AFFAIRE N° RG 11/01888 Code Aff.
ARRÊT N°
ORIGINE JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Saint-Denis (Réunion) en date du 30 Août 2011, rg n° F 09/00342
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 30 JUILLET 2013
APPELANT
Monsieur Pierre-Yves Z
SAINT GILLES LES BAINS
Représentant Me Jean-Pierre LIONNET, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉES
SAS CEGELEC FRANCE, prise en la personne de son représentant légal
LA PLAINE SAINT-DENIS
Représentant Me Marion RIESS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
SARL CEGELEC LA RÉUNION, prise en la personne de son représentant légal
ZAC 2000, avenue Théodore
LE PORT Cedex
Représentant Me Marion RIESS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
SA CEGELEC PARIS, prise en la personne de son représentant légal
NANTERRE Cedex
Représentant Me Marion RIESS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2013 en audience publique, devant Hervé PROTIN, Président de Chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Martine LARRIEU, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 25 Juin 2013, puis prorogé au 30 JUILLET 2013;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Président Hervé PROTIN
Conseiller Christian FABRE
Conseiller Catherine PAROLA
Qui en ont délibéré
ARRÊT mis à disposition des parties le 30 JUILLET 2013
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LA COUR
Faits et procédure - prétentions des parties
1 - Suivant contrat à durée indéterminée sous forme de lettre d'embauche datée du 3 mai 2004 signée par le président directeur général de la SA Cegelec Paris et la directrice des ressources humaines, puis approuvée le 10 mai 2004 par Pierre-Yves Z, ce dernier a été recruté à temps complet avec une affectation à "'Cegelec Paris -Agence Nanterre'" pour prendre ses fonctions sur le lieu de travail ""Cegelec La Réunion'" à compter du 10 mai 2004 en qualité de "'Responsable Administratif et Comptable'", en position B2, moyennant un salaire brut mensuel de 4.470 euros incluant 0,70 mois au titre de la prime de fin d'année, majoré de tous avantages découlant de la loi, de la convention collective nationale du 31 août 1955 des ingénieurs assimilés et cadres employés dans les entreprises de travaux publics, ou accordée par la société, "'(') en particulier sous certaines conditions de présence et d'ancienneté, une prime de vacances conventionnelles. Votre rémunération globale pour les 12 mois à venir est basée sur un montant de 55'000 euros'".
2 - Suivant actes datés du 3 mai 2004 intitulés respectivement "'contrat de détachement' A CEGELEC LA RÉUNION' CLAUSES PARTICULIERES'", la durée de la mission a été fixée à deux années renouvelable et la rémunération fixée à 5.415 euros sur 13 mois, tandis que "'contrat de détachement' A CEGELEC LA RÉUNION' CONDITIONS GÉNÉRALES" précisait en son article 2.3 "'il est toutefois entendu que nous pourrons vous rappeler à tout moment avant l'achèvement de ladite mission, si nous l'estimons utile de même, la durée de votre mission pourra éventuellement être prolongée pour assurer la bonne fin des travaux ".
3 - Suivant lettre datée du 7 juin 2006 approuvée sous la seule signature de la directrice des ressources humaines de Cegelec Paris, la prolongation pour une durée de deux ans à compter du 7 juin 2006 du contrat de détachement à La Réunion aurait été notifiée au salarié, qui conteste en avoir été destinataire, y étant mentionné "'(') les autres éléments du contrat restent inchangés'".
4 - Suivant lettre datée du 16 mai 2008 approuvée sous la double signature du vice-président "'de la Unit SAU'" et du directeur des ressources humaines de Cegelec Paris SA, le salarié s'est vu notifier par pli recommandé - à l'adresse Saint Gilles - la "'Fin de détachement'" et "'Rappel en métropole'" dans les termes suivants " Nous vous confirmons par la présente les termes de l'entretien téléphonique que vous avez eu avec Monsieur Christian De ... le 14 mai dernier. Vous êtes détaché au sein de Cegelec La Réunion depuis le 7 juin 2004 sous l'empire d'un contrat de détachement d'une durée initiale prévue de deux ans, qui a été renouvelé pour deux ans supplémentaires par courrier du 7 juin 2006. Ainsi votre détachement à La Réunion devrait prendre fin le 6 juin 2008. Néanmoins, afin de vous permettre d'organiser votre rapatriement dans de bonnes conditions et de vous laisser disposer d'un délai suffisant pour mettre en oeuvre le déménagement nécessaire et procéder aux formalités administratives requises, nous acceptons de prolonger votre détachement jusqu'au 30 septembre 2008. Votre nouvelle affectation prendra donc effet le 1er octobre 2008 à 10 h00. Des lors, conformément aux dispositions dudit contrat de détachement, vous serez réintégré aux effectifs de la société Cegelec Paris à la direction financière de Nanterre. Nous vous ferons parvenir dans le courant du mois de juin le libellé de la fonction que vous occuperez, étant précisé d'ores et déjà que votre rémunération et votre classification demeureront inchangées ".
5 ' Suivant courriel daté du 24 juin 2008 envoyé de la part de Christian De ... au salarié, il a été rappelé que " Conformément à notre entretien téléphonique du 14 mai 2008 et au courrier envoyé en recommandé le 29 mai que vous n'êtes pas allés retirer et qui par conséquent a été retourné, veuillez trouver ci-joint le contenu du poste de votre nouvelle affectation à Cegelec Paris à compter du 1er octobre 08. Nous vous proposons de vous donner de plus amples détails par entretien téléphonique le 27 mai 08 à 10 h (heure de Paris) ".
