

4. Il résulte de ces textes qu'une vente de meubles appartenant à un majeur en tutelle, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, agissant au nom de la personne protégée, et devant avoir lieu aux enchères publiques, constitue, non pas une vente judiciaire prescrite par décision de justice, mais une vente volontaire qui peut être organisée par un opérateur de ventes volontaires.

5. Pour condamner la société Artcurial au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la vente initiée par le tuteur et autorisée par le juge des tutelles, qui prescrit d'y procéder sous la forme d'une vente aux enchères, est une vente judiciaire et que la société Artcurial a commis une faute en choisissant de procéder à une vente volontaire.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

9. La vente aux enchères publiques des oeuvres d'art, propriété indivise de la personne protégée et de son fils, autorisée par le juge des tutelles à la requête du tuteur, constituant une vente volontaire, la société Artcurial n'a pas commis de faute en y procédant.

10. Le jugement doit donc être confirmé.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du 5 septembre 2018 ;

Condamne la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la chambre de discipline de la compagnie des commissaires priseurs judiciaires de Paris et la condamne à payer à la société Artcurial la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés devant la cour d'appel et la même somme pour ceux exposés devant la Cour de cassation ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-trois. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Artcurial.

La société Artcurial reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris de toutes ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris la somme de 15 061,20 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel ;

1°) Alors que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, à défaut d'un conseil de famille, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires dès lors que le juge des tutelles ne l'impose pas et se borne à entériner la décision de vendre prise librement par un propriétaire en autorisant le requérant à effectuer un acte de disposition ; qu'en jugeant en l'espèce, pour condamner la société Artcurial à indemniser la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, que la vente aux enchères publiques des 13 oeuvres d'art de [B] et [U] [V] appartenant en indivision à M. [S] et à sa mère, Mme [S], majeure protégée sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par une ordonnance du juge des tutelles du tribunal d'instance de Courbevoie en date du 6 juin 2016, était une vente judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi n°2000-642 du 10 juillet 2000🏛, ensemble, l'article 505 du code civil🏛 ;

2°) Alors que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, à défaut d'un conseil de famille, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires ; qu'en relevant, pour considérer que la vente intervenue était judiciaire et condamner la société Artcurial à indemniser la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, qu'un juge des tutelles peut décider que les modalités de la vente seront celles d'une vente aux enchères publiques avec le cas échéant une mise à prix et également un prix de réserve, quand ce dernier ne délivre cette autorisation qu'à défaut d'un conseil de famille et que la décision de vendre ne lui appartient pas, la cour d'appel, qui a statué à la faveur d'une motivation inopérante à qualifier la vente en litige de judiciaire, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 29 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000🏛, ensemble, l'article 505 du code civil🏛 ;

3°) Alors que, la vente aux enchères publiques de meubles appartenant à un majeur sous tutelle, autorisée sur requête du tuteur par le juge des tutelles, ne constitue pas une vente judiciaire, définie par le législateur comme prescrite par la loi ou par décision de justice, mais une vente volontaire non soumise au monopole des commissaires-priseurs judiciaires ; qu'en relevant, pour condamner la société Artcurial à indemniser la Chambre de discipline de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, que la protection de l'intérêt du majeur protégé qui repose sur le seul contrôle du juge des tutelles est mieux assurée dans le cadre de la vente confiée à un commissaire-priseur judiciaire ou un autre officier ministériel dont l'activité est contrôlée par une inspection annuelle de ses pairs ainsi que le Procureur de la république, et encore que, la société Artcurial a imposé à l'acquéreur des frais d'adjudication de 21,5 % et ainsi perçu des frais de 22,5 % au total contre 17 % dans le cadre d'une vente judiciaire, « la chambre de discipline fai[san]t valoir à juste titre que l'acquéreur inclut nécessairement le montant de ces frais dans ce qu'il est prêt à payer et enchérit moins haut, ce qui, en définitive, nuit aux intérêts du vendeur », la cour d'appel, qui s'est livrée à une appréciation de pure opportunité, a statué par une motivation impropre à caractériser une vente judiciaire aux enchères publiques et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 29 de la loi n°2000-642 du 10 juillet 2000🏛 ;

4°) Alors que, ce faisant, en statuant par ces derniers motifs, la cour d'appel, qui a méconnu que seul le juge des tutelles veille à l'intérêt du majeur protégé et qu'en l'espèce, le juge des tutelles près le tribunal d'instance de Courbevoie a autorisé la vente sous enchère publique après avoir souligné que cette opération était conforme à l'intérêt de Mme [C] [S], majeure protégée, a violé l'article 505 du code civil🏛.

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