Jurisprudence : CE 2/6 SSR, 19-01-1996, n° 159392

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 159392

ASSOCIATION QUARTIERS ET AVENIR

Lecture du 19 Janvier 1996

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 2ème et 6ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 2ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête enregistrée le 17 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION QUARTIERS ET AVENIR, représentée par son président, dont le siège est 6, rue des Jardins Caulier à Lille (59019) ; l'ASSOCIATION QUARTIERS ET AVENIR demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule pour excès de pouvoir le décret du 19 avril 1994 déclarant d'utilité publique les travaux relatifs à la construction de la déviation du boulevard Pasteur et la porte sud de Lille, conférant le caractère de route express à la voie et classant dans la catégorie des autoroutes ses raccordements aux autoroutes A1 et A25 ; 2°) ordonne le sursis à exécution dudit décret ; 3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de dix-mille francs sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que l'article R.11-14-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que le commissaire enquêteur ou les membres de la commission d'enquête peuvent être choisis : - parmi les personnes ayant acquis, en raison notamment de leurs fonctions, de leurs activités professionnelles ou de leur participation à la vie associative, une compétence ou des qualifications particulières soit dans le domaine technique de l'opération soumise à l'enquête, soit en matière d'environnement ; (...) ne peuvent être désignés les magistrats de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif en activité, les auxiliaires de justice et les officiers ministériels en activité, non plus que les personnes intéressées à l'opération, soit à titre personnel, soit en raison de fonctions qu'elles exercent ou ont exercées depuis moins de cinq ans, notamment au sein de la collectivité, de l'organisme ou du service qui assure la maîtrise d'ouvrage, la maîtrise d'oeuvre ou le contrôle de l'opération soumise à enquête ou au sein des associations concernées par cette opération" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Halliez, désigné en qualité de membre de la commission d'enquête sur le projet de déclaration d'utilité publique de la déviation du boulevard périphérique Est de Lille entre le carrefour Pasteur et la porte Sud de Lille, par décision du président du tribunal administratif de Lille en date du 29 juillet 1992, était ingénieur divisionnaire honoraire des travaux publics de l'Etat ; qu'il avait, comme chef de l'arrondissement de Lille à la direction départementale de l'équipement du Nord, pris une part importante à l'élaboration du projet soumis à enquête publique ; qu'une telle circonstance, quand bien même l'intéressé ait été admis à faire valoir ses droits à la retraite depuis plus de cinq ans, est de nature à faire regarder M. Halliez comme personne intéressée à l'opération au sens des dispositions précitées de l'article R.11-14-4 du code de l'expropriation ; que, dans ces conditions, sa nomination étant intervenue en méconnaissance desdites dispositions, la procédure suivie a été entachée d'irrégularité ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à verser à l'ASSOCIATION QUARTIERS ET AVENIR la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le décret du 19 avril 1994 est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à l'ASSOCIATION QUARTIERS ET AVENIR la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION QUARTIERS ET AVENIR et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

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