6 - Suivant pli recommandé daté du 2 juillet 2008, le cadre a fait savoir à M. Christian De ... que suite à sa décision de le muter dans une agence en région Parisienne, dont le volume du chiffre d'affaires et des effectifs est certes plus conséquent, "'(') l'amplitude du poste de RAF en agence de tourisme n'autorise pas la même autonomie dans les décisions, laisse moins d'initiative dans les solutions envisagées et surtout beaucoup moins de diversité dans les tâches. Par rapport aux éléments que vous m'avez indiqués, je considère que ce rattachement à une agence représente une modification de mes fonctions, par une limitation importante de mes attributions, par rapport à ma situation dans une filiale et ne correspond pas aux attentes exprimées ", et qu'enfin, il souhaiterait le cas échéant poursuivre sa mission à La Réunion dans l'attente qu'un poste plus conforme aux intérêts communs des parties se libère .
7 - Suivant pli recommandé daté du 16 juillet 2008 le directeur des ressources humaines de Cegelec Paris SA rappelait quele détachement du cadre à la Réunion devait sous l'empire du contrat de détachement prendre fin le 6 juin 2008, délai prorogé jusqu'au 30 septembre 2008 pour les raisons déjà cités, et il rappelait aussi que cet élément constituant un point important avait été abordé avec attention lors des entretiens de recrutement et qu'il n'avait jamais été question d'un maintien dans le poste'" au strict minimum quatre ou cinq ans ", alors que la pratique bien établie au sein de Cegelec Paris consiste à procéder à des détachements d'une durée initiale de deux ans pouvant être renouvelé jusqu'à une durée maximale de quatre ans au total et ce qui y compris en matière de détachement Outre-mer.
Quant à l'appréciation de l'envergure du poste de responsable administratif et financier de l'agence Missenard, lieu d'affectation, ce poste " couvre tous les aspects administratifs et financiers de la fonction, présente autant d'intérêt que vos fonctions actuelles, et couvre même un périmètre plus large en termes de volume d'activité. Il ne saurait s'agir d'une limitation importante de vos attributions. Ce type de fonction constitue un poste idéal après détachement en outre-mer ".
La direction a confirmé sa décision de mettre fin à la mission de détachement du cadre pour l'affecter au poste de responsable administratif et financier de l'agence au sein de Cegelec Paris pour une prise de fonction au 1er octobre 2008 à 10 heures.
8 - En réponse suivant pli recommandé daté du 28 juillet 2008, le cadre déclare en substance qu'il a été embauché directement sur La Réunion, et que le poste proposé est " un poste essentiellement axé sur la fonction de contrôle de gestion et administration des ventes. Aussi le domaine d'activité est-il nettement moins étendu que mon poste actuel et l'équipe à encadrer beaucoup plus réduite. Même si le volume d'activité de l'agence est plus important, l'intérêt du poste est donc sans comparaison non seulement avec le poste actuel mais aussi avec l'évolution envisagée avec vous à l'embauche. Je considère que votre décision entraîne clairement une modification de mon contrat de travail, sans intérêt pour l'entreprise et au risque même de perturber la bonne marche retrouvée de Cegelec la Réunion".
9 ' Suivant courrier daté du 3 septembre 2008, puis du 10 septembre suivant, venant en réponse au courrier du cadre daté du 3 septembre 2008, évoquant l'abandon du projet de mutation dont s'agit, le directeur des ressources humaines de Cegelec Paris SA indiquait (objet du courrier "'confirmation de fin de détachement et rappel en métropole'"), avant de confirmer la nouvelle affectation à compter du 1er octobre 2008 à 10 heures au poste de responsable administratif et financier de l'agence Missenard au sein de Cegelec Paris SA, avec une rémunération une classification inchangée, que le contrat de détachement au sein de Cegelec la Réunion devant prendre fin le 6 juin 2008, et que cette pratique consistant à procéder à des détachements d'une durée initiale de deux ans renouvelables jusqu'à une durée maximale de quatre ans au total est établie depuis de nombreuses années au sein de Cegelec Paris, sans qu'il ait été convenu autre chose lors du recrutement.
10 - Suivant pli recommandé daté du 13 septembre 2008, le cadre faisait valoir que la mutation en cause n'était pas possible en l'état contenu tant de l'écart de fonction avec son poste actuel que de l'absence totale d'assurance sur le respect des conditions contractuelles, tout en restant à l'écoute pour " envisager un retour sur un poste correspondant aux engagements pris lors de mon embauche, à savoir, par exemple, un poste de direction financière au sein d'une filiale autonome, comprenant une équipe complète à encadrer et un niveau minimum d'autonomie et de prérogatives ".
11 - Suivant pli recommandé daté du 22 septembre 2008, la directrice des ressources humaines de Cegelec France Business répondait au cadre sous l'objet "'Confirmation de fin de détachement et de nouvelle affectation métropole'", en confirmant par écrit les conditions de l'organisation matérielle au retour en métropole, à savoir
' " l'indemnité de logement dite 12 ' 8 ' 4 afin de prendre en charge les surcharges liées au changement de lieu de domicile'", dans la mesure où la valeur locative du nouveau logement métropolitain serait plus élevée que la valeur locative du logement ultra marin,
' "'l'indemnité dite prime de rideau de 4 % pour couvrir les frais de changement de résidence'", s'agissant du remboursement sur facture des frais occasionnés par le changement de résidence dans la limite de 4 % de la rémunération brute annuelle base France,
"le remboursement des frais liés au déménagement (déménagement, frais d'agence immobilière, frais de double domicile), les frais de déménagement étant ainsi à la charge de l'entreprise suivant les règles en vigueur à l'identique du déménagement aller de 2004, hormis les frais d'agence immobilière, et les éventuels frais de double résidence,
' le "'maintien du salaire d'embauche sollicitée est accordé (70keuros), réévalués des augmentations successives soient aujourd'hui 80'015euros annuels sachant qu'en application du contrat de détachement le salaire mensuel brut base la Réunion est lié à la durée de la mission au sein de Cegelec la Réunion et que cette mission prenant fin au 30 septembre 2008, le salaire à compter du 1er octobre suivant sera celui du salaire de base France comprenant bien évidemment les réévaluations successives communiquées chaque année,
' l' "'évaluation de droit à DIF a aujourd'hui et conservation de ce droit ",
' le " maintien du téléphone et du véhicule de service non floqué ou d'un contrat entrepris équivalent (à valoriser si option retenue)'" sachant que les fonctions de responsable administratif et financier de l'agence Missenard n'impliquent pas de mise à disposition ni d'un téléphone portable ni d'un véhicule de service,
' le"'versement du bonus'" qui se fera sur la base de la réalisation des objectifs et au prorata temporis en fonction du temps de présence en 2008 au sein de Cegelec la Réunion et Cegelec Paris, bonus dont la valeur ne peut être fixée actuellement,une option pour un billet d'avion au départ de Saint-Denis de la Réunion le lundi 29 septembre 2008 a été prise sous réserve de confirmation à bref délai pour ce vol.
