Jurisprudence : CE Contentieux, 15-04-1996, n° 145489, - M. et Mme MAURICE - M. MAURICE

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 145489

- M. et Mme MAURICE - M. MAURICE

Lecture du 15 Avril 1996

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 7ème et 10ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 7ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu 1°), sous le n° 145 489, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, ladite requête et ledit mémoire présentés pour M. et Mme Hervé MAURICE, demeurant Immeuble "Le Torrent", 3 avenue du Père Codrin à Mende (48000) ; M. et Mme MAURICE demandent au Conseil d'Etat : - d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 décembre 1992, qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 25 janvier 1991 par lequel le préfet de la Lozère a déclaré d'utilité publique la création d'une voie de circulation au lieu dit "Chaldecoste" sur le territoire de la ville de Mende ; - de condamner la ville de Mende à leur verser la somme de 10 000 F, en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu 2°), sous le n° 146 665, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés la première à la cour administrative d'appel de Bordeaux le 17 mars 1993 et transmise par cette cour au Conseil d'Etat le 30 mars 1993, le second enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 19 juillet 1993, présenté pour M. Hervé MAURICE ; M. MAURICE demande au Conseil d'Etat : - d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 23 décembre 1992 rejetant sa demande tendant à l'annulation partielle du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 18 novembre 1991 ainsi que de la délibération du 19 avril 1990 par laquelle le conseil municipal de la ville de Mende a décidé l'adoption d'un plan d'aménagement d'ensemble incluant la parcelle dont il est propriétaire ; - de condamner la ville de Mende à lui verser la somme de 10 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. de Lesquen, Auditeur, - les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de M. et Mme Hervé MAURICE et de Me Foussard, avocat de la ville de Mende, - les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de M. Hervé MAURICE et celle de M. et Mme Hervé MAURICE présentent à juger des questions liées ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 145 489 :
Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 1991 par lequel le préfet de la Lozère a déclaré d'utilité publique la création d'une voie publique dans le secteur dit de "Chaldecoste" à Mende, M. et Mme MAURICE soutiennent que le préfet n'était pas compétent pour déclarer l'utilité publique de ce projet dès lors que le rapport du commissaire-enquêteur énonçait deux conditions qui n'ont pas été remplies ; Considérant, qu'il résulte des dispositions des articles L. 11-2 et R. 11-1-3° du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique que le préfet n'est compétent pour déclarer un projet d'utilité publique que si l'avis du commissaire-enquêteur est favorable ; qu'en l'espèce le commissaire-enquêteur avait assorti son avis favorable de deux conditions expresses concernant les modalités de financement du projet, et une modification des documents d'urbanisme ; que, contrairement à ce que soutient la ville de Mende, ces énonciations ne constituaient pas de simples voeux mais de véritables conditions à la réalisation desquelles l'avis favorable du commissaire-enquêteur était subordonné ; que, par suite, faute que ces conditions aient été remplies à la date à laquelle la déclaration d'utilité publique a été prononcée, le préfetétait incompétent pour y procéder ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme MAURICE sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 8 décembre 1992, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 1991 par lequel le préfet de la Lozère a déclaré d'utilité publique la création d'une voie entre le lotissement "Paradis d'Arcobat" et le "chemin des mulets", sur le territoire de la commune de Mende ;
Sur la requête n° 146 665 : En ce qui concerne la délibération du conseil municipal de Mende en date du 19 avril 1990 :
Considérant que la circonstance que la loi a, en vertu des dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, prévu l'affichage en mairie de la délibération d'un conseil municipal approuvant un plan d'aménagement d'ensemble n'interdisait pas au pouvoir réglementaire de fixer les conditions de publication de cet acte administratif ; qu'ainsi le gouvernement a pu légalement, par les dispositions de l'article R. 332-25 du code de l'urbanisme, décider qu'outre son affichage en mairie, la délibération en cause doit être mentionnée dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département ; que, si la délibération attaquée a été affichée en mairie le 3 mai 1990, il n'est pas contesté qu'aucune mention n'en a été insérée dans la presse locale ou régionale ; qu'ainsi le délai de recours contentieux n'avait pas commencé à courir contre cette délibération lorsque M. MAURICE en a demandé l'annulation le 5 décembre 1991 au tribunal administratif de Montpellier ; que le requérant est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que ce tribunal a jugé sa demande irrecevable en raison de sa tardiveté, et à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué du 23 décembre 1992, en tant que celui-ci rejette les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 19 avril 1990 du conseil municipal de Mende ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de M. MAURICE ;
Considérant qu'aux termes des prescriptions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme : "Dans les secteurs du territoire de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, celui-ci peut mettre à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire tout ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics correspondant aux besoins des habitants actuels ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la mise en oeuvre du programme d'aménagement... - le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions" ; qu'il résulte de ces dispositions que la mise à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire de tout ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics nécessaires aux habitants actuels ou futurs d'un secteur déterminé du territoire communal est subordonnée à l'approbation par le conseil municipal d'un programme d'aménagement d'ensemble de ce secteur ; qu'il ressort de la délibération attaquée que celle-ci, qui se borne à décider la création d'une voie publique destinée à relier deux quartiers de la ville de Mende et l'établissement de réseaux divers le long de cette voie, ne comporte aucun plan d'aménagement d'ensemble du secteur du territoire communal qu'elle concerne ; que, dès lors, le conseil municipal de Mende ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, mettre à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire dans ce secteur du territoire de la commune lesdépenses de réalisation de la voie publique et des réseaux divers en cause ; que M. MAURICE est, par suite, fondé à demander l'annulation de la délibération du 19 avril 1990 du conseil municipal de Mende ; En ce qui concerne le certificat d'urbanisme délivré à M. MAURICE le 18 novembre 1991 :
Considérant que M. MAURICE demande l'annulation du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 18 novembre 1991, en tant que ce certificat concerne la participation financière exigée du bénéficiaire d'une autorisation de construire ; que cette participation financière n'étant pas exigée dès la délivrance du certificat d'urbanisme, mais seulement au moment où une construction est entreprise, la disposition en cause ne fait pas grief et n'est pas susceptible d'être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, M. MAURICE n'est pas fondé à se plaindre du rejet, par les premiers juges, de sa demande dirigée contre le certificat d'urbanisme en cause ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. et Mme MAURICE, d'une part, M. MAURICE, d'autre part, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, soient condamnés à verser à la ville de Mende la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner la ville de Mende à verser la somme de 10 000 F à M. et Mme MAURICE, d'une part, à M. MAURICE, d'autre part, au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 décembre 1992 et l'arrêté du préfet de la Lozère en date du 25 janvier 1991 sont annulés.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de la ville de Mende en date du 19 avril 1990 est annulée. Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 23 décembre 1992 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. MAURICE tendant à l'annulation de cette délibération.
Article 3 : La ville de Mende est condamnée à verser la somme de 10 000 F à M. et Mme MAURICE et la somme de 10 000 F à M. MAURICE, au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 146 665 de M. MAURICE est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la ville de Mende tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Hervé MAURICE, à la ville de Mende, au préfet de la Lozère, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

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