R.G 12/06014
Décision du
Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 25 juillet 2012
RG 2012R00542
ch n°
Société Anonyme LYON TERMINAL
C/
SAS RHODIA OPERATIONS
S.A.S. BM CHIMIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON 8ème chambre
ARRÊT DU 30 Juillet 2013
APPELANTE
Société Anonyme LYON TERMINAL
représentée par ses dirigeants légaux
LYON
représentée par la SCP BAUFUME SOURBE, avocats au barreau de LYON (toque 1547)
assistée de la SCP GAUTIER VROOM et Associés, avocats au barreau du HAVRE
INTIMÉES
SAS RHODIA OPERATIONS
représentée par ses dirigeants légaux
AUBERVILLIERS CEDEX
représentée par Me Martine SCHARYCKI, avocat au barreau de LYON
assistée de la SELARL FLEURY MARES DELVOLVE ROUCHE, avocats au barreau de PARIS
S.A.S. BM CHIMIE
représentée par ses dirigeants légaux
Savoie
MERY
représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocats au barreau de LYON (toque 475)
assistée de Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction 15 Avril 2013
Date des plaidoiries tenues en audience publique 14 Mai 2013
Date de mise à disposition 09 juillet 2013 prorogée au 30 Juillet 2013 (les avocats ayant été avisés)
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré
- Pascal VENCENT, président
- Dominique DEFRASNE, conseiller
- Françoise CLEMENT, conseiller
assistés pendant les débats de Aurore JACQUET, greffier
A l'audience, Dominique ... a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Pascal VENCENT, président, et par Aurore JACQUET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS RHODIA OPÉRATIONS qui commercialise de l'héxaméthylène diamine (HMD) a recours aux services de la SAS GEODIS BM CHIMIE pour l'acheminement de ce produit à destination de son client chinois dans des containers loués à la société EUROTAINER.
La société BM CHIMIE qui n'assure pas elle-même le transport fluvio-maritime a recours à la société LOGIRHONE qui met à disposition ses barges à quai au port Édouard ... de LYON et sous-traite les opérations de manutention à la société LYON TERMINAL qui dispose du matériel nécessaire.
Le 24 juillet 2009, la société BM CHIMIE a pris en charge un container de 20 tonnes de HMD et l'a transporté au port Édouard ... sur le site de LYON TERMINAL.
Après que les salariés eurent quitté le site, il a été constaté une fuite sur ce container ce qui a nécessité l'intervention du service départemental d'incendie et de secours.
Les experts d'assurance n'ayant pu se mettre d'accord sur l'origine du sinistre, la société RHODIA OPERATIONS par requête du 3 août 2009 a saisi le président du tribunal de commerce de LYON d'une demande de désignation d'un expert sur le fondement de l'article L133-4 du code de commerce.
Par ordonnance du même jour, le président du tribunal de commerce a désigné monsieur ... avec mission
- de se rendre d'urgence sur le site RHODIA à SAINT FONS en présence des représentants de RHODIA, GEODIS, EUROTAINER et LYON TERMINAL,
- de se faire remettre tous documents utiles notamment les documents contractuels et dossiers de fabrication,
- de se faire décrire les conditions de manutention et de manipulation du container lors des différents transports et les opérations de stockage,
- d'établir l'origine et les causes de la fuite survenue sur le container,
- de chiffrer le préjudice de la société RHODIA.
Par ordonnance du 7 septembre 2009, les opérations d'expertise ont été déclarées opposables à la société LOGIRHONE et la mission étendue au chiffrage du préjudice de la société BM CHIMIE puis par ordonnance du 9 février 2010, au chiffrage du préjudice de la société EUROTAINER.
L'expert a déposé son rapport le 15 novembre 2010.
Par assignation du 9 février 2011, la société RHODIA a saisi au fond le tribunal de commerce de LYON pour obtenir réparation de son préjudice.
Par assignation du 25 juillet 2011, la société BM CHIMIE a saisi le même tribunal pour obtenir réparation de son préjudice matériel et remboursement des frais d'expertise avancés.
Entre temps, le 17 mai 2012 la société LYON TERMINAL a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de LYON pour voir rétracter l'ordonnance sur requête du 3 août 2009 ayant ordonné l'expertise.
La société RHODIA s'est opposée à cette demande et la société BM CHIMIE est intervenue volontairement dans la procédure aux même fins.
Par ordonnance de référé du 25 juillet 2012, le président du tribunal de commerce a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 3 août 2009 et condamné la société LYON TERMINAL à payer à la société RHODIA ainsi qu'à la société BM CHIMIE, chacune, la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 6 août 2012, la société LYON TERMINAL a interjeté appel de cette décision.