12 - Suivant pli recommandé daté du 25 septembre 2008, le cadre faisait part à son employeur de la réitération de son désaccord, avec son maintien "'(') en poste au sein de Cegelec la Réunion conformément à mon contrat travail'", quant à la proposition de mutation au 1er octobre dans l'agence précitée, motif pris notamment, de la proposition de mutation portant sur "'(') un poste sans commune mesure avec les fonctions actuelles et encore moins avec celles escomptées dès l'embauche'", et eu égard au fait d'annoncer " 5 jours avant la date théorique de mutation, des conditions de mutation, qui s'avèrent pour certaines ambiguës, pour d'autres inacceptables (diminution de ma rémunération, retrait pur et simple des avantages en nature accordés depuis mon embauche chez Cegelec, refus de validation de mon bonus et limitations abusives de celui-ci à l'encontre tant de mon contrat travail que des pratiques de Cegelec l'union, non prises en charge de certaines dépenses directement liées à la mutation, etc.')'".
13 - Suivant pli daté du 6 octobre 2008, le cadre faisait reproche à la direction parisienne de notamment avoir perdu son accès à sa messagerie, et il sollicitait d'être reçu en urgence " afin de faire évoluer cette situation qui perturbe de plus en plus le fonctionnement de la filiale ".
14 - Suivant pli recommandé daté du 6 octobre 2008, l'employeur en la personne de la directrice des ressources humaines de Cegelec Paris SA 2008, a convoqué le cadre à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, pour faute grave, prévu et tenu le vendredi 17 octobre 2008 à 9h30 (jusqu'à 10h15) à Nanterre, en présence de Madame ..., du cadre concerné et de Monsieur Guy ..., délégué CFTC de Cegelec Paris.
15 - Suivant pli recommandé daté du 10 octobre 2008, Monsieur Philippe ... sous le timbre Cegelec La Réunion informait à nouveau le cadre que son détachement au sein de Cegelec La Réunion a pris fin et que par conséquent il n'occupe le plus les fonctions de responsable administratif et financier de Cegelec La Réunion, ce qui emporte fin de détachement et restitution du matériel appartenant la société, à savoir le véhicule de service, le portable, ordinateur portable, les clés et matériels d'accès aux locaux.
16 - Suivant pli recommandé daté du 22 octobre 2008, la directrice des ressources humaines de Cegelec Paris SA a notifié le licenciement du cadre pour faute grave privative de préavis et d'indemnité de rupture, pour les motifs suivants
" [...] Vous avez été embauché le 10 mai 2004, suite à la signature d'un contrat de travail avec Cegelec Paris le 3 mai 2004. Sous l'empire d'un contrat de détachement signé le 3 mai 2004 également, vous avez été détaché à compter du 7 juin 2004 au sein de Cegelec La Réunion pour une durée prévue de deux ans renouvelables, en tant que responsable administratif et comptable de Cegelec la Réunion. Ce détachement a été prolongé pour deux ans supplémentaires à compter du 7 juin 2006.
Cette prolongation devant prendre fin le 6 juin 2008, Monsieur De ..., Directeur Administratif et Financier de Cegelec France, vous a appelé au téléphone le 14 mai 2008 pour vous confirmer la fin de votre détachement à Cegelec La Réunion et vous informer que vous seriez réintégré à la direction financière de Cegelec Paris. Afin de vous permettre d'organiser votre rapatriement dans de bonnes conditions et de vous laisser disposer d'un délai suffisant pour mettre en oeuvre le déménagement nécessaire et procéder aux formalités administratives requises, Monsieur De ... a accepté de prolonger votre détachement jusqu'au 30 septembre 2008.
Le 29 mai 2008, nous vous avons adressé, par lettre recommandée avec avis de réception, un courrier de confirmation de votre entretien téléphonique avec M. ... ..., courrier que vous n'avez pas retiré et qui nous a donc été retourné "'non réclamé".
Le 29 mai 2008, Monsieur ... ... vous a transmis par mail le courrier du 29 mai que vous n'étiez pas allé retirer et vous a communiqué également le contenu du poste de votre nouvelle affectation à Paris à compter du 1er octobre 2008. Il a proposé par ailleurs de vous donner de plus amples détails par entretien téléphonique le 27 juin à 10 heures.
Lors de vos courriers/courriels des 2 juillet, 28 juillet, 3 septembre, 9 septembre, 10 septembre, 13 septembre et 25 septembre 2008, vous nous avez précisé que vous estimiez avoir un contrat de travail uniquement avec Cegelec la Réunion, que vous souhaitiez demeurer plus longtemps à La Réunion, que vous n'étiez pas intéressé par le poste de Responsable Administratif et Financier de l'agence Missenard de Cegelec Paris et que vous pensiez que cette nouvelle affectation constituait une modification de votre contrat travail.
