Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 27-12-2022, n° 452898, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 27-12-2022, n° 452898, mentionné aux tables du recueil Lebon

A4088848

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:452898.20221227

Identifiant Legifrance : CETATEXT000046911649

Référence

CE 1/4 ch.-r., 27-12-2022, n° 452898, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/91440636-ce-14-chr-27122022-n-452898-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

66-07 Il résulte des articles L. 1233-58, 1233-57-2, 1233-30, 1233-31 et 1233-34 du code du travail que, lorsqu’elle est saisie par un employeur d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que la procédure d’information et de consultation du comité social et économique (CSE) a été régulière....1) Lorsque la liquidation judiciaire d’une entreprise est prononcée après qu’elle a d’abord été placée en redressement judiciaire, l’administration doit procéder au contrôle de la régularité de cette procédure au regard des informations transmises au CSE sur l’opération projetée et ses modalités d’application, ainsi que sur le projet de licenciement collectif et le PSE, tels qu’ils résultent du placement de la société en liquidation judiciaire. ...2) En revanche, dès lors que l’opération projetée et ses modalités d’une part, le projet de licenciement collectif et le PSE d’autre part, diffèrent nécessairement de ceux résultant du placement de la société en redressement judiciaire, il ne lui appartient pas de procéder au contrôle de la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE conduite dans le cadre de la procédure collective antérieure au jugement ayant placé la société en liquidation judiciaire.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 452898

Séance du 07 décembre 2022

Lecture du 27 décembre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Mme BA O, M. AM AC, M. Y H, M. S F, Mme BJ A, M. C N, M. AD AX, M. AY X, Mme M V, M. S R, Mme U AR, M. BF AA di Perrotolo, M. AQ AT, Mme I BI, M. E D, M. Q W, M. BK BE, Mme K AH, M. AS AK, Mme AW BG, M. AI AL, M. BH AG, M. Z B, M. BC AV, M. AN AU, M. BD AZ, M. G AP, M. T AJ, M. AE AO, Mme BB P, M. Q AF, Mme AB L, et le comité social et économique de la société Nouvelle Scala ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 juin 2020 par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Nouvelle Scala. Par un jugement n° 2005829 du 28 octobre 2020, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 20MA04733 du 23 mars 2021, la cour administrative d'appel de Marseille⚖️ a rejeté l'appel formé par Mme O et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai, 25 août 2021 et 1er juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AL et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de Me Simon J, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Nouvelle Scala, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. Z B, de M. AL et autres et à Maître Haas, avocat de Me Simon J ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le tribunal de commerce de Marseille, par un jugement du 1er avril 2020, a placé la société Nouvelle Scala en redressement judiciaire, puis, par un jugement du 27 mai 2020, a prononcé la liquidation judiciaire de cette société et désigné Me J en qualité de mandataire liquidateur. Par une décision du 5 juin 2020, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Nouvelle Scala. Par un jugement du 28 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision d'homologation formée par des salariés et le comité social et économique de la société Nouvelle Scala. Ces derniers se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 23 mars 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leur appel contre ce jugement.

Sur le pourvoi :

En ce qui concerne le désistement de certains requérants :

2. Par un acte enregistré postérieurement à l'introduction de leur pourvoi, Mme BA O, M. AM AC, M. Y H, M. S F, Mme BJ A, M. C N, M. AD AX, Mme M V, M. S R, Mme U AR, M. BF AA di Perrotolo, M. AQ AT, Mme I BI, M. Q W, M. BK BE, Mme K AH, Mme AW BG M. BH AG, M. BC AV, M. AN AU, M. BD AZ, M. G AP, M. AE AO, Mme BB P, M. Q AF et Mme AB L déclarent se désister de ce pourvoi. Leur désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

En ce qui concerne les moyens du pourvoi :

3. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 1233-58 du code du travail🏛, applicable aux entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire : " Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3 () ". Aux termes de l'article L. 1233-57-2 du même code : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié () la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique () ".

4. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 1233-58 du code du travail🏛 [, applicable aux entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire : " I.-En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 123324-4. L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : () / 3° L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés ; / 4° L. 1233-34 et L. 1233-35 premier alinéa et, le cas échéant, L. 2325-35 et L. 4614-12-1 du code du travail🏛 relatifs au recours à l'expert ; / 5° L. 1233-31 à L. 1233-33, L. 1233-48 et L. 1233-63, relatifs à la nature des renseignements et au contenu des mesures sociales adressés aux représentants du personnel et à l'autorité administrative ; / 6° L. 1233-49, L. 1233-61 et L. 1233-62, relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi ; / 7° L. 1233-57-5 et L. 1233-57-6, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés. "

5. Aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail🏛 : " I.-Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. () " Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code🏛 : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ". Aux termes de l'article L. 1233-34 du même code🏛 : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance d'un expert-comptable en application de l'article L. 2325-35. "

6. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail🏛 et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. A ce titre, il appartient à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par ces dispositions, l'administration doit s'assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprise de formuler ses avis en toute connaissance de cause.

7. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour a estimé que, dès lors que la liquidation judiciaire de la société Nouvelle Scala constituait le motif économique du projet de licenciement collectif, les requérants ne pouvaient utilement soutenir que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique avait été irrégulière. En statuant ainsi, alors que, ainsi qu'il a été dit au point 6, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi d'une société en liquidation judiciaire, de s'assurer de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'arrêt du 23 mars 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulé.

Sur la requête d'appel :

9. Le délai de trois mois imparti par les dispositions de l'article L. 1235-7-1 du code du travail🏛 à la cour administrative d'appel pour statuer étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application des mêmes dispositions, de statuer immédiatement sur l'appel formé par M. AL et autres contre le jugement du 28 octobre 2020 du tribunal administratif de Marseille.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle est relative au contrôle de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

Quant à l'étendue du contrôle par l'autorité administrative de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

10. En premier lieu, il résulte des dispositions citées aux points 3 à 5 que, lorsque la liquidation judiciaire d'une entreprise est prononcée après qu'elle a d'abord été placée en redressement judiciaire, l'administration doit procéder au contrôle mentionné au point 6 au regard des informations transmises au comité social et économique sur l'opération projetée et ses modalités d'application, ainsi que sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi, tels qu'ils résultent du placement de la société en liquidation judiciaire. En revanche, dès lors que l'opération projetée et ses modalités d'une part, le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi d'autre part, diffèrent nécessairement de ceux résultant du placement de la société en redressement judiciaire, il ne lui appartient pas de procéder au contrôle de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique conduite dans le cadre de la procédure collective antérieure au jugement ayant placé la société en liquidation judiciaire.

11. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les requérants ne peuvent utilement soutenir que la décision d'homologation qu'ils attaquent est illégale aux motifs que l'autorité administrative n'a pas contrôlé si le comité social et économique a été régulièrement informé et consulté préalablement au jugement ayant placé la société Nouvelle Scala en liquidation judiciaire, qu'il n'a pas été régulièrement informé dès que la suppression des emplois était envisagée, que lui auraient été transmises, alors que la société était en redressement judiciaire, des informations insuffisantes ou erronées sur la situation économique et financière de la société et du groupe Quanteam auquel elle appartient, enfin, que le liquidateur aurait exercé des pressions sur les membres du comité social et économique lors de sa réunion du 19 mai 2020, qui s'est tenue avant que la société Nouvelle Scala ne soit placée en liquidation judiciaire.

12. En outre, eu égard à ce qui a été dit au point 10, dès lors qu'en l'espèce, l'expert-comptable a été désigné dans le cadre de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique résultant du placement de la société Nouvelle Scala en redressement judiciaire, et non dans le cadre de la procédure résultant de son placement en liquidation judiciaire, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la décision d'homologation qu'ils attaquent est illégale au motif que les conditions dans lesquelles cet expert a accompli sa mission n'ont pas permis au comité social et économique de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis sur l'opération projetée et le projet de licenciement collectif en toute connaissance de cause.

13. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 2312-8 du code du travail🏛 : " Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise () ". Aux termes de l'article L. 2312-53 du même code🏛 : " Le comité social et économique est informé et consulté : / 1° Avant le dépôt au greffe d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ; / 2° Lors d'une procédure de sauvegarde, dans les situations prévues aux articles L. 623-3 et L. 626-8 du code de commerce🏛🏛 ; / 3° Lors d'une procédure de redressement judiciaire, dans les situations et conditions prévues aux articles L. 631-17, L. 631-18, L. 631-19 et L. 631-22 du code de commerce🏛🏛🏛🏛 ; / 4° Lors d'une procédure de liquidation judiciaire, dans les situations et conditions prévues au I de l'article L. 641-1, à l'article L. 641-4, au troisième alinéa de l'article L. 641-10, aux premier et avant-dernier alinéas de l'article L. 642-5 et au deuxième alinéa de l'article L. 642-9 du code de commerce🏛. / En cas de licenciements économiques prononcés dans les cas prévus aux 3° et 4°, le comité est réuni et consulté dans les conditions prévues à l'article L. 1233-58 du présent code. "

14. Il ne résulte d'aucun texte qu'il appartiendrait à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail🏛, dans le cadre de son contrôle mentionné au point 6, de s'assurer que le comité social et économique a été régulièrement informé et consulté en application, d'une part, des articles L. 2312-8 et L. 2312-53 du code du travail🏛🏛, d'autre part, des dispositions du code de commerce mentionnées par ce second article. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la décision d'homologation qu'ils attaquent est illégale au motif que l'administration n'aurait pas exercé un tel contrôle.

Quant au contrôle par l'administration de la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :

15. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'était jointe à la convocation à la réunion du comité social et économique du 4 juin 2020 une note d'information comportant l'ensemble des informations exigées par les dispositions de l'article L. 1233-31 du code du travail🏛 citées au point 5, notamment les raisons économiques du projet de licenciement, le nombre de licenciements envisagé, les effectifs de la société par catégories professionnelles et les critères d'ordre des licenciements, et les mesures sociales d'accompagnement en mesure de faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pouvait être évité. D'autre part, cette note indique qu'aucune mesure d'accompagnement ne peut être financée par la société en raison de ce qu'elle est en état de cessation des paiements, qu'il n'existe, en raison de la liquidation de la société, aucune perspective de reclassement interne, que des démarches sont entreprises auprès de la société-mère de la société Nouvelle Scala et auprès de sa filiale qui intervient dans le même secteur d'activité, ainsi qu'auprès des autres sociétés du groupe qui n'interviennent pas dans le même secteur d'activité. Par ailleurs, cette note énumère dix sociétés tierces exerçant dans le même secteur d'activité interrogées en vue d'un reclassement externe des salariés licenciés et il ressort du procès-verbal de la réunion du 4 juin 2020 que le liquidateur a fait état, lors de cette réunion, des réponses reçues à date par l'ensemble de ces sociétés. Enfin, si les requérants soutiennent que certains documents auraient été transmis trop tardivement au comité social et économique pour lui permettre d'émettre son avis en tout connaissance de cause, d'abord, il ressort des pièces du dossier que la note explicative a été adressée aux membres du comité social et économique dans le respect du délai de trois jours prévu par l'article L. 2315-30 du code du travail🏛, ensuite, s'agissant des autres documents transmis au comité, les requérants n'assortissent pas leur argumentation des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que la décision qu'ils attaquent est illégale au motif que le comité social et économique n'a pas été suffisamment informé, postérieurement au jugement ayant prononcé le placement de la société Nouvelle Scala en liquidation judiciaire, d'une part, sur la situation économique et financière de cette société et du groupe Quanteam, d'autre part, sur les possibilités de reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ni la circonstance que ne se soit tenue qu'une seule réunion du comité social et économique, ce qui, au demeurant, est en principe prévu par l'article L. 1233-58 du code du travail🏛 en cas de liquidation judiciaire, ni celle que la base de données économiques et sociales n'a pas été renseignée, ni celle que les membres du comité social et économique aient reçu des informations complémentaires le jour même de la réunion, ni celle que l'administration a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi le jour même de sa réception ne sont de nature à entacher d'illégalité la décision d'homologation attaquée.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte sur le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi :

16. En premier lieu, d'une part, aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail🏛, applicable aux entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise ".

17. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail🏛, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, d'une part, que l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise.

18. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail🏛 : " L'autorité administrative notifie à l'employeur () la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". En vertu de ces dispositions, la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs.

19. Si le respect de la règle de motivation énoncée au point précédent n'implique ni que l'administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu'il lui incombe de contrôler, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d'y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l'administration d'indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

20. Il ressort des pièces du dossier que, par des courriers datés du 30 mai 2020, le liquidateur de la société Nouvelle Scala a demandé à l'ensemble des sociétés du groupe Quanteam un abondement financier du plan de sauvegarde de l'emploi. En outre, la ministre soutient, sans être sérieusement contredite sur ce point, que l'administration a pris connaissance de ces courriers avant d'homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, les copies de ces courriers ayant été déposées sur le portail dédié par voie dématérialisée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision qu'ils attaquent est illégale au motif, d'une part, que le liquidateur n'a pas recherché les moyens dont dispose le groupe pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, d'autre part, que l'administration n'a pas contrôlé la recherche, par le liquidateur, des moyens du groupe, la circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas un tel contrôle étant eu égard à ce qui a été dit au point 19, sans incidence sur sa légalité.

21. En second lieu, aux termes de l'article L. 1233-61 de ce code🏛 : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. / () ". Aux termes de l'article L. 1233-62 de ce code🏛 : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. "

22. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail🏛, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation. A cet égard, la seule circonstance que, dans une entreprise en liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire, alors qu'il a utilement saisi les autres entreprises du groupe en vue d'une recherche des postes de reclassement disponibles sur le territoire national, n'ait pas obtenu les réponses de tout ou partie de ces entreprises, ne fait pas obstacle à ce que le plan de reclassement soit regardé comme satisfaisant les exigences figurant aux dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-62 du code du travail🏛🏛 et à ce que l'administration, le cas échéant, estime, dans le cadre du contrôle global qui lui incombe, que le plan de sauvegarde de l'emploi est suffisant, eu égard aux moyens de l'entreprise.

23. Il ressort des énonciations du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, homologué par la décision attaquée, que le liquidateur judiciaire de la société Nouvelle Scala a sollicité les entreprises du groupe Quanteam et dix sociétés tierces en vue d'une recherche des postes de reclassement disponibles et que c'est en raison de l'absence de réponse positive à ces sollicitations qu'il se borne à relater l'ensemble de ces recherches et à préciser que la liste des postes sera, le cas échéant, diffusée à l'ensemble des salariés. Par suite, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, les requérants, qui ne peuvent utilement soutenir que la décision d'homologation qu'ils attaquent est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au motif qu'ils n'ont pas bénéficié d'un congé de reclassement, dès lors que cette décision ne mentionne pas un tel congé, ne sont pas fondés à soutenir, au seul motif que le plan de sauvegarde de l'emploi ne mentionnait pas de postes de reclassement mais seulement les recherches effectuées par le liquidateur, que l'administration ne pouvait homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi au motif qu'il était insuffisant, en particulier en ce qui concerne la plan de reclassement.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par Me J, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Nouvelle Scala, que M. AL et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme J qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants une somme au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est donné acte du désistement du pourvoi de Mme BA O, M. AM AC, M. Y H, M. S F, Mme BJ A, M. C N, M. AD AX, Mme M V, M. S R, Mme U AR, M. BF AA di Perrotolo, M. AQ AT, Mme I BI, M. Q W, M. BK BE, Mme K AH, Mme AW BG M. BH AG, M. BC AV, M. AN AU, M. BD AZ, M. G AP, M. AE AO, Mme BB P, M. Q AF et Mme AB L.

Article 2 : L'arrêt du 23 mars 2021 de la cour administrative de Marseille est annulé.

Article 3 : La requête présentée par M. AL et autres devant la cour administrative de Marseille est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. AL et autres et par Me J au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. AI AL, premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à Me Simon J, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Nouvelle Scala, et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 décembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Thalia Breton, auditrice-rapporteure.

Rendu le 27 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Thalia Breton

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Alleil

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