L'appelante demande à la cour
- d'annuler l'ordonnance querellée du 25 juillet 2012,
- de rétracter l'ordonnance sur requête du 3 août 2009,
- de condamner la société RHODIA et la société BM CHIMIE, chacune, à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle fait d'abord valoir que l'ordonnance de référé a fait une interprétation contra legem de l'article L133-4 du code de commerce en étendant, sous couvert des us et coutumes, la mission de l'expert à la recherche de la cause des dommages et à l'évaluation des préjudices, alors que ce texte ne permet que le constat et la vérification de l'état des objets transportés et, en tant que de besoin, la vérification des caractéristiques des marchandises.
Elle ajoute que le recours sur requête à l'article L133-4 du code de commerce ne permettant que le constat de l'état et des caractéristiques des marchandises, la société RHODIA dont la demande excédait les limites de cet objet ne pouvait déroger au principe de la contradiction.
Elle fait valoir en second lieu que l'argument du premier juge selon lequel elle n'a pas dénoncé suffisamment tôt les conditions illégales de la nomination de l'expert est totalement inopérant.
La société BM CHIMIE demande, de son côté, à la cour
- de confirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions et de débouter la société LYON TERMINAL de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 3 août 2009,
- de condamner la société LYON TERMINAL aux dépens ainsi qu'au paiement de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que les dispositions de l'article L133-4 du code de commerce permettent d'avoir recours à l'expertise judiciaire sans que la mission de l'expert ne soit limitée au seul constat de l'état des marchandises et ne fait donc pas d'obstacle à la recherche sur requête de la cause et de l'étendue des dommages.
Elle ajoute que la société LYON TERMINAL était présente et associée aux opérations d'expertise de sorte que qu'elle a pu débattre contradictoirement sur les pré-conclusions de l'expert.
Elle indique aussi que la société LYON TERMINAL n'a formulé aucune objection pendant le cours de l'expertise qui a duré près de quinze mois.
La société RHODIA OPERATIONS demande également à la cour de confirmer l'ordonnance de référé du 25 juillet 2012 et par voie de conséquence l'ordonnance sur requête du 3 août 2009.
Elle demande que la société LYON TERMINAL soit condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement à son profit de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Elle soutient, à l'instar de la société BM CHIMIE, que l'expert désigné dans les conditions de l'article
L133-4 du code de commerce à non seulement qualité pour déterminer l'état de la marchandise, son conditionnement, son poids, son emballage mais également pour établir les causes de l'avarie ou de la perte partielle et pour évaluer le cas échéant l'importance du préjudice subi, conformément à la position de la doctrine et de la jurisprudence.
Elle indique aussi que l'article L133-4 du code de commerce prévoit la possibilité d'une expertise judiciaire, laquelle a l'avantage de respecter le principe du contradictoire posé par l'article 16 du code de procédure civile et qu'en outre la société LYON TERMINAL a pleinement participé aux opérations d'expertise sans jamais remettre en question leur principe ou leur légitimité.
Elle indique enfin que sa requête aux fins d'expertise était imposée par l'urgence et que la rétractation de l'ordonnance sur requête n'est qu'un contre feu allumé par la société LYON TERMINAL qui se trouve en difficulté dans le cadre de la procédure au fond devant le tribunal de commerce.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'aux termes de l'article L133-4 1er alinéa du code de commerce, en cas de refus des objets transportés ou présentés pour être transportés, ou de contestation de telle nature qu'elle soit sur la formation ou l'exécution du contrat de transport, ou à raison d'un incident survenu au cours même ou à l'occasion du transport, l'état des objets transportés ou présentés pour être transportés et, en tant que de besoin, leur conditionnement, leur poids, leur nature, ... sont vérifiés et constatés par un ou plusieurs experts nommés par le président du tribunal de commerce ou, à défaut, par le président du tribunal d'instance et par ordonnance rendue sur requête ;
Attendu que l'expertise prévue par ce texte est un moyen parmi d'autres d'établir l'existence et la cause des dommages subis par les objets transportés et n'interdit pas qu'il soit demandé à l'expert, en sus de l'analyse de l'état des marchandises, de déterminer les causes de ces dommages et d'évaluer les préjudices en résultant ;
Qu'en l'espèce le moyen tiré de l'irrégularité de la mission confiée à l'expert ... avec corrélativement la violation du principe du contradictoire au stade de la requête ne peut être retenue ;
Qu'il sera rappelé au demeurant que l'expertise de l'article L133-4 du code de commerce est une expertise judiciaire qui respecte le principe du contradictoire et qui permet à toutes les parties en cause de faire valoir leurs observations ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu, comme le juge des référés, de rejeter la demande de la société LYON TERMINAL tendant à voir rétracter l'ordonnance sur requête du 3 août 2009 et de confirmer ladite ordonnance ;
Attendu que la société LYON TERMINAL supportera les entiers dépens ; qu'il convient également de condamner la société LYON TERMINAL à payer à la société RHODIA OPERATIONS et à la société BM CHIMIE, chacune, la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des indemnités déjà allouées sur ce fondement par le premier juge ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable.
Confirme l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la SA LYON TERMINAL à payer à la SAS RHODIA OPERATIONS et à la SAS BM
CHIMIE, chacune, la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société LYON TERMINAL aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,