Par courrier des 16 juillet, 4 septembre, 2 septembre et 22 septembre 2008, nous vous avons rappelé le cadre de nos relations contractuelles et la politique de Cegelec en matière de détachement outre-mer (politique qui vous avait déjà été expliquée lors de votre embauche). Nous avons également essayé de vous montrer l'intérêt du poste de Responsable Administratif et Financier (RAF) de Missenard dans le cadre de votre évolution de carrière en vous montrant que les Directeurs Financiers des grosses sociétés régionales ayant eu une affectation dans les DOM TOM étaient passés par des postes de RAF d'agence à leur retour en métropole avant d'accéder à une Direction Financière. Enfin, nous vous avons confirmé la fin de votre détachement à la Réunion au 30 septembre 2008 et votre affectation au 1er octobre 2008 en vous invitant vivement à respecter vos obligations contractuelles.
Malgré toutes nos diligences en termes de délai octroyé pour vous permettre de vous organiser et en dépit de nos explications et de vos obligations contractuelles, vous ne vous êtes pas présenté le mercredi 1er octobre pour prendre vos fonctions de Responsable Administratif et Financier de l'agence Missenard à Cegelec Paris et depuis cette date vous n'occupez pas vos nouvelles fonctions.
Votre refus de réintégrer les effectifs de la société Cegelec Paris à l'issue de votre détachement, votre absence injustifiée sur le poste de Responsable Administratif et Financier de l'agence Missenard à Cegelec Paris ainsi que le non-respect de votre clause de mobilité constitue une faute grave.
Nous sommes par conséquent dans l'obligation de mettre fin sans délai à cette situation inacceptable et donc de rompre pour faute grave le contrat vous liant à l'entreprise Cegelec Paris.
Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture. Vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise le 22 octobre 2008 au soir, date d'envoi de la présente lettre recommandée. [...] ".
17 - Contestant son licenciement, Pierre-Yves Z a saisi le conseil des prud'hommes de Saint-Denis, suivant requête reçue le 21 avril 2009 dont la section 'Encadrement'
"'CONSIDERE que le licenciement de Monsieur Pierre-Yves Z est fondé sur une cause réelle et sérieuse et repose sur une faute grave,
DÉBOUTE, en conséquence, Monsieur Pierre-Yves Z de l'ensemble de ses demandes.
CONDAMNE Monsieur Pierre-Yves Z au paiement de la somme de 750 euros à la société CEGELEC Paris au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
DÉBOUTE la société CEGELEC Paris de ses autres chefs de demandes,
Laisse les dépens à la charge de Monsieur Pierre-Yves Z'". (sic)
18 - Pierre-Yves Z a relevé régulièrement appel le 22 septembre 2011 de cette décision qui lui a été vainement notifiée par pli recommandé avec avis de réception.
Vu les écritures déposées,
' le 11 mars 2013 (dernières conclusions récapitulatives) par l'appelant,
' les 18 décembre 2012 et 9 avril 2013 par la Sarl Cegelec La Réunion, Cegelec Paris et Cegelec France,
Qui ont été reprises et développées oralement et auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des faits, demandes et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur le fond
L'appelant, qui invoque le caractère confus des conditions juridiques de son engagement, estime que cette situation doit conduire le juge du contrat travail à interpréter et qualifier correctement la relation de travail, en s'appuyant sur la commune intention des parties contractantes qui, selon l'article 1156 du Code civil, doit être privilégiée au sens littéral des termes utilisés.
Il ressort de la lettre d'embauche datée à Nanterre du 3 mai 2004 sous le timbre "'Cegelec Paris'" signée par Guy ... en qualité de président directeur général de la SA Cegelec Paris et de la directrice des ressources humaines puis approuvée le 10 mai 2004 par Pierre-Yves Z, que ce dernier a été engagé "'au service de notre Société à dater du 10 mai 2004 à 8h'" en qualité de Responsable Administratif et Comptable, en position B2, moyennant,
une affectation à l'agence Nanterre dépendant de Cegelec Paris, Nanterre,
un lieu de travail situé à Cegelec Le Port'"
un salaire brut mensuel de 4.470 euros incluant 0,70 mois au titre de la prime de fin d'année, majoré de tous avantages découlant de la loi, de la convention collective nationale du 31 août 1955 des ingénieurs assimilés et cadres employés dans les entreprises de travaux publics, ou accordée par la société, "'(') en particulier sous certaines conditions de présence et d'ancienneté, une prime de vacances conventionnelles. Votre rémunération globale pour les 12 mois à venir est basée sur un montant de 55'000 euros'".
Selon acte datés du 3 mai 2004 intitulé "'CONTRAT DE DETACHEMENT' A CEGELEC LA RÉUNION' CLAUSES PARTICULIERES'", cosigné par la directrice des ressources humaines, le vice président de la Unit ... Dominique Léonard et Pierre-Yves Z, il est énoncé
le cadre est "'détaché à LA RÉUNION' A dater du 7 juin 2004'" en qualité de "'Responsable Administratif et Comptable",
" Il est prévu que votre mission consistera à exercer vos fonctions à La Réunion'. Dans l'accomplissement de votre mission, vous serez soumis à l'autorité du Directeur de Cegelec la Réunion "
"'DUREE PREVUE deux années renouvelables'"
"'REMUNERATION'" Salaire mensuel brut bas La Réunion '.5.415 euros (sur 13 mois'" (art. 3.1)
Selon acte daté du 3 mai 2004 intitulé "'CONTRAT DE DETACHEMENT' A CEGELEC LA RÉUNION' CONDITIONS GÉNÉRALES'", cosigné par la directrice des ressources humaines, le vice président de la Unit ... Dominique Léonard et Pierre-Yves Z, il est énoncé
"'Pendant la durée de votre mission, vous percevrez un salaire mensuel brut base La Réunion indiqué à l'article 3. 1 des clauses particulières'",
"'13 ' CLAUSE DE CONTRAT LOCAL'. Le présent contrat a pour objet de définir les bases à partir desquelles sont fixées votre rémunération et les conditions de votre séjour ; il est le seul valable entre vous et Cegelec Paris pendant votre mission. Il pourrait être nécessaire d'établir localement un contrat travail qui définirait les rapports entre vous-même, notre filiale locale ou les autorités officielles du département de détachement. Ledit contrat ne serait valable que localement. En aucun cas ces contrats ne peuvent se cumuler dans leur ensemble ou dans leurs clauses particulières. Si vous demandez, pour une raison quelconque, l'application du contrat local, le présent contrat avec Cegelec Paris deviendrait ipso facto caduc ".
"'14 CONVENION DE REINTEGRATION. Il est convenu qu'en cas de retour en France métropolitaine, soit en application des dispositions du présent contrat, soit à la fin de ce même contrat, soit pour cause indépendante de votre volonté, vous serez réintégré dans les effectifs de la société, dans les conditions suivantes, à votre retour en France Métropolitaine. Le présent article (') ne concerne pas les rapports entre notre filiale locale et vous-même, étant entendu que l'obligation dont il s'agit incombe uniquement à la Société'".
Ces clauses concrétisent clairement et précisément l'embauche du cadre par la société Cegelec Paris à compter du 10 mai 2004 en qualité de responsable administratif et comptable (RAF) avec dans un premier temps une affectation précise à l'agence de Nanterre moyennant des conditions de rémunération métropolitaines, suivi dans un second temps, compte tenu de son lieu de travail à Cegelec La Réunion conforme à l'annonce de cet emploi, d'un contrat de détachement approuvé le 3 mai 2004 avec effet au 7 juin 2004, auprès de la société Cegelec la Réunion dont les conditions spécifiques de rémunération et d'acheminement du cadre et de sa famille ont alors été conclues sans pouvoir se confondre avec les conditions initiales d'embauche (majoration de salaire, prise en charge pour partie des frais de logement, des frais de voyage, du déménagement, de rapprochement familial, prise en charge d'un billet d'avion parents pour les membres de sa famille et le cadre).
L'usage étant pour le groupe, et donc pour Cegelec Paris de recourir, à l'instar des détachements à l'étranger, à un contrat de détachement en vue de pourvoir un poste de cadre dans une filiale du groupe située en Outre-mer, ici Cegelec La Réunion, cela justifie qu'ayant fait passer une annonce à cet effet, Cegelec Paris, dont la qualité d'employeur est constante au vu des contrats précités, embauchait à cette occasion, en termes précis et dépourvus d'ambiguïté, suivant contrat signé en métropole avec les conditions s'y rattachant, Pierre-Yves Z pour l'affecter dans un premier temps en France métropolitaine (Agence de Nanterre) en mentionnant seulement Cegelec La Réunion comme lieu de travail, et non comme société employeur ou co-employeur auprès de laquelle devait ensuite s'opérer, sur la base de conditions particulières et générales exemptes de confusion, le détachement convenu à l'embauche.
Cela est remarquable à lecture au sein du même contrat de détachement de,
l'article 11 des conditions générales sur la rupture du contrat qui énonce que " Il est tout d'abord rappelé qu'il peut être mis fin au présent contrat sans que pour autant soit rompu ipso facto le contrat de travail initial qui vous lie à la société et ce conformément aux articles 2. 2 ' 2. 3 ci-dessus'" ("'2.2 Il est convenu que vous renoncez à tout rapatriement avant la fin de votre mission, sauf cas de force majeure'", "'2. 3 Il est toutefois entendu que nous pourrons vous rappeler à tout moment avant l'achèvement de ladite mission, si nous l'estimons utile de même, la durée de votre mission pourra éventuellement être prolongée pour assurer la bonne fin des travaux'").
l'article 13 des conditions générales sur "'CLAUSE DE CONTRAT LOCAL'" stipule que "'Le présent contrat a pour objet de définir les bases à partir desquelles sont fixées votre rémunération et les conditions de votre séjour ; il est le seul valable entre vous et Cegelec Paris pendant votre mission'".
Par suite, les conventions précitées aux termes clairs et précis ne commandent aucune interprétation.
L'indépendance et l'autonomie dont bénéficie Cegelec La Réunion, au même titre que Cegelec Paris, ne prohibe pas le recours entre filiales d'un même groupe au prêt de main-d'oeuvre sous forme d'un détachement.
Il est loisible à l'employeur, compte-tenu de l'éloignement géographique de l'emploi et des spécificités qui s'y rattachent, de préférer le recours au détachement plutôt qu'à une mutation.
Dans ce contexte, il importe peu que le cadre n'est pas occupé des fonctions particulières à l'agence Nanterre entre le 10 mai 2004 et le 7 juin suivant, alors qu'il ressort des stipulations précitées acceptées par les parties que ce dernier devait rallier rapidement la Réunion dans le cadre d'un détachement pour y prendre ses fonctions de responsable administratif et comptable à Cegelec La Réunion.
Par ailleurs, le recrutement du cadre pour une affectation sur l'agence à Nanterre de Cegelec Paris en vue d'un premier détachement mis en oeuvre un mois plus tard en conformité avec le lieu convenu d'affectation (Cegelec La Réunion) ne caractérise pas une substitution d'employeur à titre définitif.
Le contrat de détachement ne peut être conclu qu'entre l'employeur et son cadre, en l'espèce entre Cegelec Paris et Pierre-Yves Z.
Le détachement étant limité dans le temps à une durée de 2 ans renouvelable, que le salarié a accepté en termes clairs, cette situation ne peut être assimilée à celle d'un changement d'employeur par application d'une clause de mobilité au sein d'un groupe, clause étrangère au présent débats et qui n'a pas été appliquée au cours de la relation de travail dont s'agit y compris à l'occasion de la fin du détachement.
Ainsi la circonstance selon laquelle le certificat de travail et le solde de tout compte ont été émis par Cegelec la Réunion ne modifie en rien les obligations du cadre à l'égard de son employeur Cegelec Paris.
Dans ce contexte, la demande de nullité de la clause de mobilité visée dans la lettre d'engagement du 3 mai 2004 en vue de mutations possibles vers d'autres établissement du groupe Cegelec, auxquelles ne peut être assimilée la situation du cadre en fin de détachement, est sans objet, et ce d'autant qu'en l'espèce le cadre n'a fait que recouvrer son affectation initiale préalable a son détachement convenu à l'embauche.
Le cadre prétend vainement l'inexistence du renouvellement de la durée de son détachement pour une nouvelle période de 2 ans, en prétextant n'avoir pas été destinataire de la lettre de renouvellement du 7 juin 2006 alors qu'il ne pouvait ignorer à la lecture des conditions de son contrat de détachement que la période biennale de celui-ci arrivait à échéance le 7 juin 2006 et qu'en poursuivant son activité à Cegelec La Réunion ce détachement dépourvu de caractère fictif était nécessairement renouvelé pour une nouvelle période de 2 ans.
Enfin, le cadre détaché au profit de Cegelec La Réunion estime que la clause de non-concurrence visée à l'article 11.4 des conditions générales du contrat de détachement conduit à considérer en fait et en droit que la commune intention des parties avait bien été de conférer à la société Cegelec la Réunion le statut d'employeur de Pierre-Yves Z.
Outre qu'il a déjà été indiqué que les clauses claires et précises de la lettre d'embauche et du contrat de détachement ne justifiaient aucune interprétation de ces conventions y compris sous couvert de la commune intention des parties, il sera ajouté que dans le cadre d'un détachement dans le département de la Réunion la clause de non-concurrence ( art 11.4 "'en cas de rupture du contrat dans les conditions de l'article 12. 2, vous vous engagez à ne pas exercer l'activité professionnelle susceptible de concurrencer Cegelec La Réunion dans les limites du département indiqué dans les conditions particulières'" "'Territoire de non-concurrence le département de la Réunion ") ne pouvait nécessairement porter que sur cette zone territoriale dans laquelle le cadre a exercé au profit d'une filiale du groupe Cegelec son activité depuis le 7 juin 2004 date convenue de son détachement.
Cette situation est donc sans effet sur les contrats critiqués.
Le cadre est débouté de sa demande en nullité du contrat de détachement.
Dans ces conditions, l'établissement puis la notification par la directrice des ressources humaines CFB de la lettre de licenciement sous le timbre Cegelec Paris est bien le fait de Cegelec Paris en qualité d'employeur de Pierre-Yves Z.
Aucune irrégularité n'est encourue de ce chef, peu important que le salaire était versé par Cegelec La Réunion, en conformité avec la prohibition du prêt de main-d'oeuvre prévue par les articles L. 8241-1 du code du travail et du délit de marchandage prévu par l'article L. 8231-1 du code du travail et qu'aient été délivré localement le certificat de travail ' pour la période à la Réunion du 07/06/04 au 30/09/08 - et le solde de tout compte, alors aussi que les bulletins de paie établis par la filiale bénéficiaire du détachement mentionnent bien la notion de "'Personnel Détaché'".
Le cadre dont le détachement a pris fin le 30 septembre 2008 n'a pas rejoint le 1er octobre 2008 son poste de responsable administratif et financier en métropole, lieu de son affectation d'origine auprès de l'agence de la société Cegelec Paris située à Nanterre, tandis qu'il persistait, en dépit de nombreux courriers de l'employeur lui rappelant la fin du détachement et l'obligation de rallier le poste métropolitain le 1er octobre 2008, à vouloir assurer le même service dans les locaux de la société Cegelec La Réunion jusqu'à une ultime sommation du directeur de cette société locale en date du 10 octobre 2008 en vue de la restitution des clés.
La réintégration du cadre dans un emploi de responsable administratif et financier au sein de l'agence où il avait affecté dès le 10 mai 2004 ne procède pas de la mise en oeuvre à l'occasion d'une mutation d'une clause de mobilité géographique, mais résulte du terme du détachement auquel il a été mis fin à l'issue de son renouvellement convenu, ce qui ne constitue pas une modification du contrat travail nécessitant l'accord de ce cadre puisqu'il s'agit du lieu de travail prévu au contrat initial approuvé en connaissance de cause par le cadre.
Dans ce contexte, le refus délibéré d'intégrer à l'issue du contrat de détachement renouvelé une fois (2 x 2 ans) l'agence qui a été choisie d'accord parties lors de l'embauche comme lieu d'affectation de l'intéressé dès le 10 mai 2004 avant détachement vers Cegelec La Réunion constitue une faute d'une gravité telle qu'elle justifie qu'il soit mis fin au contrat de travail y compris au cours de la période de préavis, alors que l'employeur qui s'est conformé au contrat de détachement pour y mettre fin n'a entendu rappeler le cadre à son lieu d'affectation d'origine qu'après avoir permis à ce dernier d'exercer en détachement dans des conditions avantageuses ses fonctions à Cegelec la Réunion pendant plus de 4 ans (7 juin 2004 au 30 septembre 2008), soit au-delà du temps initialement prévu de deux ans renouvelable.
Le licenciement pour faute grave étant fondé, Pierre-Yves Z est débouté de ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents, puis d'une indemnité conventionnelle de licenciement.
L'entretien préalable ayant été organisé par l'employeur lui-même en la personne de la Cegelec Paris, aucune irrégularité n'est encourue de ce chef.
Le défaut délibéré de prise de fonction du cadre le mercredi 1er octobre 2008 au sein de l'agence métropolitaine conduit à écarter la demande de ce dernier visant au paiement d'un salaire et des congés payés afférents au titre de la période du mois d'octobre 2008 (01/10/08 au 25/10/08) au cours de laquelle il a refusé de fournir au sein de l'agence de Nanterre la prestation convenue à l'issue du détachement.
Le détachement étant terminé et le cadre étant attendu dans son affectation initiale le 1er octobre 2008, la mesure de mise à pied prononcée à titre conservatoire telle que revendiquée par le cadre à l'appui de sa demande de rappel de salaire n'avait pas lieu d'être à Cegelec Réunion avec qui il n'avait plus aucun lien juridique lié à l'accomplissement de sa mission de détaché.
L'employeur qu'est la société Cegelec Paris qui est affiliée à la caisse des congés payés du bâtiment, laquelle sert le montant des congés payés aux salariés concernés ne peut être tenue à servir cette indemnité pour laquelle elle a déjà cotisé par ailleurs.
Quant au droit individuel à la formation, le cadre sollicite la condamnation de l'employeur lui verser la somme de 1.942,86 euros en compensation de ses droits à ce titre.
Cependant, aux termes de l'article L. 6323-17 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date des faits, le droit à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf pour faute grave ou lourde, de sorte que le salarié licencié pour faute grave est privé de ses droits acquis au titre du droit individuel à la formation.
L'appelant est donc débouté de l'ensemble de ces chefs ;
L'appelant sollicite par ailleurs l'allocation d'une somme de 8.237,29 euros bruts majorés des congés payés à hauteur de 823,72 euros bruts, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2008 date à laquelle ces sommes auraient dû être acquittées, motif pris que suivant courrier de l'employeur, du 29 avril 2004, il était informé qu'il était éligible au bénéfice d'une rémunération variable liée à la performance, aux résultats, qui vient s'ajouter la partie fixe de la rémunération et pouvant représenter jusqu'à 8 % de la rémunération annuelle, ce montant variable étant calculé en fonction des critères de mesure et d'évaluation d'atteinte des objectifs annuels, ce qui implique selon le même courrier de l'employeur (cf pièce n°3) que le cadre doit obligatoirement avoir un entretien individuel avec son supérieur hiérarchique direct pour définir ses objectifs, définir les critères de mesure et d'évaluation et préciser les priorités et délais de réalisation, étant ajouté que le versement de la partie variable de la rémunération se fait dans les 3 mois après la clôture de l'exercice.
L'employeur fait valoir à cet égard que le comportement de son cadre en 2008 n'a pas permis de procéder la mise en oeuvre de cette procédure.
En revanche, le cadre fait valoir que l'employeur a toujours payé au cours des années précédentes le montant de ce bonus sans la tenue du moindre entretien individuel, ce qui certes n'est pas justifié auprès de la cour par la production des bulletins de paie afférents, mais n'est pas non plus discuté subsidiairement par Cegelec Paris.
Suivant courrier du 22 septembre 2008, soit à quelques jours de la fin du détachement, Cegelec Paris confirmait l'existence de ce bonus dont l'évaluation est faite sur la base de la réalisation des objectifs et au prorata Temporis en fonction du temps de présence en 2008 au sein de Cegelec La Réunion d'une part et de Cegelec Paris d'autre part, étant indiqué que "'la valeur de ce bonus ne saurait être fixée, contrairement à ce que voulait faire entendre'".
Dans ce contexte, il apparaît certain qu'au cours de la période du détachement du cadre à Cegelec La Réunion, son employeur Cegelec Paris s'est dispensé de recourir à la procédure requise sans pour autant priver le salarié détaché, dont la compétence et la qualité des tâches accomplies ne sont pas remises en cause, du bénéfice de ce bonus.
Ce qui est acquis au prorata temporis du fait de l'activité du cadre à la Réunion doit lui profiter dans les mêmes conditions que les années antérieures.
Le silence des parties sur la valeur du bonus tel qu'il a été estimé avant 2008 conduit la cour à retenir la valeur suivante 74.726,57 x 8% (taux non contesté à titre subsidiaire) soit au total 5.978,12 euros brut à majorer des congés payés afférents soit 597,81 euros, le tout assorti des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2009, date d'introduction de la demande.
Le cadre produit au débat le courrier daté du 15 septembre 2009 qu'il a adressé à Cegelec La Réunion rappelant que lors de son départ, la société n'avait pas souhaité le libérer des effets de la clause de non-concurrence, ce qui l'avait conduit à orienter avec succès ses recherches d'emploi aux Antilles.
Il sollicitait vainement à cette occasion auprès de Cegelec La Réunion l'octroi d'une indemnité de 44.196 euros soit 6 mois de salaire brut, selon les règles du groupe Cegelec, et ce au titre de l'indemnité compensatrice attachée au respect de cette clause.
Sous l'article 11 "'RUPTURE DE CONTRAT ' DEMISSION ' LICENCIEMENT'" au sein de l'acte daté du 3 mai 2004 intitulé "'CONTRAT DE DETACHEMENT' A CEGELEC LA RÉUNION' CONDITIONS GÉNÉRALES'", il est énoncé sous le § 11.4 ""En cas de rupture du contrat dans les conditions de l'article 12. 2, vous vous engagez à ne pas exercer d'activité professionnelle susceptible de concurrencer Cegelec la Réunion dans les limites du département indiqué dans les conditions particulières'" à savoir selon acte du même jour sur les clauses particulières "'Territoire de non-concurrence le Département de la Réunion'".
L'article mentionné (12.2) en cas de rupture étant manifestement erroné, l'évidence conduit à retenir plutôt la teneur de l'article 11.2 ("Lorsque la rupture du présent contrat, par démission au licenciement, entraînera la rupture du contrat de travail initial, les modalités de la rupture préavis et indemnités éventuelles vous assureront des garanties équivalentes à celles auxquelles vous auriez pu prétendre si vous étiez restés en France Métropolitaine ").'
Dans ce contexte, le cadre licencié se fonde sur un document interne du groupe Cegelec fixant la durée de l'interdiction à une année assortie d'une indemnité compensatrice de 6 mois de salaire dans le cas où le salarié ne serait pas libéré de son obligation.
Les sociétés intimées font valoir en revanche et à bon escient que le document "'Red Book Cegelec'" rédigé en langue anglaise invoqué par l'appelant, qui selon elles ne constitue qu'une préconisation proposée au groupe entre 2000 et 2003, à l'occasion de l'événement spécifique constitué par la scission entre Cegelec et Alstom, n'a aucune valeur contractuelle avérée.
Par ailleurs les sociétés intimées estiment que la clause de non-concurrence dont s'agit n'a pas trouvé application puisqu'elle a été insérée dans le contrat de détachement qui prenait fin le 30 septembre 2008 soit avant le licenciement du cadre.
Cependant cette analyse doit être écartée, alors que,
- l'employeur, à savoir Cegelec Paris, envisage l'application de la clause lorsque le contrat initial est lui-même rompu, ce qui est le cas en l'espèce puisque le contrat initial a été rompu quelques jours après la fin du détachement,
- l'achèvement du contrat de détachement suivi de la rupture du contrat initial libérait le cadre de tout lien de subordination vis à vis de son employeur marquant ainsi après le 22 octobre 2008 le début de la période au cours de laquelle le cadre devait respecter son engagement de ne pas exercer d'activité professionnelle susceptible de concurrencer Cegelec La Réunion dans les limites du département.
Étant non discuté que le cadre justifie avoir respecté la clause de non-concurrence, au demeurant illicite à plusieurs titres (absence de limites dans le temps et absence de contrepartie pécuniaire), en s'installant aux Antilles après avoir interrogé vainement la société concernée sur une mainlevée éventuelle de cette obligation, il est fondé à prétendre à des dommages-intérêts à titre de contrepartie financière de la clause litigieuse, le respect de cette obligation lui ayant causé nécessairement un préjudice que la cour réparera à hauteur de la somme de 40.000 euros.
L'appelant sollicite par ailleurs le paiement par l'employeur de la somme de 7.880,83 euros au titre de ses frais de voyage (01/11/08 et 02/11/08) entre l'île de la Réunion, la métropole et la Martinique de même que ses frais de déménagement vers la Martinique, après son licenciement.
La fin du détachement étant le fait de l'employeur, il est conforme aux stipulations du contrat de détachement formé à Paris (sous l'art. 11 Rupture de contrat ' Démission ' Licenciement § "'11.3 Votre voyage de retour s'effectuera dans les conditions prévues aux articles 6. 2 et 6. 3 ci-dessus, selon les cas "') que le salarié resté sur place, même licencié quelques jours après, soit dédommagé de ses frais de rapatriement jusqu'en métropole.
Si le ticket électronique versé aux débats relatifs à un vol Réunion/Orly le 1er novembre 2008 suivi d'un vol 2 Orly/BOD le 2 novembre suivant, fait preuve que ce voyage a bien été effectué et payé aux frais avancés du cadre, seul le rapatriement vers la métropole sera pris en charge.
En l'absence de ventilation des prix afférents à ce voyage de prés de 9.500 km, la cour fixe le montant dû par l'employeur, qui ne formule aucune estimation à titre subsidiaire, à la somme de 730 euros TTC.
S'agissant des frais de déménagement de la Réunion vers la Martinique, l'employeur ne proposant à titre subsidiaire aucun mode de calcul visant à rembourser les frais exposés uniquement pour rallier la métropole, la cour retient la totalité de la facture exposée à ce titre soit la somme de 6.607,28 euros dispensée de TVA.
L'employeur est donc tenu de payer à son ancien cadre la somme de 730 euros et celle de 6.607,28 euros soit au total la somme de 7.337,28 euros TTC.
- Sur la mise hors de cause de la société Cegelec France SAS
Aucune demande n'étant formalisée par l'appelant à l'encontre de la société Cegelec France, il convient de mettre cette société hors de cause, sans pour autant faire droit sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. - Sur les dépens et les frais irrépétibles
Chacune des parties succombant, les dépens de 1ère instance et d'appel seront supportés par les parties tenues chacune par moitié.
S'il convient de maintenir l'application qui a été faite par les premiers juges des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en revanche, il n'y a pas lieu d'en faire application entre les parties en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort
Met hors de cause la société CEGELEC FRANCE SAS ;
Infirme le jugement entrepris,
- en ce qu'il a rejeté la demande des chefs du bonus et des congés payés afférents, de la clause de non concurrence, et celles au titre des frais de transport et de déménagement,
- sur les dépens ; Statuant à nouveau,
Condamne la SA CEGELEC PARIS et CEGELEC LA RÉUNION, tenues in solidum, à payer à Monsieur Pierre-Yves Z les sommes suivantes
- 5.978,12 euros brut au titre du bonus de 8 % pour l'année 2008, avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2009,
- 597,81 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le bonus précité, avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2009,
- 40.000 euros à titre d'indemnité compensatrice au titre de la clause de non-concurrence instituée au profit de la SARL CEGELEC LA RÉUNION ;
- 7.337,28 euros TTC à titre d'indemnité de frais de transport et de déménagement ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;
Y ajoutant,
Constate que Monsieur Pierre-Yves Z a été embauché par la seule société CEGELEC PARIS SA ;
Dit que le contrat de détachement conclu entre la SA CEGELEC PARIS et Monsieur Pierre-Yves Z pour assurer ses fonctions au sein de la SARL CEGELEC LA REUNOIN est valide ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit que les dépens d'appel seront supportés par moitié entre la SA CEGELEC PARIS et Monsieur Pierre-Yves Z.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Hervé ..., Président de Chambre, et Madame Monique ..., Adjointe administrative faisant fonction de greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,